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30/03/2023 | FRANCE | N°23/00006

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Référés premier président, 30 mars 2023, 23/00006


Ordonnance n 14

















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30 Mars 2023

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N° RG : 23/00006 -

N° Portalis : DBV5-V-B7H-GXGV

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[D] [R]

C/

PARQUET GENERAL, S.E.L.A.R.L. [V] prise en la personne de Me [J] [V], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CORP HABITAT

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS




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COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE



RÉFÉRÉ









Rendue publiquement le trente mars deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secréta...

Ordonnance n 14

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30 Mars 2023

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N° RG : 23/00006 -

N° Portalis : DBV5-V-B7H-GXGV

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[D] [R]

C/

PARQUET GENERAL, S.E.L.A.R.L. [V] prise en la personne de Me [J] [V], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CORP HABITAT

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le trente mars deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Monsieur Damien LEYMONIS, greffier placé, lors des débats et de Madame Inès BELLIN, greffière, lors de la mise à disposition,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le seize mars deux mille vingt trois, mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au trente mars deux mille vingt trois.

ENTRE :

Monsieur [D] [R]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 8] (79)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Comparant assisté de Me Guillaume ALLAIN, avocat au barreau de POITIERS

DEMANDEUR en référé ,

D'UNE PART,

ET :

PARQUET GENERAL

Cour d'Appel de POITIERS - Palais de Justice des Feuillants

[Adresse 4]

[Localité 6]

Non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites

S.E.L.A.R.L. [V]

prise en la personne de Me [J] [V], agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CORP HABITAT

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Sébastien REY de la SAS AVODES, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

DEFENDEURS en référé ,

D'AUTRE PART,

Faits et procédure :

Selon jugement en date du 29 juin 2018, la SARL CORP HABITAT, dirigée par Messieurs [I] [P] et [D] [R] a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL [V] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Monsieur [D] [R] n'a admis aucune faute de gestion et n'a pas été assigné en comblement du passif.

Sur la plainte de certains sous-traitants, une enquête pénale a été diligentée contre la société et ses dirigeants.

Monsieur [D] [R] a ainsi été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de biens sociaux et d'absence de garantie du sous-traitant.

Par jugement en date du 24 juin 2021, le tribunal correctionnel de Niort a notamment :

- relaxé Monsieur [D] [R] du chef d'abus de bien sociaux pour les factures réglées par la société CORP HABITAT à l'EIRL [R] à compter du 1er septembre 2017, et pour un montant de 25 000 euros,

- déclaré coupable Monsieur [D] [R] du chef d'abus de biens sociaux, au titre des loyers que lui a versés la société CORP HABITAT, d'un montant de 18 000 euros, pour la mise à disposition d'un bureau à son domicile ;

- relaxé partiellement Monsieur [D] [R] du chef d'absence de garantie du sous-traitant, à savoir pour la période à compter du 1er mai 2017.

Par exploit en date du 29 juin 2021, Maître [J] [V] a fait assigner Monsieur [D] [R] devant le tribunal de commerce de Niort en responsabilité pour insuffisance d'actif, et a sollicité sa condamnation au paiement de la somme de 1 417 205,71 euros.

Selon jugement en date du 15 novembre 2022 le tribunal de commerce de Niort a :

- condamné Monsieur [D] [R] à supporter l'insuffisance d'actif de la société CORP HABITAT à hauteur de 221 790,01 euros et à verser cette somme entre les mains de la SELARL [V], ès qualités de liquidateur de la SARL CORP HABITAT,

- condamné Monsieur [D] [R] à payer à la SELARL [V], ès qualités de liquidateur de la SARL CORP HABITAT, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement ;

- condamné Monsieur [D] [R] aux entiers dépens de l'instance dont les frais de greffe liquidés pour 73,26 euros toutes taxes comprises.

Monsieur [D] [R] a interjeté appel dudit jugement selon déclaration enregistrée le 24 novembre 2022.

Par exploits en date des 26 et 27 janvier 2023, Monsieur [D] [R] a fait assigner la SELARL [V] et le parquet général devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article R.661-1 alinéa 4 du code de commerce, l'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement rendu par le tribunal de commerce de Niort le 15 novembre 2022.

L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 16 février 2023, a été renvoyée à la demande des parties à l'audience du 16 mars 2023.

Monsieur [D] [R] fait valoir qu'il justifie de moyens sérieux de réformation en ce que le tribunal de commerce de Niort n'a retenu qu'une faute de gestion à sa charge, laquelle ne serait pas à l'origine de l'insuffisance d'actif.

Il soutient que le tribunal de commerce aurait commis en erreur de droit en retenant sa responsabilité pour insuffisance d'actif sans démontrer le lien de causalité entre la faute de gestion qui lui est reprochée et l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire.

Il indique ainsi qu'il ne gérait plus la société depuis le 1er mai 2017, que l'état de cessation des paiements de la société CORP HABITAT a été fixé en décembre 2017 et que les factures impayées des sous-traitants sont en date du 1er semestre 2018, à une période où il ne gérait plus la société CORP HABITAT.

Il soutient que le tribunal de commerce aurait violé l'autorité de la chose jugée au pénal en retenant sa participation et sa responsabilité pour les contrats de sous-traitance signés en 2018, alors que le tribunal correctionnel l'avait relaxé pour tous les contrats signés avec des sous-traitants durant la période où il n'intervenait plus dans la gestion de l'entreprise, c'est-à-dire du 1er mai 2017 eu 29 juin 2019.

Monsieur [D] [R] fait valoir que l'exécution provisoire de la décision litigieuse aurait pour lui des conséquences manifestement excessives en ce que sa situation financière ne lui permettrait pas de s'acquitter des sommes pour lesquelles il a été condamné, étant interdit de gestion et travaillant désormais en tant que salarié.

Il sollicite la condamnation de Maître [J] [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CORP HABITAT, à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SELARL [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CORP HABITAT, fait valoir que la demande de Monsieur [D] [R] serait irrecevable pour être fondée sur les dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, inapplicable en l'espèce.

Elle soutient que les moyens soulevés par Monsieur [D] [R] ne sont pas sérieux et impropres à justifier un arrêt de l'exécution provisoire.

Elle fait ainsi valoir que l'action en comblement du passif concerne tous les dirigeants de l'entreprise à la date de l'ouverture de la procédure collective, de sorte que Monsieur [D] [R], qui n'avait pas démissionné de ses fonctions et qui continuait à percevoir des loyers et des revenus de la part de l'entreprise lors de son placement en procédure collective, ne saurait exciper qu'il aurait été écarté de la gestion pour échapper à sa responsabilité de dirigeant.

La SELARL [V] indique en outre que l'autorité de chose jugée au pénal ne s'attache qu'à ce qui a été certainement jugé par le juge pénal et que si Monsieur [D] [R] a été relaxé de certaines infractions au motif qu'il avait été écarté de la gestion à compter du mois de mai 2017, cela ne signifie pas qu'il est exempt de fautes de gestion à compter de cette date, soutenant que ce dernier aurait conservé la qualité de gérant jusqu'au prononcé du jugement de liquidation judiciaire.

Elle fait ainsi valoir que l'essentiel des créances déclarées dans le cadre de la procédure collective provient de factures impayées de sous-traitants et que Monsieur [D] [R] avait parfaitement connaissance de ce que la société CORP HABITAT n'avait pas souscrit d'assurance garantie sous-traitant, pratique qu'il n'aurait jamais dénoncée et qui aurait conduit à l'aggravation de la situation et à la génération d'un passif important.

La SELARL [V] indique enfin que Monsieur [D] [R] ne présente pas d'élément sérieux pour remettre en cause le calcul du tribunal de commerce portant sa condamnation à la somme de 221 790,01 euros.

Elle sollicite la condamnation de Monsieur [D] [R] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le parquet général donne un avis défavorable à l'arrêt de l'exécution provisoire estimant que Monsieur [D] [R] ne justifie d'aucun moyen sérieux à l'appui de son appel.

Il fait valoir que le tribunal de commerce a considéré que Monsieur [D] [R], bien qu'ayant été mis à l'écart de la gestion de la SARL CORP HABITAT en mai 2017, avait été co-gérant de la société depuis 2013, était parfaitement informé des pratiques mises en place par Monsieur [P] et lui-même depuis 2015 consistant à conclure des contrats avec des sous-traitants sans avoir obtenu la garantie de paiement et qu'il avait donc contribué partiellement à l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire.

Motifs :

Sur la recevabilité de la demande de Monsieur [D] [R] :

La SARL [V] conclut à l'irrecevabilité de la demande de Monsieur [D] [R] en ce qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile alors que seules les dispositions de l'article R.661-1 du code de commerce auraient vocation à s'appliquer.

En l'espèce, la décision dont appel est fondée sur les dispositions de l'article L.651-2 du code de commerce, de sorte qu'il convient de faire application des dispositions de l'article R.661-1 du code de commerce.

Les parties s'accordant sur l'application de ce texte et Monsieur [D] [R] ayant modifié le fondement de sa demande lors de l'audience, il y a lieu de constater la recevabilité de la demande de Monsieur [D] [R].

Sur le fond :

L'article R.661-1 alinéa 4 du code de commerce dispose que par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. '...' Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal.

En l'espèce, Monsieur [D] [R] fait valoir que le tribunal de commerce de Niort n'aurait retenu qu'une faute de gestion à sa charge, laquelle ne serait pas à l'origine de l'insuffisance d'actif.

Il indique que la société CORP HABITAT n'a pas souscrit d'assurance garantie sous-traitant en raison du fait que cette assurance serait difficile à obtenir, de sorte qu'il serait excessif de dire qu'il aurait participé à la mise en place d'un système ou d'un mode opératoire.

Il soutient que le tribunal de commerce aurait ainsi commis une erreur de droit en retenant sa responsabilité pour insuffisance d'actif sans démontrer le lien de causalité entre la faute de gestion qui lui est reprochée et l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire, alors même qu'il ne gérait plus la société depuis le 1er mai 2017.

Il soutient dès lors que le tribunal de commerce aurait violé l'autorité de la chose jugée au pénal en retenant sa participation et sa responsabilité pour les contrats de sous-traitance signés en 2018, alors que le tribunal correctionnel l'avait relaxé pour tous les contrats signés avec des sous-traitants durant la période où il n'intervenait plus dans la gestion de l'entreprise, c'est-à-dire du 1er mai 2017 eu 29 juin 2019.

Le tribunal de commerce de Niort retient aux termes de sa décision que Monsieur [D] [R] a participé à l'absence de garantie de paiement dans le cadre des contrats de sous-traitance, considérant que bien qu'ayant quitté la gestion de la société CORP HABITAT en mai 2017, Monsieur [D] [R] était co-gérant de la société depuis 2013 et donc co-responsable avec Monsieur [P] de la mise en place de ce système.

Il y a donc lieu de considérer que c'est sans méconnaitre le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal que le tribunal de commerce a considéré que Monsieur [D] [R] avait commis une faute de gestion ayant contribué partiellement à l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire et estimé que cette insuffisance d'actif devait être supportée à hauteur de 50% par Monsieur [D] [R].

Dès lors, les moyens invoqués à l'appui de l'appel ne paraissent pas sérieux.

Succombant à la présente instance, Monsieur [D] [R] sera condamné à payer à la SELARL [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CORP HABITAT, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

S'il appartient en principe à la partie qui succombe de supporter les dépens par application de l'article 696 du code de procédure civile, les données de l'espèce justifient que les dépens soient employés en frais privilégiés de procédure collective.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Déboutons Monsieur [D] [R] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de commerce de Niort en date du 15 novembre 2022,

Condamnons Monsieur [D] [R] à payer à la SELARL [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CORP HABITAT, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Disons que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec la greffière.

La greffière, La conseillère,

Inès BELLIN Estelle LAFOND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Référés premier président
Numéro d'arrêt : 23/00006
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;23.00006 ?
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