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30/03/2023 | FRANCE | N°19/02307

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 30 mars 2023, 19/02307


PC/PR































ARRET N° 151



N° RG 19/02307



N° Portalis DBV5-V-B7D-FZHS













S.A.R.L. HOLDING [C]



C/



[V]























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale



ARRÊT DU 30 MARS 2023


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Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 juin 2019 rendu par le Conseil de Prud'hommes de SAINTES





APPELANTE :



SARL HOLDING [C]

N° SIRET : 422 670 612

[Adresse 3]

[Localité 1]



Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS



Et ayant pour avocat plaidant Me Sébastien MOTARD substitué pa...

PC/PR

ARRET N° 151

N° RG 19/02307

N° Portalis DBV5-V-B7D-FZHS

S.A.R.L. HOLDING [C]

C/

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 30 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 juin 2019 rendu par le Conseil de Prud'hommes de SAINTES

APPELANTE :

SARL HOLDING [C]

N° SIRET : 422 670 612

[Adresse 3]

[Localité 1]

Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Sébastien MOTARD substitué par Me Christophe POUZIEUX de la SCP CMCP, avocat au barreau de la CHARENTE

INTIMÉ :

Monsieur [O] [V]

né le 1er juillet 1978 à [Localité 6] (94)

[Adresse 2]

[Localité 9]

Ayant pour avocat Me Magalie MEYRAND de la SCP LLM SOCIÉTÉ D'AVOCATS LEFEBVRE LAMOUROUX MINIER MEYRAND REMY ROUX-MICHOT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2023, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [O] [V], né en 1978, était l'associé unique et le gérant de la Sarl Pacha (précisions pièces auto) elle-même associée unique de la Sas PPA dont elle détenait les 500 parts sociales. La Sas PPA dont le siège social se situait à [Localité 9] était spécialisée dans la vente de pièces détachées sur le secteur de la Charente, de la Charente maritime et des Deux-Sèvres.

Selon acte sous seing privé du 29 septembre 2016 la société Pacha et M. [V] ont cédé les 500 parts de la société PPA à la société Sofas (société d'outillages et de fournitures automobiles), Sarl implantée à [Adresse 10] et gérée par M. [W] [C]. Cette cession était indivisible de celle de la Sci Pylka dont les parts étaient détenues par M. [V] et son épouse, le tout étant convenu au prix provisoire de 650 000 euros, le prix des actions pouvant varier en fonction de la variation des capitaux propres telles que résultant des comptes de cession arrêtés au 30 septembre 2016.

M. [C] animait par ailleurs d'autres sociétés intervenant dans un secteur similaire, la société Cib à [Localité 12] (24) et la société Fea à [Localité 4] (16).

Parallèlement, M. [V] a été engagé par la société Holding [C], Sarl gérée par M. [W] [C], en qualité de responsable des ventes et responsable du site de [Localité 9], statut cadre niveau 8 échelon 1, aux termes d'un contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2016 relevant de la convention collective nationale du commerce de gros. Il n'a pas été prévu de période d'essai. Le temps de travail hebdomadaire a été défini à 40 heures (du lundi 8h au samedi 12h) moyennant une rémunération annuelle de 98 000 euros, soit 9 641 euros mensuels pour 173.34 heures de temps de travail effectif outre une rémunération variable brute mensuelle et la fourniture d'un véhicule de fonction.

Par courrier du 10 mars 2017 la société Holding [C] a convoqué M. [V] à un entretien préalable fixé le 20 mars 2017. Le même jour une mise à pied conservatoire a été notifiée au salarié. M. [V] a comparu à l'entretien assisté de M. [L] qui a rédigé un rapport.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mars 2017 la société Holding [C] a licencié M. [V] pour faute grave.

Le 13 septembre 2017 M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Saintes aux fins notamment de contester son licenciement avec toutes conséquences de droit. L'instance a été radiée le 23 janvier 2019 puis réenrôlée le 1er février 2019.

Par jugement du 5 juin 2019 le conseil de prud'hommes de Saintes a notamment :

* jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société Holding [C] à payer à M. [V] les sommes de :

- 23 021,37 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 302,14 euros au titre des congés payés sur préavis (brut),

- 4 077,06 euros au titre de la mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents 407,71 euros

- 9 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné en application de l'article L 1235-4 et de l'article R 1235-2 du code du travail le remboursement par la société Holding [C] à Pôle Emploi de trois mois d'indemnités de chômage versées à M. [V],

* débouté M. [V] de sa demande d'exécution provisoire,

* débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

* condamné la société Holding [C] aux entiers dépens.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la société Holding [C] ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 5 janvier 2023 aux termes desquelles la société Holding [C] demande notamment à la cour d'infirmer la décision déférée et statuant à nouveau, de juger que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse et que le licenciement pour fautes graves est bien fondé, de débouter ainsi M. [V] de l'ensemble de ses demandes y compris de son appel incident et de le condamner à lui payer au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel une somme de 4 000 euros et une somme de 5 000 euros ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 23 décembre 2019 aux termes desquelles M. [V] demande notamment à la cour de confirmer la décision déférée sauf en ce qu'elle a apprécié à 9 000 euros l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et à 1 500 euros les frais irrépétibles et statuant à nouveau de ces chefs, de condamner la société Holding [C] à lui payer la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 4 000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et d'y ajouter une somme de 5 000 euros pour ceux engagé en cause d'appel ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 janvier 2023 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées. La cour ajoute qu'il est justifié, par les pièces versées aux débats, de difficultés consécutives à la cession des parts de la société PPA détenues par la société Pacha et des parts de la Sci Pylka, un expert ayant été désigné selon ordonnance de référé en date du 19 juin 2017 du président du tribunal de commerce de Saintes. Ainsi, par jugement du tribunal de commerce de Saintes en date du 7 juillet 2022 la société Pacha a notamment été condamnée à payer à la société Sofas la somme de 66 961 euros au titre de la garantie de passif.

SUR CE

Sur le licenciement :

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, rendant impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis, et l'employeur, débiteur de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement, doit démontrer la faute grave reprochée.

En application de l'article L 1235-1 du code du travail le doute profite au salarié.

En application de l'article L 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est constant que la persistance d'un même comportement fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits même prescrits à la date de l'engagement de la procédure de licenciement.

En l'espèce le contrat de travail de M. [V] (article 3) a énoncé plusieurs fonctions, le salarié étant notamment chargé, en sa qualité de responsable des ventes et responsable du site de [Localité 9], selon une liste expressément qualifiée de non-exhaustive, de :

- diriger et manager le site précité,

- encadrer et animer l'équipe de commerciaux de Fea et Sofas,

- étant rattaché à la direction générale, avoir la responsabilité de la réalisation des objectifs de croissance et de rentabilité et participer au développement du chiffre d'affaires auprès des clients de l'employeur, sur 5 départements, 16, 17, 24, 79 et 33,

- promouvoir auprès de la clientèle actuelle et potentielle de l'employeur et selon les axes de développement décidés par ce dernier l'ensemble des produits et services commercialisés,

- participer à la définition des objectifs de chiffre d'affaires et de marge par secteur, au suivi et à l'analyse des écarts et à l'élaboration des budgets annuels de vente,

- suivre et accompagner les commerciaux, suivre les grands comptes et les clients sous enseigne pour développer le réseau de garages et carrosseries,

- accompagner les responsables de sites ou magasins,

- assurer le suivi technique des clients,

- prospecter et démarcher de nouveaux clients et nouveaux marchés,

- négocier selon les directives données les tarifs et conditions de paiement,

- analyser les résultats globaux et prendre les mesures correctives nécessaires.

L'article 4 du contrat de travail a prévu que la direction décidait des missions du salarié, en application des règles internes qu'elle déterminait, les ordres devant être pris au moyen des documents établis par l'employeur, conformément aux tarifs et conditions de vente de celui-ci, le salarié ne disposant pas de la faculté de négocier des conditions particulières avec un ou plusieurs clients et devant transmettre toute demande de ce type à son supérieur hiérarchique pour suite à donner. Par ailleurs le salarié devait également établir un rapport régulier de son activité dans les formes demandées.

Aux termes de l'article 8 du contrat de travail consacré au véhicule de fonction M. [V] s'est engagé à fournir à l'employeur son permis de conduire. L'article 7 intitulé frais professionnels a énoncé que les frais de repas seraient remboursés selon un barème forfaitaire en vigueur mais que le salarié remettrait néanmoins les justificatifs de ses repas à l'entreprise, les autres frais (par exemple invitations des clients) étant remboursés sur justificatifs mais devant être raisonnables.

La lettre de licenciement en date du 31 mars 2017 a énoncé plusieurs griefs afférents à l'inexécution des missions précitées. Plus particulièrement la société Holding [C] a reproché à M. [V] de :

-ne pas avoir informé la direction sur ses activités quotidiennes et ne pas lui avoir adressé ses rapports d'activité hebdomadaire en dépit de plusieurs relances verbales mais aussi écrites des 3, 9 et 28 février 2017,

- n'être jamais passé ou rarement sur les sites de [Localité 8], [Localité 11], [Localité 5] et [Localité 9],

- ne pas avoir justifié assurer le suivi et l'accompagnement des commerciaux,

- ne pas avoir réuni les responsables de sites, ni analysé les chiffres depuis son embauche, ni prospecté, ni démarché de nouveaux clients et marchés, ni organisé d'actions promotionnelles,

- avoir laissé baisser le chiffre d'affaires de [Localité 9] de manière significative,

- ne pas avoir justifié des kilomètres parcourus ni des frais de repas et avoir d'ailleurs refusé de le faire en janvier 2017 puis omis de réagir à une relance sur les frais de repas en date du 28 février 2017,

- ne pas avoir justifié de la détention d'un permis de conduire en dépit d'une relance écrite du 28 février 2017,

- ne pas avoir remis les engagements de mécénat de la société auprès du Raca et du Cap racing malgré une relance du 21 février 2017,

- avoir emporté à son domicile le classeur des conditions commerciales clients demandé le 28 février 2017 et mystérieusement réapparu dans les locaux en semaine 11, et avoir cette même semaine transmis par le biais des commerciaux des Rfa 2016 dont l'employeur n'avait pas eu connaissance même au moment de la cession des parts de PPA.

En conclusion la société Holding [C] a estimé que M. [V] refusait de respecter la direction et sa hiérarchie et d'exécuter les obligations de son contrat et les directives reçues ce qui reflétait un véritable antagonisme à l'encontre de son employeur et justifiait son licenciement pour faute grave à effet immédiat. Il a été enjoint à M. [V] de restituer au siège social et dès réception de la lettre recommandée avec accusé réception, le véhicule de fonction Peugeot 508, le véhicule mis à disposition Opel Vivaro, le téléphone portable, les clés de la société et tous les documents de l'entreprise et contrats clients.

La société Holding [C] a ensuite ajouté que M. [V] avait fait preuve d'un débauchage massif du personnel de la société PPA à savoir 2 magasiniers et 2 commerciaux.

Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse les premiers juges ont examiné chacun des griefs articulés contre M. [V] et ont estimé que la société Holding [C] était défaillante dans l'administration de la preuve et que certains des faits étaient prescrits en application de l'article L 1132-4 du code du travail.

La société Holding [C], appelante critique cette appréciation qu'elle demande à la cour d'infirmer. L'appelante, d'une part, se prévaut d'un comportement persistant du salarié, l'autorisant à invoquer des faits antérieurs à deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement et, d'autre part, considère établir la réalité des griefs visés.

M. [V] demande à la cour de confirmer la décision déférée sauf à augmenter l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il résiste à chacun des griefs, faisant valoir que son employeur lui a fait des reproches par mail à compter de février 2017, soit plusieurs mois après le début de son activité professionnelle, qu'il ne lui a pas fourni l'équipement et les codes d'accès informatiques lui permettant d'exécuter ses missions, qu'il a méconnu le suivi et l'accompagnement des commerciaux effectivement mis en oeuvre ainsi que les opérations promotionnelles proposées, que le surplus des manquements allégués ne sont pas établis voire prescrits.

La cour observe qu'à la date du licenciement M. [V] bénéficiait d'une ancienneté de 6 mois pour avoir été embauché le 1er octobre 2016. Sous réserve de démontrer la réalité des griefs articulés contre le salarié la société Holding [C] était en droit de tirer toutes conclusions utiles sur la pérennité du contrat de travail si elle constatait des défaillances au cours de son exécution, M. [V] soulignant ainsi sans pertinence que le début de son activité n'a pas donné lieu à critiques.

La société Holding [C] fait état de difficultés concernant la cession des parts de la société PPA et d'un comportement selon elle alors frauduleux de M. [V] mais omet que ces faits sont survenus postérieurement au licenciement ou sont étrangers à l'exécution du contrat de travail et ne peuvent étayer les griefs articulés contre le salarié, la lettre de licenciement fixant les limites du litige. C'est donc par affirmation inopérante et au delà des termes de la lettre de licenciement que la société Holding [C] expose que M. [V] n'a pas supporté de devenir salarié et d'avoir perdu son rôle de dirigeant de la société dont les parts avaient été cédées.

La société Holding [C] justifie avoir adressé par l'intermédiaire de M. [C] à M. [V] :

- le 9 février 2017 un mail commentant l'exécution de ses missions depuis son embauche et lui enjoignant, dans les 48 heures de lui transmettre, pour la période écoulée depuis le 1er octobre 2016, ses rapports d'activité quotidienne et hebdomadaire, les plannings de réunion et feuilles de tournées avec les Vrp correctement et complètement renseignés, les justificatifs de ses frais de repas en original, les documents concernant les dons au profit du Raca et Cap racing ainsi que les points challenge dûs par PPA à un client, M. [B], la cour relevant que cette dernière demande ne se rapportait pas à l'exécution des missions contractuelles mais se rattachait à la cession des parts de la société PPA,

- le 9 février 2017 un mail répondant à l'étonnement et à la préoccupation de M. [V] sur la démission d'un commercial prénommé '[R]' et dont il n'aurait pas été informé, M. [C] lui rappelant que l'intéressé était son frère, que son secteur serait affecté à un autre commercial et qu'en sa qualité de responsable commercial il aurait dû exprimer plus tôt ses inquiétudes sur la baisse du chiffre d'affaires de son secteur, passé de 145 821 euros en septembre 2016 à 71 977 euros en décembre 2016 puis 111 734 euros en janvier 2017, la remontée à 155 487 euros en novembre 2016 étant liée à l'intervention de 3 ou 4 salariés des autres sociétés Cib, Fea et Sofas sans participation ni suivi de M. [V],

- le 15 février 2017 un mail signalant qu'aucune des pièces demandées n'avait été transmise, leur réception pour le lendemain étant souhaitée,

- le 16 février 2017 un mail réitérant la demande pour le lendemain 17,

- le 21 février 2017 une lettre recommandée avec accusé réception dans laquelle le vouvoiement remplaçait le tutoiement, l'employeur s'étonnant de ne pas avoir reçu les documents visés dans le mail précité et demandant au salarié de lui transmettre à l'avenir et chaque semaine l'ensemble des informations listées, l'absence de réponse de M. [V] perturbant grandement le bon fonctionnement du groupe, et des démarches juridiques pouvant être engagées s'il persistait dans son attitude,

- le 28 février 2017 une lettre recommandée avec accusé réception répondant aux commentaires formulés par M. [V] et lui rappelant qu'aucun modèle n'était nécessaire pour établir les rapports d'activité dont le contenu était suffisamment défini par les articles 3 et 4 du contrat de travail, l'employeur ajoutant que ces rapports étaient attendus pour le 3 mars 2017, que plusieurs incohérences affectaient les justificatifs de repas transmis, que la copie de son permis de conduire devait être fournie sans délai, que le salarié avait, en dépit des demandes déjà exprimées, d'une part, omis de rapporter le classeur des conditions commerciales clients indûment emporté à son domicile en violation de l'article 10 du contrat de travail, et, d'autre part, fait signer à certains clients des contrats Rfa et des conditions commerciales non préalablement validées par l'employeur en contradiction avec l'article 4 du contrat de travail, l'ensemble de ce comportement, s'il persistait, pouvant entraîner une sanction disciplinaire,

- l'avis de contravention en date du 4 février 2017 reçu par l'employeur pour un excès de vitesse commis le 1er février 2017 par le conducteur d'un véhicule Peugeot immatriculé [Immatriculation 7] et lui imposant de désigner l'auteur de l'infraction,

- un second avis en date du 28 mars 2017 pour un excès de vitesse commis le 6 mars 2017 et donc lui aussi antérieur au licenciement de M. [V],

- les attestations conformes à l'article 202 du code de procédure civile de M. [N], commercial et de M. [Y], technico-commercial, aux termes desquelles M. [V], depuis le 1er octobre 2016, ne les avait pas accompagnés dans leurs tournées, n'avait pas organisé d'actions commerciales ni promotions et n'apportait aucune aide sur le terrain puisqu'il entretenait des relations litigieuses avec la direction,

- les courriers de démission en date du 20 janvier 2017 de M. [R] [V], commercial, du 1er mars 2017 de M. [I], vendeur magasinier, du 2 mars 2017 de M. [T], vendeur magasinier, du 9 mars 2017 de M. [D], commercial, M. [A] ayant sollicité une rupture conventionnelle le 31 mars 2017, les courriers des salariés démissionnaires faisant état d'une ambiance de travail compliquée, dégradée voire 'invivable'.

La cour a déjà rappelé les énonciations du contrat de travail et M. [V] soutient donc à tort qu'il n'était pas tenu de justifier de son permis de conduire ni de remettre les justificatifs de ses frais professionnels. Compte tenu des demandes de son employeur, expresses et écrites à partir de 9 février 2017, le refus de M. [V] de fournir des justificatifs cohérents des frais engagés et son permis de conduire s'avère fautif, ce d'autant plus qu'il avait commis une contravention routière le 4 février 2017.

De même M. [V] était parfaitement informé qu'il devait, en application de l'article 4 du contrat de travail, établir un rapport régulier d'activité 'dans les formes qui lui seraient demandées'. A son niveau de responsabilité il objecte vainement ne pas avoir disposé de modèle pour ce faire et n'a pas d'ailleurs excipé d'une telle difficulté avant le 23 février 2017 alors qu'il avait reçu depuis le 9 février 2017 de la part de la société Holding [C] des réclamations fermes et réitérées. L'employeur a en réponse d'ailleurs souligné le 28 février 2017 qu'aucun formalisme n'était à ce stade exigé et que 'seul le fond importait'. M. [V] prétend avoir préparé dès son embauche des comptes rendus d'activité oraux, en accord avec M. [C], ce dernier ayant selon le salarié annulé volontairement les rendez vous au cours desquels ces rapports devaient être examinés.Pour autant, tout au long du mois de février 2017 et plus particulièrement les 3, 9 et 28 février 2017, l'employeur, titulaire du pouvoir de direction rappelé dans le contrat de travail, a, de manière expresse et précise, demandé de manière réitérée des rapports d'activité écrits. Il est manifeste que M. [V] n'a pas régularisé la situation alors même qu'il s'engageait auprès de M. [C], le 6 février 2017 et lors d'un échange de mails à 'effectuer des rapports d'activité dès ce jour sous la forme que tu me demanderas'. En outre, il ne justifie pas plus devant la cour de la réalité de son activité puisqu'il produit seulement un mail daté du 25 novembre 2016 adressé à M. [C] et listant les missions accomplies depuis son embauche.

Le seul fait de ne pas avoir satisfait aux injonctions de son employeur datées de février 2017 caractérise de la part de M. [V] une insubordination réitérée dans un temps non prescrit, ce grief étant établi.

La société Holding [C] n'ayant reçu aucun des justificatifs d'activité sollicités en février 2017 elle était en droit de considérer que M. [V] n'avait pas satisfait à ses missions professionnelles, ce de manière persistante, ce qui exclut de considérer que les faits étaient prescrits alors même qu'aucune réalité d'activité n'est caractérisée pour février 2017.

Par ailleurs pour tenter de s'exonérer M. [V] produit des pièces afférentes à des réunions tenues avec certains commerciaux, pour les sociétés Sofas, Fea et PPA, entre novembre 2016 et janvier 2017. Ces procès-verbaux sont remplis de sa main et comportent des énonciations générales et non chiffrées, insuffisantes pour conforter l'exécution des missions d'un responsable des ventes et de site et plus particulièrement celles d'animation, d'encadrement, de suivi et d'accompagnement des commerciaux et de participation à une politique commerciale en vue d'atteindre les objectifs attendus par la direction. Par ailleurs M. [V] est dans l'incapacité de s'appuyer sur les témoignages des commerciaux dont les noms sont mentionnés dans les procès-verbaux précités, alors même que la cour a déjà rappelé la teneur des attestations et courriers rédigés par certains d'entre eux et communiqués par la société Holding [C].

Pour contester tout manquement M. [V] objecte vainement avoir perçu sa part variable de rémunération. En effet l'article 6 du contrat de travail a expressément prévu que du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 le salarié percevrait l'intégralité de sa rémunération fixe et variable. Ainsi le paiement de la part variable n'était pas conditionné par la réalisation des missions contractuelles.

En conséquence de ces motifs et sans avoir à discuter les autres griefs, les manquements fautifs discutés et l'insubordination de M. [V] sont suffisamment caractérisés, la société Holding [C] en ayant exactement conclu dans la lettre de licenciement à un antagonisme du salarié à l'encontre de son employeur et du bon fonctionnement de la société rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle.

La cour juge le licenciement pour faute grave bien fondé et déboute M. [V] de ses demandes afférentes aux conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour réforme la décision déférée en ce sens.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La décision de la cour de réformer le jugement bénéficiant partiellement de l'exécution provisoire entraîne de plein droit la restitution des sommes versées, avec intérêts de droit à compter de la signification du présent arrêt, valant mise en demeure, sans que la cour ait à exiger la production de justificatifs de paiement ni à fixer le quantum des sommes à restituer

L'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de faire droit à l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Holding [C]. La cour réforme la décision déférée en ce sens et y ajoute.

M. [V] qui succombe est condamné aux entiers dépens. La cour réforme la décision déférée en ce sens et y ajoute.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision déférée et statuant à nouveau :

Juge le licenciement pour faute grave bien fondé et déboute M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant :

Condamne M. [V] à payer à la société Holding [C] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des frais irrépétibles engagés ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne M. [V] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02307
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;19.02307 ?
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