ARRÊT N° 188
N° RG 21/02019
N° Portalis DBV5-V-B7F-GJ33
S.A.R.L. ESPRIT MAISON BOIS CORSE
C/
[G]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 02 MAI 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 mars 2021 rendu par le Tribunal d'Instance de SAINTES
APPELANTE :
S.A.R.L. ESPRIT MAISON BOIS CORSE
[Adresse 4]
[Localité 1]
ayant pour avocat postulant Me Marie-Anne NOEL, avocat au barreau de SAINTES
INTIMÉE :
Madame [P] [G] épouse [F]
née le 03 Novembre 1939 à [Localité 6] (94)
[Adresse 3]
[Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/85 du 31/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Service recours Cour d'Appel)
ayant pour avocat postulant Me Delphine TEXIER, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Courant 2017, [P] [G] épouse [F] a pris attache avec la société Esprit maison bois Eauze en vue de faire édifier une maison à ossature bois.
Par courrier en date du 30 juin 2017, cette société lui a indiqué qu'elle fournissait les matériaux, l'assemblage étant réalisé par la société partenaire Montage Bois.
Le devis en date du 26 septembre 2017 a été accepté le 7 octobre suivant par [P] [G] épouse [F], pour un montant toutes taxes comprises de 87.150 €.
Le devis de la société Montage Bois en date du 30 mai 2017 est d'un montant toutes taxes comprises de 20.220 €. Cette société n'étant pas disponible aux dates envisagées, [P] [F] a été orientée vers la société Esprit maison bois Corse qui a établi deux devis, l'un n° 28 relatif au terrassement et à la maçonnerie d'un montant toutes taxes comprises de 9.588 €, l'autre n° 31 relatif au montage de la maison d'un montant toutes taxes comprises de 14.502 €, soit un total de 24.090 €.
[P] [F] a fait constater en cours de chantier, le 18 juillet 2018, les malfaçons affectant la construction.
Le procès-verbal de réception avec réserves est en date du 27 novembre 2018. Il renvoie, s'agissant des réserves, à un courrier recommandé en date du 3 décembre 2018 distribué le 11 décembre suivant adressé par [P] [F] à la société Esprit maison bois Corse.
La société Ac bois 71 a sur la demande de [P] [F] établi un devis en date du 31 mai 2019 de reprise des désordres, d'un montant de 7.794,55 €.
Par acte du 15 janvier 2020, [P] [F] a fait assigner la société Esprit maison bois Corse devant le tribunal judiciaire de Saintes. Elle a à titre principal demandé de la condamner au paiement de la somme de 7.794 € correspondant au coût de reprise des malfaçons.
La défenderesse a conclu au rejet de ces demandes aux motifs que :
- l'action en garantie de parfait achèvement n'avait pas été exercée dans le délai d'une année ayant suivi la réception ;
- la conception et les plans de la maison avaient été réalisés par la société Esprit maison bois Eauze, depuis en faillite ;
- les désordres n'avaient pas été constatés contradictoirement et que les travaux de reprise qu'avait fait réaliser la demanderesse faisaient désormais obstacle à leur constat et à une expertise judiciaire.
Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal judiciaire de Saintes a statué en ces termes :
'- Condamne la Société ESPRIT MAISON BOIS CORSE à payer à. Madame [P] [F] la somme de SEPT MILLE SEPT CENT QUATRE VINGT QUATORZE EUROS ET CINQUANTE CINQ CENTIMES (7794,55 euros) à titre de dommages-intérêts ;
- Condamne la Société ESPRIT MAISON BOIS CORSE aux dépens incluant, en cas de défaut d'exécution volontaire dans le mois de sa signification, les frais d'exécution forcée du présent jugement, en application de l'article R631-4 du Code de la Consommation ;
- Condamne la Société ESPRIT MAISON BOIS CORSE à payer à Madame [P] [F] la somme de DEUX CENTS EUROS (200,00 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Rappelle que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire'.
Il a rappelé que l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement n'interdisait pas de rechercher la responsabilité contractuelle de la défenderesse en l'absence de reprise des désordres réservés. Il a considéré avérés les malfaçons et désordres allégués, engageant la responsabilité contractuelle de la société Esprit maison bois Corse. Il a retenu le coût des travaux de reprise décrits au devis de la société Ac bois 71.
Par déclaration reçue au greffe le 30 juin 2021, la société Esprit maison bois Corse a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2021, elle a demandé de :
'Recevoir la Société ESPRIT MAISON BOIS CORSE en son appel,
Y faisant droit,
Réformer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Judiciaire de SAINTES en date du 18.03.2021
Débouter Madame [F] de l'intégralité de ses prétentions
Condamner Madame [F] au paiement de la somme de 2.000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC
La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel'.
Elle a exposé qu'elle n'avait pas facturé, à titre commercial, ses frais de déplacement, ni la pose de gouttières et d'un bandeau bois en périphérie de la maison.
Elle a maintenu que :
- l'action avait été exercée après expiration du délai de la garantie de parfait achèvement ;
- le contrat conclu entre le maître d'ouvrage et la société Esprit maison bois Eauze ne lui était pas opposable ;
- seule avait été contactée la société Esprit bois 21, en vue du montage éléments de construction qu'elle avait fabriqués selon les plans du maître de l'ouvrage ;
- la pose de gouttière qui n'avait pas été envisagée n'avait pas été facturée ;
- le débord des pannes de toiture était conforme aux plans.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2022, [P] [G] épouse [F] a demandé de :
'Vu les articles 1103 et 1231-1 du code civil
Rejeter l'ensemble des demandes de la société Esprit Maison Bois Corse
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Saintes en date du 18 mars 2021
Condamner la société Esprit Maison Bois Corse à régler à Madame [F] les sommes suivantes :
- 7 794.55 € à titre de dommages-intérêts,
- 1 000 € au titre du préjudice moral,
- 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel'.
Elle a soutenu que :
- son action était recevable ;
- les désordres, malfaçons et non façons imputables à l'appelante étaient avérés.
L'ordonnance de clôture est du 19 décembre 2022
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE
L'article 1792-6 du code civil dispose :
'La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.
La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage'.
Le défaut de reprise des désordres réservés ou signalés dans le délai de l'article 1792-6 précité engage la responsabilité contractuelle de l'entreprise. Il est indifférent que l'action ait été engagée après expiration du délai d'une année dès lors que les désordres en étant l'objet ont été réservés ou dénoncés dans le délai autorisé.
SUR LES DÉSORDRES
L'article 1103 du code civil dispose que : 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits' et l'article 1194 que : 'Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi'.
Le devis de la société Esprit maison bois Eauze est en date du 26 septembre 2017. Il a été accepté le 7 octobre 2017 par l'intimée.
Les devis de la société Esprit maison bois Corse sont en date des 30 octobre (n° 28) et 20 novembre 2017 (n° 31). Il n'est pas contesté que l'intervention de la société Esprit maison bois Corse avait pour objet l'édification de la maison objet du devis de la société Esprit maison bois Eauze qui l'avait mise en relation avec l'intimée. La société Esprit maison bois Corse a d'ailleurs adressé à la société Esprit maison bois Eauze une facture n° 54 en date du 19 mars 2018 d'un montant hors taxes de 4.500 €. Cette facture avait pour objet :
'Pose des éléments fournis par l'usine afin de consolidé la fermes principale
Montage et démontage d'échafaudage pour rattrapage du chevronnage de toitures (taille complètement erronées)
Participation au déplacement'.
Elle a ajouté le commentaire suivant sur la facture :
'Suite à de nombreuses erreurs de la part de l'usine (boulloneries manquantes, dimension et taille de plusieurs éléments erronées), nous avons du adaptez plusieurs pièces au montage Voir retailler celle-ci afin de pouvoir réaliser l'assemblage de la dalle bois, des murs et de la charpentes'.
La société Esprit maison bois Corse s'était ainsi engagée à édifier la maison objet du devis établi par la société Esprit maison bois Eauze, accepté par l'intimée.
L'appelante ne justifie pas avoir attiré l'attention de [P] [G] épouse [F] sur les difficultés rencontrées en cours de chantier et avoir en conséquence formulé des observations ou émis des réserves sur la construction qu'elle réalisait suivant des plans et avec des matériaux fournis par la société Esprit maison bois Eauze.
Seule une facture de travaux n° 26 en date du 12 novembre 2017 émise par l'appelante à l'intention de 'M. [F]' et visant le devis n° 28 a été produite aux débats. L'appelante n'a toutefois pas fait mention d'un quelconque impayé dans ses écritures.
[P] [G] épouse [F] a au courrier en date du 3 décembre 2018 joint au procès-verbal de réception décrit en ces termes les désordres réservés :
'Certaines malfaçons ont été améliorées ou corrigées mais il reste des reprises ou des finitions qui n'ont pas été faites du faits des défauts de montage et qui me pénalisent beaucoup actuellement et m'empêchent de jouir de cette maison après une année de début de travaux .
Donc je fais les réserves suivantes:
1) les gouttières ne sont pas encore posées à cause de la coupe « sauvage » des débords de toit de 40 cm raccourcis entre 23 et 27 cm suivant Comment fait-on'
2) Surtout la ouate n'a pu être posée n'ayant pas de procès verbal de réception'
3) l'escalier ouest n'est pas posé comme il se doit un montant étant resté sur le châssis de la terrasse et donc il manque une marche '
Pour le garage qui n'est pas terminé : les baguettes d'angle manquent toujours mais je ne pense pas que vous puissiez changer maintenant les parpaings à bancher prévus en 20cm et à remplir de béton hydrofugé qui est toujours dans le garage ! Puisque vous avez posé la livraison erronée de 15 cm. J'en fait donc mon deuil !
Il me semblait que vous aviez demandé le nettoyage du chantier mais je me retouve encore avec les coupes de tuiles autour de la maison de ce fait on n'a pas pu égaliser le terrain et maintenant les pluies sont revenues'.
Ces désordres avaient été constatés le 18 juillet précédent par Maître [N] [U], huissier de justice associé à [Localité 5].
Ces désordres réservés n'ont pas été repris par l'appelante. [P] [G] épouse [F] est dès lors fondée à demander paiement du coût de leur reprise. La société Ac Bois 71 a dans un devis en date du 3 mai 2019
n° 2019/05/48 chiffré à 7.794,55 € le coût de ces travaux. L'appelante ne justifie pas du caractère erroné de cette évaluation qu'il convient dès lors de retenir.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.
SUR LE PRÉJUDICE MORAL
L'intimée demande réparation d'un préjudice moral.
Les manquements contractuels de l'appelante ont été à l'origine pour l'intimée d'un trouble dans la jouissance paisible de son bien dont elle n'a pas pu pleinement profiter. Il sera pour ce motif fait droit à sa demande indemnitaire pour un montant de 500 €.
SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelante.
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
SUR LES DÉPENS
La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.
PAR CES MOTIFS,
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 18 mars 2021 du tribunal judiciaire de Saintes ;
y ajoutant,
CONDAMNE la société Esprit maison bois Corse à payer à [P] [G] épouse [F] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la société Esprit maison bois Corse à payer en cause d'appel à [P] [G] épouse [F] la somme de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Esprit maison bois Corse aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,