ARRET N°210
CL/KP
N° RG 21/03096 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GMSR
[B]
[Z]
C/
Ste Coopérative banque Pop. LA [Adresse 10]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 16 MAI 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03096 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GMSR
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 septembre 2021 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE.
APPELANTS :
Monsieur [H] [B]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 13] (44)
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis BAUDOUIN de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS.
Monsieur [D] [Z]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 11] (52)
[Adresse 9]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis BAUDOUIN de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
[Adresse 10], agissant aux poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social.
[Adresse 2]
[Localité 8]
Ayant pour avocat plaidant Me Magalie ROUGIER de la SCP ROUGIER VIENNOIS FERNANDES, avocat au barreau de SAINTES.
COMPOSITION DE LA COUR :
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Par acte sous seing privé en date du 25 avril 2018, modifié par avenants successifs des 25, 29 et 30 mai 2018, la société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable [Adresse 10] (la banque) a consenti à la société par actions simplifiée Holding Absn (la société), un prêt d'un montant de 220 000 euros remboursable sur une durée de 7 ans moyennnant un taux de 1,44 % l'an.
Par actes sous seing privé en date des 25 et 28 avril 2018, Messieurs [H] [B] et [D] [Z] se sont portés cautions solidaires de la société dans la limite de 132 000 euros chacun couvrant le principal, les intérêts, frais et accessoires dans la limite de 50 % de l'encours.
A compter du mois de février 2019, la société a cessé d'honorer ses échéances, et la dette bancaire est devenue immédiatement exigible.
Le 6 août 2019, le tribunal de commerce de La Rochelle a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société, convertie en liquidation judiciaire par un jugement en date du 11 décembre 2019.
Le 19 août 2019, la banque a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 août 2018, la banque a appelé en paiement Messieurs [H] [B] et [D] [Z]. Elle leur a ensuite adressé une mise en demeure d'avoir à régulariser leur situation par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 janvier 2020.
Le 16 octobre 2020, la banque a assigné Messieurs [H] [B] et [D] [Z] devant le tribunal de commerce de La Rochelle.
En dernier lieu, la banque a demandé de :
- débouter Monsieur [B] et Monsieur [Z] de l'ensemble de leurs demandes et notamment au titre de la disproportion et de leur demande de dommages-intérêts, au regard du caractère averti les cautions et en l'absence de risque particulier que ceux-ci eussent ignoré ;
- s'entendre Monsieur [B] et Monsieur [Z] condamnés solidairement à lui payer la somme de 99'485,49 euros, montant limité de leurs engagements de caution, avec intérêts au taux contractuel de 1,44 % l'an à compter du 4 août 2020 et jusqu'à complet règlement ;
- subsidiairement si par impossible, Monsieur [B] et Monsieur [Z] justifiassent en cours de procédure de leurs situations financières, organiser à leur profit un échéancier précis, par versements mensuels, avec précision d'une clause résolutoire ;
- s'entendre Monsieur [B] et Monsieur [Z] condamnés solidairement aux frais et dépens de l'instance en ce compris le coût des mesures conservatoires, et à leur payer la somme de 2000 euros titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, Monsieur [B] et Monsieur [Z] ont demandé de :
A titre principal,
- dire et juger que les demandes qu'ils avaient formées étaient recevables et les dire bien fondées ;
- dire et juger que leurs engagements de caution étaient disproportionnés à leurs biens et revenus ;
- dire et juger que la banque ne les avait pas mis en garde sur les risques d'endettement et la situation financière de la société ;
- les décharger totalement de leurs engagements de caution ;
- condamner la banque à leur payer chacun la somme de 99'485,49 euros à titre de dommages-intérêts ;
- ordonner la compensation entre leurs créances et celle de la banque ;
- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes ;
- prononcer une déchéance du droit aux intérêts de la banque ;
A titre subsidiaire,
- leur octroyer les plus larges délais pour s'acquitter de leurs dettes;
En tout état de cause,
- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la banque à leur payer à chacun la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement en date du 17 septembre 2021, le tribunal de commerce de La Rochelle a :
- reçu la banque en ses demandes, fins et conclusions, les a dites bien fondées et lui a fait droit ;
- dit que les obligations de la banque avaient été bien remplies ;
- dit que le montant de la somme revendiquée au titre de la créance était justifié ;
- dit qu'il n'y avait pas de disproportion manifeste des engagements de caution ;
- dit que les cautions étaient réellement averties ;
- dit que la banque n'avait pas d'obligation de mise en garde ;
- condamné solidairement Monsieur [B] et Monsieur [Z] à payer à la banque la somme de 99 485,49 euros, montant limité de leurs engagements de caution, avec intérêts au taux contractuel de 1,44 % l'an à compter du 4 août 2020 et jusqu'à complet règlement ;
- débouté Messieurs [B] et [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamné solidairement Messieurs [B] et [Z] à payer à la banque la somme justement appréciée de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le 26 octobre 2021, Messieurs [B] et [Z] ont relevé appel de ce jugement, en intimant la banque.
Le 9 novembre 2022, Messieurs [B] et [Z] ont demandé d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
- a reçu la banque en ses demandes, fins et conclusions, les a dites bien fondées et lui avait fait droit ;
- a dit que les obligations de la banque avaient été bien remplies ;
- a dit que le montant de la somme revendiquée au titre de la créance était justifié ;
- a dit qu'il n'y avait pas de disproportion manifeste des engagements de caution ;
- a dit que les cautions étaient réellement averties ;
- a dit que la banque n'avait pas d'obligation de mise en garde ;
- les a condamnés solidairement à payer à la banque la somme de 99 485,49 euros, montant limité de leurs engagements de caution, avec intérêts au taux contractuel de 1,44 % l'an à compter du 4 août 2020 et jusqu'à complet règlement ;
- les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- les a condamnés solidairement à payer à la banque la somme justement appréciée de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.
Statuant à nouveau :
- dire et juger que leurs engagements de caution souscrits étaient disproportionnés à leurs biens et revenus ;
- dire et juger que la banque ne les avaient pas mis en garde sur les risques d'endettement et la situation financière de la société ;
Par conséquent,
- les décharger totalement de leurs engagements de caution ;
- A tout le moins, condamner la banque à leur payer à chacun la somme de 99 485,49 euros à titre de dommages et intérêts ;
- ordonner la compensation entre leurs créances et celles de la banque ;
- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes ;
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour les intérêts et pénalités de retard échus avant la date du 23 août 2019 ;
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour les intérêts conventionnels du prêt qu'ils avaient garanti ;
A titre subsidiaire,
- leur octroyer les plus larges délais pour s'acquitter de leur dette,
En tout état de cause,
- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la banque à leur payer la somme de 2 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Le 10 novembre 2022, la banque a demandé de :
- Avant dire droit, enjoindre à Monsieur [B] et à Monsieur [Z] de produire le procès-verbal d'assemblée générale de répartition des dividendes suite à la vente d'actifs immobiliers de la débitrice principale ;
- déclarer la demande de décharge de Monsieur [Z] irrecevable car nouvelle ;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné solidairement Monsieur [B] et Monsieur [Z] à payer à la banque la somme de 99 485,49 euros, montant limité de leurs engagements de caution, avec intérêts au taux contractuel de 1,44 % l'an à compter du 4 août 2020 et jusqu'à complet règlement ;
- débouté Messieurs [B] et [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamné solidairement Messieurs [B] et [Z] à lui payer la somme justement appréciée de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- le confirmer en ce qu'il a débouté les cautions de leur demande de décharge au titre de la disproportion et de la condamnation à des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de mise en garde ;
- débouter les cautions de leurs demandes de déchéance du droit à intérêts ;
- subsidiairement, assortir la condamnation principale de l'intérêt au taux légal à compter de la demande en justice ;
- subsidiairement, si par impossible la cour devait faire droit à une demande de délais de paiement, organiser au profit de Monsieur [B] et de Monsieur [Z] un échéancier précis sur une durée maximale de 24 mois, par versements mensuels, avec prévision d'une clause résolutoire en cas de défaillance dans le règlement à bonne date d'une seule échéance mensuelle ;
- y ajoutant, condamner solidairement Messieurs [B] et [Z] à payer à la banque la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamner solidairement Monsieur [B] et Monsieur [Z] en tous les frais et dépens de l'instance qui comprendraiennt le coût des mesures conservatoires.
La cour renvoie expressément aux dernières conclusions des parties déposées aux dates susdites pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Le 30 janvier 2023, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.
MOTIVATION :
Sur la demande de production de pièces émanant de la banque :
Il résulte de l'article 15 du code de procédure civile que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utiles notamment les éléments de faits sur lesquelles elles fondent leurs prétentions.
L'article 135 du même code fait obligation à la partie qui fait état d'une pièce de la communiquer à l'autre partie à l'instance, la communication devant être spontanée.
La banque sollicite que les cautions soient enjointes à produire le procès-verbal d'assemblée générale de répartition des dividendes suite à la vente d'actifs immobiliers de la débitrice principale, qui est évoqué dans la pièce adverse n°8 (rapport de l'administrateur judiciaire en date du 30 juillet 2019), générant des dividendes de 280 000 euros.
Mais les cautions ne font pas état de ce procès-verbal dans leurs écritures, de telle sorte qu'ils ne peuvent être contraints à le produire.
Pour le surplus, l'intérêt afférent à la production éventuelle de cette pièce sera apprécié à l'aune de la charge probatoire imposée respectivement aux parties tenant à la disproportion des engagements des cautions à leurs biens et revenus au moment de leur engagement, qui repose sur les cautions, d'une part, et à l'impossibilité pour les cautions de faire face à leurs engagements avec leur patrimoine au moment où elles sont appelées, et qui repose sur le créancier, d'autre part.
Ainsi, il appartiendra aux cautions de supporter les conséquences éventuelles du défaut de production d'une pièce alors que la charge probatoire leur appartient, tandis qu'il n'y a pas lieu de les faire concourir à la charge probatoire incombant à leur adversaire.
Il conviendra de rejeter la demande de production de pièce émanant de la banque.
Sur la demande de la banque tendant à déclarer irrecevable comme nouvelle à hauteur d'appel la demande de Monsieur [Z] tendant à être déchargé de son engagement de caution pour disproportion de son engagement de caution:
Selon l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel des prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
Selon l'article 564 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'invocation, par une caution, de la disproportion de son engagement à ses biens et revenus, pour se voir décharger de son engagement et faire échec aux demandes de paiement du créancier, constitue un moyen de défense au fond.
La banque soutient que l'invocation par Monsieur [Z], pour la première fois à hauteur d'appel, de sa décharge pour cause de disproportion, doit s'analyser comme une demande, nouvelle à hauteur d'appel, et comme telle irrecevable au regard du second de ces textes.
Mais au visa du premier de ces textes, l'invocation de sa décharge pour cause de disproportion ne peut s'analyser que comme un moyen, qu'il était loisible à Monsieur [Z] de soutenir pour la première fois à hauteur d'appel.
Il conviendra donc de déclarer sans objet la demande de la banque tendant à déclarer irrecevable comme nouvelle à hauteur d'appel la demande de Monsieur [Z] tendant à être déchargé de son engagement de caution pour disproportion de son engagement de caution.
Sur la disproportion manifeste de l'engagement des cautions à leurs biens et revenus :
Il appartient à la caution personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d'en apporter la preuve.
Il y a lieu de tenir compte de l'endettement global de la caution au moment de son engagement, et ce compris au titre de précédents engagements de caution.
A l'égard de biens grevés de sûretés, leur valeur doit être appréciée en en déduisant le montant de la dette dont le paiement est garanti par ladite sûreté, évaluée au jour de l'engagement de caution (Cass. 1ère civ., 24 mars 2021, n°19-21.254, publié).
La disproportion manifeste de l'engagement d'une caution commune en bien s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs incluant les revenus de son conjoint (Cass.com., 6 juin 2018, n°16-26.182, publié).
L'établissement prêteur n'a pas à vérifier la situation financière de la caution.
Une caution ne peut pas se prévaloir d'engagements ou de dettes qu'elle a omis de déclarer auprès de l'établissement de crédit au moment de la souscription.
L'établissement de crédit est ainsi en droit de se fier aux indications données par la caution dans la fiche de renseignement remplie par cette dernière au moment de son engagement, et n'a pas à en vérifier l'exactitude, sauf anomalies apparentes, ou sauf si malgré la cohérence des éléments figurant dans la fiche d'information, la banque ne pouvait pas ignorer l'existence d'autres charges (Cass. com., 27 mai 2014, n° 13.17-287), ou bien encore sauf lorsque la déclaration ne permet pas d'informer la banque de certains éléments essentiels, qui permettraient d'établir le caractère disproportionné du cautionnement (Cass. 1ère civ., 25 novembre 2015, n° 14.24-800).
S'agissant de Monsieur [B] :
Il ressort de la fiche de renseignement datée du 21 mars 2018, signée de la main de Monsieur [B], et par lui certifiée exacte et sincère, que cette caution a déclaré :
- être divorcé et vivre en union libre ;
- percevoir personnellement 54 385 euros de salaires nets annuels ;
- que son conjoint perçoit 21 128 euros de salaires nets mensuels ;
- disposer d'une épargne à hauteur de 60 000 euros ;
- ne disposer d'aucun patrimoine immobilier ou fonds de commerce ;
- ne pas avoir d'emprunts en cours;
- ne pas avoir donné de cautionnements.
Alors que Monsieur [B] déclare vivre en union libre, il n'y pas lieu de tenir compte des biens et revenus de sa concubine, mais de ses seuls biens et revenus personnels.
Monsieur [B] justifie d'un autre engagement de caution à hauteur de 44 000 euros pour une durée de 84 mois en date du 29 septembre 2017, également souscrit auprès de la Banque Populaire, de telle sorte que celle-ci ne peut pas soutenir en ignorer l'existence, même si cet engagement n'a pas été mentionné dans cette fiche de renseignement.
Il y aura donc lieu d'intégrer ce précédent engagement de caution dans l'appréciation de la disproportion litigieuse.
Par ailleurs, il ressort des écritures de Monsieur [B] que ce dernier entend voir intégrer dans l'appréciation de la disproportion litigieuse un bien immobilier sis outre-mer, même si aucun patrimoine immobilier ne figure dans la fiche de renseignement.
Il en ressort ainsi de l'attestation de propriété et de l'acte de vente du 30 novembre 2017 que ce bien a été acquis par Monsieur [B] pour un prix de 119 900 euros, et par la production du tableau d'amortissement du crédit affecté y afférent, que le capital restant dû au 25 avril 2018 s'élevait alors à 95 195,84 euros,
Il s'en déduira que la valorisation de ce bien immobilier au moment de son engagement de caution n'était que de 24 704 euros.
Ainsi, le patrimoine de Monsieur [B], déduction faite de son précédent engagement de caution, au moment de l'engagement de caution litigieux, peut être évalué au moins à 40 704 euros (60 000 + 24 704 euros - 44 000 euros).
Mais il ressort du rapport de l'administrateur judiciaire de la société débitrice principale pour l'audience du 1er octobre 2019 (pages 13 et 14) que pour l'exercice 2017, la société Atelier Blu, détenue par la société holding Atelier Blu société nouvelle (Monsieur [B] étant associé de cette première société holding), a obtenu un produit exceptionnel lié à la cession de son immeuble d'exploitation pour 3 750 579 euros, qui a donné lieu par décision d'assemblée générale du mois d'octobre 2016 à une distribution de dividendes à hauteur de 280 000 euros.
Il en résulte que Monsieur [B], alors associé de la société holding détenant la société Blu, est ainsi susceptible d'avoir lui-même touché indirectement par le biais de cette société mère, des dividendes susceptible de découler de la distribution des dividendes par la société fille Atelier Blu à sa société mère la société Atelier Blu société nouvelle.
Or, Monsieur [B] ne présente aucun élément quant au montant qu'il aurait été susceptible de recevoir indirectement ensuite de ce produit exceptionnel, et qui serait ainsi susceptible d'avoir intégré son patrimoine au moment de son engagement de caution.
Il défaille ainsi à faire la preuve de la consistance de son patrimoine.
Dans ces conditions, l'engagement de caution litigieux de Monsieur [B], à hauteur de 132 000 euros, n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, appréciés au moment de son engagement.
La banque est donc bien fondée à se prévaloir de l'engagement de caution souscrit par Monsieur [B].
S'agissant de Monsieur [Z] :
Selon l'article 1415 du code civil,
Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres.
Le consentement exprès donné en application de ce texte par un époux au cautionnement consenti par son conjoint a pour effet d'étendre l'assiette du gage du créancier aux biens communs.
Il ressort de la fiche de renseignement datée du 22 mars 2018, signée de la main de Monsieur [Z], et par lui certifiée exacte et sincère, que cette caution a déclaré :
- être marié sous le régime de la communauté légale ;
- percevoir personnellement 45 407 euros de salaires nets annuels, outre 3000 euros annuels de fermages ;
- que son conjoint perçoit 27 119 euros de salaires nets mensuels, outre 440 euros annuels de fermages ;
- disposer personnellement d'une épargne à hauteur de 20 000 euros ;
- que son conjoint dispose d'une épargne de 20 000 euros ;
- disposer d'un bien immobilier commun avec son épouse évalué à 60 000 euros ;
- disposer d'un bien immobilier personnel évalué à 70 000 euros ;
- que son épouse dispose personnellement d'un bien immobilier évalué à 13 000 euros ;
- ne disposer d'aucun patrimoine immobilier ou fonds de commerce ;
- ne pas avoir d'emprunts en cours;
- ne pas avoir donné de cautionnements.
Il sera observé que Madame [Z] n'a signé l'acte que pour consentir au cautionnement, et non pas pour le souscrire elle-même, de telle sorte son intervention à l'acte n'a que pour effet d'étendre le gage de la banque aux biens commun, sans engager ses biens propres.
Le bien immobilier propre à Madame [Z], évalué à 13 000 euros, ne sera donc pas intégré à cette appréciation.
Il conviendra encore d'en ôter l'engagement de caution antérieur de Monsieur [Z] à hauteur de 44 000 euros en date du 29 septembre 2017, donnée au profit de la Banque Populaire, et que cette dernière ne peut pas prétendre ignorer.
Il s'en déduira que le patrimoine commun de Monsieur [Z] et son épouse au moment de son engagement de caution doit être évalué au moins à 126 000 euros (40 000 + 60 000 + 70 000 - 44 000 euros).
Mais il ressort du rapport de l'administrateur judiciaire de la société débitrice principale pour l'audience du 1er octobre 2019 (pages 13 et 14) que pour l'exercice 2017, la société Atelier Blu, détenue par la société holding Atelier Blu société nouvelle (Monsieur [Z] étant associé de cette première société holding), a obtenu un produit exceptionnel lié à la cession de son immeuble d'exploitation pour 3 750 579 euros, qui a donné lieu par décision d'assemblée générale du mois d'octobre 2016 à une distribution de dividendes à hauteur de 280 000 euros.
Il en résulte que Monsieur [Z], alors associé de la société holding détenant la société Blu, est ainsi lui-même susceptible d'avoir lui-même touché indirectement par le biais de cette société mère, des dividendes susceptible de découler de la distribution des dividendes par la société fille Atelier Blu à sa société mère la société Atelier Blu société nouvelle.
Or, Monsieur [Z] ne présente aucun élément quant au montant qu'il aurait été susceptible de recevoir indirectement ensuite de ce produit exceptionnel, et qui serait ainsi susceptible d'avoir intégré son patrimoine au moment de son engagement de caution.
Il défaille ainsi à faire la preuve de la consistance de son patrimoine.
Dès lors, l'engagement de caution de Monsieur [Z] souscrit à hauteur de 132 000 euros, n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, cette appréciation étant faite au moment de cet engagement.
La banque est donc bien fondée à se prévaloir de l'engagement de caution souscrit par Monsieur [Z].
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de mise en garde :
Selon l'article 2299 du code civil, issu de l'ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, entré en vigueur le 1er janvier 2022,
Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.
A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celui-ci.
La banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution, ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
C'est à l'emprunteur qu'il appartient de démontrer l'inadaptation du prêt consenti par l'établissement de crédit à ses propres facultés.
Mais le prêteur n'est tenu à aucun devoir de mise en garde si le remboursement du prêt n'excède pas les facultés contributives de l'emprunteur (Cass. 1ère civ., 19 novembre 2009, n°08-13.601, Bull., I, n°232).
La banque, à laquelle il appartient de démontrer qu'elle a rempli son obligation de mise en garde, est dispensée de cette obligation si elle établit que son client à la qualité de caution avertie.
Quelle que soit la qualité de l'emprunteur, la banque n'est pas tenue à un devoir de mise en garde en l'absence de risque, et celui s'apprécie au moment de l'engagement litigieux.
Le caractère averti ou non d'une personne morale s'apprécie en la personne de son dirigeant.
Le préjudice né du manquement de l'établissement à son devoir de mise en garde s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter.
Mais le dommage de la caution découlant du manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde consiste à devoir être appelée en cette qualité.
Il est constant entre parties que l'opération financée par la banque avait pour objet de réaliser une opération de leverage by out (lbo) aux fins que la société holding Absn acquière les titres de la société Atelier Blu Nouvelle.
Monsieur [Z] était associé de la société holding Absn et Monsieur [B] en était le président depuis le 31 mars 2018.
Avec Messieurs [N] et [B], Monsieur [Z] était associé de la société Atelier Blu société nouvelle, qui avait été créée en 2008 dans le but de racheter l'ensemble des actions constituant le capital de la société Atelier Blu.
Les actions détenues par Messieurs [Z] et [B] dans la société Atelier Blu société nouvelle ont été apportées au capital de la société holding Absn lors de sa constitution, cette dernière ayant souscrit un emprunt afin de racheter les parts détenues par Monsieur [N].
Les cautions font valoir que jusqu'au rachat des actions de Monsieur [N] par la société holding Absn, l'intéressé était tout à la fois président de la société Atelier Blu et président de la société Atelier Blu société nouvelle, intervenant ainsi dans la gestion de ces deux sociétés, la seconde étant l'associée unique de la première, tandis qu'eux-mêmes ne participaient pas aux assemblées générales de la société Atelier Blu, dont ils n'étaient pas directement associés, et dont ils ignoraient la réelle santé financière.
Mais il ressort du rapport de l'administrateur judiciaire de la société holding Absn en date du 30 juillet 2019 (page 13) que la société Atelier Blu réalisant depuis plus de 30 ans des ouvrages de menuiserie, avait été rachetée en 2008 par 4 salariés de l'entreprise, dont Messieurs [B] et [Z], tous deux conducteurs de travaux, et que l'acquisition des titres avait été réalisée au moyen d'un montage par lbo, la société Atelier Blu société nouvelle portant initialement la dette d'acquisition des titres.
Il en ressort ainsi que les cautions avaient dès 2008 pratiqué une opération de lbo, similaire à celle de l'opération présentement financée, et se trouvaient, depuis cette date, associés dans une société Atelier Blu qui était une société holding détenant les parts sociales de la société Atelier Blu, procurant ainsi aux associés une expérience solide de l'activité spécifique d'une société holding, tenant à la participation financière dans d'autres sociétés, et non pas au contrôle de l'activité d'une société industrielle.
Dans ces circonstances, il importe peu que les cautions, associés de cette première société holding, société mère, n'aient pas été directement associés à la gestion quotidienne de la société fille la société Atelier Blu, alors que par leur présence en qualité d'associés de la société mère, ils se trouvaient en mesure d'apprécier les résultats financiers de l'une comme de l'autre.
Et les cautions n'apportent pas la preuve que la banque aurait détenu, s'agissant de la société débitrice principale, des informations péjoratives ignorées d'eux-mêmes.
Ainsi, la banque ne se trouvait tenue à aucun devoir de mise en garde.
A l'issue de cette analyse, il sera retenu qu'en l'absence de manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde, le moyen susdit ne peut pas être opposé à la banque pour faire échec à ses demandes en paiement dirigées contre les cautions, ni ne peut fonder une action en responsabilité se résolvant en dommages-intérêts.
Les cautions seront donc déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son obligation de mise en garde, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le manquement de la banque à son obligation d'information de la caution portant sur le premier incident de paiement non régularisé :
Il résulte de l'article L. 341-1, devenu L. 333-1 du code de la consommation, que sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement.
Selon l'article L. 343-5 du même code, lorsque le créancier ne se conforme pas l'obligation définie à l'article L. 333-1, la caution n'est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
La teneur de ce texte est reprise, à compter du 1er janvier 2022, par l'article 2303 du code civil.
La charge de la preuve de l'exécution de l'obligation d'information incombe au créancier professionnel.
Les cautions soutiennent avoir été avisées de la défaillance de la débitrice principale par courrier en date du 23 août 2019, mais font grief à la banque d'avoir manqué à cette obligation d'information antérieurement, pour réclamer qu'elle soit déchue des intérêts et pénalités de retard échus avant le 23 août 2019.
Mais d'une part, la sanction édictée par ce texte est limitée à la déchéance des pénalités et intérêts de retard, et non pas à la déchéance des intérêts conventionnnels.
Et d'autre part, il ressort de la déclaration de créance de la banque du 19 août 2019 que celle-ci s'est bornée à déclarer sa créance au titre des intérêts conventionnels, du capital restant à échoir et des impayés, pour un total de 200 752,01 euros, sans solliciter de pénalités ou d'intérêts de retard, tandis que l'engagement de chacune des cautions, en principal, intérêts, frais commissions et accessoires est plafonné à 132 000 euros et encore dans la limite de 60 % des sommes restant dues par le débiteur principal en capital, intérêts, frais commissions et accessoires.
Au surplus, les décomptes de la banque, actualisés au 14 janvier 2020, date d'envoi des courriers de mise en demeure aux cautions, ne font pas état de pénalités ou intérêts de retard, pour mentionner un principal restant dû de 198 970,98 euros, après application des seuls intérêts au taux contractuel de base de 1,44 %, sans majoration ou ajout de pénalités de retard.
Les mêmes appréciations pourront être faites sur le dernier décompte de la banque, actualisé au 3 août 2020, faisant d'un principal dû de 198 970,98 euros, dont la banque a réclamé la moitié à chacune des cautions, soit 99 485,49 euros.
Il en ressort ainsi que la demande de la banque à l'égard des cautions ne porte que sur le seul capital de l'emprunt cautionné et des intérêts conventionnels, à l'exclusion de tous intérêts ou pénalités de retard.
Dès lors, l'invocation des textes susdits est impropre à emporter la déchéance des intérêts au préjudice de la banque.
Il y aura donc lieu de déclarer sans objet la demande des cautions tendant à prononcer la déchéance de la banque pour les intérêts et pénalités de retard échus avant la date du 23 août 2019 sur le fondement des articles L. 341-1, devenu L. 333-1, et L. 343-5 du code de la consommation: le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le manquement de la banque à son obligation d'information annuelle de la caution:
L'article L. 313-22 du code monétaire et financier, dispose que :
-'les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition de cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée;
- Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus entre la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
- les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.'
La teneur de ce texte est reprise, à compter du 1er janvier 2022, par l'article 2302 du code civil, qui vient préciser que l'irrespect de cette obligation d'information est sanctionné par la déchéance du droit des intérêts, mais encore des pénalités entre la date de la précédente information et celle de la nouvelle information.
Cette obligation persiste même après l'introduction de l'instance.
La charge de la preuve de l'exécution de cette obligation incombe au créancier professionnel.
La production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.
Mais la preuve de l'accomplissement de cette obligation peut être rapportée par tous moyens, dès lors que l'information de la caution constitue un fait qui peut être prouvé par tous moyens.
Cependant, nonobstant la sanction édictée par le second de ces textes, la caution reste néanmoins tenue aux intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure (Cass. 1ère civ. 9 avril 2015, n°14-10.975, diffusé).
Les cautions demandent la déchéance de la banque de son droit aux intérêts pour les intérêts conventionnels du prêt qu'elles ont garanti, faute pour la banque de justifier de son obligation d'information annuelle à son égard.
La banque a versé les courriers d'information de la caution pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018.
Elle a également versé les constats d'huissiers réalisés le 17 mars 2015, 22 mars 2016, 21 mars 2017 et 20 mars 2018, dont leurs auteurs ont procédé aux dates susdites au contrôle par sondage de l'éduution, du contenu, de la mise sous pli et de l'expédition des lettres d'informations annuelles adressées au aux cautions de la banque.
La banque verse les courriers d'informations en date du 21 février 2019, édités nominativement au nom de chacune des cautions, et comportant l'ensemble des informations requises par ce texte.
De plus, elle verse un constat d'huissier en date du 8 mars 2019, par lequel son auteur rappelle avoir été requis par la banque, lui exposant procéder le même jour à la mise sous pli et à l'envoi de la lettre d'information annuelle aux personnes s'étant portées caution au profit de l'un de ses débiteurs, en rapportant que 21 794 plis allaient ainsi être expédiés par une unité de la banque à [Localité 12] ([Localité 7]), rappelant s'être déplacé sur les lieux, avoir constaté la mise sous pli des dits courriers par une machine dédiée, placés dans des enveloppes affranchies, triés par codes postaux, et rangées dans de cartons pour être acheminées par les services de la poste.
Enfin, cet officier ministériel déclare avoir procédé à des contrôles de la réalité des envois par sondage, auprès de 11 destinataires.
Il en ressort ainsi que la banque a justifié de l'envoi des courriers annuels d'information des cautions avant le 31 mars 2019, afférent à l'année 2018.
Mais en revanche, la banque n'a pas justifié de l'envoi de courriers identiques avant le 31 mars 2020 pour l'année 2019, étant observé que les mises en demeures adressées aux cautions le 14 janvier 2020, n'ayant pas le même objet, ne comportent pas mention du montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que du terme de cet engagement.
Et la banque n'a pas justifié de l'exécution de son obligation pour les années postérieures, alors que celle-ci continue à s'exécuter nonobstant l'engagement de la présente procédure judiciaire, et que ses écritures et autres pièces ne comportent pas l'ensemble des informations exigées par le texte susdit.
Il y aura donc lieu d'ordonner la déchéance des intérêts conventionnels à compter du 21 février 2019 sur le fondement de ce texte, et de dire que dans les rapports entre la banque et la caution, les entiers paiements réalisés seront réputés s'imputer intégralement sur le seul capital.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté les cautions de leurs demandes de déchéance des intérêts.
Sur la condamnation au profit de la banque:
Il ressort des décomptes produits par la banque que la première échéance impayée est celle du 4 février 2019, sans que les cautions n'allèguent d'un quelconque paiement ultérieur.
Ainsi, il n'y pas lieu à procéder à l'imputation susdite prévue par le texte, en l'absence de tout paiement intervenu postérieurement au 21 février 2019, date à compter de laquelle la cour a déchu la banque des intérêts conventionnels.
Après le paiement de la dernière échéance du 4 janvier 2019, le capital restant dû s'élevait à 199 989,46 euros.
Conformément à la demande de la banque, il y aura donc lieu de retenir que le capital restant dû s'élevait à 198 970,98 euros, et dire que chacune des cautions est ainsi tenue à la moitié de cette somme, soit à hauteur de 99 485,49 euros.
Mais eu égard à la déchéance prononcée, cette somme ne pourra porter intérêts qu'au taux légal, et encore à compter de la mise en demeure des cautions par la banque.
La banque a produit ses courriers en date du 14 janvier 2020 ainsi que les acccusés de réception y afférent, justifiant de leur présentation à chacun de cautions, par lequel elle met celles-ci en demeure de régulariser les échéances impayées sous huitaine, à peine de déchéance du terme.
La banque demande que le point de départ des intérêts assortissant la condamnation à l'encontre de chacune des cautions soit fixé au 4 août 2020, et il sera sur ce point prononcé conformément à sa demande.
Il y aura donc lieu de condamner solidairement Monsieur [B] et Monsieur [Z] à payer à la banque la somme de 99 485,49 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2020, et le jugement sera infirmé de ces chefs.
Sur les délais de paiement :
Selon l'article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux ans, le paiement des sommes dues.
Les cautions sollicitent des délais de paiement pendant 2 ans, mais ne formulent aucune proposition de règlement.
Monsieur [B] fait valoir disposer d'un revenu net mensuel après impôt de 3180,67 euros, duquel il convient de déduire les échéances mensuelles d'un crédit immobilier à hauteur de 925,18 euros, de sorte que son revenu mensuel disponible est de 2255,49 euros.
Mais le reste à vivre de Monsieur [B], sur lequel ce dernier ne s'exprime d'ailleurs pas, ne peut pas lui permettre d'apurer sa dette dans un délai de 2 ans.
Monsieur [Z] se déclare sans emploi depuis le 31 mai 2022, et toucher des allocations chômage et des revenus fonciers pour un total mensuel de 1041,34 euros, mais supporter des charges mensuelles de 600,65 euros au titre des échéances d'un emprunt immobilier et 264 euros par mois au titre des impôts locaux.
Il en ressort ainsi que le reste à vivre subsistant modique de l'intéressé ne lui permet pas de réaliser le moindre paiement à l'égard de la banque.
La situation des cautions semble plutôt relever d'une procédure de surendettement.
Il y aura donc lieu de rejeter leurs demandes de délais de paiement, et le jugement sera confirmé de ce chef.
*****
Il sera rappelé que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les cautions de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance, et pour les avoir condamnées solidairement aux dépens de première instance et à payer à la banque la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
Monsieur [B] et Monsieur [Z] seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel.
Monsieur [B] et Monsieur [Z] seront condamnés in solidum aux entiers dépens des deux instances et à payer à la banque la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, conformément à sa demande.
Il sera précisé que les dépens des deux instances comprendront le coût des mesures conservatoires.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Rejette la demande de production de pièce présentée par la société coopérative de banque à forme anonyme et capital variable [Adresse 10] ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a:
- débouté Monsieur [H] [B] et Monsieur [D] de leur demande de déchéance des intérêts ;
- condamné solidairement Monsieur [H] [B] et Monsieur [D] [Z] à payer à la [Adresse 10] la somme de 99 485,49 euros, montant limité de leurs engagements de caution, avec intérêts au taux contractuel de 1,44 % l'an à compter du 4 août 2020 et jusqu'à complet règlement ;
Infirme le jugement de ces seuls chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Déclare sans objet la demande des cautions tendant à prononcer la déchéance de la banque pour les intérêts et pénalités de retard échus avant la date du 23 août 2019 sur le fondement des articles L. 341-1, devenu L. 333-1, et L. 343-5 du code de la consommation et de l'article 2303 du code civil ;
Prononce la déchéance des intérêts conventionnels à compter du 21 février 2019, sur le fondement de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et de l'article 2302 du code civil, et dit que dans les rapports entre le créancier et les cautions, les entiers paiements réalisés seront réputés s'imputer intégralement sur le seul capital ;
Condamne solidairement Monsieur [H] [B] et Monsieur [D] [Z] à payer à la société coopérative de banque à forme anonyme et et capital variable [Adresse 10] la somme de 99 485,49 euros, montant limité de leurs engagements de caution, avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 2020 et jusqu'à complet règlement ;
Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré ;
Déboute Monsieur [H] [B] et Monsieur [D] [Z] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne in solidum Monsieur [H] [B] et Monsieur [D] [Z] aux entiers dépens d'appel et à payer à la société coopérative de banque à forme anonyme et et capital variable [Adresse 10] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Précise que les dépens des deux instances comprendront le coût des mesures conservatoires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,