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11/05/2023 | FRANCE | N°22/02095

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Premier président, 11 mai 2023, 22/02095


R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



MINUTE N°6/2023

COUR D'APPEL DE POITIERS

N° RG 22/02095

N° Portalis DBV5-V-B7G-GTS2

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION







[F] [I] [J]



Décision en premier ressort rendue publiquement le onze mai deux mille vingt trois, par Madame Isabelle LAUQUE, présidente de chambre, agissant sur délégation de Madame la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée lors des débats de Monsieur Damien LEYMONIS, greffier, et l

ors du prononcé de la présente décision de Madame Inès BELLIN, greffier,



Après débats en audience publique le 14 mars 2023 ;



Sur la...

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°6/2023

COUR D'APPEL DE POITIERS

N° RG 22/02095

N° Portalis DBV5-V-B7G-GTS2

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION

[F] [I] [J]

Décision en premier ressort rendue publiquement le onze mai deux mille vingt trois, par Madame Isabelle LAUQUE, présidente de chambre, agissant sur délégation de Madame la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée lors des débats de Monsieur Damien LEYMONIS, greffier, et lors du prononcé de la présente décision de Madame Inès BELLIN, greffier,

Après débats en audience publique le 14 mars 2023 ;

Sur la requête en réparation de la détention fondée sur les articles 149 et suivants et R26 et suivants du code de procédure pénale présentée par

REQUERANT :

Monsieur [F] [I] [J]

né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 7]

Chez [J] [L] et [S] [O]

[Adresse 2]

[Localité 6]

comparant en personne, assisté de Me Aurélien BOURDIER, avocat au barreau de POITIERS

EN PRESENCE DE :

Monsieur l'agent judiciaire de l'Etat

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de Poitiers

ET :

Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Poitiers

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Madame Martine CAZABAN, Avocate générale

Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte du chef de vols avec arme, [J] [F] [I] était mis en examen par le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Poitiers le 18 janvier 2018 et placé en détention provisoire le même jour.

Sa demande de mise en liberté était rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention le 14 février 2018.

Cette ordonnance était infirmée le 6 mars 2018 par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Poitiers et [F] [J] était alors placé sous contrôle judiciaire.

Le 13 novembre 2020, il bénéficiait d'une ordonnance de non-lieu.

Par requête reçue au greffe le 10 mai 2021, [F] [I] [J] a saisi Madame la première Présidente de la Cour d'appel de Poitiers d'une demande d'indemnisation suite à la détention injustifée du 18 janvier 2018 au 6 mars 2018.

Dans ses écritures, il sollicite les sommes suivantes au titre de la réparation de son préjudice subi du fait de sa détention :

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- 1.575, 65 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel,

- 2.000 euros au titre de sa défense pénale.

Il fait valoir que la détention l'a privé de son emploi d'animateur dans le cadre d'un contrat unique d'insertion, de ses salaires et congés payés y afférents. Son contrat de travail prévoyait une indemnisation hebdomadaire de 24 H pour un salaire brut de 1061 euros, soit 804,68 euros de salaires net. Il réclame les pertes de revenus occasionnées par sa détention injustifée. Le montant du préjudice est chiffré à 1.432,41 euros. En considérant les pertes au titre des congés payés, lesquels sont à hateur de 10% de cette somme, le montant global du préjudice matériel est estimé à 1.575,65 euros.

Par ailleurs, il fait état d'un préjudice moral résultant d'un choc psychologique important et du fait de n'avoir pu bénéficier d'un encellulement individuel.

Par conclusions reçues au greffe le 11 octobre 2022, l'agent judiciaire de l'Etat demande à Madame la première Présidente de limiter l'indemnisation de [F] [I] [J] à la somme de 3.000 euros constituant la juste réparation de son préjudice moral outre la somme de 1.575,65 euros au titre du préjudice matériel subi et enfin de ramener à de plus justes proportions la somme de 2.000 euros réclamée au titre de ses frais irrépétibles.

S'agissant de l'évaluation du préjudice moral, il considère que [F] [I] [J] n'avait jamais été incarcéré, qu'il était célibataire sans enfants et vivait encore chez ses parents au moment de son placement en détention.

Par conclusions reçues au greffe le 10 octobre 2022, le ministère public conclut à la recevabilité de la requête et à la limitation de l'indemnisation à la sommes de 3.000 euros au titre du préjudice moral, de 1.575,65 euros au titre du préjudice matériel. Il demande enfin comme l'agent judiciaire de l'Etat, de réduire la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à de plus justes proportions.

A l'audience de la cour , le conseil de [F] [I] [J], l'Agent Judiciaire de l'Etat et le ministère public ont développé oralement leurs conclusions écrites.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation

Aux termes des articles 149 et 150 du code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;

Il ressort des pièces du dossier que la requête a été présentée dans le délai de l'article 149-2 du code de procédure pénale, que la décision de non lieu est définitive et que le requérant n'a pas été détenu pour autre cause ;

Ainsi la requête en indemnisation de la détention provisoire de [F] [I] [J] est recevable.

-Sur la demande indemnitaire :

Lors de son incarcération, [F] [I] [J] était âgé de 23 ans. Il était célibataire et vivait chez ses parents.

Il était embauché en qualité d'animateur dans le cadre d'un contrat unique d'insertion auprès de l'Association '[8]' depuis le 15 novembre 2017 ce dont il justifie.

Il n'avait jamais été condamné.

[F] [I] [J] a été incarcéré pendant 1 mois et 18 jours.

Toute détention injustifiée cause nécessairement à celui qui l'a subie un préjudice moral évident mais son évaluation s'apprécie in concreto au regard de la situation personnelle de la personne incarcérée.

En l'espèce, le préjudice moral du requérant résulte du fait qu'au regard de son jeune âge et de l'absence de tout antécédent judiciaire, sa détention injustifiée a provoqué un choc particulièrement important.

Il résulte également des conditions difficiles de détention au sein du centre pénitentiaire de [Localité 6]-[Localité 9].

Dans ces conditions, la proposition d'indemnisation de l'Agent judiciaire de l'Etat, évaluée au regard de la jurisprudence habituelle, n'apparaît pas satisfactoire. En tenant compte du délai de détention et de la situation personnelle du requérant, la juste indemnisation de son préjudice moral sera fixée à la somme de 4.000 euros.

S'agissant du préjudice matériel, il s'entend de la perte d'une partie des revenus occasionnée par la détention provisoire du réquerant. Le préjudice matériel ainsi subi est chiffré à 1.575, 65 euros. L'agent judiciaire de l'Etat et le ministère public n'opposant aucune objection au titre du préjudice matériel, il y a lieu de faire intégralement droit à la demande formée par [F] [I] [J] au titre de son préjudice matériel à hauteur de la somme de 1.575,65 euros correspondant au prorata des salaires perdus et des congés payés sur la seule période de détention.

En conséquence, la première présidente fixe le préjudice matériel de [F] [I] [J] à la somme de 1.575, 65 euros.

Enfin, l'équité commande d'accorder au requérant, la somme de 1.000 € au titre de ses frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance.

PAR CES MOTIFS :

La présidente de chambre déléguée par Madame la première présidente, statuant contradictoirement et publiquement, par décision susceptible de recours devant la Commission Nationale de Réparation des Détentions,

Déclare recevable la requête en indemnisation présentée par [F] [I] [J] ;

Alloue à [F] [I] [J] les sommes de :

' 1.575, 65 € en réparation de son préjudice économique,

' 4.000.€ en réparation de son préjudice moral,

' 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure pénale.

Rappelle l'exécution provisoire de droit qui s'attache à la présente décision.

Laisse les dépens à la charge de l'Etat.

En foi de quoi, la présent ordonnance a été signée par le président et le greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

I. BELLIN I. LAUQUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 22/02095
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.02095 ?
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