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30/03/2023 | FRANCE | N°21/02164

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 30 mars 2023, 21/02164


PC/LD































ARRET N° 147



N° RG 21/02164

N° Portalis DBV5-V-B7F-GKGT













S.A.R.L. [Adresse 3]



C/



[Z]

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre Sociale



ARRÊT DU 30 MARS 2023






Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mai 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS





APPELANTE :



S.A.R.L. [Adresse 3]

N° SIRET : 832 767 115

[Adresse 3]

[Localité 4]



Ayant pour avocat plaidant Me Jean-René AUZANNEAU de la SELAS ACTY, avocat au barreau de POITIERS, substitué par Me Clément BOUCHERON, avocat au barreau de...

PC/LD

ARRET N° 147

N° RG 21/02164

N° Portalis DBV5-V-B7F-GKGT

S.A.R.L. [Adresse 3]

C/

[Z]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 30 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mai 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS

APPELANTE :

S.A.R.L. [Adresse 3]

N° SIRET : 832 767 115

[Adresse 3]

[Localité 4]

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-René AUZANNEAU de la SELAS ACTY, avocat au barreau de POITIERS, substitué par Me Clément BOUCHERON, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

Madame [O] [Z]

née le 23 août 1980 à [Localité 2] (86)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Pascal MOMMEE de l'ASSOCIATION CABINET MOMMÉE-PRÉVOST, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 février 2023, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La S.A.R.L. [Adresse 3] qui exploite au château de [Localité 4] un fonds de commerce d'hôtel-restaurant a embauché Mme [O] [Z], dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 2 juillet 2018, en qualité de maître d'hôtel.

Le 3 décembre 2018, la S.A.R.L. [Adresse 3] a convoqué Mme [O] [Z] à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cet entretien a eu lieu le 11 décembre suivant.

Le 14 décembre 2018, la S.A.R.L. [Adresse 3] a notifié à Mme [O] [Z] son licenciement pour faute grave.

Le 28 juin 2019, Mme [O] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Poitiers aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir et en l'état de ses dernières prétentions, de voir :

- condamner la S.A.R.L. [Adresse 3] à lui payer les sommes suivantes :

- 10 857,87 euros à titre de rappel de salaire au titre de la qualification de juillet 2018 au 14 décembre 2018 ;

- 19 856,56 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et jours de repos non pris ;

- 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 3 677,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 225,70 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

- 3 561,74 euros au titre des congés payés sur rappels de salaires sur qualification et heures supplémentaires, sur préavis et mise à pied ;

- 169,08 euros à titre de remboursement d'avances faites dans l'intérêt de l'entreprise ;

- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 25 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Poitiers a :

- jugé que le licenciement de Mme [O] [Z] était sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la S.A.R.L. [Adresse 3] à payer à Mme [O] [Z] les sommes suivantes :

- 1776,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 3 677,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 367,72 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 225,70 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 122,57 euros au titre des congés payés afférents ;

- 118,80 euros à titre de remboursement des sommes avancées ;

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté Mme [O] [Z] de sa demande de rappel de salaire au titre de la qualification ;

- débouté Mme [O] [Z] de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et jours de repos non pris ;

- débouté Mme [O] [Z] de sa demande d'exécution provisoire ;

- débouté la S.A.R.L. [Adresse 3] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné cette dernière aux entiers dépens.

Le 9 juillet 2021, la S.A.R.L. [Adresse 3] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il :

- avait dit que le licenciement de Mme [O] [Z] était sans cause réelle et sérieuse ;

- l'avait condamnée à payer à Mme [O] [Z] les sommes suivantes :

- 1776,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 3 677,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 367,72 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 225,70 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 122,57 euros au titre des congés payés afférents ;

- 118,80 euros à titre de remboursement des sommes avancées ;

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'avait déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'avait condamnée aux entiers dépens.

Par conclusions reçues au greffe le 17 mars 2022, la S.A.R.L. [Adresse 3] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- a dit que le licenciement de Mme [O] [Z] était sans cause réelle et sérieuse ;

- l'a condamnée à payer à Mme [O] [Z] les sommes suivantes :

- 1776,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;

- 3 677,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 367,72 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 225,70 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 122,57 euros au titre des congés payés afférents ;

- 118,80 euros à titre de remboursement des sommes avancées ;

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux entiers dépens ;

- et, statuant à nouveau :

- de juger que le licenciement pour faute grave de Mme [O] [Z] est justifié et fondé ;

- de débouter Mme [O] [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

- de condamner Mme [O] [Z] aux entiers dépens ;

- de condamner Mme [O] [Z] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et la somme de 4 000 euros sur ce même fondement au titre des frais exposés en cause d'appel.

Par conclusions, dites d'intimé en réponse, reçues au greffe le 24 décembre 2021, Mme [O] [Z] demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris :

- en ce qu'il a jugé que son licenciement était abusif ;

- s'agissant du préavis et du remboursement des jours de mise à pied ;

- s'agissant du principe du versement de dommages et intérêts pour licenciement abusif ainsi que sur le principe des congés payés sur les sommes allouées à titre de salaire ;

- s'agissant du principe du remboursement des sommes avancées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- de réformer ce jugement en ce qu'il :

- l'a déboutée de ses demandes de rappel de salaire au titre de la qualification et au titre des heures supplémentaires ainsi qu'au titre des jours de repos non pris ;

- concerne le montant des sommes allouées au titre du licenciement et au titre du remboursement des sommes avancées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- en conséquence :

- de condamner la S.A.R.L. [Adresse 3] à lui payer les sommes suivantes :

- 10 857,87 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de la qualification ;

- 19 856,56 euros bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et jours de repos non pris ;

- 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ou subsidiairement la somme de 3 677,22 euros à ce titre ;

- 3 561,74 euros bruts au titre des congés payés sur rappels de salaires sur qualification et sur heures supplémentaires, jours de repos non pris, sur préavis et jours de mise à pied ;

- de dire que ces sommes produiront intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes avec capitalisation de ces intérêts par année entière ;

- de condamner la S.A.R.L. [Adresse 3] à lui rembourser la somme de 169,08 euros au titre d'avances faites dans l'intérêt de l'entreprise ;

- de condamner la S.A.R.L. [Adresse 3] à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et celle de 3 000 euros sur ce même fondement en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 9 janvier 2023 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 6 février 2023 à 14 heures pour y être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la demande de rappel de salaire majorée des congés payés afférents formée par Mme [O] [Z] au titre de la qualification :

Au soutien de son appel, Mme [O] [Z] expose en substance :

- que son emploi au sein de la S.A.R.L. [Adresse 3] relevait de la classification au Niveau V échelon 3 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants et de la qualification de 1er maître d'hôtel ;

- qu'elle justifiait alors d'une importante expérience qui lui avait notamment permis d'enseigner auprès de la Maison de la Formation de la Vienne ;

- qu'elle s'était vu confier des tâches d'organisation en totale autonomie au sein de l'entreprise ;

- qu'elle remplissait donc toutes les conditions pour relever de la classification qu'elle revendique.

En réponse, la S.A.R.L. [Adresse 3] objecte pour l'essentiel :

- que la qualification d'un salarié se détermine en tenant compte des fonctions réellement exercées par lui ;

- que Mme [O] [Z] revendique la classification Cadre niveau V échelon 3 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants et la qualité de 1er maître d'hôtel alors qu'elle a été embauchée en qualité de maître d'hôtel qui correspond au statut d'agent de maîtrise Niveau IV ;

- qu'à aucun moment Mme [O] [Z] n'a outrepassé ses fonctions de maître d'hôtel ;

- que c'est par erreur que Mme [O] [Z] a été placée Niveau 1, Indice 1 et coefficient 100, étant précisé que ce positionnement n'existe pas dans la convention collective ;

- que Mme [O] [Z] a toujours été payée au-delà du minimum prévu par la convention collective pour son niveau de classification.

La classification s'apprécie au regard des fonctions réellement exercées par le salarié et non à partir des seules mentions du contrat de travail.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il a bénéficié au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il a assuré de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En l'espèce, à la classification Cadre niveau V échelon 3 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants et à la qualité de 1er maître d'hôtel que revendique la salariée, correspondent les activités suivantes : 'Prend l'initiative des travaux d'élaboration des programmes, coordonne ces travaux, décide de programmes définitifs, contrôle ou fait contrôler l'application de ceux-ci et en gère les écarts', et en terme d'autonomie : 'le pouvoir de susciter la participation de certains collaborateurs, de décider des programmes définitifs, de décider des contrôles de réalisation et des mesures correctives à adopter', et enfin en terme de responsabilité, celles notamment relatives à la conformité, à l'efficacité et à l'opportunité des programmes décidés.

Or à cet égard, la cour observe que les pièces produites par Mme [O] [Z] dans le but d'établir que ses fonctions au sein de l'entreprise correspondaient à cette classification (ses pièces n° 5 et 7 à 12 et 28) n'en rendent aucunement compte. Sa pièce n° 5 consiste en un échange de courriels se rapportant à une simple commande de nappes dont au surplus rien n'indique qu'elle en aurait été à l'initiative. Sa pièce n° 6 consiste en une carte des vins du restaurant dont rien ne permet de considérer qu'elle a même été établie par Mme [O] [Z]. Ses autres pièces n'apportent aucun éclairage sur la nature de ses fonctions dans l'entreprise, étant en outre observé que plusieurs des attestations produites par Mme [O] [Z] font état de ce qu'elle avait été employée par la société [Adresse 3] en qualité de 'maître d'hôtel'.

En conséquence, la cour déboute Mme [O] [Z] de sa demande de ce chef.

- Sur la demande de rappel de salaire majorée des congés payés afférents formée par Mme [O] [Z] au titre des heures supplémentaires :

Au soutien de son appel, Mme [O] [Z] expose en substance :

- qu'elle s'est investie sans compter au stade de la création du restaurant du château de [Localité 4] à laquelle elle a participé ;

- que l'article L. 3171-4 du Code du travail fixe les règles de preuve en la matière ;

- que pour étayer sa demande de ce chef elle produit un décompte manuscrit précis ainsi que des brouillons des plannings qu'elle avait établis et qui confirment ses jours de travail et sa présence quasi permanente dans l'établissement et encore une attestation d'une collègue, Mme [Y] ;

- qu'en revanche pour sa part la S.A.R.L. [Adresse 3] ne produit aucun élément et notamment ne communique pas les registres devant être établis comme le prévoit l'article D. 3171-8 du Code du travail, étant précisé que cet article est repris et explicité par les dispositions de la convention collective nationale applicable ;

- que la jurisprudence considère qu'il y a accord tacite de l'employeur lorsque le salarié accomplit de manière régulière des heures supplémentaires au vu et au su de l'employeur, sans que ce dernier ne s'y soit opposé ;

- qu'en l'espèce eu égard au très grand nombre d'heures supplémentaires effectuées la S.A.R.L. [Adresse 3] ne pouvait ignorer la situation ;

- qu'outre le paiement de ses heures supplémentaires, la S.A.R.L. [Adresse 3] doit lui régler la contrepartie des jours de repos hebdomadaires qu'elle n'a pas pris.

En réponse, la S.A.R.L. [Adresse 3] objecte pour l'essentiel :

- que Mme [O] [Z] n'apporte aucun élément suffisamment précis et sérieux à l'appui de sa demande de ce chef ;

- que ses prétentions à ce sujet ont varié ;

- qu'en effet dans ses premières conclusions elle prétendait avoir effectué 450 heures supplémentaires puis a prétendu en avoir effectué 629,22 selon ses dernières conclusions ;

- que Mme [O] [Z] n'a formulé aucune demande à ce titre au cours de la relation de travail ;

- qu'elle n'avait jamais demandé à Mme [O] [Z] d'effectuer des heures supplémentaires ;

- que Mme [O] [Z] établissait les plannings du personnel et ces plannings ne faisaient état d'aucun horaire pour ce qui la concernait ;

- que les éléments produits par Mme [O] [Z] contiennent de nombreuses incohérences entre ses relevés manuscrits et ses tableaux Excel ;

- que les attestations versées aux débats par Mme [O] [Z] ne sont pas probantes, leurs auteurs n'ayant en majorité jamais travaillé avec elle.

Il est de principe que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il est acquis que le salarié qui a accompli pendant une longue période des heures supplémentaires au vu et au su de son employeur qui ne s'y est pas opposé a droit au paiement de ces heures.

L'appréciation de l'existence de l'accord implicite de l'employeur à l'accomplissement d'heures supplémentaires par le salarié relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Par ailleurs aux termes de l'article L. 3171-4 alinéas 1 et 2 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Ainsi si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en fournissant ses propres éléments. Les éléments fournis par le salarié doivent être en outre exploitables et, lorsqu'il s'agit d'attestations, celles-ci doivent faire état de faits précis et directement constatés par leurs auteurs.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, Mme [O] [Z] verse aux débats les éléments suivants :

- sa pièce n° 27 : il s'agit non pas, comme elle le soutient dans ses écritures, d'un décompte manuscrit de ses temps de travail mais d'une attestation établie par Mme [M] [Y] qui ne fait pas même état des temps ou horaires de travail de la salariée ;

- sa pièce n° 28 : il s'agit non pas, comme elle le soutient dans ses écritures, de brouillons de plannings mais d'une facture ;

- sa pièce n° 6 : il s'agit non pas d'une attestation, comme elle le soutient dans ses écritures, mais de la carte des vins du restaurant.

En revanche, Mme [O] [Z] produit sous les n° 32 et 34, et non sous les n° 27 et 29, respectivement d'abord des décomptes manuscrits de temps de travail établis jour par jour de la période ayant couru du 2 juillet au 2 décembre 2018 puis des tableaux Excel couvrant la période de juillet à décembre 2018, qui mentionnent, pour chaque demie journée de cette période, une heure d'embauche et une heure de débauchage et pour chaque jour un total de temps de travail et enfin pour chaque mois un nombre d'heures supplémentaires.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures supplémentaires non rémunérées que Mme [O] [Z] prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en fournissant ses propres éléments.

A cet égard, la société [Adresse 3] qui ne produit aucun élément précis se rapportant aux temps de travail effectifs de Mme [O] [Z], a cependant dressé dans ses écritures un tableau dans lequel elle énumère les discordances observées entre les horaires portés aux décomptes manuscrits établis par la salariée et ceux inscrits dans les tableaux Excel établis également par cette dernière, tableaux qui seuls mentionnent le nombre des heures supplémentaires dont le paiement est revendiqué . Ces discordances portent sur 27 dates de la période litigieuse.

La cour observe que pour la quasi totalité de ces dates, la discordance est en faveur de la salariée et considère que les éléments produits par celle-ci pour ces dates ne sont pas fiables et doivent donc être exclus du décompte des heures supplémentaires dont la salariée réclame paiement.

Il est de principe qu'après analyse des pièces produites par l'une ou l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, la cour, ayant procédé à l'analyse des éléments et des moyens de chacune des parties et considérant que la salariée a accompli pendant une longue période des heures supplémentaires ce dont il se déduit que l'employeur n'a pu l'ignorer et ne s'y est pas opposé, chiffre à hauteur de 369 le nombre total d'heures supplémentaires accomplies par Mme [O] [Z] et non payées et condamne la société [Adresse 3] à lui payer à ce titre, déduction faite des heures supplémentaires dores et déjà réglées, la somme de 3 213,22 euros bruts outre celle de 321,32 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Enfin, alors que les décomptes des temps de travail de Mme [O] [Z] font apparaître qu'elle n'a pas bénéficié de 13 jours de repos hebdomadaires, la société [Adresse 3] n'apporte aux débats aucun élément de nature à justifier de la prise effective de ces jours de repos.

En conséquence la cour condamne la société [Adresse 3] à payer à Mme [O] [Z] au titre des jours de repos hebdomadaires non pris la somme de 1 065,61 euros bruts outre celle de 106,56 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- Sur les demandes formées par Mme [O] [Z] au titre du licenciement :

Au soutien de son appel, la S.A.R.L. [Adresse 3] expose en substance :

- que le 30 novembre 2018, la soirée annuelle de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers a été organisée au sein du château de [Localité 4] et l'ordre des avocats avait pour cet événement fourni 180 bouteilles de champagne ;

- que Mme [O] [Z] devait faire le point en fin de soirée sur le nombre de bouteilles de champagne consommées ;

- que cependant le lendemain, 1er décembre 2018, il manquait 6 bouteilles de champagne par rapport au décompte de Mme [O] [Z] ;

- que Mme [O] [Z] n'a pas été en mesure de lui fournir des explications à ce sujet ;

- que, dans la nuit du 30 novembre au 1er janvier 2018, le chef de rang de l'équipe de Mme [O] [Z], M. [E] [W], a été victime d'un accident de la route en rentrant de son travail et ce alors qu'il était alcoolisé ;

- que le licenciement pour faute grave de Mme [O] [Z] est justifié ;

- qu'en effet à l'issue de la soirée du 30 novembre 2018 Mme [O] [Z] a laissé les membres de son équipe boire de l'alcool sur le lieu du travail pendant les heures de service et ne leur a pas interdit de reprendre leurs véhicules ensuite et qu'en outre Mme [O] [Z] l'a informée tardivement de l'accident de trajet de M. [E] [W] ;

- que le comportement de Mme [O] [Z] constituait un manquement manifeste à la discipline de l'entreprise et rendait impossible son maintien au sein de celle-ci et justifiait la mise à pied de la salariée comme cela lui a été exprimé par téléphone le 2 décembre 2018 ;

- qu'en outre, en qualité de salariée, Mme [O] [Z] était tenue à une obligation de sécurité à l'égard des membres de son équipe ;

- qu'encore c'est parce qu'elle connaissait sa part de responsabilité que Mme [O] [Z] lui a caché un temps l'accident de trajet de son collègue ;

- que la Cour de cassation a jugé qu'il convenait d'appliquer strictement les barèmes de l'article L. 1235-3 du Code du travail.

En réponse, Mme [O] [Z] objecte pour l'essentiel :

- qu'elle ne s'explique pas la disparition d'un carton de bouteilles de champagne et que rien ne justifie que sa responsabilité soit retenue en raison de cette disparition ;

- qu'en fin de la soirée du 30 novembre 2018, elle a bu seulement une coupe de champagne prise sur une bouteille déjà entamée ;

- que rien ne vient établir la preuve de l'alcoolisation de ses collègues au cours de cette soirée ou encore de ce que l'accident de l'un d'entre eux dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2018 avait eu un lien avec l'alcool et a fortiori avec de l'alcool consommé sur son lieu de travail ;

- qu'elle n'avait pas de délégation de pouvoir de l'employeur qui lui aurait conféré des moyens coercitifs quelconques à l'égard de ses collègues ;

- qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir informé tardivement l'employeur de l'accident de son collègue dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2018, ce dernier supportant seul une obligation déclarative à ce sujet ;

- qu'aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- que la cour n'est pas tenue de respecter le barème de l'article L. 1235-3 du Code du travail ;

- que l'importance de son préjudice consécutif à son licenciement justifie l'allocation d'une indemnité de 15 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- que pour chiffrer ses demandes au titre du préavis et à titre de rappel de salaire pour les jours de sa mise à pied ainsi que sa demande au titre des congés payés il convient de tenir compte de la rémunération correspondant à sa véritable classification.

Il est de principe que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Il est également de principe qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d'en rapporter seul la preuve.

En l'espèce, la société [Adresse 3] ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier des faits fautifs qu'elle reproche à la salariée, se limitant sur ce plan à des allégations non étayées et à produire une facture d'achat de champagne.

Aussi la cour considère que le licenciement de Mme [O] [Z] est dénué de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, la cour condamne la société [Adresse 3] à payer à Mme [O] [Z], en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail et du barème y annexé, tenant compte, pour fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due à la salariée entre le minimum et le maximum prévu par ce texte, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à cette dernière, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la somme de 1 776,72 euros.

Par ailleurs, la cour condamne la société [Adresse 3] à payer à Mme [O] [Z] les sommes suivantes :

- 3 677,22 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 367,72 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- 1 225,70 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre celle de 122,57 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- Sur la demande de remboursement de sommes avancées formée par Mme [O] [Z] :

Au soutien de son appel, Mme [O] [Z] expose qu'elle justifie des sommes qui lui sont dues par la S.A.R.L. [Adresse 3] en produisant des factures (ses pièces n° 9 à 11) qui correspondent à des commandes qu'elle a passées dans l'intérêt de l'entreprise.

Outre que les pièces n° 9 à 11 produites par Mme [O] [Z] ne sont pas des factures, la cour observe que ses pièces n° 29 à 31, qui elles correspondent à des factures dont le montant total s'élève bien à 169,08 euros, ne contiennent aucune indication permettant de retenir qu'elles ont été acquittées par la salariée.

En conséquence la cour déboute Mme [O] [Z] de sa demande de ce chef.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les prétentions de Mme [O] [Z] étant pour partie fondées, la société [Adresse 3] sera condamnée aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [O] [Z] l'intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, la société [Adresse 3] sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, la cour confirmant par ailleurs le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société [Adresse 3] à verser à Mme [O] [Z] la somme de 1 500 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- débouté Mme [O] [Z] de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et pour jours de repos hebdomadaires non pris ;

- condamné la société [Adresse 3] à rembourser à Mme [O] [Z] la somme de 118,80 euros ;

Et, statuant à nouveau sur ces points :

- Condamne la société [Adresse 3] à payer à Mme [O] [Z] la somme de 3 213,22 euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre celle de 321,32 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- Condamne la société [Adresse 3] à payer à Mme [O] [Z] la somme de 1 065,61 euros bruts au titre des jours de repos hebdomadaires non pris outre celle de 106,56 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- Déboute Mme [O] [Z] de sa demande en remboursement de sommes ;

Et, y ajoutant :

- Condamne la société [Adresse 3] à verser à Mme [O] [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02164
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.02164 ?
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