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11/05/2023 | FRANCE | N°22/02068

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Premier président, 11 mai 2023, 22/02068


R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



MINUTE N°5/2023

COUR D'APPEL DE POITIERS

N° RG 22/02068

N° Portalis DBV5-V-B7G-GTQ6

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION







[Y] [O]



Décision en premier ressort rendue publiquement le onze mai deux mille vingt trois, par Madame Isabelle LAUQUE, présidente de chambre, agissant sur délégation de Madame la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée lors des débats de Monsieur Damien LEYMONIS, greffier, et lors

du prononcé de la présente décision de Madame Inès BELLIN, greffier,



Après débats en audience publique le 14 mars 2023 ;



Sur la re...

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°5/2023

COUR D'APPEL DE POITIERS

N° RG 22/02068

N° Portalis DBV5-V-B7G-GTQ6

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION

[Y] [O]

Décision en premier ressort rendue publiquement le onze mai deux mille vingt trois, par Madame Isabelle LAUQUE, présidente de chambre, agissant sur délégation de Madame la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée lors des débats de Monsieur Damien LEYMONIS, greffier, et lors du prononcé de la présente décision de Madame Inès BELLIN, greffier,

Après débats en audience publique le 14 mars 2023 ;

Sur la requête en réparation de la détention fondée sur les articles 149 et suivants et R26 et suivants du code de procédure pénale présentée par

REQUERANT :

Monsieur [Y] [O]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 8]

domicile élu chez Maître Philippe GROS

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Philippe GROS, avocat au barreau de CARCASSONNE

EN PRESENCE DE :

Monsieur l'agent judiciaire de l'Etat

Sous-direction du droit privé

[Adresse 5]

[Localité 6]

représenté par Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de Poitiers

ET :

Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Poitiers

[Adresse 4]

[Localité 7]

représenté par Madame Martine CAZABAN, Avocate générale

Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte du chef de viol commis sur une personne vulnérable en récidive, [Y] [O] a été mis en examen le 25 juillet 2021 et placé le même jour, en détention provisoire.

Le 06 mai 2022, le juge d'instruction du tribunal judiciaire de la ROCHELLE a ordonné un non-lieu et a remis [Y] [O] en liberté.

Par requête reçue au greffe le 25 juillet 2022, [Y] [O] a saisi Madame la Première Présidente de la Cour d'appel de Poitiers d'une demande d'indemnisation du préjudice souffert du fait de la détention subie du 25 juillet 2021 au 06 mai 2022.

Aux termes de ses écritures, il demande à Madame la première Présidente de la Cour d'appel de Poitiers de lui allouer la somme 20.000 euros au titre du préjudice moral outre la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que sa détention de 9 mois et 16 jours a été particulièrement difficile du fait d'un isolement total, n'ayant reçu aucune viste durant cette période et en raison des conditions de détention particulièrement difficiles à la maison d'arrêt de [Localité 9] du fait de la surpopulation chronique.

Il argue de cet état de surpopulation carcérale de l'ordre de 200% qui entraîne une restriction substantielle aux commodités et services de base tels que les douches, les promenades et les activités possibles en détention et avance que cet état de fait constitue une atteinte manifeste aux droits fondamentaux des personnes incarcérées. Par conséquent, [Y] [O] estime que la mesure préventive subie lui a nécessairement causé un préjudice moral, qui doit être indemnisé en fonction de la durée de la détention et de ses conditions particulières.

Par conclusions reçues au greffe le 10 octobre 2022, l'agent judiciaire de l'Etat demande à Madame la première Présidente d'une part de fixer à 14.000 euros l'indemnisation du préjudice moral de [Y] [O] et d'autre part de réduire l'indemnité éventuellement allouée au titre des frais irrépétibles. S'agissant de l'évaluation du préjudice moral, il se réfère notamment au profil du réquérant qui a déja purgé une peine de 12 ans de réclusion criminelle pour des faits similaires à ceux pour lesquels il a été mis en examen, à la durée de détention subie ainsi qu'aux conditions matérielles de cette dernière.

Par conclusions reçues au greffe le 06 décembre 2022, le ministère public conclut à l'irrecevabilité de la requête en réparation de la détention de [Y] [O] faute de justifier du certificat de non recours et donc du caractère définitif de la décision.

A titre subsidiaire, il entend voir ramené à la somme de 14.000 euros l'indeminsation du préjudice moral du requérant et réduit à de plus justes proprotions la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que [Y] [O] n'évoque nullement l'accroisement du choc psychologique enduré en raison de sa réincarcération en 2021 mais évoque son isolement au regard des conditions de détention difficiles et de son isolement total sans visite. En outre, il estime que l'enquête sociale rapide effectuée au moment de son placement en détention provisoire démontre qu'il était sans emploi, sans domicile fixe, hébergé par des connaissances ou le 115.

Le ministère public conclut que le montant sollicité par le requérant est excessif au regard, notamment, de la jurisprudence habituelle en la matière, à durée d'incarcération équivalente.

Le 29 décembre 2022, le conseil de Monsieur [O] [Y], en réponse aux observations de l'agent judiciaire de l'Etat et du ministère public, a versé aux débats le certificat de non-appel de la décion de non lieu du juge d'instruction du tribunal judiciaire de la ROCHELLE.

A l'audience de la Cour , le conseil de Monsieur [O] [Y], l'Agent Judiciaire de l'Etat et le ministère public ont développé oralement leurs conclusions écrites.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation

Aux termes des articles 149 et 150 du code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;

Il ressort des pièces du dossier que la requête a été présentée dans le délai de l'article 149-2 du code de procédure pénale, que la décision de non-lieu est définitive, le ministère public n'ayant pas interjeté appel de la décision de non-lieu du juge d'instruction du tribunal judiciaire de la ROCHELLE en date du 6 mai 2022 et que le requérant n'a pas été détenu pour autre cause ;

Ainsi la requête en indemnisation de la détention provisoire de Monsieur [O] [Y] est recevable.

-Sur la demande indemnitaire :

Lors de son incarcération [O] [Y] était âgé de 43 ans.

Une enquête sociale rapide effectuée a démontré, qu'au moment de son incarcération, il était sans emploi, sans domicile fixe, hébergé par des connaissances ou le 115.

Sur le plan familial, il n'avait plus de contact avec sa mère ni son père [G] [O] depuis 5 ans.

Le casier judiciaire de Monsieur [O] [Y] comporte 17 mentions dont 14 peines d'emprisonnement ferme. Il avait précédemment été incarcéré à 4 reprises notamment pour purger une peine de 12 ans de réclusion criminelle pour des faits similaires.

Le préjudice moral du requérant résulte non seulement de la durée de sa détention mais aussi des conditions particulièrement difficiles de cette dernière en raison de l'état de surpopulation chronique de la maison d'arrêt de [Localité 9] au sein de laquelle il était détenu.

S'il convient de rappeler que toute détention injustifiée cause nécessairement à celui qui l'a subie un préjudice moral évident, son évaluation s'apprécie au regard de la situation personnelle de la personne.

Il s'agit d'une appréciation in concreto.

En l'espèce, Monsieur [O] [Y] a été incarcéré pendant 9 mois 16 jours.

Durant cette période d'incarcération à l'isolement total, le requérant n'a eu droit à aucune visite.

Néanmoins, il convient d'observer que le requérant avait déjà été incarcéré à 4 reprises notamment pour purger une peine de 12 ans de réclusion criminelle pour des faits similaires.

Dans ces conditions, la proposition d'indemnisation de l'Agent judiciaire de l'Etat apparaît satisfactoire au regard de la durée de détention subie, du passé carcéral de Monsieur [O] [Y] et de sa situation personnelle.

En conséquence, il a lieu de fixer à 14.000 euros la juste indemnisation du préjudice moral du requérant du fait de la détention subie.

Enfin, l'équité commande d'accorder à Monsieur [O] [Y] la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance.

PAR CES MOTIFS :

La Présidente de chambre déléguée par Madame la première Présidente, statuant contradictoirement et publiquement, par décision susceptible de recours devant la Commission Nationale de Réparation des Détentions,

Déclare recevable la requête en indemnisation présentée par Monsieur [O] [Y] ;

Alloue à Monsieur [O] [Y] les sommes de :

' 14.000 euros en réparation de son préjudice moral,

' 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure pénale.

Rappelle l'exécution provisoire de droit qui s'attache à la présente décision.

Laisse les dépens à la charge de l'Etat.

En foi de quoi, la présente ordonnance a été signée par le président et le greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

I. BELLIN I. LAUQUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 22/02068
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.02068 ?
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