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25/05/2023 | FRANCE | N°23/00014

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Référés premier président, 25 mai 2023, 23/00014


Ordonnance n 24

















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25 Mai 2023

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N° RG 23/00014 -

N° Portalis DBV5-V-B7H-GYGH

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[E] [S], [M] [S]

C/

[V] [P]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE



RÉFÉRÉ









Rendue publiquement le vingt cinq mai deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de...

Ordonnance n 24

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25 Mai 2023

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N° RG 23/00014 -

N° Portalis DBV5-V-B7H-GYGH

---------------------------

[E] [S], [M] [S]

C/

[V] [P]

---------------------------

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le vingt cinq mai deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Monsieur Damien LEYMONIS, greffier, lors des débats, et de Madame Inès BELLIN, greffière, lors de la mise à disposition de la décision,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt sept avril deux mille vingt trois, mise en délibéré au vingt cinq mai deux mille vingt trois.

ENTRE :

Monsieur [E] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Alexis BAUDOUIN de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS, substitué par Me Baptiste GUILLON, avocat au barreau de POITIERS

Madame [M] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexis BAUDOUIN de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS, subsititué par Me Baptiste GUILLON, avocat au barreau de POITIERS

DEMANDEUR en référé ,

D'UNE PART,

ET :

Monsieur [V] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe BROTTIER de la SCP PHILIPPE BROTTIER - THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEUR en référé ,

D'AUTRE PART,

Faits et procédure :

La SARL BFH CONCESSIONS a été constituée en juin 2010 avec pour objet social l'achat et la revente de cartouches d'imprimantes et autre matériel informatique, ainsi que toutes activités de papeterie, vente de petites fournitures, supports publicitaires et articles divers.

Le capital était détenu à 99,5% par Monsieur [E] [S] et à 0,5% par sa fille, alors mineure, Madame [M] [S].

Un protocole de cession de parts sociales a été signé le 7 février 2020 entre Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] d'une part, et Monsieur [V] [P] d'autre part, suivi d'un acte réitératif le 19 mars 2020.

La société BFH CONCESSIONS a été mise en liquidation judiciaire le 12 janvier 2021.

Soutenant que Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] auraient tenté de dissimuler la mauvaise santé de la société, Monsieur [V] [P] les a fait assigner devant le tribunal de commerce de Poitiers aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Selon jugement en date du 7 novembre 2022, le tribunal de commerce de Poitiers a :

dit que le comportement de Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S], représentants et propriétaires, est une man'uvre dolosive pour parvenir à la vente de la SARL BFH CONCESSIONS à Monsieur [V] [P],

dit que Monsieur [V] [P] a subi un préjudice estimé à la somme de 77 254 euros (30 000 euros de crédit, 39 796 euros de perte de revenu et 7 458 euros d'apport et frais divers) ;

condamné in solidum Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] à payer à Monsieur [V] [P] la somme de 77 254 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

débouté Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions contraires ;

condamné in solidum Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] à la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile ;

condamné in solidum Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] aux dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 89,65 euros TTC.

Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] ont interjeté appel dudit jugement selon déclaration d'appel enregistrée le 7 novembre 2022.

Par exploit en date du 2 mars 2023, Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] ont fait assigner Monsieur [V] [P] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers aux fins d'obtenir, à titre principal, par application des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Poitiers et à titre subsidiaire, par application des dispositions des articles 514-5 et 519 alinéa 1 du code de procédure civile, l'autorisation de consigner le montant des condamnations prononcées à son encontre.

L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 23 mars 2023 a été renvoyée à l'audience du 27 avril 2023.

Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] soutiennent que l'exécution provisoire aurait pour eux des conséquences manifestement excessives compte-tenu des facultés de remboursements de Monsieur [V] [P].

Ils font ainsi valoir que ce dernier ne percevrait aucun revenu, de sorte qu'il ne serait pas en mesure de restituer les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire en cas d'infirmation du jugement, créant ainsi une situation irréversible.

S'agissant des moyens sérieux d'annulation et de réformation, Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] font valoir que le jugement du tribunal de commerce ne comporterait aucune analyse des pièces sur lesquelles le juge fonde sa décision, de sorte que le jugement ne satisferait pas aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile et qu'il encourrait la nullité.

Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] soutiennent en outre que la man'uvre dolosive retenue par le tribunal de commerce de Poitiers ne serait pas démontrée.

Ils font ainsi valoir qu'aucun des éléments versés au débats ne permettraient de démontrer que Monsieur [E] [S] aurait été informé de la démission de Monsieur [G], employé de la société, avant la réalisation de la vente, d'autant que ce dernier atteste avoir remis sa démission le 21 février 2020, soit après la signature du compromis de vente.

Ils soutiennent par ailleurs qu'il n'est pas démontré que la présence de Monsieur [G] au sein de la société BFH CONCESSIONS aurait été une condition déterminante du consentement de Monsieur [V] [P], de sorte que si la man'uvre était démontrée, elle ne pourrait être constitutive d'un dol.

Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] font valoir que la surévaluation des actifs de la société BFH CONCESSIONS retenue par le tribunal de commerce ne serait attestée par aucun élément de preuve et que les seuls actifs dont l'absence serait avérée, seraient deux ordinateurs d'une valeur de 844,24 euros et 109,63 euros, lesquels n'auraient pas été déterminants du consentement de Monsieur [V] [P].

Ils indiquent que Madame [M] [S], âgée de 23 ans au moment de la vente et ne possédant que 0,5 % du capital, ne saurait voir sa responsabilité engagée. Ils soutiennent ainsi qu'elle n'aurait été ni impliquée dans la gestion de la société, ni dans la vente de celle-ci et qu'aucune faute ne pourrait lui être reprochée.

Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] font enfin valoir que le préjudice invoqué par Monsieur [V] [P] ne serait pas établi dans son montant et que le lien de causalité entre ce préjudice et le dol retenu par le tribunal ne serait pas démontré.

Ils indiquent ainsi que le préjudice résultant d'un dol doit s'analyser comme la perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, de sorte que Monsieur [V] [P] ne saurait être indemnisé à hauteur du montant retenu par le tribunal.

Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] sollicitent, à titre subsidiaire, l'autorisation de consigner la somme de 79 343,65 euros, correspondant au montant des condamnations prononcées à leur encontre, indiquant que la possibilité d'aménagement de l'exécution provisoire prévue par le code de procédure civile n'est pas subordonnée aux conditions énoncées à l'article 514-3 dudit code relatives aux conséquences manifestement excessives que l'exécution provisoire risque d'entraîner et à l'existence d'un moyen sérieux de réformation.

Monsieur [V] [P] s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Il fait valoir que la demande de Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] serait irrecevable à défaut de démontrer que l'exécution provisoire de la décision litigieuse risque d'entrainer pour eux des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance et de justifier d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation.

Il soutient ainsi que le risque de non restitution serait hypothétique et que s'il était démontré, il existait lors de la décision de première instance.

Il fait en outre valoir que l'absence de motivation ne saurait constituer un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision dont appel, le premier président n'ayant pas à se prononcer sur la motivation et la critique du premier jugement.

Monsieur [V] [P] s'oppose également à la demande de consignation.

Il soutient que cette demande aurait dû être faite dans le cadre des conclusions de première instance et qu'elle est soumises aux mêmes conditions que celles énoncées à l'article 514-3 du code de procédure civile, s'agissant d'un mode d'aménagement de l'exécution provisoire.

Il soutient que cette demande d'aménagement de l'exécution provisoire n'a pas plus de légitimité à être sollicitée que la suspension de l'exécution provisoire, sauf à porter atteinte au principe de l'exécution provisoire.

Il fait valoir que la situation financière dont il justifie serait plus que correcte.

Monsieur [V] [P] sollicite la condamnation de Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] à lui payer la somme de 2 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.

Motifs :

Sur la demande principale d'arrêt de l'exécution provisoire :

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes: la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Concernant la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire, le deuxième alinéa de l'article 514-3 précité prévoit, plus strictement, qu'elle ne sera recevable à demander l'arrêt de l'exécution provisoire qu'à la condition d'établir, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] n'ont pas présenté d'observation sur l'exécution provisoire en première instance.

Ces derniers invoquent un risque de non-restitution des sommes en cas d'infirmation du jugement litigieux. Ce risque découlerait selon eux des propos tenus par Monsieur [V] [P] dans ses conclusions de première instance aux termes desquelles il déclarait ne disposer d'aucun revenu.

Les difficultés financières de Monsieur [V] [P], si tant est qu'elles soient établies, étaient donc connues de Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] dès la première instance.

Ainsi, Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] ne rapportent pas la preuve de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance que risquerait d'entraîner l'exécution du jugement rendu par le tribunal de commerce de Poitiers le 7 novembre 2022 ; dès lors, l'une des deux conditions cumulatives de l'arrêt de l'exécution provisoire n'étant pas satisfaite, il n'y pas lieu de rechercher si l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de cette décision est démontrée.

Par conséquent, il convient de déclarer irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S].

Sur la demande subsidiaire d'aménagement de l'exécution provisoire :

L'article 514-5 du code de procédure civile dispose que le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.

L'article 519 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que lorsque la garantie consiste en une somme d'argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l'être, à la demande de l'une des parties, entre les mains d'un tiers commis à cet effet.

Le premier président ou son délégataire bénéficie d'un pouvoir discrétionnaire dans l'exercice de ces attributions.

En l'espèce, Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] sollicitent, sur le fondement de ces textes, que soit ordonné la consignation de la somme de 79 343,65 euros correspondant au montant des condamnations prononcées à leur encontre.

La mesure d'aménagement prévue par l'article 514-5 du code de procédure civile n'est pas subordonnée aux conditions d'application de l'article 514-3 du code de procédure civile. Il en résulte que Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] n'ont pas à justifier de moyens sérieux de réformation, ni de conséquences manifestement excessives qu'auraient pour eux l'exécution provisoire de la décision déférée.

Au regard des éléments versés aux débats, il convient de constater l'intérêt que représente la mesure de consignation sollicitée par Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S], laquelle garantit, pour chacune des parties, que le montant des condamnations sera versé à qui de droit en cas de confirmation ou de réformation du jugement.

Il convient donc de faire droit à la demande de consignation, dans les termes fixés au dispositif de la présente décision, laquelle consignation assure la préservation des droits respectifs des parties.

La consignation étant ordonnée dans l'intérêt commun des parties, celles-ci conserveront à leurs charges les frais irrépétibles exposés par elles ainsi que les dépens.

La demande de Monsieur [V] [P] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Déclarons irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Poitiers le 7 novembre 2022,

Ordonnons la consignation par Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S], entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers désigné en qualité de séquestre, de la somme de 79 343,65 euros ;

Disons que Monsieur [E] [S] et Madame [M] [S] devront justifier auprès du conseil de Monsieur [V] [P] de la consignation de ladite somme dans le délai d'un mois suivant cette ordonnance, à défaut de quoi l'exécution provisoire reprendra ses pleins et entiers effets ;

Déboutons Monsieur [V] [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons au surplus ;

Disons que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, La conseillère,

Inès BELLIN Estelle LAFOND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Référés premier président
Numéro d'arrêt : 23/00014
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;23.00014 ?
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