PC/PR
ARRET N° 152
N° RG 21/00527
N° Portalis DBV5-V-B7F-GGIJ
[V]
C/
S.A.S. LA BOULANGERE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 30 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 janvier 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LA ROCHE SUR YON
APPELANT :
Monsieur [O] [V]
né le 14 juillet 1973 à [Localité 5] (49)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me Florence DENIZEAU de la SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT & ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS
Et ayant pour avocat plaidant Me Gilles PEDRON de la SELARL AD LITEM AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉE :
S.A.S. LA BOULANGERE
N° SIRET : 332 890 581
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Nicolas CARABIN de la SELARL CARABIN- STIERLEN AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 novembre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseillère
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 25 janvier 2023. A cette date, le délibéré a été prorogé au 23 février 2023 puis au 23 mars 2023 et au 30 mars 2023.
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [O] [V] a été engagé par la S.A.S. Compagnie des Pains en qualité de directeur marketing de sa filière Boulangère & Co, statut cadre, niveau CA 3 de la classification annexée à la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie, selon contrat à durée indéterminée du 1er mars 2016, moyennant un salaire fixe mensuel brut de 8 000 € sur 13 mois.
Convoqué à un entretien préalable par courrier du 25 avril 2018 et ayant fait l'objet d'une mise à pied conservatoire notifiée par courrier remis en main propre le 2 mai 2018, M. [V] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par LRAR du 16 mai 2018 aux motifs :
- principalement, de son comportement vis-à-vis des membres de son service, à l'origine de graves situations de souffrance au travail,
- de façon subsidiaire, de l'entretien de relations conflictuelles avec d'autres services de l'entreprise, génératrices de dysfonctionnements dans l'organisation du travail.
Par requête reçue le 28 mai 2019, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de la Roche-sur-Yon d'une action en contestation de son licenciement et en paiement de divers rappels de rémunération.
Par jugement de départage du 29 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de la Roche-sur-Yon a :
- dit que le caractère réel et sérieux du licenciement de M. [V] ne peut être écarté en raison de l'absence de visite médicale de reprise,
- dit que le caractère réel et sérieux du licenciement de M. [V] ne peut être écarté en raison du délai d'engagement de la procédure de licenciement,
- dit que le licenciement pour faute grave de M. [V] est fondé,
- rejeté l'intégralité des demandes formées par M. [V] au titre de son licenciement,
- rejeté la demande de M. [V] tendant au rappel de l'indemnité de RTT,
- rejeté les demandes de M. [V] tendant au rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur,
- rejeté la demande de M. [V] tendant au rappel de salaire sur treizième mois,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné M. [V] au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du C.P.C.,
- condamné M. [V] aux dépens.
M. [V] a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 16 février 2021.
A l'audience du 8 novembre 2022, à la demande des parties, l'ordonnance de clôture du 11 octobre 2022 a été révoquée et la clôture de l'instruction a été prononcée, avant l'ouverture des débats.
Au terme de ses dernières conclusions, remises et notifiées le 20 avril 2021, auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l'exposé détaillé des éléments de droit et de fait, M. [V] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du 29 janvier 2021 en toutes ses dispositions ci-dessus rappelées,
- de dire et juger qu'il est recevable et bien fondé en ses demandes ;
- de dire et juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et intervenu dans des conditions abusives ;
- de condamner la société La Boulangère à lui verser les sommes suivantes :
$gt; 5 280,39 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
$gt; 28 333,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et incidence congés payés,
$gt; 25 758 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié,
$gt; 25 758 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement intervenu dans des circonstances caractérisant l'abus,
- de condamner la société à lui verser la somme de 6 081,75 € à titre de prime de 13ème mois outre 608,18 € de congés payés y afférents ;
- de condamner la société à lui verser la somme de 1 313,24 € à titre d'indemnité compensatrice de RTT et incidence congés payés ;
- de condamner la société à lui verser la somme de 95 547,08 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires de mars 2016 à mars 2018 et incidence congés payés ;
- de condamner la société à lui verser la somme de 37 069,93 € à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateur ;
- de condamner la société à lui verser la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du C.P.C., outre les dépens.
Par conclusions du 16 juillet 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample des faits, prétentions et moyens, la SAS La Boulangère demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré,
- de dire et juger que la mesure de licenciement pour faute grave est justifiée ;
- de débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, à savoir sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de congés payés y afférents, sa demande d'indemnité de licenciement et sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de dire et juger que M. [V] ne peut se prévaloir du caractère vexatoire de la mesure de licenciement et de le débouter de toute demande indemnitaire présentée à ce titre ;
- de débouter M. [V] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et au titre du repos compensateur afférent aux heures supplémentaires,
- de débouter M. [V] de sa demande de rappel de salaire au titre des jours de RTT correspondant à l'année 2018 ;
- de débouter M. [V] de sa demande de rappel de salaire au titre du prorata du 13ème mois correspondant à l'année 2018,
- de condamner M. [V] à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du C.P.C..
MOTIFS
I - Sur la contestation du licenciement :
1 - sur le moyen, soulevé à titre principal, tiré de l'absence de visite médicale de reprise en matière de pouvoir disciplinaire de l'employeur :
M. [V] soutient en substance :
- que l'employeur qui n'a pas organisé la visite de reprise obligatoire à l'issue d'une absence pour maladie égale à la durée visée par l'article R4624-31 du code du travail peut seulement, dans le cadre d'un licenciement disciplinaire, reprocher au salarié dont le contrat de travail demeure suspendu, des manquements à l'obligation de loyauté, (Cass. Soc. 06-03-2017, n° 15-27577)
- qu'il en résulte que lorsque l'employeur manque à son obligation d'organiser la visite de reprise obligatoire, le contrat de travail reste suspendu et, passé la durée de 8 jours prévue par l'article R4624-31, un licenciement pour motifs disciplinaires autres qu'un manquement à l'obligation de loyauté (devoir général recouvrant une obligation de non-concurrence, de fidélité et de discrétion) se trouve nécessairement dénué de cause réelle et sérieuse,
- qu'en l'espèce, il a bénéficié d'un arrêt maladie du 20 mars 2018 au 30 avril 2018, à l'issue duquel l'employeur n'a pas organisé de visite médicale de reprise, dans le délai prévu à l'article R4624-31 du code du travail expirant le 10 mai 2018, de sorte qu'à compter de cette dernière date, seuls des manquements à son obligation de loyauté pouvaient lui être reprochés,
- qu'aucun des motifs invoqués dans la lettre de licenciement ne caractérise un quelconque manquement à son obligation de loyauté,
- qu'en considérant qu'à défaut de visite de reprise, un licenciement peut être notifié au salarié si l'employeur justifie d'une cause étrangère et antérieure à la suspension du contrat de travail, le conseil a dénaturé la jurisprudence de la Cour de cassation qui n'émet pas, dans l'hypothèse d'un manquement à l'obligation d'organiser une visite médicale, une réserve relative à l'existence d'une cause étrangère et antérieure à la suspension du contrat de travail.
En réponse, la S.A.S. La Boulangère soutient :
- que la suspension du contrat de travail ne fait pas obstacle au licenciement du salarié pour une cause indépendante de la maladie,
- qu'ainsi le licenciement peut être notifié en cours d'arrêt de travail pour une cause antérieure à la suspension du contrat de travail telle qu'une faute commise avant celui-ci,
- que le licenciement peut également être notifié pour des faits survenus pendant la période de suspension du contrat de travail mais seulement si ces faits caractérisent un manquement du salarié à son obligation de loyauté, le salarié restant, pendant son arrêt de travail pour maladie, tenu à une obligation de loyauté envers son employeur,
- qu'en l'espèce, les faits reprochés à M. [V] ne sont pas survenus pendant la période de suspension de son contrat de travail mais antérieurement et qu'ils ont été portés à la connaissance de l'employeur début mars 2018,
- qu'il en résulte que la suspension du contrat de travail n'interdisait pas à l'employeur d'engager une procédure de licenciement pour faute pour un motif autre qu'une violation de l'obligation de loyauté.
Sur ce,
Il doit être considéré que si l'employeur qui n'a pas organisé la visite de reprise obligatoire à l'issue d'une absence pour maladie d'au moins trente jours peut seulement, dans le cas d'un licenciement disciplinaire et s'agissant de faits survenus pendant la période d'arrêt-maladie, reprocher au salarié dont le contrat de travail demeure suspendu des manquements à l'obligation de loyauté, il peut engager, dans la limite de la prescription de l'action disciplinaire (qui n'est pas interrompue par la suspension du contrat de travail) une procédure de licenciement pour des faits fautifs commis antérieurement à la suspension du contrat de travail.
En l'espèce, les faits reprochés à M. [V] ayant été tant commis que découverts antérieurement au 20 mars 2018, la suspension du contrat de travail résultant de l'arrêt-maladie ne privait pas l'employeur de la possibilité d'engager une procédure disciplinaire pour des motifs autres qu'un manquement à l'obligation de loyauté, commis antérieurement à la suspension du contrat de travail.
M. [V] sera en conséquence débouté de ce chef de contestation de son licenciement.
2 - sur la contestation de la matérialité même des motifs de licenciement :
Exposant en substance que son licenciement s'inscrit dans le cadre d'un conflit stratégique de groupe ayant opposé les défenseurs de l'identité de la marque et les adeptes des marques distributeurs, que l'incohérence des décisions prises, le manque de communication et de clarté dans les choix opérés et l'action d'un directeur général hypercontrôlant, imposant une pression quotidienne sur la qualité et la quantité de travail ont mis en grande difficulté l'ensemble de son service, composé d'une équipe peu expérimentée et managée à distance, par ailleurs confronté à l'hostilité du service commercial, M. [V] soutient :
- qu'il s'est dévoué jusqu'à la dégradation de son état de santé psychologique puis physique à surmonter ces difficultés, sans que ses alertes sur la dégradation de sa situation n'appelle une quelconque réaction de sa hiérarchie, laquelle n'est intervenue qu'après dénonciation par ses soins du mal-être des membres de son équipe, par le biais d'une enquête interne qui a été menée de manière à charge à son encontre,
- que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui, dans l'hypothèse où il se prévaut d'un comportement prétendument harceleur de son salarié, doit établir que le salarié a effectivement commis des faits avérés de harcèlement, que sa décision est fondée sur des faits précis, objectifs et matériellement vérifiables et qui ne peut se contenter d'invoquer des preuves indirectes, laissant le soin au salarié, sanctionné pour harcèlement, de se défendre,
- sur l'absence d'objectivité et d'impartialité de l'enquête interne :
$gt; que, dès lors que des faits de harcèlement sont dénoncés, il appartient à l'employeur d'engager rapidement une enquête objective, approfondie, impartiale et contradictoire,
$gt; qu'en l'espèce, il est injustifiable que le directeur général de la société La Boulangère, son N + 1, ait pu participer de façon active aux entretiens individuels des 10 membres du service, alors même que ce sont ses méthodes de management autoritaires, agressives, oppressantes et contradictoires et le fait qu'il cautionne ouvertement que d'autres responsables les adoptent qui sont à l'origine de diverses alertes par lui lancées en mars 2018,
$gt; que l'enquête n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rapport écrit, que les 'attestations' versées aux débats, délivrées sous la pression de la hiérarchie, ne sont ni datées ni signées et postérieures à la période de l'enquête,
- sur son prétendu comportement vis-à-vis des membres de son service à l'origine de graves situations de souffrance au travail, après contestation détaillée des griefs articulés dans les attestations produites par l'employeur (pages 33 à 44):
$gt; sur les attestations de ses N - 2 (Mmes [W], [S], [I] et [Z])
* qu'il n'a jamais travaillé 'en direct' avec Mmes [W] et [S], que Mme [W] lui reproche en fait d'avoir agi comme son N+2 (communication descendante, manque de présence) ce qu'il était réellement et ne fournit aucun fait précis et objectif, que Mme [S] reconnaît ne pas avoir eu de problèmes particuliers avec lui tout en lui reprochant son absence d'accompagnement et d'intégration, tous faits en réalité imputable à la N+1 (Mme [R]) qui, désireuse de le remplacer, n'a eu de cesse que de le couper des quatre chefs de produits puis a monté l'équipe contre lui en le dénigrant et en contestant toutes ses décisions,
* que Mmes [I] et [Z] qui avaient travaillé dans un service sans responsable et se sont retrouvées seules, sans cadrage et très vite en difficultés, faisant régulièrement des erreurs et des bourdes, qu'elles ont eu le sentiment d'une dégradation de leur positionnement (de N-1 à N-2) du fait de l'arrivée de Mme [R], que leurs reproches, rédigés de manière similaire, sont infondés et totalement invérifiables,
$gt; sur les attestations de ses N - 1 (Mmes [H], [N] et [J], soit trois seulement des six salariés concernés)
* que Mme [H] n'avait aucune formation ni expérience en matière de communication, était extrêmement stressée du fait qu'elle était peu opérationnelle et autonome, que partagée entre deux chefs (avec l'arrivée d'une responsable de la communication corporate) et avec une quantité de travail impossible, à raison de l'organisation décidée et mise en place par le directeur général, elle ne parvenait plus à faire face, qu'en outre, elle était très critique envers tout le monde,
* que Mme [N] lui reproche injustement de ne pas s'être suffisamment intéressé à son service (category management consistant à présenter les nouveautés et négocier leur référencement) pendant son congé maternité, alors qu'il ne faisait qu'appliquer les directives de la hiérarchie, ce qu'elle reconnaît expressément dans son attestation,
* que Mme [J] était en échec professionnel et manquait complètement de confiance en elle, qu'elle était lente, ne prenait aucune initiative et demandait l'accord de son responsable même pour de toutes petites choses, préférant le mutisme plutôt que d'avouer ses erreurs, qu'elle ne peut tromper personne en faisant grand cas de sa faible contribution au category management pour tenter de justifier son effroyable retard dans la remise de fiches produits au directeur général, qu'en outre, elle s'est toujours montrée réfractaire à ses méthodes de management,
$gt; qu'en définitive, le comportement qui lui est reproché n'est pas établi et qu'au mieux, les quelques situations de souffrance alléguées, ne peuvent être qualifiées de faute ou de harcèlement puisqu'elles trouvaient leur source soit dans l'exercice légitime de son pouvoir de direction soit dans la surcharge de travail et le mode de management mis en place par le directeur général de l'entreprise, que les quelques reproches qu'il a pu faire à ses subalternes demeuraient circoncis et objectifs.
- sur ses prétendues relations conflictuelles avec d'autres services de l'entreprise, génératrices de dysfonctionnements : que ce grief n'est étayé par aucune pièce objective propre à apporter un éclairage sur ses prétendues défaillances managériales et l'existence d'éventuelles difficultés relationnelles entretenues avec son équipe; alors que les entretiens individuels de fin d'année témoignent des difficultés rencontrées par son service à raison du contexte et de l'ampleur des tâches confiées,
En réplique, la société La Boulangère expose :
- que les attestations produites par M. [V] au soutien de son allégation relative aux difficultés d'organisation interne de l'entreprise émanent de personnes ayant quitté la société antérieurement à son arrivée (MM. [X] et [B]) ou n'y ayant travaillé que sur une très courte période (trois mois pour Mme [C] dont le contrat a été rompu en période d'essai) et qu'elles n'ont pas de lien, direct ou indirect, avec les faits visés dans la lettre de licenciement,
- que M. [V] ne justifie pas du comportement prétendument déstabilisant du directeur général, qu'il n'a alerté, ainsi que la DRH, que le 9 mars 2018 pour lui faire part de risques de départ dans son équipe en invoquant des difficultés relationnelles avec un autre service, sa première alerte relative à un état de fatigue personnel n'étant intervenue que le 19 mars 2018 après entretien avec le DG et la DRH l'ayant informé d'un état de souffrance des salariés de son service,
- que les faits visés dans la lettre de licenciement ont été objectivés lors d'entretiens individuels avec les salariées qui ont accepté de confirmer leurs propos par des attestations, régulièrement établies,
- s'agissant de la régularité de la procédure disciplinaire :
$gt; qu'aucune situation de harcèlement moral n'est invoquée tant dans les attestations produites que dans la lettre de licenciement, qu'en toute hypothèse, qu'aucun texte n'impose une méthodologie d'investigation et notamment l'intervention d'un représentant du personnel et/ou du médecin du travail,
$gt; que M. [V] a pu s'expliquer contradictoirement devant sa hiérarchie,
$gt; que les déclarations des salariées, confirmées par des attestations, ont été recueillies loyalement,
- que les critiques de M. [V] et ses tentatives d'explications faisant état des intentions malveillantes des subordonnées ne sont étayées par aucun élément, alors que ses méthodes inadaptées de management sont caractérisées (abus d'autorité conduisant à un sentiment de peur, dévalorisation de ses collaborateurs, stratégie de division de l'équipe, commentaires visant à décrédibiliser, manipulations, exclusions),
- que le message électronique alertant le DG et la DRH sur la dégradation des relations avec le service commercial a été établir lorsque M. [V] a eu connaissance des entretiens individuels et que ces accusations ne sont étayées par aucun élément objectif,
- qu'en présence d'attestations précises et concordantes, M. [V] produit des attestations de personnes totalement étrangères à la société ou au groupe La Boulangère, faisant état des qualités par lui affichées dans des fonctions antérieures.
Sur ce,
Il doit être rappelé :
- que selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié, que cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux, que le juge ne peut pas examiner d'autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais qu'il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n'auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties,
- que la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse sur aucune des parties en particulier, le juge formant sa conviction au vu des éléments produits par chacun, l'employeur étant en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif,
- que lorsque le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est-à-dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis,
- qu'il appartient au juge d'apprécier la nature de la faute invoquée par l'employeur, que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la gravité de la faute s'appréciant en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires.
- 1 sur la contestation de la régularité et de la loyauté du recueil des preuves par l'employeur :
En l'espèce, il est établi, au regard des éléments versés aux débats :
- que par mail du 9 mars 2018 (pièce 35 de l'appelant), M. [V] a alerté sa propre hiérarchie sur un risque de départ(s) dans son équipe (arrêt maladie de [F] ([J]), risque de départ de [D] ([E]), mal-être de [T] ([N]) par lui imputé au comportement du responsable du service commercial,
- que l'employeur (pris en la personne du directeur général et de la directrice des ressources humaines, non visés dans le mail) a diligenté une enquête interne en procédant, du 12 au 19 mars 2018, à l'audition des salariées du service marketing,
- qu'après entretien avec M. [V] le 27 mars 2018, se prévalant des déclarations recueillies auprès de sept d'entre elles, objectivées par des attestations établies entre le 6 et le 23 avril 2018 (pièces 17 à 23 de l'intimée), la S.A.S. La Boulangère a engagé une procédure de licenciement disciplinaire par LRAR de convocation à entretien préalable du 25 avril 2018.
La lettre de licenciement n'impute ni explicitement ni implicitement à M. [V] l'existence d'une situation de harcèlement moral mais un 'comportement à l'origine de graves situations de souffrance au travail subies par les membres de son service'.
En toute hypothèse, aucun élément objectif et vérifiable n'établit que l'enquête diligentée par l'employeur a été conduite de manière déloyale, non contradictoire ou irrégulière, dès lors :
- que, comme exactement soutenu par la S.A.S. La Boulangère, aucun texte n'impose en la matière une méthodologie obligatoire de l'enquête nécessitant l'intervention de représentants du personnel et/ou de la médecine du travail,
- que l'enquête a été diligentée par deux personnes, investies du pouvoir d'instruction du fait de leurs fonctions, non mises en cause par M. [V] dans son message d'alerte et dont aucun élément objectif du dossier ne démontre qu'elles auraient dû se récuser spontanément,
- qu'il est également constant que M. [V] a été entendu, le 27 mars 2018, par ces mêmes personnes, lesquelles ont recueilli ses observations par rapport aux déclarations de ses subordonnées.
2 - sur la contestation de la matérialité même du 1er grief visé dans la lettre de licenciement :
S'il appartient à l'employeur qui invoque une faute grave de son salarié d'en rapporter la preuve de la matérialité, en l'espèce, les attestations, formellement régulières, établies par sept des subordonnées de M. [V] confirmant leurs déclarations recueillies dans le cadre de l'enquête interne, font état d'un comportement managérial pouvant être qualifié de déviant, se traduisant, de manière synthétique par un abus d'autorité conduisant à un sentiment de peur, une dévalorisation de ses collaboratrices, une stratégie de division du service entraînant pour les salariées une perte de confiance en soi et angoisse, ainsi qu'il s'évince des (extraits d') attestations précises, détaillées et concordantes :
$gt; de Mme [Z] (pièce 17) faisant état en substance d'un covoiturage 'envahissant' imposé dans les premiers temps de la relation de travail sans prise en compte de ses propres contraintes, précisant qu'elle a commencé à avoir peur au moment où elle a tenté d'expliquer qu'elle était en surcharge de travail et où il s'est emporté en lui expliquant qu'elle était la seule chef de produits qui se plaignait du nombre de dossiers et que c'était de sa faute si elle était dans cette situation, qu'il lui a fait perdre toute confiance en elle en l'enfonçant plutôt qu'en l'aidant... que sa stratégie a été de diviser toutes les membres de l'équipe pour mieux régner et éviter qu'elles échangent entre elles sur son comportement... qu'il imposait les lieux de réunion selon ses disponibilités et contraintes, quittant subitement les réunions avec des prestataires extérieurs sans s'excuser... n'ayant jamais su se rendre disponible lorsqu'on le sollicitait en précisant le caractère urgent de la demande, ne daignant pas répondre aux mails sous prétexte qu'il en avait trop... son manque d'écoute et son manque d'échanges nous ont montré qu'il n'avait finalement aucune considération pour notre travail ... Il nous a fait perdre beaucoup de temps en changeant d'avis tout le temps ... cette situation nous a fait perdre toute confiance en nous, avec des phases de doute, d'incertitude et de remise en question perpétuelles nous faisant ainsi penser que le problème venait effectivement de nous. Son comportement nous a conduit à avoir véritablement peur de lui et des représailles. Il a à plusieurs reprises montré beaucoup d'agressivité lorsqu'une situation lui échappait et il a clairement énormément d'emprise sur nous, nous conduisant à garder cela longtemps pour nous. Il nous a épuisé psychologiquement et moralement jusqu'au point de rupture...
$gt; de Mme [S] (pièce 18), entrée dans l'entreprise le 23 octobre 2017 : cela faisait trois semaines que je venais au bureau avec la boule au ventre et que j'avais non-stop envie de pleurer... cette appréhension ne venait pas d'une charge de travail trop conséquente mais d'une ambiance malsaine et pesante au sein de mon service marketing... Alors que ça faisait que 4 mois que j'étais dans la société, cette situation en venait à détériorer la qualité de mon travail : en fonction des humeurs de notre directeur marketing je passais mon temps à faire et défaire le travail que je réalisais (ex brioche façon quatre-quarts, référence atelier 650)... je travaillais tout le temps dans l'urgence, il n'anticipait pas et dès qu'il avait besoin d'éléments pour une réunion toute l'équipe cravachait d'où un épuisement général... de nombreuses journées j'ai passé du temps à réconforter mes collègues qui pleuraient ([D], [F], [L])...
Personnage manipulateur et menteur : il avait une posture et des paroles totalement différentes entre ses nouvelles recrues et les anciennes, par exemple il disait qu'il était très important entre nous d'oser-dire et de savoir-dire. Mes collègues ont tenté d'oser lui dire des soucis qu'elles rencontraient et leur mal-être et il a retourné la situation contre elles comme si elles étaient des incapables (ex : [K] et ses relations avec le R&D, [O] lui a fait clairement comprendre que c'était elle le problème et qu'il fallait qu'elle change, [G] est venue nous voir en disant que nous nous étions plaintes de son comportement auprès de [O], ce qui était totalement faux).
Personnage malveillant, esprit de contradiction : il nous utilise pour sa guerre avec les autres services. Il n'est pas à l'écoute ou fait semblant
Personnage qui ne suivra que son intérêt personnel : peu d'humain, de la fausse écoute, des paroles non appliquées, nous étions baladées entre [Localité 7], [Localité 8] et [Localité 6] en fonction de son agenda, il est arrivé à plusieurs reprises qu'il ne puisse pas être disponible ou qu'il parte avant la fin de la réunion dans les horaires normaux(9-18h).
Je n'avais pas de différent particulier avec [O], j'échangeais avec lui et il était encore dans sa période 'lune de miel' avec moi. Cependant, avec tous les comportements que j'ai pu observer et l'état de détresse de mes collègues, je pense que j'aurais quitté la société s'il n'était pas parti. C'est une personne qui aime à manipuler très facilement et je commençais à en avoir peur...
$gt; de Mme [J] - [A] (pièce 19)
Il a mis en place des réunions mensuelles en expliquant que nous devions en être 'actrices' et qu'il ne s'agissait pas de réunions avec uniquement de l'information descendante. Cependant il s'est imposé comme l'unique animateur de ces réunions et ne nous transmettait pas l'ordre du jour au préalable ce qui ne nous permettait pas de les préparer. Avant l'une de ces réunions, nous avions toutes des questions notamment RH et nous avons quelques jours avant la réunion (programmée le 19 janvier 2017) envoyé un mail collectif le 13 janvier 2017 (voir ci-joint) dans lequel nous précisions nos différentes questions. Cela l'a mis en colère et l'a fait réagir très négativement. Il a ouvertement dit qu'il n'avait pas du tout apprécié que nous nous réunissions en amont pour préparer la réunion... Les réunions de service sont devenues un moment dur et inutile. Nous avions l'impression de perdre notre temps et d'être infantilisées (punies d'avoir voulu préparer la réunion).
Il m'a attribué les missions de remplacement des absentes sans me consulter ni même vérifier si ma charge de travail pouvait être alourdie sans trop d'impacts. J'ai dû mettre en 2nd plan mes propres dossiers, ce qui m'a valu par la suite des retards importants. Il ne m'a jamais remercié pour le travail effectué puis m'a reproché les retards dans mes propres dossiers alors que je l'avais justement alerté de la situation. Je me suis sentie 'abusée' et non considérée par M. [V].
J'ai l'intime conviction que M. [V] m'a manipulée au sein du service et qu'il a également agi de la sorte avec mes collègues. Il a cherché à nous isoler les unes des autres de façon à pouvoir mieux régner en chef. Il a notamment intentionnellement entretenu des tensions entre moi et une de mes collègues ([G] [H]). Il nous disait des choses contraires afin de pouvoir nous séparer alors que nous avions des dossiers pour lesquels nous devions travailler ensemble (dispositif promo 2017). Il a réussi à isoler [G] de l'ensemble de l'équipe. Il lui a donné une charge de travail anormalement élevée, j'ai vu [G] progressivement se renfermer sur elle-même... quand elle s'est livrée à nous début 2018 elle nous a confessé qu'elle ne supportait pas son attitude oppressante depuis plusieurs mois...
L'annulation ou le report de rendez-vous mensuels Suivi Mensuel d'Activité avait un impact très négatif dans l'organisation de mes missions opérationnelles nécessitant une validation urgente de M. [V] (délais d'impression/avancement du dispositif promo). Lorsque nous allions le voir entre deux rendez-vous nous avions le sentiment de ne pas être les bienvenues et il refusait de se rendre disponible et à l'écoute... Il nous a indiqué qu'il recevait chaque jour beaucoup trop de mails de notre part et qu'il ne fallait pas lui en faire inutilement. Nous constations que M. [V] était très souvent absent de son bureau et qu'il ne répondait que très peu au téléphone. Nous avions donc espoir que la communication par mail améliore son niveau de disponibilité mais son attitude fermée et agacée a prouvé le contraire. Au final, M. [V] qui disait pourtant vouloir 'tout valider' ne le faisait absolument pas ou dans un délai inadapté.
A chaque programmation d'un SMA je redoutais son annulation car la non validation perturbait le bon déroulé de mes missions et m'exposait à un relationnel compliqué avec les prestataires sans brief validé (agences, imprimeurs) et le service commercial qui ne recevait pas les outils d'aide à la vente dans les délais prévus. Si je validais mes dossiers sans son accord, il réagissait avec colère et me faisait des reproches, ce qui me faisait souffrir d'autant plus. Il n'abordait les sujets commerciaux qu'avec désintérêt et superficialité tant et si bien que j'ai pensé que ce devait être moi qui n'avais aucun intérêt et que je n'étais pas utile à l'entreprise. Son attitude écrasante, son indifférence, son manque de soutien et son emprise sur moi ont contribué progressivement à me faire perdre totalement confiance en moi et en la valeur de mon travail... Ma santé a commencé à décliner...
Le téléphone portable professionnel est devenu un objet insupportable à cause de lui. J'ai stoppé la consultation en dehors de mes horaires de travail...
Le 9 janvier 2018 lors de mon entretien annuel je lui ai signifié que 2017 avait été extrêmement compliqué avec lui (départ de deux personnes du service, surcharge de travail et manque de disponibilité de sa part). J'ai fondu en larmes et je lui ai dit que je ne voulais plus revivre une année comme ça. A aucun moment pendant l'entretien de 2 heures il ne m'a dit qu'il fallait que l'on trouve ensemble des solutions afin d'améliorer les choses. Dans les jours qui ont suivi, il ne m'a rien proposé... Mi-février 2018 à bout de forces, mon médecin m'a prescrit un arrêt maladie...
A la fin de mon arrêt, une collègue encore en période d'essai a dit qu'elle souhaitait partir à cause de M. [V]. Elle a eu un RDV avec la DRH et M. [V] le 2 mars 2018. Subitement à l'issue de cette date, l'attitude harcelante et oppressante de M. [V] s'est complètement mise en sommeil à mon égard. Son comportement s'est complètement modifié comme si, pris de panique que de nouveaux problèmes d'équipe ne remontent il devait montrer patte blanche et devenir irréprochable...
$gt; de Mme [L] [I] (pièce 20)
Le manque de respect était quotidien... Il ne se souciait pas de notre situation de manière sincère puisqu'il a eu à de nombreuses reprises donné des marques d'intérêt lorsqu'il se sentait en danger (ex : il a imposé [Localité 7] proche de son domicile comme l'un des lieux de réunion alors que les sites de travail étaient à [Localité 8] et aux Herbiers, fixation de réunions en fonction de ses convenances personnelles et assiduité plus que relative à celles-ci).
Le manque de collaboration et de considération : intra service marketing il imposait ses vues sans aucune discussion possible, il démontrait clairement que notre opinion/point de vue n'avait aucune importance tout simplement parce qu'il n'avait aucune considération pour les personnes que nous sommes... je me sentais capable de rien ... conséquence de tout ce manque de collaboration: perte de temps et d'énergie pour tous, retard sur les projets, perte totale de confiance en soi.
Le manque de disponibilité : très rarement présent physiquement sur les deux sites de production où l'ensemble de l'équipe est présent, ne répond pas souvent aux mails, nous étions comme bloquées dans l'avancée de notre travail, il souhaitait quasiment tout contrôler/valider derrière nous mais ne se rendait pas disponible pour le faire. Il terminait ses journées très tôt et beaucoup plus tôt que nous. Nous devions a contrario être toujours disponible (pause déjeuner, soit tard, ponctuellement) lorsque cela l'arrangeait.
Il a fait preuve de manipulation : il parlait de management participatif, d'entreprise libérée. Il a clairement cherché à nous séparer au sein de l'équipe. Il critiquait ouvertement certaines membres devant les autres. Lorsqu'il sentait des tensions il nous noyait de paroles et d'écrits positifs mais il n'y a jamais eu aucun acte derrière.
Malveillance à mon égard : aucun soutien lors des réunions internes (au contraire, décrédibilise)
Il n'anticipait jamais ses besoins (PTT, échantillons) et mettait l'équipe sous pression pour avoir ce qu'il voulait en temps et en heure.
Impolitesses qui, seules, n'auraient pas posé de réel problème Par exemple : dérange pendant les pauses déjeuner même si l'inverse n'est pas envisageable, de nombreux départs sans prévenir,/dire au revoir, manifeste physiquement son agacement (mâchoires crispées, doigt levé 'laisses moi finir', très peu de merci ...
En définitive de nombreux actes et de nombreuses paroles destinés simplement à nous rabaisser. Il nous faisait comprendre que tous les problèmes venaient de nous pour fuir ses responsabilités.
$gt; de Mme [M] [W] (pièce 21)
Une situation très complexe, un malaise profond et une atmosphère pesante sont les mots qui qualifient l'état du service marketing depuis mon arrivée en août 2017, liée au manager du service.
Une communication pas claire : pas d'échanges de manière générale sur les dossiers, des retours et des consignes vagues (ex sujet On The Go: un brief peu clair, des points d'échange qui menaient à rien, [O] a fini par imposer ses attentes sans aucune écoute et prise en compte du travail effectué. Selon lui la perte de temps venait du mauvais calage avec [P], pas de remise en question de sa part. Des études qui appuyaient nos recommandations mais pas d'échanges, il restait sur ses positions 'je pense que' 'chez [MP] je faisais ainsi, c'est la même chose ici'). Perte de temps et d'énergie, perte de confiance de l'équipe et de ses membres, perte de motivation.
Un manque de savoir-être qui décrédibilise l'image du service : impose ses contraintes personnelles lors de réunions ou déplacements au sein du service et aux prestataires externes, fait déplacer ses équipes où bon lui semble (fatigue, frais et perte de temps) (ex : quitte une réunion avant la fin sans excuse, réunions souvent à [Localité 7], SMA vendredi à [Localité 7] malgré 1h15 de route afin qu'il soit plus tôt chez lui. Frais importants inutiles pour la société, temps de perdu pour l'équipe, fatigue de l'équipe, peu de présence sur les deux sites STH et [Localité 6].
Critique et dévalorise :
Se permet de critiquer des personnes externes ou internes lors de réunions d'équipe ou de point individuel ce qui engendre de la gêne (ex/ arrêt maladie de [F], il a mentionné une grippe puis par la suite précisé à un membre de l'équipe 'c'est normal, c'est [F], je m'y attendais, critiques sur d'autres responsables de l'entreprise).
Dévalorise le travail effectué et celui des autres (t'as mal compris, j'ai pas dit ça, je l'avais dit qu'il fallait faire ça... fort impact sur le travail et la capacité à répondre au poste, baisse de moral et perte de l'envie de se battre pour défendre ses projets, management directif, faute toujours reportée sur autrui).
Manipulation et mensonges : critique fortement les membres de l'équipe de manière individuelle, essaye de séparer l'équipe ainsi que l'équipe des autres services (ex: [T] est étourdie, on ne peut pas lui faire confiance sur certains points...) Il a créé un climat de non-confiance au sein du service et des autres services, le marketing est isolé, essaye d'isoler les personnes pour une meilleure emprise, devient soudainement attentionné pour servir son propre intérêt tout en choisissant ses interlocuteurs,
Manque de présence et de soutien de sa part : très rarement présent physiquement, (souvent à [Localité 7]) et ne répond que très peu aux mails. Malgré son indisponibilité, il termine ses journées bien avant nous (17, 17 h 30 maximum), ne soutient pas son équipe lors des réunions ou devant d'autres personnes, blocage auprès d'autres services malgré notre envie de fédérer.
Management sélectif : présence et considération différentes selon les membres de l'équipe (pôle client complètement délaissé vs la communication, des SMS aux nouvelles et pas aux anciennes, peu de considération pour le poste de [F] car peu de considération pour la force de vente).
[O] a différents visages qu'il utilise selon ses intérêts. Il peut être un persécuteur (pression, charge de travail, dévalorisation) comme un sauveur (attentions soudaines, critique des autres pour montrer que lui nous aide...) Mais aussi une victime (rejette la faute sur les autres)... Il est difficile de déceler de tels traits de caractère au niveau de la direction car il apparaît toujours avec le visage choisi du sauveur. Notre force a été l'union du service et la communication face à une situation critique.
$gt; de Mme [T] [N], category manager (pièce 22) :
M. [V] a manqué d'intérêt pour mon poste : c'est un métier qu'il ne connaît pas et dont il ne s'est pas intéressé. Il n'est jamais venu vers moi pour s'informer de mon quotidien, de mes tâches, de mes problématiques, il m'a seulement envoyé par email des tableaux de bord qu'il utilisait dans sa précédente entreprise, sans explication, 7 suivis mensuels ont été supprimés sans explication et sans être reportés, très faible disponibilité: il répondait quasi jamais à mes mails ... dans 80 % des cas, il était parti avant nous... Une fois, nous avions prévu de nous entretenir, il avait cumulé des retards quand il est parti, il m'a dit qu'il n'avait plus le temps et qu'il avait un RDV. Or, une heure plus tard je l'ai vu sortir de la salle de sport. Cette faible disponibilité a eu pour conséquence des aléas de mon côté. Alors que mes RDV s'enchaînaient je n'ai pas pu lui faire valider en amont le contenu intégral de mes présentations, il n'était pas ravi du contenu et a su me le faire savoir avec énormément d'exagération au téléphone et jamais en face à face. 2017 a été très difficile la charge de travail était très dure à assumer seule j'ai été très fatiguée nerveusement et physiquement. Je lui avais même fait savoir à plusieurs reprises. Aucune solution n'avait été trouvée, jamais il n'avait pris au sérieux ma détresse. Il a fallu plusieurs mois avant qu'un recrutement soit envisagé.
M. [V] m'a manqué de respect ainsi qu'envers mes collègues : il a utilisé le mensonge à mes dépens pour se sauver. Il m'avait interdit de remplir les documents nécessaires au référencement de certains produits dans l'enseigne Carrefour Market. Ceci n'a pas été compris par le directeur commercial et, comprenant qu'il n'y avait pas de raison valable à ce refus, il a dit que je n'en avais pas eu le temps. Envers [F] alors qu'elle venait de se mettre en arrêt, il m'a dit que ça ne l'étonnait pas.
[O] [V] a l'art de nous faire culpabiliser : il ne communique jamais clairement, il est difficile de comprendre ses demandes et ses opinions. Le peu de fois que j'ai travaillé avec lui, je remettais en question ma faculté à comprendre.
Il aime diviser pour mieux régner : au sein du service, il donnait l'illusion de tout faire pour que nous soyons un groupe uni et quand nous étions individuellement avec lui il n'hésitait pas à critiquer les unes et les autres, avec les autres services, il n'hésitait pas à jouer au bras de fer, ce comportement a isolé le service.
Il a l'art de se sentir supérieur aux autres : il n'écoute jamais les autres quand ils ont des propositions contraires à sa vérité. Il nous demandait d'être force de proposition et jamais ne prenait en compte nos opinions. Quand nos remarques ou questions n'allaient pas dans son sens, systématiquement, la mâchoire se crispait et il disait 'laisse moi finir' et ne répondait jamais à nos questions.
Quoi qu'il arrive ce n'est jamais de sa faute, c'est toujours la faute de son équipe. Son rôle est de nous défendre pourtant. Il savait aussi accuser les autres responsables de services.
$gt; de Mme [G] [H] (pièce 23) après six premiers mois idylliques, les échanges et le dialogue étaient plus douloureux. [O] [V] se montrait impatient, agacé et surtout peu enclin à accepter un point de vue différent du sien. Aucun échange, aucune communication possible... Je perdais de plus en plus confiance et m'épuisais. Je me souviens être sortie en larmes d'un SMA à [Localité 7] et avoir appelé mon médecin. Peut-être que le problème venait effectivement de moi ' J'ai donc commencé à courber l'échine. Par peur et par instinct de survie, j'ai entretenu cette relation de 'soumission'. Il a commencé à me faire des confidences indélicates sur mes collègues et même ses directeurs (divers propos rapportés en page 4 de l'attestation concernant ses relations avec le service commerce, le directeur commercial, [L], [K] et l'entreprise)... En observant mes collègues et en restaurant le dialogue je me suis aperçue qu'il agissait de façon malsaine avec toutes.
La goutte d'eau fut lorsqu'il révéla à l'agence RP [F] Antoinette , à la suite d'une conférence de presse que notre DG avait eu 'un gosse' avec mon ancienne responsable. Ne se souvenant plus de son nom, il se tourna vers moi pour me le demander. J'étais stupéfaite avec quel manque de respect et avec quel ton moqueur il livrait cette confidence sans aucun intérêt stratégique. Il ne manque pas une occasion pour me mettre en difficulté (points annulés, reportés au dernier moment) de pointer ce que je ne faisais pas 'correctement'...
Aucun élément objectif et vérifiable n'établit que ces témoignages précis, détaillés, concordants sont le fruit d'un complot ourdi par la direction générale ayant instrumentalisé le ressentiment et l'aigreur de salariées dont M. [V] souligne l'incompétence.
A ce titre, les attestations produites par M. [V] sont établies, soit par des personnes extérieures à l'entreprise (pièces 29 à 34, 38, 39, 41 à 49) qui font référence notamment à ses expériences professionnelles précédentes, spécialement au sein de la société [MP] et qui n'ont aucune connaissance personnelle de la situation au sein de la société La Boulangère, soit par des personnes ayant cessé d'y travailler au cours de la période litigieuse (pièce 28, 36), étant considéré que l'attestation de Mme [C] (pièce 40), DRH n'ayant exercé que pendant quatre mois entre avril et juillet 2016, ne peut combattre efficacement les attestations des salariées sur le climat existant dans le service marketing sur la période 2016-2018.
Il convient dès lors de considérer que la matérialité même du premier grief invoqué par l'employeur est établie.
3 - sur la matérialité du second grief visé dans la lettre de licenciement :
La lettre de licenciement est ainsi motivée: 'outre l'adoption d'un management pouvant être qualifié de toxique, vous avez créé et entretenez des relations conflictuelles avec les autres services devant collaborer avec le service marketing et notamment le service Commerce et le service Recherche & Développement. Ces situations conflictuelles sont également dénoncées par les responsables de ces services car elles génèrent de graves dysfonctionnements. En effet alors qu'une synergie doit exister entre les différents services vous communiquez uniquement par mail avec le service commercial en ne masquant pas votre hostilité à son encontre. Les points de dysfonctionnement ne se résolvent pas malgré la mise en place de réunions interservices.
Ces tensions sont susceptibles de nuire à l'image de l'entreprise notamment lors de rendez-vous auprès des centrales en présence des category managers et des comptes clés nationaux.
Vous avez fait le choix d'engager un bras de fer avec ces services, n'écoutant pas les autres personnes concernées par les projets et ne prenant pas en compte leurs opinions. Cette situation a par conséquent créé un isolement du service marketing.
Par ces situations conflictuelles, vous mettez en porte à faux l'équipe marketing face aux autres services ce qui a pour conséquence une ambiance de travail dégradée et pesante que déplorent vos collaborateurs.
A titre d'illustration, leurs propos sont les suivants :
- selon M. [V] cette situation était la faute des autres services,
- relationnel compliqué avec les prestataires et le service commercial ne recevant pas les outils d'aide à la vente dans les délais,
- ayant ses propres idées, il n'y a aucun échange collaboratif. Ces décisions sont déconnectées des éléments factuels via des études.
Son comportement de dictateur a créé un climat de tension vis-à-vis des autres services.
A créé de nombreux conflits avec les autres responsables de services'.
M. [V] conteste ce grief qu'il indique n'être étayé par rien alors que de nombreux éléments établissent le contraire dont :
- une attestation de Mme [C], ex DRH (pièce 40) indiquant que le flou des rôles, des places et des responsabilités de chacun était de nature à créer une ambiance tendue et anxiogène surtout au sein des fonctions support. Réalité aggravée par la communication soit inexistante soit contradictoire de l'équipe dirigeante, elle aussi nouvellement créée. Au sein de chaque entité il y avait des luttes d'influence, de pouvoir, de personnes quant à la définition des processus qui n'étaient pas ou peu arbitrés par l'équipe dirigeante elle-même incapable de s'accorder sur une vision cohérente,
- une attestation de M. [B] (pièce 41) [U] [Y] sait utiliser les personnes pour son avantage et n'hésite pas à jouer et souffler sur les conflits entre personnes pour se retrouver en situation confortable d'arbitre, une façon de toujours contrôler le jeu.
La S.A.S. La Boulangère expose que M. [V] entretenait des relations très conflictuelles avec ses homologues d'autres services en interne ; situation ne manquant pas de créer des perturbations au sein de sa propre équipe ainsi qu'un sentiment de malaise au regard des propos tenus sur d'autres collaborateurs de la société voire sur le DG, ainsi qu'il résulte des attestations de Mmes :
- [Z] : son comportement dictatorial envers les autres membres et responsables de service a créé dès son arrivée un climat de tension nous mettant en porte à faux vis à vis des autres services. Ses relations très conflictuelles avec les autres services (R&D, commerce, ADV, industrie) ont contribué à nous isoler et à renvoyer une image négative du service en interne,
- [J] : critiques lors de réunions de services sur d'autres responsables de l'entreprise (industrie, commerce, R&D), relations très conflictuelles avec les autres services, mauvais échanges avec les responsables de services,
- [W] : avec les autres services de l'entreprise : il n'hésitait pas à jouer au bras de fer avec les autres responsables de service. Ce comportement a alors isolé le service marketing des autres services de la société. Lors d'une réunion de service, il avait dit: mon rôle est de manager le DG.
- [N] : il a commencé à se confier et me faire des confidences indélicates sur mes propres collègues mais aussi sur l'entreprise et même ses directeurs. Je ne comprenais pas de telles révélations et remarques : [U] entretient volontairement le conflit entre le commerce et le marketing. Pourquoi' Et bien comme ça il garde le pouvoir et l'ascendant. C'est important pour une personne comme lui (entendu dans un taxi au pied de la Tour Montparnasse) parlant du directeur commercial ; Oh la, celui-là a eu de gros problèmes étant enfant ! je le dis moi, c'est obligé, tu vois comme il est... La goutte d'eau fut lorsqu'il révéla à l'agence RP [F] Antoinette, à la suite d'une conférence de presse que notre DG avait eu 'un gosse' avec mon ancienne responsable. Ne se souvenant plus de son nom, il se tourna vers moi pour me le demander. J'étais stupéfaite avec quel manque de respect et avec quel ton moqueur il livrait cette confidence sans aucun intérêt stratégique.
Sur ce,
Même si ce grief n'est articulé qu'à travers le prisme du vécu des collaboratrices de M. [V] et si M. [V] soutient que l'antagonisme entre les divers services de l'entreprise préexistait à son engagement, force est de constater, à la lecture des attestations versées aux débats, précises, détaillées et concordantes, qu'il a continué à alimenter les conflits, contribuant ainsi à l'isolement des membres de son service et au dysfonctionnement de celui-ci.
Le grief articulé par l'employeur doit en cela être considéré comme établi.
3 - sur l'incidence des griefs sur le sort du contrat de travail :
M. [V] soutient que la procédure de licenciement n'a pas été engagée dans un délai restreint, circonstance exclusive de la qualification de faute grave, en exposant :
$gt; qu'il résulte du mail du 23 mars 2018 que le directeur général était parfaitement informé de la situation qui lui était reprochée, au plus tard le 19 mars 2018, date des derniers entretiens individuels avec ses subordonnées,
$gt; que le délai de cinq semaines écoulé entre cette date et la convocation à entretien préalable du 25 avril 2018 excède manifestement le délai raisonnable posé par la jurisprudence que ne pouvait suspendre la tentative de l'employeur de lui imposer une rupture à moindre coût dans le cadre d'une proposition inacceptable de rupture conventionnelle.
La S.A.S. La Boulangère expose :
- que le délai d'un mois et six jours écoulé entre la date de connaissance entière des faits et l'engagement de la procédure de licenciement est compatible avec les exigences jurisprudentielles en la matière,
- que pendant cette période M. [V] n'a pas exercé son activité professionnelle de manière effective puisqu'il se trouvait en arrêt de travail et qu'une mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée dès la reprise de son activité,
- que pendant la période s'étant écoulée entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure de licenciement, elle a manifesté auprès de M. [V] son souhait d'une rupture conventionnelle du contrat de travail et que des discussions sont intervenues à ce titre.
Sur ce,
Le délai d'un mois et six jours écoulé entre la date de connaissance pleine et entière des faits visés dans la lettre de licenciement (19 mars 2018) et l'engagement de la procédure de licenciement (LRAR de convocation à entretien préalable du 25 avril 2018) n'est pas en l'espèce exclusif de la qualification de faute grave, dès lors que M. [V] a été placé en arrêt de travail du 20 mars 2018 au 30 avril 2018 (pièce 6 de l'appelant) et que, dès son retour dans l'entreprise, le 2 mai 2018, il s'est vu notifier sa mise à pied à titre conservatoire (pièce 16 de l'intimé), manifestant la volonté non équivoque de l'employeur de rompre immédiatement la relation de travail, dès la fin de la période de suspension du contrat.
Sur le fond, les griefs articulés dans la lettre de licenciement doivent être considérés comme constitutifs d'une faute grave compte-tenu de l'importance des fonctions de M. [V], des graves conséquences sur l'équilibre personnel et professionnel de ses subordonnées qu'a entraînées ses méthodes de management pouvant effectivement revêtir la qualification de 'toxiques' retenue par l'employeur.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé bien fondé le licenciement de M. [V] pour faute grave et débouté M. [V] de l'intégralité de ses demandes au titre de son licenciement indemnité conventionnelle de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dommages-intérêts pour licenciement injustifié.
II - Sur la demande en dommages-intérêts pour licenciement vexatoire :
M. [V] sollicite l'octroi d'une indemnité de 25 758 € (trois mois de salaire) en soutenant :
- que les circonstances dans lesquelles la rupture est intervenue en particulier la multiplication d'entretiens tenus dans des circonstances violant les dispositions du code du travail afin de tenter de lui faire accepter une rupture conventionnelle dans des conditions iniques et surtout la nature et la qualification des griefs qui lui sont imputés de façon injustifiées ont porté atteinte à sa dignité et ses droits les plus élémentaires
- que la société La Boulangère a véhiculé des rumeurs et des accusations malveillantes sur son prétendu comportement inadapté et a donné une très large publicité à son licenciement afin de le discréditer au sein du personnel et aux yeux des tiers, n'hésitant pas à porter à son encontre des accusations infondées mais surtout diffamatoires.
La S.A.S. La Boulangère conclut à la confirmation du jugement ayant débouté M. [V] de ce chef de demande en soutenant :
- que si des échanges se sont déroulés concernant l'éventualité d'une rupture conventionnelle, aucun élément n'établit qu'elle aurait tenté de l'imposer à M. [V],
- que les faits retenus dans la lettre de licenciement sont réels et ne constituent pas des accusations infondées et diffamatoires,
- qu'elle n'a jamais donné de publicité très large au licenciement de M. [V] tant en interne qu'en externe en révélant les motifs du licenciement dans un but malveillant.
Sur ce,
Le licenciement, même fondé sur une cause réelle et sérieuse peut ouvrir droit à l'octroi de dommages-intérêts au salarié, dès lors qu'il est intervenu dans des conditions vexatoires ou humiliantes.
Il appartient au salarié d'établir :
- d'une part, le comportement fautif de son employeur, caractérisé par les circonstances particulières, brusques, humiliantes ou vexatoires dans lesquelles s'est déroulé son licenciement,
- d'autre part, l'existence du préjudice distinct de celui occasionné par la perte de son emploi qui en découle.
En l'espèce, aucun élément du dossier et spécialement les messages et courriers adressés par la S.A.S. La Boulangère postérieurement au 19 mars 2018 (convocation à entretien en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle du 20 mars 2018, mail du 23 mars 2018, lettre du 3 avril 2018, pièces 8, 9 et 12) n'établit que la volonté de l'employeur d'imposer à M. [V] une rupture conventionnelle.
Par ailleurs, aucun élément objectif du dossier n'établit que la S.A.S. La Boulangère a donné, tant en interne qu'en externe, une publicité particulière au licenciement de M. [V] et à ses motifs (dont le bien-fondé a été ci-dessus reconnu).
A défaut de preuve des circonstances brusques, humiliantes ou vexatoires dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat de travail, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de ce chef de demande indemnitaire.
III- Sur les demandes en paiement de rappels de rémunération :
1 - sur la demande en paiement de rappel de prime de 13ème mois:
Le premier juge a rejeté la demande de M. [V] au motif que l'article 5 du contrat de travail prévoyant l'attribution d'une prime de 13ème mois fait référence à la convention collective nationale des activités de boulangerie et pâtisserie du 13 juillet 1993, sans application des conditions d'ancienneté prévues par celle-ci mais que cette convention, en son article 31, prévoit que le 13ème mois n'est pas dû en cas de départ en cours d'année.
M. [V] sollicite la condamnation de la S.A.S. La Boulangère à lui payer les sommes de 6 081,75 € à titre de prime de 13ème mois et de 608,18 € au titre des congés payés afférents en exposant :
- qu'il bénéficiait contractuellement d'un 13ème mois,
- que cet élément de rémunération ne figure pas sur son solde de tout compte,
- que la somme réclamée de ce chef est ainsi calculée : 8 586 € x 8,5 12ème soit 6 081,75 €.
La S.A.S. La Boulangère conclut à la confirmation du jugement entrepris en exposant :
- que le contrat de travail renvoie en ce qui concerne les modalités de versement de la prime à l'application de la convention collective précité dont l'article 31 prévoit que le treizième mois n'est pas dû en cas de départ en cours d'année,
- que dès lors, M. [V] ne peut solliciter le versement d'un prorata de 13ème mois, qu'il soit ou non tenu compte du préavis conventionnel de 3 mois.
Sur ce,
C'est par de justes motifs, tirés de l'application de l'article 31 de la convention collective nationale des activités de boulangerie et pâtisserie du 13 juillet 1993 à laquelle se réfèrent tant l'article 1er que l'article 5 (prévoyant le versement de la prime de treizième mois) stipulant que le treizième mois n'est pas dû en cas de départ en cours d'année, que le premier juge a débouté M. [V] de ce chef de demande et le jugement sera confirmé sur ce point.
2 - sur la demande en paiement d'indemnité compensatrice de RTT (1 313,24 €) et incidence de congés payés (4 jours) :
Cette demande n'est pas développée dans les motifs des dernières conclusions de l'appelant et ne correspond pas à la demande d'indemnité de RTT exposée en page 50 de ses dernières conclusions (et non reprise dans le dispositif de celles-ci), portant tant sur des montants différents que sur un nombre de jours différents.
M. [V] en sera débouté.
3 - sur la demande en paiement de rappel de rémunération sur heures supplémentaires de mars 2016 à mars 2018 et d'indemnité compensatrice de repos compensateur :
Au visa de l'article L3171-4 du code du travail et du droit positif en la matière, M. [V] soutient :
- qu'il a effectué un nombre considérable d'heures supplémentaires (plus de 1 200), sa charge de travail ne pouvant être réalisée dans le cadre des 39 heures hebdomadaires contractuellement convenues,
- qu'il en justifie tant par un décompte détaillé (pièces 96 à 98) précisant ses horaires quotidiens (avec déduction de la pause méridienne) et établissant, par semaine, le nombre et le taux des heures supplémentaires effectuées, que par diverses pièces (agenda informatique du mois de mars 2018, fiche descriptive de son véhicule de fonction mentionnant 91 855 kms en 2 ans, notes de frais, courriels et SMS envoyés ou reçus à des heures tardives),
- que la société La Boulangère est défaillante dans l'administration d'éléments de preuve contraires à ceux par lui produits, invoquant des critiques marginales ne portant pas atteinte à la fiabilité des pièces par lui produites.
En défense, la S.A.S. La Boulangère conteste la fiabilité des éléments produits par M. [V] en exposant :
- que l'examen de son agenda électronique révèle que ses journées de travail s'effectuaient de manière régulière entre 9 h et 18 h,
- qu'il bénéficiait d'un véhicule de fonction qu'il pouvait utiliser à des fins personnelles,
- que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur l'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif,
- que l'engagement de frais professionnels ne présume pas d'un rythme de travail,
- que les quelques mails et SMS versés aux débats sont insuffisants à établir l'effectivité d'un travail régulier après le temps de travail contractuel,
- que la comparaison des décomptes produits et des notes de frais ou de la copie de l'agenda électronique de mars 2018 révèle des incohérences privant ces décomptes de toute fiabilité,
- que les attestations de ses subordonnées, confirmant les données de l'agenda électronique, établissent que son temps de travail était très éloigné de celui qu'il décrit et qu'il veillait à ne pas effectuer d'heures de dépassement de sa durée contractuelle de travail.
Sur ce,
En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, "en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable".
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-2 al. 1 (imposant à l'employeur l'établissement des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, hors horaire collectif), de l'article L. 3171-3 (imposant à l'employeur de tenir à disposition de l'inspection du travail lesdits documents et faisant référence à des dispositions réglementaires concernant leur nature et le temps de leur mise à disposition) et de l'article L. 3171-4 précité, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant, étant précisé que les éléments apportés par le salarié peuvent être établis unilatéralement par ses soins, la seule exigence posée étant qu'ils soient suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre.
En l'espèce, M. [V] verse aux débats :
- des tableaux synoptiques (pièces 96 à 98) détaillant, pour la période de mars 2016 à mars 2018, les jours travaillés les horaires quotidiens, avec une amplitude moyenne entre 8 h 40 et 19 h (pause déjeuner incluse), le détail des temps de travail par semaine,
- copie de son agenda électronique de mars 2018 (pièce 27),
- divers mails et SMS en lien avec ses activités professionnelles établis en dehors des horaires de travail de base (pièces 62 à 93),
- la fiche de restitution de son véhicule de fonction (pièce 60),
- une liasse de notes de frais (pièce 61) : hôtel, restaurant, taxi...
Il résulte de ces éléments que M. [V] rapporte, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments de contrôle de la durée du travail.
La S.A.S. La Boulangère ne fait état de l'existence d'aucun système de décompte du temps de travail de ses salariés et se borne à contester la fiabilité du décompte produit par M. [V] en se prévalant de diverses incohérences entre ce document et les justificatifs produits par M. [V].
Il appartient dès lors au juge d'analyser les éléments produits par M. [V] au regard des contestations soulevées par l'employeur, pour apprécier leur fiabilité et fixer les éventuelles créances salariales en découlant.
A cet égard, le premier juge a exactement relevé diverses incohérences dans les éléments produits par le salarié (entre le décompte établi par M. [V] et l'agenda électronique du mois de mars 2018 en termes d'amplitude quotidienne de travail, entre les horaires de pause déjeuner annoncés dans le décompte et l'heure d'édition des notes de restaurant pour de nombreuses journées) et considéré que les mails produits aux débats n'appelaient pas de réponse particulière et qu'il n'était pas établi que les échanges de SMS correspondaient véritablement à une prestation de travail, alors même que M. [V] ne les comptabilise pas dans son décompte des heures effectuées.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de ces chefs de demande.
IV - Sur les demandes accessoires :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [V] à payer à la S.A.S. La Boulangère, en application de l'article 700 du C.P.C., la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et d'allouer à ladite société, au titre des frais exposés en cause d'appel, une indemnité de 1 500 €.
M. [V] sera condamné aux entiers dépens d'appel et de première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement de départage du conseil de prud'hommes de La Roche-sur-Yon en date du 29 janvier 2021,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
- Condamne M. [V] à payer à la S.A.S. La Boulangère, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel,
- Condamne M. [V] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,