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16/05/2023 | FRANCE | N°21/02235

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 16 mai 2023, 21/02235


ARRET N°222



N° RG 21/02235 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GKNK













[P]

[Z]



C/



[R]

[V]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 16 MAI 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02235 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GKNK



Décision déférée à

la Cour : jugement du 11 mai 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHELLE.







APPELANTS :



Monsieur [N] [P]

né le 31 Octobre 1967 à [Localité 20]

[Adresse 16]

[Localité 4]



Madame [K] [Z] épouse [P]

née le 18 Août 1970 à [Localité 19]

[Adresse 16]

...

ARRET N°222

N° RG 21/02235 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GKNK

[P]

[Z]

C/

[R]

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 16 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02235 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GKNK

Décision déférée à la Cour : jugement du 11 mai 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHELLE.

APPELANTS :

Monsieur [N] [P]

né le 31 Octobre 1967 à [Localité 20]

[Adresse 16]

[Localité 4]

Madame [K] [Z] épouse [P]

née le 18 Août 1970 à [Localité 19]

[Adresse 16]

[Localité 4]

ayant tous les deux pour avocat Me Paul-henri BOUDY, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMES :

Monsieur [J] [R]

né le 25 Décembre 1965 à [Localité 19]

[Adresse 17]

[Localité 5]

Madame [E] [V] épouse [R]

née le 21 Mai 1969 à [Localité 18]

[Adresse 17]

[Localité 5]

ayant tous les deux pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Claude REYNAUDI de la SELARL REYNAUDI - CHAUVET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [N] [P] et Mme [K] [Z] épouse [P] sont propriétaires depuis le 6 février 2006 d'un bien immobilier situé [Adresse 15] (Charente-Maritime), cadastré actuellement section AB n° [Cadastre 10] et [Cadastre 14] (anciennement [Cadastre 6] et [Cadastre 8]).

Ils ont pour voisins M. [J] [R] et Mme [E] [V] épouse [R], notamment propriétaires d'une parcelle cadastrée section AB [Cadastre 11] (anciennement A [Cadastre 7]).

Soutenant disposer d'un droit de passage et d'un droit de puisage et soutenant ne plus pouvoir les exercer depuis la rénovation d'un chai existant sur la parcelle AB [Cadastre 11], M. et Mme [P] ont assigné M. et Mme [R] devant le tribunal judiciaire de LA ROCHELLE par exploit d'huissier du 2 avril 2019.

Le juge de la mise en état a ordonné une mesure de médiation le 11 juillet 2019 mais celle -ci n'a pas abouti.

Par leurs dernières conclusions, M. et Mme [P] sollicitaient :

Vu les dispositions des articles 701, 675, 676, 677 et 678 du code civil,

Vu les dispositions des articles 515, 696, 699 et 700 code de procédure civile,

- Dire et juger que les parcelles cadastrées n°[Cadastre 14] et [Cadastre 10] suivant cadastre actuel profitent non seulement d'un droit de puisage sur la parcelle n°[Cadastre 11] mais également d'un droit de passage sis au devant des parcelles n°[Cadastre 13], [Cadastre 11], [Cadastre 9] et [Cadastre 12].

- Constater que la construction édifiée sur le puits et telle que rénovée par les époux [R] rend l'usage du droit de passage et de puisage impossible.

- Condamner les époux [R] à remettre, à leurs frais, le chai dans l'état dans lequel il se trouvait avant les travaux afin d'assurer le droit de puisage des époux [P].

- Condamner les époux [R] à supprimer les ouvertures illégalement créées sur leur parcelle, au mépris des distances prescrites par la loi.

-Condamner M. et Mme [R] à payer à M. et Mme [P] la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure dont au profit de la SCP BEAUCHARD BODIN DEMAISON GIRET HIDREAU.

-Ordonner l'exécution de la décision à intervenir, y compris du chef des dépens.

En réponse, M. [J] [R] et Mme [E] [R] demandaient au tribunal, par leurs dernières écritures :

Vu les articles 675 et suivants, 706 du code civil,

Vu les articles 515 ancien du code de procédure civile,

Vu les pièces versées au débat,

A titre principal

Débouter les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamner les époux [P] à verser aux époux [R] une indemnité 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les frais de médiation et les entiers dépens ;

A titre subsidiaire

Rejeter la demande d'exécution provisoire.

Par jugement contradictoire en date du 11/05/2021, le tribunal judiciaire de LA ROCHELLE a statué comme suit :

'DÉBOUTE M. [N] [P] et Mme [K] [P] de l'ensemble de leurs demandes ;

CONDAMNE M. [N] [P] et Mme [K] [P] à verser à M. [J] [R] et Mme [E] [R] la somme de 3000 € (trois mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [N] [P] et Mme [K] [P] aux dépens incluant les frais de la médiation ;

ORDONNE l'exécution provisoire'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- M. et Mme [R] ne contestent pas l'existence d'un droit de puisage et de passage sur la parcelle AB [Cadastre 11] au profit des parcelles appartenant à M. et Mme [P]

Ils revendiquent l'extinction de la servitude par non usage trentenaire.

- il incombe au propriétaire du fonds dominant de démontrer que la servitude dont il n'a pas la possession actuelle, a été exercée depuis au moins trente ans

-il résulte de l'examen des diverses ateestations produites que M. et Mme [R] rapportent la preuve d'un non usage du puits, au moins depuis les années 1960, soit plus de trente ans, peu important que des travaux d'obstruction soient intervenus ultérieurement et la demande de M. Et Mme [P] tendant à voir rétablir un droit de puisage, et le droit de passage accessoire, doit donc être rejetée.

- sur la vue, il ressort des photographies produites aux débats que le bâtiment, avant rénovation par M. et Mme [P] courant 2012, disposait d'une porte donnant sur la cour, ainsi que d'une fenêtre au rez-de-chaussée, condamnée par un panneau en bois.

L'aspect des linteaux, à jambage en pierre, établit que les deux ouvertures sont assez anciennes.

La présence d'une porte, permettant l'accès au puits était tout-à-fait naturelle.

- contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [P], M. et Mme [R] n'ont pas créé une porte fenêtre ou une fenêtre, mais ils n'ont procédé qu'à une rénovation de ces biens, sans modification quelconque, ainsi qu'il ressort des photographies.

Il n'y a pas lieu à remise en état.

- la question de la violation de la distance de la fenêtre et de la porte n'a pas à être examinée, dès lors que M. et Mme [P] se fondent exclusivement sur les nouveaux travaux réalisés par M. et Mme [R] pour affirmer qu'une telle distance n'est plus respectée. Au demeurant, compte tenu de la configuration des lieux et de l'ancienneté des constructions, une prescription trentenaire apparaît tout-à-fait de l'ordre du possible, s'agissant d'une servitude continue et apparente.

- sur le droit de passage, M. et Mme [P] reprochent à M. et Mme [R] l'exercice d'un droit de passage sur leur parcelle, de manière à accéder à la porte fenêtre rénovée. Ils contestent tout droit de M. et Mme [R] sur cette parcelle, alors que ces passages ne leur permettent pas de se clore.

M. et Mme [R] revendiquent l'existence d'un ruage commun desservant leur parcelle.

- M. et Mme [P] sont devenus propriétaires des parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 10]. La parcelle [Cadastre 14] supporte leur maison d'habitation ainsi qu'une cour, qui s'arrête à la limite des parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 13], parcelles appartenant à un ou des tiers, comportant la cour d'accès à la porte de la propriété de M. et Mme [R].

- la parcelle [Cadastre 1] n'appartient pas à M. et Mme [P], qui ne peuvent donc revendiquer un droit de propriété exclusif sur la cour.

- M. et Mme [R] justifient quant à eux avoir acquis le bien le 30 novembre 2011, avec mention d'un ruage commun.

- il résulte des actes précédents, du 22 avril 1927 et 5 février 1971, que les bâtiments du premier lot auront droit de puisage situé sur le second lot, ainsi qu'un droit de passage sur les ruages situés devant et compris aux maisons des second et troisième lot.

Ce passage érigé par l'acte de partage rappelle donc une nouvelle fois que le lot n°2 dispose d'un ruage qui se situe juste devant la maison.

- l'accès au puits, pour la population, ne pouvait se réaliser que sous réserve de l'existence d'un ruage commun, permettant d'accéder au bâtiment inclus dans le second lot de l'auteur de M. et Mme [R].

Dès lors, la partie de cour située devant le bien actuellement détenu par M. et Mme [R], constitue un ruage commun, peu important que les actes de M. et Mme [P] ne mentionnent pas l'existence de servitudes, dès lors que cette notion ne s'applique pas en matière de ruage commun propriété de tous.

M. et Mme [R] disposent donc bien d'un droit de passage sur un ruage commun.

Si M. et Mme [P] disposent du même droit de passage sur le ruage commun, cadastré à présent sur les parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 12], cette situation ne leur confère aucun droit de passage sur la parcelle [Cadastre 11] appartenant à M. et Mme [R].

LA COUR

Vu l'appel en date du 16/07/2021 interjeté par M. [N] [P] et Mme [K] [Z] épouse [P]

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 07/12/2022, M. [N] [P] et Mme [K] [Z] épouse [P] ont présenté les demandes suivantes :

'Déclarer les époux [R] irrecevables et mal fondés en leur moyen tiré d'un prétendu absence d'effet dévolutif de l'appel.

Réformer le jugement rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire de La ROCHELLE et statuant à nouveau :

- Condamner in solidum les époux [R] à supprimer les ouvertures illégalement créées donnant sur la parcelle n ° [Cadastre 14] , y compris la porte et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 150 € par jour de retard.

- Débouter les époux [R] de toutes demandes relatives à une prétendue servitude de passage grevant la parcelle n° [Cadastre 14] au profit des parcelles n° [Cadastre 11] et [Cadastre 13] .

- En tant que de besoin, dire et juger que les parcelles cadastrées n° [Cadastre 14] et n° [Cadastre 10] suivant le cadastre actuel profitent d'un droit de passage sis au devant des parcelles n° [Cadastre 13] et [Cadastre 12].

- Débouter les époux [R] de toutes demandes, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens

- Les condamner in solidum à payer aux époux [P] la somme de 3.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens'.

A l'appui de leurs prétentions, M. [N] [P] et Mme [K] [Z] épouse [P] soutiennent notamment que :

- l'absence d'effet dévolutif tirée par les consorts [R] de ce que la déclaration d'appel au titre de l'objet de l'appel la mention « réformation/infirmation », les appelants ont l'unique obligation de mentionner les chefs du jugement critiqué, et ultérieurement dans le cadre des conclusions, ils ont sollicité la réformation du jugement et ont exposé leurs demandes

- tant les lots des concluants que ceux des époux [R] résultent d'un acte de partage en date du 22 avril 1927 prévoyant cinq lots.

- en 2014, les époux [R] ont procédé récemment à la rénovation d'un vieux chai et à cette occasion, l'accès à ce puits a été supprimé mais également des ouvertures donnant directement sur la propriété des époux [P] ont été créées ou réouvertes

- sur l'ouverture de la porte et des fenêtres, lors de la rénovation les époux [R] ont créé une porte donnant accès à la cour privative des concluants et ouvert des fenêtres.

Ces ouvertures ne respectent les distances des articles 676 et 677 du code et si le tribunal a évoqué une prescription trentenaire, il faut justifier d'une possession respectant les conditions de l'article 2261 du code civil.

Or, comme cela résulte des photographies anciennes et de l'ancienne destination des lieux, il n'est pas établi une telle possession.

Ces ouvertures n'étaient pas destinées à assurer de manière permanente une vue mais à aérer une simple grange.

En outre, les ouvertures étaient en réalité obstruées de manière fixe ou inutilisées, le bâtiment étant abandonné.

- il apparaît contradictoire de retenir d'une part l'extinction de la servitude de puisage et la servitude de passage y afférente pour non usage et d'autre part, retenir l'acquisition d'une servitude de vue par prescription trentenaire alors qu'il s'agit du même bâtiment.

- l'acte du 20 février 1950 est interprété de façon erronée par M. et Mme [R].

- peu importe que des autorisations administratives de travaux aient été accordées, celles-ci étant délivrées sous réserve du droit des tiers.

- en tant que de besoin, ladite prétendue servitude de vue est éteinte en application de l'article 706 du code civil, le puits étant inaccessible et les accès condamnés depuis plus de trente ans.

- sur le droit de passage, les époux [R] ont créé une porte sur la cour privative (parcelle n° [Cadastre 14] ) au profit de la parcelle n° [Cadastre 11] et se prévalent d'une servitude de passage sur la cour privative, alors qu'ils ont un autre accès à leur immeuble, par une porte à l'arrière du bâtiment.

- le tribunal a manifestement fait une confusion entre le ruage commun situé sur la parcelle n°[Cadastre 13] et la cour privative des concluants cadastrée parcelle [Cadastre 14].

- l'acte de vente des époux [P] ne mentionne aucune servitude de passage . Il n'y a donc aucune servitude de passage conventionnelle ni légale.

En outre, celle-ci se trouve éteinte par non usage depuis plus de trente ans avant les travaux de rénovation.

- en tout état de cause, il n'est pas contesté que les parcelles n° [Cadastre 14] et [Cadastre 10] bénéficient d'une servitude de passage sur le ruage commun, c'est-à-dire grevant les parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 12] et la cour le dira.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 17/01/2022, M. [J] [R] et Mme [E] [V] épouse [R] ont présenté les demandes suivantes :

'Déclarer M. et Mme [P] mal fondés en leur appel et les en débouter

Juger l'absence d'effet dévolutif de l'appel en raison de l'absence de mention de l'objet de l'appel,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire de LA ROCHELLE

Débouter les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes

Condamner M. et Mme [P] à payer à M. et Mme [R] la somme de 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens'.

A l'appui de leurs prétentions, M. [J] [R] et Mme [E] [V] épouse [R] soutiennent notamment que :

- l'absence de demande d'infirmation/réformation par l'appelant dans la déclaration d'appel s'apparente à une absence d'indication des chefs de jugements critiqués sanctionnée par l'absence d'effet dévolutif de l'appel qui est irrecevable.

- dans le cadre du règlement de la succession de la grand-mère de M. [J] [R], suivant acte notarié du 30 novembre 2011, les époux [R]-[V], se sont portés acquéreurs d'une maison individuelle à usage d'habitation avec ruages communs, l'ensemble cadastré A n°[Cadastre 3] et n°[Cadastre 2].

- le 11 janvier 2012, les époux [R] établissaient une déclaration préalable de travaux afin d'être autorisés à effectuer des travaux de remise en état du bien.

- le 12 avril 2012, la déclaration préalable de travaux recevait également un accord de la part de la mairie, après avis favorable de l'architecte des bâtiments de France sous certaines prescriptions.

- les époux [R] n'ont créé aucune ouverture supplémentaire et ont simplement rénové l'existant.

- les époux [P] ne vivent pas sur place, ils sont propriétaires de 2 biens situés sur le quéreux commun qui sont loués.

- en janvier 2014 les époux [P] ont souhaité clore le passage commun litigieux.

Les époux [R] ainsi que 3 autres propriétaires bénéficiant du ruage commun s'y sont opposés.

- sur la demande de suppression de la porte et des fenêtres, lorsqu'ils ont acquis le bien en 2011, il existait d'ores et déjà une porte d'entrée ainsi que des fenêtres depuis la construction du bien il y a plus d'un siècle. Ils ont rénové les 3 ouvertures existantes par des menuiseries neuves aux mêmes dimensions, après avis de l'architecte des bâtiments de France.

Il ressort des photos versées à la procédure que le bien litigieux dispose effectivement d'une porte d'entrée et d'une fenêtre au rez-de-chaussée et d'une fenêtre à l'étage qui n'étaient pas obturées. Seule la fenêtre du rez-de-chaussée a été obturée pour empêcher que la maison ne soit visitée, mais en aucun cas pour supprimer une vue.

- le tribunal a correctement interprété l'acte notarié du 20/02/1950 en relevant que le bien [R] était une ancienne cuisine à usage de buanderie... renfermant un puits commun., et non une grange ou un chai abandonné.

- la cour qui permet l'accès au bien [P] et qui se situe devant la porte d'entrée du bien appartenant aux époux [R] n'appartient pas aux époux [P] et constitue un ruage commun, tel que relevé aux actes versés : acte notarié du 30 novembre 2011, acte notarié du 20 février 1950, donation du 5 février 1971.

- les ruages communs mentionnés dans les actes désignent nécessairement la voie commune qui dessert l'entrée du bien.

- la voie qui dessert les parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 11] et [Cadastre 14] et qui permet d'accéder à la propriété des époux [P] constitue un ruage commun.

Il est rappelé que ce ruage commun permet d'accéder à la propriété des époux [R] mais également à deux autres habitations dont les portes d'entrée et les boites aux lettres se situent dans ce ruage commun qui ne peut donc en aucun cas être la propriété des époux [P].

- le tribunal a justement retenu que la parcelle n°[Cadastre 1] n'appartient pas à M. et Mme [P].

- sur le droit de passage, les époux [P] reprochent aux époux [R] l'exercice d'un droit de passage sur leur parcelle, de manière à accéder à la porte d'entrée rénovée.

Or, les époux [R] ont acquis le bien avec mention de ruages communs, rappelés dans les actes précédents.

- l'acte de partage du 22 avril 1927 qui attribue le lot n°2 à l'auteur de M. et Mme [P] rappelle l'existence d'un passage commun.

- en outre, l'accès au puits situé à l'intérieur du bien acquis par les

époux [R] ne pouvait que se réaliser sous réserve de l'existence d'un ruage commun.

- la partie de cour située devant le bien actuellement détenu par les époux [R] constitue un ruage commun, et peu importe que les actes des époux [P] ne mentionnent pas l'existence de servitudes puisque cette notion ne peut trouver à s'appliquer en matière de ruage commun, propriété de tous.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 02/02/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

L'article 562 du code de procédure civile dispose que ' l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendant. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet est indivisible'.

C'est dans le dispositif des conclusions des appelants, et à peine de caducité de leur déclaration d'appel, qu'en application des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile, au titre de la nécessaire détermination de l'objet du litige, et non, comme le soutiennent les intimés, dans la déclaration d'appel, que doit figurer une demande d'annulation ou de réformation de la décision déférée.

En l'espèce, l'acte d'appel porte le détail des chefs du jugement qu'il critique et ni sa recevabilité, ni l'effet dévolutif qui s'y attache, ne sont affectés par l'absence du terme 'réformation', étant rappelé que l'appelant a pu préciser ses demandes dans le cadre de ses conclusions régulièrement signifiées.

L'appel de M. et Mme [P] a bien opéré effet dévolutif

Sur l'objet de l'appel :

Il convient de relever que les appelants ne soutiennent plus en cause d'appel leurs demandes de première instance relatives au droit de puisage sur la parcelle n°[Cadastre 11] et de remise en état du bâtiment afin d'assurer le droit de puisage des époux [P].

Sur la demande de suppression de la porte et des fenêtres et sur la servitude de passage :

M. et Mme [P] font grief à M. et Mme [R] d'avoir créé, à l'occasion de la rénovation de leur bâtiment, une porte et 2 fenêtres donnant sur leur cour selon eux privative, au mépris des dispositions des articles 676,677 et 678 du code civil.

M. et Mme [R] soutiennent d'une part avoir simplement rénové après obtention des autorisations administrative leur bâtiment ancien de plus de 100 ans qui comportait déjà ces mêmes ouvertures, sans avoir renoncé à ces vues, d'autre part que les ouvertures donnent non sur une cour privative mais sur un ruage commun permettant l'accès au bâtiment qui contenait l'ancien puits.

Il résulte de l'examen des pièces versées et notamment de celui des photographies anciennes antérieures aux travaux autorisés le 12 avril 2012 après avis favorable de l'architecte des bâtiments de France que les ouvertures existaient dès l'origine ancienne du bâtiment, désigné par l'acte notarié du 20/02/1950 comme une ancienne cuisine actuellement à usage de buarde, supportant un grenier, construite en brique, renfermant presque entièrement un puits commun... confronté... et au couchant aux ruages communs.

Il en résulte qu'il ne peut être reproché à M. et Mme [R] la création de 3 ouvertures, dès lors que celles-ci existaient précédemment et depuis plus de 30 ans, sans qu'il soit démontré un abandon de ces vues par leur obturation, la simple occultation imparfaite par une planche disjointe pour des motifs de sécurité ne pouvant traduire un abandon dune servitude de vue pleinement constituée.

Au surplus, une servitude de puisage est distincte d'une servitude de vue et la première peut être éteinte par non usage, indépendamment de la seconde, dès lors que le bâtiment subsiste ainsi que ses vues.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [P] de leur demande de suppression de vues.

Quant à l'existence d'une servitude de passage, par acte notarié du 30 novembre 2011, M. et Mme [R] se sont portés acquéreurs d'un bien immobilier comportant plusieurs construction dont l'ancienne cuisine renfermant le puits commun, confrontée au couchant aux ruages communs, tel que mentionné à leur acte d'acquisition du 3 novembre 2011, ainsi qu'à l'acte de vente du 20 février 1950 et qu'à l'acte de donation du 5 février 1971.

L'acte de partage du 22 avril 1927 constitue un partage en 5 lots, le lot n°2 a été attribué à l'auteur de M. et Mme [R] et il a fait l'objet d'une vente le 20 février 1950.

S'il est stipulé à l'acte de partage que les lots n° 1 et n° 2 ne bénéficieront d'aucun droit de passage sur le lot N° 1, il ne s'agit pas en l'espèce d'un droit de passage sur le fonds privatif de M. Et Mme [P], dès lors qu'existe notamment au bénéfice du lot n° 2 - soit le fonds de M. et Mme [R], un ruage commun, tel que rappelé aux différents actes.

Comme pertinemment retenu par le premier juge, ce ruage commun permet l'accès à l'ancien puits commun à la population, et donc aux divers propriétaires confrontant, dont M. et Mme [P] qui ne peuvent être exclus de cet usage commun.

Il n'y a pas lieu en conséquence de statuer sur une servitude de passage sur le fonds privatif de M. et Mme [P] dès lors que le passage s'effectue sur le ruage commun auquel eux-mêmes sont confrontés, cette demande devant être écartée par confirmation du jugement rendu.

Au surplus, il y a lieu dire que les parcelles cadastrées n° [Cadastre 14] et n° [Cadastre 10], propriété de M. Et Mme [P] suivant le cadastre actuel profitent d'un droit de passage sis au devant des parcelles n° [Cadastre 13] et [Cadastre 12] dans le cadre de l'usage du ruage commun.

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge in solidum de M. [N] [P] et Mme [K] [Z] épouse [P].

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner in solidum M. [N] [P] et Mme [K] [Z] épouse [P] à payer à M. [J] [R] et Mme [E] [V] épouse [R] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La somme allouée au titre des frais de première instance a été justement appréciée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

REJETTE le moyen tiré par les époux [R] d'une absence d'effet dévolutif de l'appel formé par les époux [P].

CONFIRME le jugement entrepris.

Y ajoutant,

DIT que les parcelles cadastrées n° [Cadastre 14] et n° [Cadastre 10], propriété de M. [N] [P] et Mme [K] [Z] épouse [P], suivant le cadastre actuel, bénéficient d'un droit de passage sis au devant des parcelles n° [Cadastre 13] et [Cadastre 12] dans le cadre de l'usage du ruage commun.

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE in solidum M. [N] [P] et Mme [K] [Z] épouse [P] à payer à M. [J] [R] et Mme [E] [V] épouse [R] ensemble la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE in solidum M. [N] [P] et Mme [K] [Z] épouse [P] aux dépens d'appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02235
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.02235 ?
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