ARRÊT N°153
N° RG 21/02349
N° Portalis DBV5-V-B7F-GKXQ
S.A. ALLIANZ IARD
C/
[L]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 04 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 juillet 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de NIORT
APPELANTE :
S.A. ALLIANZ IARD
[Adresse 1]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Sébastien FOUCHERAULT de la SAS AVODES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
ayant pour avocat plaidant Me Sébastien FOUCHERAULT substitué par Me Thomas VERON, avocat au barreau des DEUX-SEVRES
INTIMÉ :
Monsieur [X] [L]
né le 08 Janvier 1976
C/Mme [S] [B]
[Adresse 2]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Gaëtan FORT de la SCP FORT-BLOUIN-BOSSANT, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
M. [L] a acheté le 28 juin 2019 un véhicule Renault Trafic immatriculé [Immatriculation 4] auprès de M. [T] pour un prix de 10 900 euros .
Il a assuré le véhicule auprès de la société Allianz selon contrat prenant effet au 1er juillet 2019.
M. [L] a déposé plainte pour vol le 11 juillet 2019.
L'assureur a fait diligenter une enquête le 30 mars 2020.
Par courrier du 3 avril 2020, la compagnie a décliné sa garantie, refus qu'elle a réitéré les 6 août et 29 octobre 2020.
Elle reprochait à M. [L] d'avoir utilisé son véhicule à des fins professionnelles alors qu'il avait déclaré utiliser son véhicule à usage particulier, de n'avoir pas fait état de l'annulation de son permis de conduire lors de la souscription du contrat.
Par courrier de 28 juillet 2020, le conseil de M. [L] faisait remarquer que son client n'avait aucune déclaration à faire dès lors que son permis n'avait pas été annulé dans les 36 mois précédant sa déclaration, que les dires de l'assureur sur une utilisation du véhicule à des fins professionnelles n'étaient pas établis.
Il réitérait sa demande de garantie le 15 septembre 2020.
Par acte du 22 décembre 2021, M. [L] a assigné la compagnie Allianz devant le tribunal judiciaire de Niort aux fins de condamnation à l'indemniser de ses préjudices.
La compagnie Allianz n'a pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire du 5 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Niort a condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à M. [X] [L] les sommes de 10 501 euros , 1500 euros à titre de dommages et intérêts, 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, l'a condamnée aux dépens.
Le premier juge a notamment retenu que :
-sur le refus de garantie
Il appartient à l'assureur d'apporter la preuve de ses allégations et du fait que s'il avait eu connaissance des informations qui lui ont été cachées, il aurait apprécié différemment le risque garanti.
La compagnie Allianz n'apporte la preuve ni de la dissimulation d'information par M. [L] , ni de la modification de l'appréciation du risque garanti.
Elle sera tenue d'indemniser M. [L] du fait du vol de son véhicule en application des garanties contractuelles.
Il convient de la condamner à lui payer la somme de 10 501 euros ( 10 900- 399), le véhicule ayant été acquis 13 jours avant le vol.
-sur la demande de dommages et intérêts
Le refus d'indemnisation est fautif.
M. [L] justifie d'une situation financière précaire, a été dans l'obligation de rembourser un prêt qu'il avait fait auprès d'un ami pour financer l'acquisition du véhicule volé.
Il subit un préjudice lié à l'impossibilité de racheter un véhicule, véhicule dont il est privé depuis presque deux années.
Ce préjudice sera évalué à la somme de 1500 euros.
LA COUR
Vu l'appel en date du 23 juillet 2021 interjeté par la société Allianz
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 6 avril 2022, la compagnie Allianz a présenté les demandes suivantes :
A titre principal :
Vu notamment les articles 1130 à 1136 du Code civil,
Dire et juger que le contrat d'assurance conclu le 3 juillet 2019 entre M. [X] [L] et la SA ALLIANZ IARD pour l'assurance automobile du véhicule RENAULT Trafic immatriculé [Immatriculation 4] est nul pour cause d'erreur.
En conséquence :
-Infirmer le jugement réputé contradictoire rendu le 5 juillet 2021 par le Tribunal judiciaire de Niort en ce qu'il a :
-condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à M. [X] [L] la somme de 10 501 euros,
-condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à M. [X] [L] la somme 1500 euros à titre de dommages et intérêts,
-condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à M. [X] [L] la somme 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamné la SA ALLIANZ IARD aux entiers dépens,
-dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire.
-Débouter M. [X] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
A titre subsidiaire :
Vu notamment les articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances,
-Dire et juger que la déclaration inexacte de M. [X] [L] lors de la souscription du contrat d'assurance automobile le 3 juillet 2019 auprès de la SA ALLIANZ IARD pour l'assurance automobile du véhicule RENAULT Trafic immatriculé [Immatriculation 4] prive ce dernier de l'indemnisation sollicitée en application du dit contrat.
En conséquence :
-Infirmer le jugement réputé contradictoire rendu le 5 juillet 2021 par le Tribunal judiciaire de Niort en ce qu'il a :
-condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à M. [X] [L] la somme de 10 501 euros,
-condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à M. [X] [L] la somme 1500 euros à, titre de dommages et intérêts,
-condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à M. [X] [L] la somme 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamné la SA ALLIANZ IARD aux entiers dépens,
-dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire.
-Débouter M. [X] [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
En tout état de cause, statuant à nouveau :
-Condamner M. [X] [L] à verser à la SA ALLIANZ IARD la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
-Condamner M. [X] [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
A l'appui de ses prétentions, la société Allianz soutient en substance que :
-L'enquête interne réalisée par l'assureur a démontré que le véhicule n'était pas assurable, n'était pas apte à la circulation suite à un sinistre en date du 26 mars 2018 ayant entraîné les procédure 'véhicule gravement endommagé' (VGE) puis 'véhicule économiquement irréparable'(VEI).
Un problème technique a empêché l'opposition au transfert du certificat d'immatriculation et permis la cession à un tiers.
-M. [L] n'a pas fourni les éléments permettant à l'assureur de chiffrer la valeur réelle du véhicule. Le contrat d'assurance portait sur un véhicule non assurable.
-Elle a accepté par erreur de l'assurer.
-Le contrat est nul pour cause d'erreur, peu important que M. [L] ait eu ou non connaissance du sinistre.
-Subsidiairement, elle n'aurait pas assuré le véhicule si elle avait su.
Elle a été informée après la survenance du sinistre.
-Aucune indemnité n'est due.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 14 avril 2022 , M. [L] a présenté les demandes suivantes :
Vu les pièces versées au débat,
Vu l'article L 113-9 du Code des assurances,
Vu l'article 1103 et 1217 et suivants du Code Civil,
Vu le jugement en date du 01 février 2021
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
-CONFIRMER le jugement rendu le 05 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de NIORT en ce qu'il a :
-condamné la Société ALLIANZ à payer à Monsieur [L] la somme de 10 501€,
-condamné la Société ALLIANZ à payer à Monsieur [L] la somme de 1 500€ par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; et aux entiers dépens
ET PLAISE A LA COUR DE :
-CONDAMNER la Société ALLIANZ à payer à Monsieur [L] la somme de 10 501€,
-CONDAMNER la Société ALLIANZ à payer à Monsieur [L] la somme de 1 500€ par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; et aux entiers dépens ;
-RECEVOIR Monsieur [L] en son appel incident,
-INFIRMER le jugement rendu le 05 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de NIORT en ce qu'il a condamné la société ALLIANZ à payer à Monsieur [L] une somme de 1 500€ à titre de dommages et intérêts.
ET STATUANT A NOUVEAU,
-DEBOUTER la Société ALLIANZ de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
-CONDAMNER la Société ALLIANZ à payer à Monsieur [L] une somme de 4 000€ à titre de dommages et intérêts avec intérêts aux taux légal à compter du prononcé du jugement,
-CONDAMNER la Société ALLIANZ à payer à Monsieur [L] de la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
-CONDAMNER la société ALLIANZ aux entiers dépens
A l'appui de ses prétentions, M. [L] soutient en substance que :
-L'assureur se fonde exclusivement sur un rapport d'enquête qu'il a fait diligenter sept mois après la souscription du contrat.
-L' erreur s'apprécie au jour de la formation du contrat.
-L' erreur n'est nullement démontrée.
-Le relevé des antécédents démontre l' existence d'un sinistre le 26 mars 2018, non une procédure Véhicule Gravement Endommagé.
-Le certificat de situation administrative détaillé indique 'aucune opposition véhicule endommagé '.
-Le certificat de situation administrative et la carte d'immatriculation lui avaient été remis.
-Le véhicule a été cédé malgré le sinistre du 26 mars 2018 à deux reprises les 9 janvier 2019, 28 juin 2019.
-A supposer que le véhicule soit inapte à la circulation, cette donnée était inconnue au jour de la conclusion du contrat.
-Selon l' enquêteur de l'assureur, le véhicule utilitaire était en excellent état mécanique.
-Le véhicule était administrativement reconnu comme vendable et assurable au moment de la formation du contrat.
-L'assureur n'a commis aucune erreur de fait.
-Le contrat s'applique, déduction faite de la franchise.
-Il forme un appel incident, estime que son préjudice a été sous-estimé.
-Il a attendu d'être indemnisé depuis juillet 2019. Il était dans une situation précaire, n'a pu acheter un autre véhicule.
-Il n'a pu trouvé d'emploi faute de moyen de locomotion, a dû quitter son logement, est hébergé à titre gratuit. Il a subi un préjudice de jouissance.
-Il justifie qu'un ami lui avait prêté la somme de 10 000 euros lui permettant d'acquérir le véhicule.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 novembre 2022.
SUR CE
- sur l'erreur
Selon l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1132 du code civil dispose : l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
Selon l'article 1133, les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.
Il est de droit constant que l'erreur s'apprécie au moment de la formation du contrat.
Il résulte des productions qu'à la date de formation du contrat d'assurance, ni l'assureur, ni l'assuré ne savaient que le véhicule n' était pas réglementairement apte à circuler, n'aurait pas dû être mis en vente.
L'assureur indique que c'est suite à l'enquête interne qu'il a réalisée courant avril 2020 qu'il a appris que le véhicule avait subi un sinistre le 26 mars 2018, sinistre qui aurait dû faire obstacle aux transferts du certificat d'immatriculation.
Cette enquête a néanmoins également décrit le véhicule assuré comme en excellent état mécanique.
Si l'assureur est en droit de se servir d'éléments d'appréciation postérieurs au contrat pour prouver l'existence d'une erreur au moment du contrat, il lui appartient de démontrer que l'erreur commise a eu pour effet de vicier son consentement.
Au regard de la valeur limitée du véhicule acquis pour un prix de 10 900 euros, véhicule qu'il savait d'occasion, des capacités mécaniques du véhicule à la date de souscription du contrat, l'assureur affirme, mais ne démontre pas que l'erreur commise a vicié son consentement.
- sur la déclaration inexacte
L'article L. 113-8 du code des assurances prévoit qu'indépendamment des conditions ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 113-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré , quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.
En l'espèce, il n'est ni démontré, ni même soutenu une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré.
Selon l'article L.113-9, l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.
Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après sinistre , l'indemnité est réduite à proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.
La déclaration inexacte faite de bonne foi peut donc entraîner la réduction de l'indemnité.
Il résulte des productions que l'assureur a conseillé une 'formule' tenant compte de la seule valeur vénale modérée du véhicule.
Il n'est pas établi par l'assureur que le taux des primes payés par M. [L] aurait été moindre que celui payé , dès lors que le seul critère pris en compte a été la valeur vénale modérée.
- sur la demande de dommages et intérêts
M. [L] estime que ses préjudices ont été sous-estimés par le tribunal.
Il demande la condamnation de la société Matmut à lui payer la somme de 4000 euros de ce chef.
Il fait valoir qu'en l'absence de véhicule, il n' a pas été en mesure de trouver un emploi, n'a plus été en capacité de régler son loyer.
Si M. [L] démontre qu'il était au chômage et avait des revenus limités, il ne démontre pas que cette situation et sa prolongation soient imputables en tout ou en partie au défaut de véhicule.
Le tribunal a retenu à juste titre qu'il avait été privé de véhicule à compter de juillet 2019, avait été dans l'impossibilité d'acquérir un autre véhicule faute d'indemnisation.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le préjudice subi à la somme de 1500 euros.
- sur les autres demandes
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de l'appelante.
Il est équitable de la condamner à payer à l'intimé la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS :
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-confirme le jugement
Y ajoutant :
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne la société Allianz aux dépens d'appel
-condamne la société Allianz à payer à M. [L] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,