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25/05/2023 | FRANCE | N°23/00027

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Référés premier président, 25 mai 2023, 23/00027


Ordonnance n 30

















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25 Mai 2023

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N° RG 23/00027 -

N° Portalis DBV5-V-B7H-GZGP

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S.A.R.L. INFORMATIQUE & PREVENTION

C/

[T] [B]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉS

IDENTE



RÉFÉRÉ









Rendue publiquement le vingt cinq mai deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poi...

Ordonnance n 30

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25 Mai 2023

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N° RG 23/00027 -

N° Portalis DBV5-V-B7H-GZGP

---------------------------

S.A.R.L. INFORMATIQUE & PREVENTION

C/

[T] [B]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le vingt cinq mai deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le quatre mai deux mille vingt trois, mise en délibéré au vingt cinq mai deux mille vingt trois.

ENTRE :

S.A.R.L. INFORMATIQUE & PREVENTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marjorie SCHNELL de la SELARL MARJORIE SCHNELL AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

DEMANDEUR en référé ,

D'UNE PART,

ET :

Monsieur [T] [B]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Alioune THIAM, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

DEFENDEUR en référé ,

D'AUTRE PART,

Faits et procédure :

Monsieur [T] [B] a été embauché par la SARL INFORMATIQUE ET PREVENTION en qualité de technicien SAV ' Employé ' Niveau IV ' Coefficient 200, selon contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet en date du 3 janvier 2011.

A la suite de deux visites médicales, le 24 et le 30 novembre 2020, le médecin du travail a déclaré Monsieur [T] [B] «inapte définitif à son poste de travail lors de la 2ème visite médicale. Pas de solution de reclassement professionnelle à rechercher.»

La SARL INFORMATIQUE ET PREVENTION exerçant sous l'enseigne IP STORE a notifié à Monsieur [T] [B] son impossibilité de reclassement le 15 décembre 2020 et son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement le 31 décembre 2020.

Par exploit en date du 11 février 2022, Monsieur [T] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle pour des faits de harcèlement moral dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement en date du 20 février 2023, le conseil de prud'hommes de La Rochelle a :

jugé que Monsieur [T] [B] était prescrit en sa demande de rappel de salaires jusqu'au 31 décembre 2017,

jugé et dit que le licenciement pour inaptitude de Monsieur [T] [B] est fondé sur une origine professionnelle ;

dit que Monsieur [T] [B] a été victime d'un harcèlement moral ;

jugé que le licenciement de Monsieur [T] [B] est entaché de nullité ;

requalifié le licenciement pour inaptitude en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

condamné la société IP STORE à payer à Monsieur [T] [B] les sommes suivantes :

à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral : 30 000 euros nets,

à titre de l'indemnité de licenciement de L.1235-1 du code de travail : 16 081,29 euros ;

à titre de l'indemnité compensatrice de préavis : 7 147,24 euros ;

à titre de congés payés afférents : 714,72 euros ;

à titre de perte de chance professionnelle : 5 000 euros.

assorti les sommes susvisées des intérêts moratoires à compter de la date de saisine en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;

ordonné à la société IP STORE de remettre les documents de fin de contrat à jour (bulletin de salaire récapitulatif des sommes susvisées, certificat de travail et attestation Pôle Emploi rectifiés), à Monsieur [T] [B], conformément à la décision prononcée ce jour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à partir du 15ème jour du prononcé de la décision à intervenir, le conseil se réservant compétence pour liquider cette astreinte ;

ordonné en application de l'article L.1235-4 du code du travail le remboursement par la partie défenderesse aux organismes concernées de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ;

dit y avoir lieu à exécution provisoire de droit de la décision à intervenir conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1 786,81 euros bruts pour l'application des dispositions de l'article R.1454-28 du code de travail ;

condamné la société IP STORE à payer à Monsieur [T] [B] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties de ses demandes plus amples ;

condamné la société IP STORE aux entiers dépens de la présente instance y compris les frais d'exécution dont les sommes dues au titre de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001.

La société INFORMATIQUE ET PREVENTION a interjeté appel dudit jugement selon déclaration enregistrée le 20 mars 2023

Par exploit en date du 28 mars 2023, la société INFORMATIQUE ET PREVENTION a fait assigner Monsieur [T] [B] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles 514-3 et 517-1 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle le 20 février 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 4 mai 2023.

Au titre des moyens sérieux de réformation, la société INFORMATIQUE ET PREVENTION fait valoir qu'une partie des contestations de Monsieur [T] [B] relèveraient de la rupture du contrat de travail, de sorte que son action serait soumise à une prescription de douze mois à compter de la notification de la rupture.

Elle soutient ainsi que les demandes de Monsieur [T] [B], tenant à l'indemnité de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents et à la réparation de son préjudice pour perte de chance professionnelle du fait de son licenciement relèveraient de la rupture du contrat de travail et seraient donc soumises à une prescription de douze mois à compter de la notification de la rupture.

La société INFORMATIQUE ET PREVENTION fait en outre valoir que l'exécution provisoire de la décision litigieuse aurait pour elle des conséquences manifestement excessives eu égard à la situation financière précaire de Monsieur [T] [B], laquelle ne lui permettrait pas de restituer les sommes perçues en cas de réformation de la décision entreprise.

Elle indique par ailleurs que Monsieur [T] [B] aurait quitté la France depuis plusieurs mois et qu'il serait depuis lors introuvable.

La société INFORMATIQUE ET PREVENTION sollicite, à titre subsidiaire, sur le fondement des article 517 et 520 du code de procédure civile, la constitution par Monsieur [T] [B] d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations, ou, sur le fondement de l'article 521 du code de procédure civile, l'autorisation de consigner les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant des condamnations résultant du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle.

Monsieur [T] [B] s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Il fait valoir que la société INFORMATIQUE ET PREVENTION ne justifierait d'aucun moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision litigieuse.

Il soutient ainsi que s'agissant de faits de harcèlement, ils seraient soumis à une prescription de cinq ans, de sorte que son action ne serait pas prescrite.

Monsieur [T] [B] fait valoir que la présente procédure serait une procédure dilatoire et vouée à l'échec. A titre reconventionnel et provisionnel, il sollicite la condamnation de la société INFORMATIQUE ET PREVENTION à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire en réparation de son préjudice moral.

Il sollicite en outre la condamnation de la société INFORMATIQUE ET PREVENTION à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.

Motifs :

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes: la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

L'article 517-1 du code de procédure civile dispose que lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.

Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Sur le moyen sérieux de réformation invoqués :

La SARL INFORMATIQUE & PREVENTION fait valoir qu'une partie des contestations de Monsieur [T] [B] tenant à l'indemnité de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents et à la réparation de son préjudice pour perte de chance professionnelle du fait de son licenciement relèveraient de la rupture du contrat de travail, de sorte que son action serait soumise à une prescription de douze mois à compter de la notification de la rupture.

Le tribunal de commerce n'a pas donné de réponse à ce moyen soulevé, en première instance par la SARL INFORMATIQUE & PREVENTION en réponse à une demande subsidiaire de Monsieur [T] [B].

Ainsi, sans préjuger de la décision au fond, le moyen soulevé par la SARL INFORMATIQUE & PREVENTION doit être considéré comme sérieux.

Sur les conséquences manifestement excessives :

La SARL INFORMATIQUE & PREVENTION fait valoir que Monsieur [T] [B] ne serait pas en capacité de restituer les sommes perçues en cas d'infirmation du jugement entrepris.

Elle indique que Monsieur [T] [B] aurait lui-même reconnu dans ses écritures de première instance se trouver dans une situation financière précaire.

Elle fait en outre valoir qu'il aurait quitté la France depuis plusieurs mois et qu'il serait depuis lors introuvable.

Il ressort des éléments versés aux débats et notamment des relevés de situation pôle emploi que Monsieur [T] [B] bénéficiait d'une allocation de retour à l'emploi d'un montant de 1 117 euros et qu'il est en fin de droits depuis mars 2023.

Monsieur [T] [B] a souscrit avec sa compagne trois prêts immobiliers et a deux filles à charge.

Il apparaît en outre que Monsieur [T] [B], qui a élu domicile au cabinet de son avocat, Maître Alioune THIAM, ne justifie pas de sa résidence en France.

A l'audience, le conseil de Monsieur [T] [B] n'a pas contesté les moyens soulevés par la requérante au titre des conséquences manifestement excessives.

En l'état de ces éléments, il y a lieu de constater que les facultés de remboursement du créancier sont mises en doute et que le risque de non-restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire est établi, ce qui constitue des conséquences manifestement excessives.

Dans ces conditions, il convient d'arrêter l'exécution provisoire du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de La Rochelle le 20 février 2023.

Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [T] [B] en dommages et intérêts pour procédure abusive :

Monsieur [T] [B] sollicite la condamnation de la société INFORMATIQUE & PREVENTION à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts, à titre reconventionnel pour procédure abusive et dilatoire.

L'article 1240 du code civil, applicable en l'espèce, dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Au regard de la solution donnée au litige, aucun abus de droit ne saurait être reproché à la SARL INFORMATIQUE & PREVENTION.

Monsieur [T] [B] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Monsieur [T] [B] sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant à la présente instance, Monsieur [T] [B] sera condamné aux dépens et à payer une somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Poitiers le 20 février 2023,

Déboutons Monsieur [T] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déboutons au surplus ;

Condamnons Monsieur [T] [B] aux dépens.

Condamnons Monsieur [T] [B] à payer à la SARL INFORMATIQUE ET PREVENTION la somme de mille euros (1000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, La conseillère,

Inès BELLIN Estelle LAFOND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Référés premier président
Numéro d'arrêt : 23/00027
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;23.00027 ?
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