ARRET N°163
CP/KP
N° RG 22/00082 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GOKW
S.C.I. CADICAF
C/
SELARL PHARMACIE SAINT GENIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 25 AVRIL 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00082 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GOKW
Décision déférée à la Cour : jugement du 04 novembre 2021 rendu par le Tribunal de Commerce de SAINTES.
APPELANTE :
S.C.I. CADICAF, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Paul ROSIER de la SELARL E-LITIS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES.
INTIMEE :
SELARL PHARMACIE SAINT GENIS SELARL, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Bénoît DEVAINE, avocat au barreau de SAINTES.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 30 juin 2016, la SCI CADICAF a donné à bail à la SELARL Pharmacie Saint Génis des locaux à usage commercial situés au [Adresse 4].
Ce bail a été consenti et accepté pour une durée de neuf ans à compter du 1er juillet 2016 et le loyer annuel était fixé à la somme de 38.400 euros.
Le 5 octobre 2018, la SELARL Pharmacie Saint Genis a déclaré mettre fin à la location en cours et donné congé pour le 30 juin 2019.
En vue de la remise en location, la SCI CADICAF a proposé à la SELARL Pharmacie Saint Genis différentes dates pour permettre la visite des locaux de futurs locataires.
En réponse la SELARL Pharmacie Saint Genis a affirmé n'être disponible à aucune de ces dates et à proposer en retour d'organiser une visite le 31 décembre 2018 à 18 heures.
Par courrier avec accusé de réception du 15 novembre 2018, la SCI CADICAF a mis en demeure la SELARL Pharmacie Saint Genis de respecter ses engagements et de permettre les visites des locaux.
Aucune visite n'a eu lieu jusqu'au départ du preneur le 30 juin 2019.
Le 23 octobre 2020, les locaux n'étant toujours pas reloués, la SCI a assigné la SARL devant le tribunal de commerce de SAINTES en réparation de son préjudice. Elle réclame le paiement de la somme de 38.400 euros à titre de dommages intérêts.
Par jugement en date du 4 novembre 2021, le tribunal de commerce de SAINTES a statué ainsi :
- Déboute la S.C.I. CADICAF de toutes ses demandes,
- Déboute les deux parties de leurs demandes de condamnation respectives au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamne chaque partie à la moitié des entiers dépens de l'instance et frais de greffe, liquidés à la somme de 63,36 euros dont 10,56 euros de TVA, mais dit que ceux-ci seront avancés par la S.C.I. CADICAF
Par déclaration en date du 11 janvier 2022, la société CADICAF a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués en intimant la S.E.L.A.R.L. Pharmacie Saint Genis.
La société CADICAF, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 28 mars 2022, demande à la cour de :
- Réformer le jugement déféré,
Statuant à nouveau :
- Condamner la SELARL Pharmacie Saint Genis à payer à la SCI CADICAF la somme de 38.400 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- Condamner la même à payer à la SCI CADICAF la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SELARL Pharmacie Saint Genis, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 9 juin 2022, demande à la cour de :
À titre principal,
- Débouter la SCI CADICAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, faute pour elle de démontrer un manquement de la SELARL PHARMACIE SAINT GENIS à ses obligations contractuelles,
- Confirmer le jugement prononcé le 4 novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de SAINTES en ce qu'il a débouté la SCI CADICAF de toutes ses demandes.
À titre subsidiaire,
- Juger que le préjudice allégué par la SCI CADICAF, si tant est qu'il existe et qu'il soit à mettre en relation causale directe et certaine avec une faute contractuelle imputable à la SELARL PHARMACIE SAINT GENIS, correspond tout au plus à une simple perte de chance d'avoir pu relouer son bien dès le 1er juillet 2019,
- Rappeler par ailleurs que la réparation d'une perte de chance doit nécessairement être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée,
- Rappeler également que la TVA ne s'applique pas sur des sommes à caractère indemnitaire,
- Débouter en tout état de cause la SCI CADICAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions indemnitaires faute pour elle de démontrer l'existence d'une chance réelle et sérieuse que l'évènement favorable (location du bien au seul et unique candidat-visiteur qui s'est soi-disant manifesté et dont on ne sait rien) se serait produit si les circonstances n'en avaient pas empêché de façon certaine la survenance.
À titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où par impossible la Cour retiendrait une faute contractuelle imputable à la SELARL PHARMACIE SAINT GENIS en lien direct et certain avec un préjudice subi par la SCI CADICAF, et dans l'hypothèse où par extraordinaire la Cour consacrerait le principe d'un droit à réparation au profit de la SCI appelante,
- Réduire très significativement et à de plus justes proportions le montant des réclamations indemnitaires présentées par la SCI CADICAF, en réparation de la perte de chance de relouer le bien immédiatement après le départ de la SELARL PHARMACIE SAINT GENIS.
En tout état de cause,
- Condamner la SCI CADICAF à verser à la SELARL PHARMACIE SAINT GENIS la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,
- Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux qui la concernent au profit de la SCP GALLET ' ALLERIT ' WAGNER en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
La clôture de l'instruction a été ordonnée au jour de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
la SCI Cadicaf reproche à la SELARL Pharmacie Saint Genis un manquement à son obligation contractuelle prévue au contrat de laisser le bailleur visiter les lieux, et sollicite en réparation de ce manquement, l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 38.400 € correspondant à un an de loyers.
Il appartient à la cour de se demander si la SELARL Pharmacie Saint Genis a commis un manquement à son obligation contractuelle, et dans cette hypothèse, s'il existe un lien de causalité entre ce manquement et le préjudice subi par la SCI Cadicaf, à savoir l'impossibilité de louer ou de vendre son immeuble.
Le congé a été donné pour le 30 juin 2019. Il résulte des éléments non contestés par les parties que la SELARL Pharmacie Saint Genis a proposé trois dates de visite :
-le 31 décembre 2018 à 18h00,
-le 27 février 2019,
-le 26 mars 2019.
Si les propriétaires, en raison d'un voyage à l'étranger n'ont pas été à même de prendre connaissance des deux dernières dates - ce qui ne leur est nullement reproché -, le seul fait que ces dates aient été proposées démontre qu'il n'y avait, chez la SELARL Pharmacie Saint Genis aucune volonté délibérée de faire obstruction au droit de visite auquel les représentants de la SCI Cadicaf pouvaient prétendre en exécution du contrat.
Pour caractériser un manquement manifeste de la société preneuse à son obligation, la SCI Cadicaf verse aux débats deux attestations de M. [G] [S], prétendument commercial dans une agence immobilière. La première, déjà produite devant le tribunal évoque la mauvaise foi des locataires qui ont proposé la date du 31 décembre 2018 à 18h00. La mauvaise foi alléguée ne saurait être caractérisée plus avant dans la mesure où la suite des événements démontrera, comme il vient d'être vu, que la société preneuse a proposé de nouvelles dates de visite. La deuxième attestation, en date du 8 décembre 2021, évoque le fait que l'agent immobilier a été contacté par Monsieur [L] intéressé par l'achat du local, que pour autant, le mandat de vente n'a pu être signé compte tenu de 'plusieurs reports et annulations'. La cour observe qu'aucune des attestations litigieuses ne comporte en annexe un justificatif d'identité. Elle s'étonne surtout qu'un professionnel de l'immobilier puisse attester de façon aussi sommaire sans étayer davantage ses propos. Il aurait été aisé de rapporter la preuve des contacts pris par Monsieur [L] avec l'agence, et de justifier de la réalité de sa recherche en qualité de potentiel acquéreur du local litigieux.
La cour constate qu'aucun comportement fautif ne saurait être retenu à l'encontre de la SELARL Pharmacie Saint Genis, et qu'en toute hypothèse, il n'est nullement établi que le préjudice de la SCI, à savoir l'impossibilité de louer le local ou de le vendre dans un temps voisin de la résiliation du bail, soit imputable au comportement de la société preneuse.
Dans ces conditions, sans qu'il ne soit nécessaire d'évoquer plus avant les autres moyens des parties, sur le terrain de la perte de chance notamment, la cour ne pourra que confirmer le jugement déféré.
***
La SCI Cadicaf qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d'appel, déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée à payer la somme de 3.000 € à la SCI Cadicaf au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Cadicaf à payer à la SELARL Pharmacie Saint Génis la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cadicaf aux dépens d'appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,