ARRÊT N°151
N° RG 21/01685
N° Portalis DBV5-V-B7F-GJA3
[X]
C/
[E]
[B]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 04 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 mai 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE
APPELANTE :
Madame [J] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ayant pour avocat postulant Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
ayant pour avocat plaidant Me David BODIN, avocat au barreau de la ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉES :
Madame [U] [E]
née le 27 Juin 1944 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me François CARRE de la SCP BCJ BROSSIER - CARRE - JOLY, avocat au barreau de POITIERS
Madame [D] [B]
en qualité d'ayant-droit de sa mère [L] [B] décédée le 02/09/2021
née le 04 Janvier 1967 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Hervé BLANCHÉ de la SCP ELIGE LA ROCHELLE-ROCHEFORT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
Mme [M] , épouse [B] a cédé aux époux [V] une parcelle de terrain à bâtir située commune de [Localité 7],cadastrée section [Cadastre 10] selon acte du 3 décembre 1979.
L'acte créait un droit de passage : ' Il est créé sur le fonds vendu aux présentes un droit de passage, à pied ou avec tout véhicule, d'une largeur de deux mètres cinquante cm, le long de la limite Est, au profit exclusif du fonds cadastré lieu dit 'trotte-chien ' section [Cadastre 9] sur lequel existe un petit bâtiment de 32 m2 restant appartenir à la venderesse et à son mari.
La création et l'entretien de ce passage seront à la charge exclusive de Mme [B].
Si le fonds [Cadastre 9] venait à bénéficier d'une issue plus pratique et moins dommageable sur une voie publique ou privée à venir, il est expressément convenu que le droit de passage présentement créé, cesserait de plein droit.
Le droit de passage permet l' accès au CD et au chemin rural dit de pierre menue.'
Par courrier recommandé du 23 octobre 2018, le conseil de Mme [X], fille des époux [V], écrivait à Mme [B], faisant état de l'aménagement de l'[Adresse 1].
Il poursuivait : 'Il apparaît dès lors aujourd'hui évident que vous ne disposez plus d'un quelconque droit de passage sur la parcelle [Cadastre 10] de ma cliente.
Le cas échéant, vous devez obtenir que Mme [A], propriétaire de la parcelle [Cadastre 8], vous consente un droit de passage sur sa petite bande de terrain pour vous permettre de rejoindre l'[Adresse 1].
Il écrivait également à Mme [A], veuve [E], lui envoyait copie de la 'mise en demeure' qu'il avait adressée à Mme [B], ajoutait :
'Il apparaît que le passage le plus pratique et le moins dommageable pour rejoindre l' [Adresse 1] pour Mme [B] est de passer sur le fonds [A].'
Par courrier en réponse du 31 octobre 2018, Mme [B] faisait valoir qu'elle avait interrogé Mme [A], sans résultat, avait également demandé à deux reprises un droit de passage aux époux [G], avait enfin proposé à Mme [X] de lui acheter une bande de terrain, proposition refusée.
Par courrier du 1er février 2019 adressé à Mme [A], Mme [B] réitérait sa demande.
Ce courrier est resté sans réponse.
Par actes du 6 février 2020, Mme [X] a fait assigner Mme [B] et Mme [A] devant le tribunal judiciaire de la Rochelle aux fins de voir constater l'extinction de la servitude de passage, subsidiairement, voir ordonner une expertise.
Mme [B] a conclu au débouté.
Mme [A] a conclu à l'irrecevabilité des demandes et au débouté.
Par jugement du 4 mai 2021 , le tribunal judiciaire de la Rochelle a débouté Madame [X] de sa demande tendant à voir constater l'extinction de la servitude de passage de Madame [B] née [M] et corrélativement de ses demandes de suppression du portail pour le remplacer par une clôture, rejeté comme inutile la demande d'expertise formée à titre subsidiaire, condamné Mme [X] à payer 2000 euros à Mme [B], 2000 euros encore à Mme [E] ainsi qu'aux dépens.
Le premier juge a notamment retenu que :
Lorsqu'un terrain se trouve enclavé suite à une division d'une parcelle plus importante, le droit de passage s'exerce obligatoirement sur les terrains objets de la division.
Il ne peut être sollicité un droit de passage sur un autre terrain sauf si le passage est matériellement impossible sur les terrains divisés.
En l'espèce, il est constant que l' enclave du fonds [M]-[B] résulte de la division d'une parcelle plus importante.
Il résulte de la configuration des lieux que cette parcelle est toujours enclavée, ne dispose d'aucun accès direct sur une voie publique, que ce soit l'ancienne [Adresse 5] ou la nouvelle [Adresse 1].
Le droit de passage doit s'exercer sur le terrain vendu aux époux [V], auteurs de Mme [X]. L'impossibilité matérielle n'est pas démontrée par la demanderesse.
La clause du contrat de vente entre les époux [X] et Mme [M], épouse [B] prévoit certes la cessation de plein droit du droit de passage ' si le fonds ZA75 venait à bénéficier d'une issue plus pratique et moins dommageable sur une voie publique ou privée à venir.
La venderesse ou ayants droit s'engage dès à présent à faire diligence pour obtenir l'accès à une éventuelle voirie plus pratique, fût-ce à titre onéreux mais à condition de ne pas excéder deux pour cent de la valeur de l'immeuble desservi.'
Cependant, cette clause est inopposable à Mme [E], veuve [A], tiers au contrat.
Elle ne peut imposer une règle différente de celle qui est prévue par l'article 682 du code civil.
Elle oblige seulement Mme [M], épouse [B] à faire diligence pour tenter d'obtenir un accès plus pratique.
Elle a tenté d'obtenir un accès, s'est heurtée à des refus.
Mme [X] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir constater l' extinction de la servitude.
LA COUR
Vu l'appel en date du 28 mai 2021 interjeté par Mme [X]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 13 août 2021, Mme [X] a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 682 et suivants du code civil,
Vu les articles 143 et suivants, 515, 696 et 700 du code de procédure civile,
-Infirmer le Jugement du Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE du 4 mai 2021 et statuant à nouveau :
À titre principal,
dire et juger que le fonds de Madame [B] dispose d'une issue plus pratique et moins dommageable que celle résultant de la servitude consentie en 1979 par les auteurs de Madame [X]
-constater l'extinction de la servitude de passage
-ordonner la suppression du portail de Madame [B] donnant sur la propriété de Madame [X] et autoriser cette dernière à clôturer son terrain à l'endroit du portail
-condamner Madame [B] ou toute partie succombante à lui verser la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles
-condamner la même aux entiers dépens
À titre subsidiaire,
-ordonner une expertise avant-dire droit afin notamment de déterminer l'issue la plus pratique et la moins dommageable depuis le fonds de Madame [B] jusqu'à la voirie et décrire les aménagements nécessaires à la réalisation d'une telle issue et en chiffrer le coût
-réserver les frais et dépens
A l'appui de ses prétentions, Mme [X] soutient en substance que :
-Les conditions de cessation de la servitude consentie sont réunies.
-La commune a acquis une parcelle devenue [Adresse 1], voie ouverte au public, sur laquelle des véhicules stationnent. Elle permet un passage plus direct.
-Certes, ce passage nécessite l' exercice d'une nouvelle servitude sur le fonds de Mme [A], veuve [E].
-Cette dernière n'utilise pas la bande de terrain correspondante.
-Les aménagements qui seront requis sont infimes, se limitent à la dépose d'une haie, d'un grillage. Ils se chiffrent à la somme de 2394,70 euros.
-L' extinction n'exige pas un accès direct à la voie publique mais une issue plus pratique sur une voie publique ou privée à venir.
-L' extinction de la servitude conventionnelle est possible lorsque l' état d'enclave en a été la cause déterminante.
-Subsidiairement, une expertise permettra de constater qu'il existe une issue plus pratique et moins dommageable.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 5 août 2022, Mme [A] a présenté les demandes suivantes :
-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE en date du 04 mai 2021.
En conséquence, dire et juger aussi irrecevables que mal fondées les demandes, fins et conclusions dirigées contre Madame [E] ; en conséquence, en débouter tant Madame [X] que Madame [B].
A titre subsidiaire,
-avant-dire droit, et pour le cas où la juridiction de céans déciderait que la servitude légale de passage doit s'exercer sur la parcelle cadastrée [Cadastre 8] appartenant à Madame [E], ordonner une mesure d'expertise et désigner tel expert qu'il plaira à la juridiction de céans avec pour mission de :
- déterminer l'issue la moins dommageable à partir du fonds de Madame [B].
- déterminer la faisabilité de l'accès à l'[Adresse 1] à partir de la parcelle cadastrée [Cadastre 10] au travers de la parcelle [Cadastre 8].
-déterminer les conditions et l'assiette de la servitude.
-déterminer les travaux d'aménagement nécessaires pour assurer la préservation des réseaux existants.
-déterminer l'indemnité revenant à Madame [E] au regard du dommage occasionné par la création de la servitude.
-En tout état de cause, condamner solidairement Madame [X] et Madame [B] à verser à Madame [E] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, Mme [A], veuve [E] soutient en substance que :
-Mme [M], épouse [B] est décédée le 2 septembre 2021.
L'acte du 3 décembre 1979 prévoit que le vendeur fera son affaire personnelle de la servitude de passage à instituer sur le lot détaché pour maintenir un accès à son bâtiment existant sur la parcelle [Cadastre 9].
-La parcelle [Cadastre 10] est une partie détachée d'une plus grande propriété qui appartenait à Mme [B]
-Le passage ne peut donc s'effectuer que sur la parcelle appartenant à Mme [X].
-La servitude conventionnelle instaurée par l'acte du 3 décembre 1979 n'a pas modifié le fondement légal de la servitude.
Elle s'impose au propriétaire du fonds enclavé par son propre fait.
-L'enclave du terrain de Mme [B] perdure. Entre la voie publique et la parcelle de Mme [B], il y a une parcelle privée appartenant à Mme [E].
Aucun accès direct à la voie publique n'existe.
Il n'est pas démontré que Mme [B] pourrait obtenir le droit de passer sur la parcelle de Mme [E], que le passage soit réalisable, qu'un accès puisse être créé sur l'[Adresse 1].
-Le propriétaire d'un fonds servant ne peut demander que la charge de la servitude soit imposée à un autre fonds. Les conditions d'extinction de la servitude conventionnelle ne sont pas réunies.
-Subsidiairement, l'extinction de la servitude de passage en cas de cessation de l'enclave est inapplicable aux servitudes conventionnelles ou résultant de la destination du père de famille.
-Les ayants droit de Mme [B] peuvent bénéficier de la prescription trentenaire.
-La demande dirigée contre Mme [E] est irrecevable.
-L' existence d'une servitude conventionnelle permettant un accès suffisant à la voie publique exclut l'établissement d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave.
-Un propriétaire ne peut invoquer un état d'enclave qui résulte de son seul fait volontaire.
-L' enclave résulte de la vente de la parcelle [Cadastre 10] appartenant à Mme [B].
-Elle pouvait réduire la superficie vendue pour se ménager un accès à la voie publique.
-Il n'est pas démontré que l' accès par la parcelle de Mme [E] serait plus pratique.
-Le coût des aménagements nécessaires n'est pas connu.
-Subsidiairement, elle demande qu'une expertise soit ordonnée.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 28 juillet 2022, Mme [D] [B], héritière de Mme [M], épouse [B] a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 686 et suivants du Code civil
-CONSTATER que la parcelle sise à [Localité 7], cadastrée section [Cadastre 9] appartenant à Mme [D] [B] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle située sur la même commune cadastrée section [Cadastre 10] appartenant à Mme [J] [X] et ce en vertu d'un acte notarié de Me [K] en date du 03.12.1979,
-CONSTATER les diligences accomplies par Mme [L] [B], mère défunte de [D] [B],
DIRE ET JUGER qu'à défaut d'accord de Mme [U] [E] née [A], le seul accès possible de la parcelle sise à [Localité 7], cadastrée section [Cadastre 9] à la voie publique s'effectue sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 10] appartenant à Mme [J] [X],
DIRE ET JUGER que la servitude conventionnelle de passage dressée par acte notarié de Maître [K] en date du 03 décembre 1979, sur la parcelle sise à [Localité 7],cadastrée section [Cadastre 10] appartenant à Mme [J] [X] au profit de la parcelle située sur la même commune cadastrée section [Cadastre 9] appartenant à Mme [D] [B] n'a pas cessé et perdure toujours,
-DEBOUTER en conséquence Madame [J] [X] de ses demandes, fins et conclusions.
-CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE.
A titre infiniment subsidiaire :
Vu les articles 682 et suivants du Code civil,
Si par extraordinaire et contre toute attente, la Cour devait prononcer la cessation de la servitude conventionnelle de passage résultant de l'acte de Me [K] en date du 03 décembre 1979,
-CONSTATER l'état d'enclave de la parcelle sise à [Localité 7], cadastrée section [Cadastre 9] appartenant à Mme [D] [B],
-FIXER le mode et l'assiette de la servitude légale de passage pour cause d'enclave au bénéfice de la parcelle sise à [Localité 7], cadastrée section [Cadastre 9] appartenant à Mme [D] [B] :
-Soit sur la parcelle sise à [Localité 7], cadastrée section [Cadastre 10] appartenant à Mme [J] [X] en application des dispositions de l'article 685 du Code civil
-Soit sur la parcelle sis à [Localité 7], cadastrée section [Cadastre 8] appartenant à Mme [U] [E] née [A] en application des dispositions de l'article 683 du Code civil
DIRE ET JUGER que ce droit de passage sera d'une largeur minimum de deux mètres cinquante centimètres et servira au passage à pieds ou avec tout véhicule,
En tout état de cause :
-DEBOUTER Madame [U] [E] née [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, y compris sa demande d'expertise et sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
-DEBOUTER Mme [J] [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, y compris sa demande d'expertise et sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
-CONDAMNER Mme [J] [X] à régler à Mme [D] [B] une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
-CONDAMNER Mme [J] [X] aux entiers frais et dépens.
A l'appui de ses prétentions, Mme [B] soutient en substance que :
-Nul ne plaide par procureur. Ce n'est pas à Mme [X] de solliciter un passage sur la propriété de Mme [A] à sa place.
-La cessation de la servitude conventionnelle est conditionnée à l'existence d'une autre issue plus pratique et moins dommageable.
-Il n'existe d'accès direct ni sur la route départementale (D125), ni sur l' [Adresse 1], domaine privé communal.
-Pour accéder à la voie publique, elle doit traverser soit la parcelle [Cadastre 10], propriété de Mme [X], soit la parcelle [Cadastre 8], propriété de Mme [A].
-Le passage par 137 est impossible du fait du refus de Mme [A].
-Elle justifie avoir fait des démarches pour tenter d'obtenir un passage sur la voie privée. Elle a écrit aux propriétaires successifs de la parcelle [Cadastre 8], s'est heurtée à des refus.
Elle est toujours enclavée.
-Subsidiairement, si la cour estime que les conditions de l' extinction sont réunies, elle sera enclavée. Elle réclame le passage qu'elle exerce depuis plus de trente ans.
-S'il est fait application de l'article 683 du code civil, le passage le plus court passe par la parcelle [Cadastre 8] appartenant à Mme [A].
-Une expertise n'est pas nécessaire.
-Si elle est ordonnée, les frais en seront avancés par Mme [X].
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 novembre 2022.
SUR CE
- sur l'extinction de la servitude conventionnelle
L'article 685-1 du code civil dispose : en cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682.
A défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par décision de justice.
Dès lors que dans le titre établissant une servitude de passage il est stipulé que cette servitude a pour fondement et cause déterminante l'état d'enclave de la parcelle en cause , le propriétaire du fonds servant est ainsi fondé à invoquer l'extinction de la servitude dans les conditions de l'article 685-1 du code civil au cas où l'enclave a cessé.
Selon l'article 686, l'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue; à défaut de titre, par les règles ci-après.
Le titre constitutif a force obligatoire.
S'agissant d'une servitude établie par le fait de l'homme, le juge ne saurait sans méconnaître le principe de l'autonomie de la volonté des parties, porter atteinte au lien contractuel résultant de l'accord commun de celles-ci en autorisant des modifications à la servitude, auxquelles les propriétaires intéressés n'ont pas consenti.
Mme [X] soutient que les conditions d'extinction de la servitude conventionnelle sont réunies, ce que Mmes [B] et [A] contestent.
Il est constant que la servitude a été créée par l'acte du 3 décembre 1979, qu'elle a pour fondement un état d'enclave.
L'acte prévoit :
'Si le fonds [Cadastre 9] venait à bénéficier d'une issue plus pratique et moins dommageable sur une voie publique ou privée à venir, il est expressément convenu que le droit de passage présentement créé, cesserait de plein droit.
La venderesse ou ayants droit s'engage dès à présent à faire diligence pour obtenir l'accès à une éventuelle voirie plus pratique, fut-ce à titre onéreux mais à condition de ne pas excéder 2% de la valeur de l'immeuble desservi.'
Il appartient à Mme [X] de démontrer que le fonds [Cadastre 9] bénéficie désormais d'une issue plus pratique et moins dommageable sur une voie publique ou privée à venir.
Elle considère que l'élément nouveau réside dans l'aménagement de l'[Adresse 1].
L'aménagement de l'[Adresse 1] permet effectivement d'envisager un passage plus court.
Cette option n'entraîne pas 'de plein droit' la cessation du droit de passage litigieux dès lors que sa cessation est conditionnée au 'bénéfice' d'une issue et non seulement à son existence.
Or, le fonds ne bénéficiera d'une autre issue que si son propriétaire obtient un droit de passage sur la propriété de Mme [A].
Faute d'accord de cette dernière, l'issue alléguée n'existe pas.
Mme [M], épouse [B] avait de son vivant justifié avoir demandé à plusieurs reprises ce droit de passage à Mme [A], avoir fait diligence pour tenter d'obtenir un accès différent, en vain.
Le tribunal a fait valoir en outre à juste titre qu'une telle modification serait contraire aux dispositions de l'article 684 du code civil qui dispose que lorsque l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.
C'est seulement dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, que l'article 682 serait applicable.
Il est constant que l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente.
Il n'est pas soutenu que le passage actuel sur les fonds divisés soit insuffisant.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande principale.
- sur la demande d'expertise
Les pièces produites permettent à la cour de se prononcer sur les questions qui lui sont posées sans qu'il soit nécessaire de désigner un technicien.
Mme [X] sera donc déboutée de sa demande d'expertise.
- sur les autres demandes
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de Mme [X].
Il est équitable de la condamner à payer aux intimées la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS :
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-confirme le jugement en toutes ses dispositions
Y ajoutant :
-déboute Mme [X] de sa demande d'expertise
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne Mme [X] aux dépens d'appel
-condamne Mme [X] à payer à Mme [A] et à Mme [B] la somme de 2000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,