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21/03/2023 | FRANCE | N°21/01913

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 21 mars 2023, 21/01913


ARRET N°131



N° RG 21/01913 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GJTE















S.A.R.L. AB AUTOMOBILES



C/



[U]

[R]

[I]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 21 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01913 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GJTE

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Décision déférée à la Cour : jugement du 19 avril 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIORT.







APPELANTE :



S.A.R.L. AB AUTOMOBILES

[Adresse 3]

[Localité 5]



ayant pour avocat Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau ...

ARRET N°131

N° RG 21/01913 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GJTE

S.A.R.L. AB AUTOMOBILES

C/

[U]

[R]

[I]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 21 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01913 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GJTE

Décision déférée à la Cour : jugement du 19 avril 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIORT.

APPELANTE :

S.A.R.L. AB AUTOMOBILES

[Adresse 3]

[Localité 5]

ayant pour avocat Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

INTIMES :

Monsieur [Z] [U]

né le 30 Octobre 1964 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 7]

ayant pour avocat Me Pauline MEZIERES de la SCP MONTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

Monsieur [F] [R]

[Adresse 9]

[Localité 4]

ayant pour avocat Me Sébastien FOUCHERAULT de la SAS AVODES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

Monsieur [M] [I]

[Adresse 2]

[Localité 6]

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Rendu par défaut

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

[Z] [U] a acquis d'occasion le 15 novembre 2016 au prix de 10.500 euros une Porsche 'Boxster' 2.5 auprès du garage AB Automobiles.

Suspectant des vices du véhicule, il a obtenu en référé par ordonnance du 7 novembre 2017 l'institution d'une expertise au contradictoire de cette société.

Au vu du rapport définitif déposé en date du 23 juillet 2018 par le technicien commis, [N] [G], il a fait assigner par actes du 15 novembre 2020 la société AB Automobiles, [F] [R] et [M] [I] devant le tribunal judiciaire de Niort pour voir prononcer la résolution, subsidiairement l'annulation de la vente, et très subsidiairement pour obtenir des dommages et intérêts. Il sollicitait dans le dernier état de ses prétentions

-à titre principal : la résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme, la restitution par AB Automobiles du prix versé et sa condamnation à l'indemniser des frais de carte grise et de dépôt dans un garage

-à titre subsidiaire : la reconnaissance de la responsabilité d'AB Automobiles et de [F] [R] et leur condamnation solidaire à lui verser 13.500 euros à titre de dommages et intérêts

-en tout état de cause : la condamnation d'AB Automobiles et de [F] [R] à lui verser 2.000 euros en réparation de son préjudice moral ainsi qu'aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.

La SARL AB Automobiles concluait au rejet de toutes prétentions dirigées à son encontre au motif que le véhicule appartenait à [M] [I] qui le lui avait confié en dépôt-vente, et elle demandait subsidiairement à être garantie de toute condamnation par le contrôleur technique [F] [R].

[F] [R] sollicitait sa mise hors de cause et une indemnité de procédure.

[M] [I], assigné à étude, ne comparaissait pas.

Par jugement du 19 avril 2021, le tribunal judiciaire de Niort a :

* dit que la vente du véhicule Porsche 'Boxster' 2.5 était intervenue entre M. [M] [I], vendeur, et M. [Z] [U], acquéreur

* déclaré irrecevables les demandes tendant à voir prononcer la résolution ou l'annulation de la vente intervenue entre la société AB Automobiles et M. [F] [R]

* déclaré irrecevables les demandes financières corrélatives à ces demandes

*dit qu'AB Automobiles avait engagé sa responsabilité délictuelle envers M. [U]

* dit que [F] [R] avait engagé sa responsabilité délictuelle envers M. [U]

* condamné in solidum la société AB Automobiles et M. [F] [R] à payer à M. [Z] [U] la somme de 577,98 euros TTC en réparation de son préjudice matériel

* condamné la société AB Automobile à payer à M. [Z] [U] la somme de 6.321,57 euros TTC en réparation de son préjudice matériel

* condamné la société AB Automobiles à payer à M. [Z] [U] la somme de 250 euros en réparation de son préjudice moral

* condamné [F] [R] à payer à M. [Z] [U] la somme de 1.053,29 euros TTC en réparation de son préjudice matériel

* condamné in solidum la société AB Automobiles et M. [F] [R] aux dépens

* condamné in solidum la société AB Automobiles et M. [F] [R] à payer 2.500 euros à M. [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu, en substance,

.que les demandes en résolution ou en annulation de la vente, et les prétentions indemnitaires corrélatives, dirigées contre AB Automobiles étaient irrecevables pour défaut de qualité de cette société à y défendre, car elle n'était pas le propriétaire du véhicule vendu, et que des éléments probants établissaient que [Z] [U] en avait été informé

.que la société AB Automobiles, tenue en sa qualité de professionnel proposant des biens en dépôt-vente de s'assurer de l'absence de défauts de la chose et d'une obligation d'information à l'égard de tout acheteur potentiel, engageait sa responsabilité délictuelle au titre des défauts du véhicule identifiés par l'expert judiciaire comme ni apparents aux yeux de l'acheteur ni détectés, pour un montant total de 6.899,55 euros TTC correspondant à leur coût de réparation, et qu'elle devait aussi indemniser, à hauteur de 250 euros, la préjudice moral subi par [Z] [U] au titre de sa déception

.que la responsabilité du contrôleur technique était engagée au vu des conclusions de l'expertise ayant mis en lumière qu'il aurait dû signaler, via une prescription de contre-visite, le problème de roulement avant et d'usure des pneumatiques avant, et qu'il devait indemniser [Z] [U] à hauteur de 1.053,29 euros, coût de la réparation du roulement, et 577,98 euros coût de changement des pneumatiques avant et des frais de géométrie, ce second poste in solidum avec AB Automobiles, qui aurait dû elle aussi s'en aviser

.qu'en application de l'article 753 du code de procédure civile, le tribunal n'avait pas à examiner la demande en garantie formulée contre [F] [R] par la société AB Automobiles puisque celle-ci n'était étayée d'aucune prétention à son soutien dans les motifs de ses conclusions, où elle demandait à être garantie non par M. [R] mais par M. [I].

La SARL AB Automobiles a relevé appel le 18 juin 2021 en intimant MM. [U], [R] et [I].

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 28 octobre 2022 par la société AB Automobiles

* le 16 décembre 2021 par [Z] [U]

* le 15 mars 2022 par [F] [R].

La SARL AB Automobiles demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter [Z] [U] de son appel incident et de l'intégralité des demandes qu'il dirige à son encontre.

Subsidiairement, elle sollicite le rejet des demandes de dommages et intérêts de M. [U] autres que les préjudices retenus par le tribunal, et demande de condamner [M] [I] à la relever indemne de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

En tout état de cause, elle réclame 6.000 euros à toute partie succombante en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle maintient que [Z] [U] savait acheter la voiture à [M] [I], en arguant de l'indication du nom de celui-ci sur la déclaration de cession du 15 novembre 2016 qu'il a signée ainsi que des attestations de deux salariés, et en faisant valoir que l'acheteur n'a jamais pu produire de document au nom du garage, à commencer par une facture.

Elle relève l'imprécision du terme 'interlocuteur' dont la qualifie le demandeur, et qui ne fait pas d'elle un propriétaire vendeur. Elle indique s'être présentée sur l'annonce comme 'contact vendeur' et justement pas comme le vendeur.

Elle conteste avoir engagé sa responsabilité délictuelle envers M. [U] en affirmant n'avoir n'avoir commis aucune faute et n'avoir pas eu à contrôler le véhicule

Elle réfute avoir été tenu d'un devoir d'information ou de conseil à l'égard de l'amateur, auquel elle affirme n'avoir eu d'autre obligation que de présenter le véhicule en vente.

Elle observe subsidiairement que les défauts dont fait état le demandeur étaient selon l'expert tous apparents lors de la vente, et cite les témoins qui relatent que M. [U] l'examina sur le pont roulant avec une lampe baladeuse et fit un essai sur route avant de l'acheter.

Plus subsidiairement, elle conteste comme extravagants les préjudices de décote et moral invoqués.

Si une condamnation était toutefois prononcée à son encontre, elle demande à en être garantie et relevée indemne par [M] [I], mandant, déposant et vendeur.

[Z] [U] demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il dit que la vente du véhicule Porsche 'Boxster' 2.5 est intervenue entre [M] [I], vendeur, et lui-même, acquéreur, déclare irrecevables les demandes tendant à voir prononcer la résolution ou l'annulation de la vente intervenue entre la société AB Automobiles et [F] [R] et déclare irrecevables les demandes financières corrélatives à ces demandes, et statuant à nouveau et y ajoutant :

-de juger qu'il est fondé à se prévaloir du défaut de conformité

-de condamner en conséquence le garage AB Automobiles à lui verser la somme de 6.899,55 euros à raison de l'inexécution de son obligation de délivrance conforme, et 5.135 euros de dommages et intérêts en raison des préjudices résultant de ces manquements.

À titre subsidiaire, , il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il dit que la société AB Automobiles et que [F] [R] ont chacun engagé leur responsabilité délictuelle envers lui mais sa réformation quant aux condamnations prononcées à leur encontre, réclamant

.la condamnation in solidum d'AB Automobiles et [F] [R] à lui payer 6.899,55 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel lié aux réparations à effectuer et 3.000 euros au titre de sa décote

.celle de la seule société AB Automobiles à lui verser 2.135 euros au titre des frais de location d'un garage

En tout état de cause, il conclut au rejet de l'appel principal et à la confirmation des chefs de décision afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, et son infirmation quant au montant des dommages et intérêts pour préjudice moral mis à la charge d'AB Automobiles et [F] [R], qu'il demande de porter à 3.000 euros, et il sollicite leur condamnation à lui verser 3.000 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il relate les circonstances dans lesquelles, cherchant à acheter exclusivement auprès d'un professionnel une Porsche 'Boxster' obligatoirement mise en circulation après 1998 car les modèles antérieurs n'étaient pas fiables, il prit connaissance de deux annonces diffusées par le Garage AB Automobiles proposant le véhicule litigieux en le présentant comme mis en circulation pour la première fois en 1999. Il indique avoir acheté l'engin après négociations, avoir constaté très vite un bruit de mauvais aloi sur le roulement avant droit puis avoir eu la surprise au reçu ultérieur des documents de découvrir que le précédent propriétaire était une personne nommée [M] [I] qu'il ne connaissait pas et dont le vendeur ne lui avait jamais parlé ; que son assureur la MACIF refusa d'assurer le véhicule faute d'être parvenue à l'identifier; que le constructeur, interrogé, lui a appris que la voiture avait été mise en circulation pour la première fois en Allemagne en 1997; qu'une expertise amiable organisée par son assurance défense-recours et à laquelle se présenta M. [I] a révélé d'une part, que celui-ci estimait avoir vendu l'engin au garage AB Automobiles et n'être pas concerné par le litige, et d'autre part que le véhicule était affecté d'importants défauts dont plusieurs auraient dû conduire le contrôleur technique à prescrire une contre-visite obligatoire, ce qu'a confirmé l'expertise judiciaire qu'il dut ensuite se résoudre à solliciter faute pour AB Automobiles ou M. [I] d'assumer leur responsabilité.

Il maintient à titre principal qu'AB Automobiles doit la garantie due par le vendeur, en affirmant n'avoir jamais su que le véhicule était en dépôt-vente, et avoir traité avec un garagiste qui avait toute l'apparence d'un vendeur. Il fait valoir que le garage lui a ainsi consenti une garantie de trois mois, et a accepté une baisse du prix. Il soutient avoir découvert l'existence de M. [I] postérieurement à la vente, au reçu des documents qui lui avaient été adressés après coup. Il affirme que le garagiste n'a jamais fait état de sa qualité de mandataire.

Il fait valoir que le bien délivré n'est pas conforme, puisque les annonces portaient sur un véhicule mis en circulation en 1999, alors que les expertises ont montré que sa mise en circulation datait de 1997, et il soutient que le millésime était déterminant de son consentement compte-tenu de l'importance des défauts affectant notoirement ce modèle jusqu'en 1998. Il ajoute qu'il n'importe que M. [I] ait lui-même indiqué une année erronée de mise en circulation, dès lors que lui-même a traité avec un professionnel. Il indique choisir de demander des dommages et intérêts, pour le coût des réparations, celui de la décote et les frais de garage.

Si la cour juge qu'il a conclu une vente avec [M] [I] il sollicite la confirmation du jugement en ce que celui-ci a retenu la responsabilité délictuelle du garage, professionnel qui n'a pas contrôlé l'année de mise en circulation et l'état du véhicule ni informé l'acheteur sur son état réel, et celle du contrôleur technique, qui n'a pas prescrit de contre-visite pour plusieurs défauts importants qui le requéraient.

[F] [R] demande à la cour de constater qu'il n'existe aucun lien contractuel entre [Z] [U] et lui, et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté celui-ci des demandes de condamnation qu'il formulait à son encontre sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

-de dire et juger que [Z] [U] échoue à rapporter la preuve de l'existence d'une faute qu'il aurait commise présentant un lien de causalité avec les préjudices allégués

-de débouter [Z] [U] de ses demandes contre lui, notamment au titre des bruits de roulement avant droit, du klaxon, de l'usure des pneumatiques avant, des soufflets d'amortisseurs, de la géométrie du train avant, de la barre stabilisatrice, des frais de stationnement et de la perte de valeur au titre de l'année de mise en circulation.

En tout état de cause, il conclut au rejet de toute demande à son encontre fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et réclame sur ce fondement la condamnation de toute partie succombante à lui payer 4.000 euros d'indemnité.

Il approuve le tribunal d'avoir dit qu'il n'existait aucun contrat entre lui et M. [U], lequel ne peut donc rechercher sa responsabilité que sur un fondement délictuel.

Il conteste avoir été tenu d'un quelconque devoir de conseil à l'égard d'un acheteur qu'il ne connaît pas et qui ne s'est manifesté que quatre mois après son contrôle.

Il récuse sa responsabilité aux motifs que sur les défauts relevés par l'expert judiciaire, tous sauf l'usure des pneus avant étaient apparents et donc purgés par la vente, et que rien ne prouve que les pneumatiques aient été au jour de son contrôle dans l'état où l'expert les a vus, alors qu'il est établi que le véhicule avait parcouru entre-temps des centaines de kilomètres et été stationné pendant douze mois sur un parking extérieur.

Il rappelle n'être pas tenu des garanties dues par le vendeur, et soutient qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le préjudice invoqué par M. [U] et les fautes que lui impute l'expert, en indiquant que les deux défauts qu'il lui est reproché de n'avoir pas signalés existaient déjà, que le coût de leur réparation n'est pas lié au contrôle technique, et que l'acheteur n'invoque pas de perte de chance de n'avoir pas acheté le véhicule.

Il invoque la faute de [Z] [U], qui n'a pas contrôlé l'état apparent du véhicule.

Il observe subsidiairement que l'expert a conclu que les frais de géométrie induits par le nécessairement changement des pneumatiques ne peuvent lui être imputés, et qu'il a chiffré à 1.243 euros le montant de la décote que le demandeur chiffre à 3.000 euros..

[M] [I] n'a pas comparu. Il a été assigné par acte du 7 juillet 2021 signifié à la mairie auprès de laquelle il a déclaré un domicile de rattachement comme forain.

L'ordonnance de clôture est en date du 7 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur la qualité de la société AB Automobiles à défendre à l'action

Il est justifié par les productions -contrat de dépôt-vente entre M. [I] et la SARL AB Automobiles, certificat de cession signé de MM [I] et [U]- que le propriétaire du véhicule Porsche 'Boxster' acheté par [Z] [U] le 15 novembre 2016 dans les locaux de la société AB Automobiles n'était pas cette société mais M. [I], qui lui avait donné mandat de le vendre pour son compte dans le cadre d'un dépôt-vente.

Agissant en qualité de mandataire du vendeur et n'étant pas elle-même propriétaire de la chose vendue, la société AB Automobiles n'est pas débitrice des garanties pesant légalement sur le vendeur, tant au titre de la délivrance conforme qu'au titre des vices cachés (ainsi Cass. 1° civ. 11.03.2020 P n°19-16459).

S'il a été jugé qu'un garagiste répondait des vices cachés envers l'acquéreur d'un véhicule qui lui avait été confié en dépôt vente, c'est en vertu non de la garantie de ces vices, qui ne pèse que sur le vendeur, mais de sa responsabilité, engagée parce qu'il avait dissimulé sa qualité de mandataire et s'était comporté comme le vendeur du véhicule (Cass. 1° civ. 18.12.2014 P n°13-23868).

En l'espèce, par des motifs pertinents que la cour adopte et qui ne sont pas contredits en cause d'appel, le tribunal a retenu à raison que M. [U] ne rapportait pas la preuve de son affirmation selon laquelle la société AB Automobiles se serait présentée comme le propriétaire vendeur, et/ou qu'elle aurait dissimulé sa qualité de mandataire du propriétaire.

Les éléments invoqués par M. [U] ne sont en effet pas suffisamment probants, tels l'annonce mise en ligne, d'autant qu'AB Automobiles s'y désigne comme le 'contact vendeur- ou le fait qu'elle a encaissé le chèque, mis à son nom, ce qui est compatible avec un mandat, et il existe à l'inverse des éléments contraires, outre les attestations fournies par des salariés de l'entreprise -dont la force probante est pour ce motif incertaine- tenant au fait que M. [U] est reparti du garage le jour de la vente sans certificat de cession en ayant accepté d'en signer un dont la case dédiée au vendeur restait vierge, ce qui corrobore plutôt l'idée qu'il savait qu'AB Automobiles, ainsi qu'il est advenu, le lui renverrait une fois que le propriétaire vendeur l'aurait signé, de même que le double constat que M. [U] n'a disposé d'aucune facture de la société qui lui en eût remis une si elle avait été la venderesse, et qu'il n'a jamais justifié de son affirmation, contestée, selon laquelle elle lui aurait consenti une garantie de trois mois.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il déclare irrecevables les demandes tendant à voir prononcer la résolution ou l'annulation de la vente intervenue entre AB Automobiles et M. [F] [R] et déclare irrecevables les demandes financières corrélatives à ces demandes.

* sur la responsabilité délictuelle d'AB Automobiles

La responsabilité de la société AB Automobiles ne se limite pas à la responsabilité contractuelle qu'elle est susceptible d'engager à l'égard de son mandant pour mauvaise exécution du mandat. Professionnelle de l'automobile et du négoce, elle répond de la faute qu'elle commet en proposant à la vente pour le compte de son mandant un véhicule atteint de défauts et/ou de non conformités qu'elle pouvait déceler et dont elle n'a pas fait état auprès de l'acheteur profane qui ne peut lui-même les déceler.

Tel est le cas des défauts cachés aux yeux de l'acheteur profane qu'était [Z] [U] mais qu'elle pouvait elle-même déceler retenus par les premiers juges au vu des conclusions convaincantes et non contredites de l'expert judiciaire, dont le coût de réparation, chiffré par le technicien à 6.899,55 euros, constitue pour l'acheteur un préjudice qui n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu subsidiairement, la nature d'une perte de chance de n'avoir pas acheté, mais d'un préjudice matériel consistant à devoir débourser cette somme pour que le véhicule acheté soit exempt de défauts non pris en compte pour en fixer le prix puisque cachés.

Les motifs du tribunal fondant cette indemnisation sont pertinents, et ils ne sont pas réfutés devant la cour.

S'agissant du millésime du véhicule, qui a été mis en vente et présenté comme mis en circulation en novembre1999, c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont retenu en s'appuyant sur une analyse de l'expert convaincante et non contredite qu'il était certes erroné puisque l'engin s'est révélé après recherches auprès du constructeur avoir été en réalité mis en circulation en Allemagne en novembre 1997, mais que la date de première mise en circulation figurant -à la suite d'une erreur- sur la carte grise française était novembre 1997 et que la société AB Automobiles n'avait ni motif, ni moyen, même en tant que professionnel, de déceler cette différence, étant ajouté qu'une mise en circulation en novembre justifiait qu'elle s'autorise sur une des deux annonces à mentionner un véhicule du millésime suivant, '2000'.

S'agissant des défauts non retenus par le tribunal, il ressort de l'expertise qu'ils étaient apparents pour un profane, et que M. [U] a pu aisément s'en convaincre, étant observé qu'il ressort des expertises amiable et judiciaire, ainsi que des témoignages, et qu'il n'est pas contesté, qu'il a procédé à un examen du véhicule sur pont dans le garage, et à un essai sur route avant de l'acheter, en négociant une diminution significative du prix.

L'expertise a par ailleurs établi qu'après un premier refus, M. [U] avait pu faire assurer son véhicule de sorte qu'il n'y a pas de préjudice à ce titre.

Cette Porsche étant, de par sa valeur, sa sensibilité, la convoitise qu'elle peut susciter, un véhicule qui se conserve usuellement à l'abri d'un garage, il aurait dû pareillement l'être s'il n'avait pas été atteint des défauts qui l'immobilisent jusqu'à leur réparation, de sorte qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la faute d'AB Automobiles et les frais de location d'un garage que M. [U] sollicite à titre indemnitaire, et cette demande sera rejetée.

S'agissant du préjudice moral subi par M. [U], dans la mesure où celui-ci ne peut inclure la déception tenant au millésime puisque l'appelante n'en répond point, et où il obtient le coût de réparation de tous les défauts cachés, il a été pertinemment fixé à la somme de 250 euros, et le jugement sera également confirmé de ce chef.

M. [U] sera débouté de sa prétention à être indemnisé du préjudice matériel et/ou moral lié à la différence de deux ans entre le millésime annoncé et le millésime réel.

* sur la responsabilité du contrôleur technique

[F] [R] n'est pas lié par un contrat avec [Z] [U], qui ne peut rechercher sa responsabilité que sur un fondement délictuel, pour faute prouvée.

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'il avait commis une faute en ne prescrivant pas dans son certificat de contrôle technique du véhicule de juillet 2016 une contre-visite pour deux défauts dont la nature et la gravité le requéraient en vertu de l'arrêté du 18 juin 1991 pris en application du décret n°91-369 du 15 avril 1991, sa faute consistant à n'avoir pas en cela informé le lecteur de son rapport de ces éléments susceptibles d'influer sur la perception par le futur acquéreur de l'état réel du véhicule.

Cette faute porte d'une part, sur le problème du roulement avant, et d'autre part sur l'usure des pneumatiques avant, dont il n'est pas concevable au vu des seuls 600 kilomètres poursuivis entre-temps qu'elle n'ait pas déjà existé au jour de son contrôle, ni qu'elle soit due à l'effet du temps écoulé, d'autant que l'expert amiable intervenu rapidement l'a vue en mai 2017.

Les autres reproches adressés par M. [U] à M. [R] ne sont pas fondés, au vu des conclusions, non réfutées, de l'expertise.

S'agissant du défaut de millésime, il n'est pas démontré que M. [R] pouvait le déceler, l'expert judiciaire indiquant sans être démenti (cf expertise p. 5) que le contrôle technique s'appuie sur le système SIV de gestion informatisée des cartes grises, lequel mentionnait une date de mise en service erronée.

Le jugement sera ainsi également confirmé en ce qu'il a dit que [F] [R] avait engagé sa responsabilité délictuelle envers M. [U] à hauteur de 1.631,27 euros dont 577,98 euros in solidum avec la société AB Automobiles du chef des pneumatiques, incluant les frais de géométrie, accessoires à la réparation, et en ce qu'il l'a condamné

-in solidum la société AB Automobiles à payer à M. [Z] [U] la somme de 577,98 euros TTC en réparation de son préjudice matériel

-seul à payer à M. [Z] [U] la somme de 1.053,29 euros TTC en réparation de son préjudice matériel.

* sur la demande de garantie formée par la société AB Automobiles contre M. [I]

Conformément à l'article 472 du code de procédure civile, lorsqu'une partie ne comparaît pas, la juridiction ne fait droit à la demande que si elle l'estime régulière, recevable et fondée.

Il ressort des énonciations du jugement qu'en première instance, la société AB Automobiles sollicitait la garantie de M. [I] dans les motifs de ses conclusions et non dans leur dispositif, qui seul saisissait le tribunal.

Il en résulte que sa demande en cause d'appel de garantie contre [M] [I] est formée pour la première fois devant la cour.

Elle sera comme telle déclarée d'office irrecevable, en application de l'article 564 du code de procédure civile.

* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et ils seront confirmés.

La SARL AB Automobiles succombe en son recours et supportera les dépens d'appel.

Elle versera une indemnité de procédure aux parties comparantes qu'elle a intimées.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement et par défaut :

CONFIRME le jugement déféré

ajoutant :

DÉCLARE irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile la demande de garantie formulée à l'encontre de M. [M] [I] pour la première fois en cause d'appel par la société AB Automobiles

CONDAMNE la société AB Automobiles aux dépens d'appel

LA CONDAMNE à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile :

* 1800 euros à M. [Z] [U]

* 1.500 euros à M. [F] [R]

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

ACCORDE à la société Montaigne Avocats le bénéfice de la faculté prévue à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01913
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;21.01913 ?
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