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30/03/2023 | FRANCE | N°21/01403

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 30 mars 2023, 21/01403


PC/LD































ARRET N° 141



N° RG 21/01403

N° Portalis DBV5-V-B7F-GILS













[R]



C/



S.A.R.L. IMMOBILIERE SAINT NICOLAS

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre Sociale



ARRÊT DU 30

MARS 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 avril 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE





APPELANTE :



Madame [A] [R]

née le 14 Juillet 1981 à [Localité 5] (91)

[Adresse 2]

[Localité 1]



Ayant pour avocat plaidant Me Fabien-Jean GARRIGUES, substitué par Me Pauline LAGRAVE, tous deux de la SCP GARRIGUES ASSOC...

PC/LD

ARRET N° 141

N° RG 21/01403

N° Portalis DBV5-V-B7F-GILS

[R]

C/

S.A.R.L. IMMOBILIERE SAINT NICOLAS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 30 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 avril 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE

APPELANTE :

Madame [A] [R]

née le 14 Juillet 1981 à [Localité 5] (91)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Ayant pour avocat plaidant Me Fabien-Jean GARRIGUES, substitué par Me Pauline LAGRAVE, tous deux de la SCP GARRIGUES ASSOCIES, avocats au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉE :

S.A.R.L. IMMOBILIERE SAINT NICOLAS

N° SIRET : 400 268 785

[Adresse 3]

[Localité 4]

Ayant pour avocat plaidant Me Alexandra BASLE de la SELARL BONFILS BASLE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Immobilière Saint Nicolas qui exploite une agence immobilière à [Localité 4] a embauché Mme [A] [R] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 2 mai 2011, en qualité de négociateur immobilier VRP exclusif.

Le 7 juin 2018, Mme [A] [R] a remis sa démission à la société Immobilière Saint Nicolas et le contrat de travail qui les liait s'est achevé le 7 septembre 2018 à l'issue de la période de préavis.

Le 19 septembre suivant, la société Immobilière Saint Nicolas a adressé à Mme [A] [R] les documents sociaux de fin de contrat.

Le 18 octobre 2019, Mme [A] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle aux fins en l'état de ses dernières prétentions, de voir :

- condamner la société Immobilière Saint Nicolas à lui payer diverses sommes au titre :

- d'un arriéré de commissions sur la période 2016, 2017 et 2018 ;

- de la rémunération fixe qu'elle aurait dû recevoir à compter du 1er octobre 2017 jusqu'au 7 septembre 2018 en qualité de manager chef des ventes ;

- de commissions dues sur les ventes [G] et [P] ;

- de la contrepartie de la clause de non-concurrence ;

- de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement en date du 13 avril 2021, le conseil de prud'hommes de La Rochelle a :

- reçu Mme [A] [R] en ses demandes et l'en a déboutée ;

- reçu la société Immobilière Saint Nicolas en ses demandes reconventionnelles ;

- condamné Mme [A] [R] à payer à la société Immobilière Saint Nicolas la somme de 40 000 euros au titre de l'indemnité due pour violation de la clause de non-concurrence ;

- condamné Mme [A] [R] aux dépens éventuels ;

- condamné Mme [A] [R] à verser à la société Immobilière Saint Nicolas la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 30 avril 2021, Mme [A] [R] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il :

- l'avait déboutée de ses demandes ;

- avait reçu la société Immobilière Saint Nicolas en ses demandes reconventionnelles ;

- l'avait condamnée à payer à la société Immobilière Saint Nicolas la somme de 40 000 euros au titre de l'indemnité due pour violation de la clause de non-concurrence ;

- l'avait condamnée aux dépens éventuels ;

- l'avait condamnée à verser à la société Immobilière Saint Nicolas la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions, dites d'appelant n° 2, reçues au greffe le 28 mars 2022, Mme [A] [R] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;

- à titre principal :

- de condamner la société Immobilière Saint Nicolas à lui payer les sommes suivantes :

- 5 882 euros bruts au titre d'un arriéré de commissions sur les années 2016, 2017 et 2018 ;

- 22 466,67 euros bruts à titre de rappel de salaire ;

- 7 625 euros bruts au titre des commissions dues sur les ventes [G] et [P] ;

- 4 095,98 euros bruts au titre de la clause de non-concurrence ;

- 1 000 euros au titre du préjudice moral ;

- de débouter la société Immobilière Saint Nicolas de ses demandes ;

- à titre subsidiaire de juger que la clause de non-concurrence n'est pas valable et en conséquence de débouter la société Immobilière Saint Nicolas de ses demandes ;

- à titre infiniment subsidiaire, de 'modérer la clause de non-concurrence à la somme de 1 euro symbolique' et de débouter la société Immobilière Saint Nicolas du surplus de ses demandes ;

- à titre très infiniment subsidiaire, de limiter sa condamnation au titre de la clause de non-concurrence à la somme de 4 095,38 euros et de débouter la société Immobilière Saint Nicolas du surplus de ses demandes ;

- en tout état de cause, de condamner la société Immobilière Saint Nicolas à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens y compris ceux de première instance.

Par conclusions, dites d'intimée n° 2, reçues au greffe le 27 juillet 2022, la société Immobilière Saint Nicolas demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner Mme [A] [R] à lui verser la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 9 janvier 2023 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 6 février 2023 à 14 heures pour y être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la demande formée par Mme [A] [R] au titre des commissions des années 2016 à 2018 :

Au soutien de son appel, Mme [A] [R] expose en substance :

- que sa rémunération était fixée par son contrat de travail sur une base fixe d'avance sur commissions à laquelle s'ajoutait une commission ;

- que le taux appliqué pour le calcul de ses commissions a été porté de 27,28 % à 30 % à compter de 2015 et non à compter d'octobre 2017 comme le soutient la société Immobilière Saint Nicolas ;

- qu'il suffit pour s'en convaincre de constater à partir du tableau qu'elle a établi que pour une vente [B]/[Z] conclue en 2016 c'est bien ce taux de 30 % qui a été appliqué par la société Immobilière Saint Nicolas pour fixer le montant de sa commission ;

- qu'au total sur la période elle aurait dû percevoir à titre de commissions la somme de 110 857 euros mais n'a effectivement reçu que 104 975 euros ;

- que la société Immobilière Saint Nicolas qui détient un relevé des ventes qu'elle a personnellement réalisées doit le produire en vue d'une discussion contradictoire, ce qu'elle ne fait pas, se limitant à communiquer des récapitulatifs de paie annuels.

En réponse, la société Immobilière Saint Nicolas objecte pour l'essentiel :

- que Mme [A] [R] qui fonde sa demande sur une augmentation à hauteur de 30 % du taux appliqué au calcul de ses commissions à compter de 2015 ne produit aucun avenant à son contrat de travail prévoyant cette augmentation à cette date ;

- que ce taux de 30 % ne devait s'appliquer qu'aux nouvelles affaires sous compromis à compter du 1er octobre 2017 ;

- que Mme [A] [R] croit pouvoir justifier sa demande par la production d'un tableau Excell qu'elle a elle-même établi et qui contient des erreurs et des incohérences ;

- que pour sa part, elle a produit un récapitulatif des commissions perçues par Mme [A] [R] lequel a été édité par son expert-comptable et n'est donc pas 'un document bricolé' comme le prétend la salariée ;

- qu'il ressort de ce récapitulatif que Mme [A] [R] a perçu un total de commissions supérieur à la somme qu'elle évoque dorénavant.

Ainsi qu'en dispose l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, alors que Mme [A] [R] fonde sa demande de rappel de commissions sur une majoration du taux qui en permettait le calcul qui, selon elle serait passé de 27,28 % à 30 % à compter de 2015, elle ne produit aucune pièce, avenant à son contrat de travail ou autre document ayant une portée contractuelle, qui rende compte d'un engagement de la société Immobilière Saint Nicolas ou de leur accord portant sur cette majoration, étant rappelé que le contrat de travail ayant lié les parties stipulait bien que Mme [A] [R] devait percevoir 'une commission de 27,28 % sur la totalité des honoraires HT facturés sur la transaction lorsqu'elle aura apporté le mandat et procédé elle-même à la vente de l'immeuble'.

La pièce n° 12, produite par Mme [A] [R] au soutien de sa thèse n'est nullement probante. En effet alors que la société Immobilière Saint Nicolas fait valoir qu'il s'agit d'un élément de preuve que Mme [A] [R] s'est constitué à elle-même, rien n'indique la source et donc la fiabilité de cette pièce.

En conséquence, la cour déboute Mme [A] [R] de sa demande de ce chef.

- Sur la demande de rappel de salaire formée par Mme [A] [R] :

Au soutien de son appel, Mme [A] [R] expose en substance :

- qu'au cours de l'été 2017, elle a reçu une promesse d'embauche de la part de la société Bourse de l'Immobilier ;

- qu'elle a fait part à la société Immobilière Saint Nicolas de cette offre et que celle-ci lui a alors promis une évolution en interne en tant que manager chef des ventes à compter du mois d'octobre 2017 ;

- qu'elle a alors décliné l'offre qui lui avait été faite par la société Bourse de l'Immobilier ;

- que sur la base d'un salaire a minima de 2 000 euros bruts par mois, c'est donc la somme de 22 466,67 euros qui lui est due par la société Immobilière Saint Nicolas ;

- qu'elle produit ses pièces n° 6 et 7 qui corroborent sa position ;

- qu'au demeurant elle démontre qu'elle 'manageait' bien M. [U] [F] au sein de l'agence la société Immobilière Saint Nicolas ;

- que pour contredire sa thèse la société Immobilière Saint Nicolas qui appartient au groupe Orpi, verse aux débats des attestations soit de ses salariés soit de personnes appartenant à ce groupe ;

- que rien ne démontre que, comme le prétend cependant la société Immobilière Saint Nicolas, elle devait suivre une formation avant d'être promue au poste de manager chef des ventes.

En réponse, la société Immobilière Saint Nicolas objecte pour l'essentiel :

- que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme [A] [R] n'a pas accédé au poste de manager chef des ventes en octobre 2017 ;

- que certes Mme [A] [R] lui a indiqué qu'elle avait été destinataire d'une proposition d'embauche de la part d'une société concurrente mais il a seulement été décidé à sa demande d'augmenter le taux de ses commissions à compter d'octobre 2017 et d'assouplir ses horaires de travail ;

- que si certes encore Mme [A] [R] avait manifesté le souhait d'accéder aux fonctions de manager, cette promotion nécessitait qu'elle suive une formation spécifique qui devait avoir lieu en janvier 2018 ;

- que de même aucun avenant n'a été régularisé fixant à 2 000 euros le montant des commissions de Mme [A] [R] ;

- que Mme [A] [R] n'a jamais exercé la fonction de manager au sein de l'entreprise ;

- que Mme [A] [R] qui soutient avoir 'managé' son collègue M. [O] ne le prétend plus dorénavant ;

- que l'affirmation de Mme [A] [R] selon laquelle elle avait 'managé' M. [U] [F] est démentie par ce dernier qui a attesté en ce sens, étant précisé qu'il n'est plus salarié de l'entreprise.

De nouveau la cour rappelle qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, il appartient donc à Mme [A] [R] d'établir la réalité de l'engagement dont elle fait état par lequel la société Immobilière Saint Nicolas lui aurait promis 'une évolution interne en tant que manager chef des ventes' à compter du mois d'octobre 2017.

A cette fin, Mme [A] [R] verse aux débats :

- sa pièce n° 6 : il s'agit d'un document intitulé 'Synthèse Intervention du 26 octobre 2017'. Ce document contient une partie 2 intitulée 'Réunion triangulaire associé/[A]/Consultant'. Sous cette partie figurent les paragraphes suivants : 'Je vous propose une synthèse concise des points développés pour illustrer le 1er bilan de ce 1er mois d'intégration 'mission manager', puis plus avant : 'Vous vous étiez engagés sur une suite à donner à [A] sur le type de contrat et mode de rémunération et ces points ont été abordés ce jour. Une simulation comparative des % est retenue pour suite à présenter'.

La cour observe que cette pièce, qui est rédigée de manière obscure, ne rend aucunement compte d'une promotion acquise par la salariée au sein de l'entreprise en octobre 2017.

- sa pièce n° 7 : il s'agit d'un courriel en date du 29 octobre 2017, adressé par M. [L] [M], consultant au sein du réseau ORPI, au gérant de la société Immobilière Saint Nicolas.

La cour relève que cette pièce ne fait aucune référence à la situation de Mme [A] [R] et à son éventuelle promotion.

- ses pièces n° 28 à 31 et 39 : Aucune de ces pièces ne permet de considérer que Mme [A] [R] exerçait, dans ses rapports avec M. [U] [F] qui était son collègue courant 2017 et 2018 au sein de l'entreprise, la fonction de manager. Sur ce plan, la société Immobilière Saint Nicolas verse aux débats sa pièce n° 21 qui consiste en une attestation rédigée par M. [U] [F] dans laquelle celui-ci déclare notamment qu'il n'a 'eu aucun lien hiérarchique avec Mme [A] [R] au sein de l'agence' et ajoute que Mme [A] [R] lui 'a demandé de produire une fausse déclaration consistant à affirmer qu'elle était [ma] sa responsable durant la période de [mon] son contrat'.

Aussi la cour, considérant que Mme [A] [R] ne rapporte nullement la preuve qui lui incombe de l'évolution interne en tant que manager chef des ventes à compter du mois d'octobre 2017 dont elle se prévaut, la déboute de sa demande de rappel de salaire.

- Sur la demande de rappel de commissions formée par Mme [A] [R] au titre des ventes [G] et [P] :

Au soutien de son appel, Mme [A] [R] expose en substance :

- qu'aux termes de sa lettre de démission, elle avait proposé à la société Immobilière Saint Nicolas de continuer à effectuer la gestion des dossiers de vente en cours jusqu'à la signature des actes même une fois son préavis terminé ;

- que la société Immobilière Saint Nicolas avait accepté sa proposition par courrier en date du 6 juillet 2018 ;

- qu'elle a seule réellement oeuvré en vue de la réalisation des ventes dont s'agit ainsi qu'en atteste notamment Mme [P] ;

- qu'un courrier rédigé par M. [G] le 27 septembre 2018 démontre qu'elle a continué de travailler après la cessation de ses fonctions ;

- que certes son droit de suite était limité à 6 mois après son départ de l'entreprise mais que sa demande ne s'inscrit pas dans le cadre de ce droit de suite mais porte sur la rémunération d'un travail qu'elle a continué d'accomplir même après la fin de son préavis.

En réponse, la société Immobilière Saint Nicolas objecte pour l'essentiel :

- que Mme [A] [R] bénéficiait d'un droit de suite pendant une durée de 6 mois à l'expiration de son contrat de travail ;

- que ce droit de suite s'est éteint le 7 mars 2019 ;

- que les ventes [G] et [P] n'ont été régularisées que le 8 août 2019 et donc très postérieurement à la date d'expiration du droit de suite de Mme [A] [R] ;

- que c'est son gérant, M. [I] qui a mené ces ventes jusqu'à leur terme ;

- qu'il ne peut être considéré que Mme [A] [R] qui était démissionnaire et qui avait quitté l'agence ait pu continuer de travailler sur des dossiers au-delà du délai de 6 mois du droit de suite ;

- que dans l'exemple cité par Mme [A] [R], à savoir la vente Esquines/Leroy, l'acte authentique de vente a été signé le 28 novembre 2018 soit dans les limites du délai du droit de suite.

Au soutien de sa demande de ce chef, Mme [A] [R] verse aux débats sa pièce n° 9.

Cette pièce est un courrier en date du 6 juillet 2018 que la société Immobilière Saint Nicolas a adressé à Mme [A] [R] et dans lequel son rédacteur, le gérant de la société Immobilière Saint Nicolas, indique en substance qu'il fait suite au courrier de démission que Mme [A] [R] lui avait remis le 7 juin précédent, puis qu'il confirme à cette dernière son accord pour sa prise de congés du 16 juillet au 7 septembre inclus, ajoutant que cette date était celle de la fin de son contrat de travail et enfin ajoute : 'je prends bonne note de votre proposition de continuer à effectuer la gestion des dossiers de vente en cours jusqu'à leur réitération en acte authentique et vous confirme mon accord sur ce point'.

Cette dernière phrase dont Mme [A] [R] s'empare pour tenter de justifier qu'elle pouvait prétendre à une rémunération au titre des ventes [G] et [P] dont les actes authentiques ont été signés le 8 août 2019, doit s'interpréter au regard de l'ensemble des termes du courrier du 6 juillet 2018. Or il en ressort, sans ambiguïté, que le contrat de travail ayant lié les parties devait prendre fin le 7 septembre 2018, étant précisé que cette date correspondait à la fin du délai de préavis de la salariée et par voie de conséquence que l'accord donné par l'employeur pour que Mme [A] [R] continue à effectuer la gestion des dossiers de vente en cours, ne pouvait s'entendre que dans la limite du droit de suite dont il est constant qu'il s'est éteint le 7 mars 2019, soit 6 mois après la rupture du contrat de travail de Mme [A] [R] comme le stipulait ce contrat.

En conséquence la cour déboute Mme [A] [R] de sa demande de ce chef.

- Sur les demandes des parties au titre de la clause de non-concurrence :

Au soutien de son appel, Mme [A] [R] expose en substance :

- qu'elle a respecté la clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail ;

- qu'en effet elle a été embauchée par la société Eurotim en qualité de conseillère immobilier spécialisée dans la vente des biens neufs en vefa construits par la société Médiatim Promotion, de sorte qu'elle ne peut faire aucune concurrence à la société Immobilière Saint Nicolas ;

- subsidiairement, qu'aucune indemnité ne lui a été versée au titre de la clause de non-concurrence au moment de son départ de l'entreprise, ce dont il se déduit qu'elle était libérée de l'interdiction de non-concurrence vis-à-vis de la société Immobilière Saint Nicolas ;

- plus subsidiairement, que la cour, faisant application de l'article 1231-5 du Code civil, modérera l'indemnité due au titre de la clause de non-concurrence à la somme de 1 euro dans la mesure où la société Immobilière Saint Nicolas n'a subi aucun préjudice ;

- plus subsidiairement encore que la clause doit être égale entre les parties, ce dont il se déduit que sa condamnation devrait être limitée à hauteur de 4 095,38 euros.

En réponse, la société Immobilière Saint Nicolas objecte pour l'essentiel :

- qu'à plusieurs reprises, et notamment par courrier du 6 juillet 2018, elle a demandé à Mme [A] [R] si elle sollicitait la levée de la clause de non-concurrence mais en vain ;

- qu'en réalité Mme [A] [R] travaillait depuis le 10 septembre 2018 pour le compte d'une agence concurrente ;

- que Mme [A] [R] n'a pas communiqué son contrat de travail la liant à cette agence ;

- que la société Eurotim Immobilier pour laquelle Mme [A] [R] travaille a un objet social identique au sien ;

- qu'elle produit plusieurs pièces qui démontrent que parmi ses activités il y a celle de vente d'immobilier neuf qui est aussi celle que poursuit le nouvel employeur de Mme [A] [R] ;

- que la somme de 40 000 euros qu'elle réclame à Mme [A] [R] correspond au montant des commissions que celle-ci a perçues pendant l'année ayant précédé la rupture de son contrat de travail.

Le contrat de travail ayant lié les parties contenait une clause de non-concurrence rédigée comme suit :

'En cas de rupture du présent contrat, pour quelque cause que ce soit et à quelque époque que ce soit, Mme [A] [R] s'interdit de s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant en tout ou partie une activité semblable ou similaire à celle de l'employeur.

Cette interdiction est limitée à la durée de :

- 6 mois à compter de la rupture du contrat si Mme [A] [R] prend l'initiative de la rupture......

Cette interdiction est valable dans un rayon de 25 kilomètres autour de la ville de [Localité 4].

En cas de violation de la clause de non-concurrence, Mme [A] [R] devra régler à titre de clause pénale, une indemnité fixée au montant des commissions 'qu'il' a perçues pendant les douze derniers mois précédents la rupture du présent contrat de travail, sans préjudice du droit pour l'agence de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation du préjudice subi.

Pendant la durée de cette interdiction, l'agence versera à Mme [A] [R] une contrepartie pécuniaire mensuelle égale à 15% de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu par 'lui' au cours de ses trois derniers mois d'activité au sein de l'agence étant précisé que les frais professionnels et primes exceptionnelles en seront exclues......'.

Les parties ne discutent pas la licéité de cette clause.

Il est de principe que lorsque le salarié manque dès la rupture de son contrat de travail, même momentanément, à son obligation de non-concurrence, il perd son droit à indemnité, celle-ci étant la contrepartie d'une obligation à laquelle il s'est soustrait.

Or en l'espèce, d'une part il ressort des éléments versés aux débats par la société Immobilière Saint Nicolas et en particulier de ses pièces n° 22, 27, 28, 29, 34 et 42, que la société Eurotim Immobilier dont Mme [A] [R] était devenue la salariée, avait en tout ou partie une activité semblable ou similaire à la sienne.

D'autre part il est établi, cela ressortant notamment de la pièce n° 25 produite par Mme [A] [R], qu'elle a commencé de travailler pour le compte de la société Eurotim Immobilier dès le 10 septembre 2018, soit 3 jours après la rupture du contrat de travail l'ayant liée à la société Immobilière Saint Nicolas.

Aussi la cour considère que Mme [A] [R] a bien manqué, dès la rupture de son contrat de travail, à son obligation de non-concurrence et qu'en conséquence elle doit être déboutée de sa demande en paiement au titre de la clause de non-concurrence.

Il est acquis que l'employeur ne peut renoncer unilatéralement à la mise en oeuvre d'une clause de non-concurrence.

En l'espèce, si certes, comme elle le soutient, la société Immobilière Saint Nicolas a demandé à plusieurs reprises à Mme [A] [R] si elle sollicitait la levée de la clause de non-concurrence, il est constant qu'aucun accord n'est intervenu entre les parties à ce sujet avant le 5 novembre 2018, date à laquelle Mme [A] [R] a donné son accord sur ce point. Aussi la clause de non-concurrence litigieuse devait s'appliquer entre les parties jusqu'à cette date.

Par ailleurs il est de principe que si l'employeur ne verse pas l'indemnité prévue par le contrat, l'ancien salarié, sous réserve de sa bonne foi, se trouve libéré de son obligation de non-concurrence.

Or en l'espèce si, comme le fait valoir la salariée, aucune indemnité ne lui a été versée au titre de la clause de non-concurrence à la suite de son départ de l'entreprise et si la société Immobilière Saint Nicolas ne démontre ni même ne soutient lui avoir versé la moindre somme à ce titre, Mme [A] [R] qui avait manqué à son obligation de non-concurrence dès les premiers jours ayant suivi la fin de son contrat de travail, ne peut se prévaloir d'un manquement de la société Immobilière Saint Nicolas pour tenter d'échapper aux conséquences de ses propres manquements.

Cependant, la clause de non-concurrence dont s'agit s'analysant en une clause pénale, ce qu'elle stipule au demeurant, la société Immobilière Saint Nicolas peut en revendiquer l'application sans avoir à justifier de son préjudice.

Cependant encore, lorsque les conditions de licéité d'une clause de non-concurrence sont remplies, ce qui n'est discuté en l'espèce par aucune des parties, il est admis que le juge dispose d'une faculté de réfaction de cette clause lorsque le montant des réparations que le salarié serait tenu de payer à l'employeur apparaît manifestement excessif ou dérisoire.

En l'espèce, outre que la société Immobilière Saint Nicolas ne justifie pas de ce que Mme [A] [R] avait perçu 'plus de 43 000 euros de salaires nets' au cours des 12 derniers mois de travail à compter de septembre 2017, la cour considère, tenant compte à la fois des éléments communiqués se rapportant à la situation financière de Mme [A] [R] et de ce que la société

Immobilière Saint Nicolas ne fournit pas la moindre indication concernant le préjudice qu'elle aurait subi, que le montant de 40 000 euros dont celle-ci réclame paiement en application de la clause de non-concurrence est excessif et le réduit à la somme de 10 000 euros qu'elle condamne Mme [A] [R] à payer à la société Immobilière Saint Nicolas.

- Sur la demande formée par Mme [A] [R] au titre de la réparation de son préjudice moral :

Au soutien de son appel, Mme [A] [R] expose en substance que la société Immobilière Saint Nicolas n'a pas hésité à tenter de l'intimider en prenant directement attache avec son nouvel employeur afin de la dénigrer.

En réponse, la société Immobilière Saint Nicolas objecte pour l'essentiel qu'elle n'a jamais tenté d'intimider Mme [A] [R] mais a seulement signalé au nouvel employeur de cette dernière les difficultés rencontrées avec elle au sujet de la clause de non-concurrence et que Mme [A] [R] avait tenu des propos dénigrants à son endroit.

Au soutien de sa demande de ce chef, Mme [A] [R] verse aux débats, en tout et pour tout :

- sa pièce n° 22 : il s'agit d'une attestation établie par Mme [H] [X], ancienne collègue de Mme [A] [R] au sein de la société Eurotim Immobilier dont il ressort que le dirigeant de cette société lui avait 'expliqué qu'il avait été contacté par M. [K] [I], directeur de l'agence ORPI Saint Nicolas et que ce dernier menaçait' l'agence Eurotim, Mme [A] [R] et elle-même 'de porter plainte pour propos diffamatoires'. La rédactrice de cette attestation concluait comme suit : 'L'entretien a donc pris fin pour moi. M. [Y] a dit qu'il reprendrait contact avec M. [K] [I]. Je n'ai plus eu de retour concernant cette menace' ;

- sa pièce n° 24 : il s'agit d'un document manuscrit portant le nom de M. [N] [E] et signé dans lequel il est mentionné notamment : 'Mme [A] [R] n'est jamais venue à mon domicile pour l'estimation de ma maison'.

Pour sa part, la société Immobilière Saint Nicolas produit aux débats une attestation établie par M. [T] [O], salarié de l'entreprise, qui y relate notamment : 'Le 07 décembre 2018, je me rends chez M. [E] et Mme [W] dans le cadre d'un rendez-vous de signature d'un mandat de vente. Lors de ce rendez-vous, j'ai été surpris par la teneur des propos de M. [E]. En effet, ce dernier m'indique que des propos diffamatoires lui ont été portés à l'encontre de l'agence ORPI Saint Nicolas et plus particulièrement de M. [I] par du personnel de l'agence Eurotim qu'il avait rencontré quelques jours auparavant. M. [E] a refusé de transcrire par écrit les propos qu'il m'a tenus et qu'il a entendus pour ne pas porter préjudice à une de ses amies travaillant au sein de l'agence Eurotim'.

De ces éléments la cour déduit d'une part qu'au regard des informations qui avaient été portées à la connaissance de M. [I], ce dernier pouvait légitimement solliciter des explications auprès du directeur de l'agence Eurotim et d'autre part que Mme [A] [R] ne démontre pas le préjudice qu'elle aurait subi du fait de cette démarche de M. [I].

En conséquence la cour déboute Mme [A] [R] de sa demande de ce chef.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant en toutes ses demandes, Mme [A] [R] sera condamnée aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Immobilière Saint Nicolas l'intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, Mme [A] [R] sera condamnée à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, la cour confirmant par ailleurs le jugement déféré en ce qu'il a condamné Mme [A] [R] sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance mais réduisant le montant de cette condamnation à hauteur de 800 euros.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- chiffré à 40 000 euros l'indemnité mise à la charge de Mme [A] [R] pour violation de la clause de non-concurrence ;

- condamné Mme [A] [R] à verser à la société Immobilière Saint Nicolas la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau sur ces points :

- condamne Mme [A] [R] à payer à la société Immobilière Saint Nicolas la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour violation de la clause de non-concurrence ;

- condamne Mme [A] [R] à verser à la société Immobilière Saint Nicolas la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Et, y ajoutant :

- condamne Mme [A] [R] à verser à la société Immobilière Saint Nicolas la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01403
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.01403 ?
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