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16/03/2023 | FRANCE | N°22/00072

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Référés premier président, 16 mars 2023, 22/00072


Ordonnance n 10

















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16 Mars 2023

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N° RG : 22/00072 -

N° Portalis : DBV5-V-B7G-GVQC

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E.A.R.L. DE L'AUBE

C/

E.U.R.L. HYPEAU PATRICK

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSID

ENTE



RÉFÉRÉ









Rendue publiquement le seize mars deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poi...

Ordonnance n 10

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16 Mars 2023

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N° RG : 22/00072 -

N° Portalis : DBV5-V-B7G-GVQC

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E.A.R.L. DE L'AUBE

C/

E.U.R.L. HYPEAU PATRICK

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le seize mars deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Monsieur Damien LEYMONIS, greffier placé,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le deux mars deux mille vingt trois, mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au seize mars deux mille vingt trois.

ENTRE :

E.A.R.L. DE L'AUBE EARL

Société immatriculée au au registre du commerce et des sociétés de NIORT sous le n° 433 060 449

dont le siège social est sis :

[Adresse 3]

[Localité 1]

agissant poursuite et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

DEMANDERESSE en référé ,

D'UNE PART,

ET :

E.U.R.L. HYPEAU PATRICK

Société immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NIORT sous le numéro 481 964 625,

dont le siège social est sis :

[Adresse 2]

[Localité 1]

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Eric DABIN de la SELARL DABIN GATINEAU, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

DEFENDERESSE en référé ,

D'AUTRE PART,

Faits et procédure :

L'EARL DE L'AUBE et l'EURL HYPEAU PATRICK entretiennent des relations contractuelles depuis le 17 décembre 2008.

Selon contrat signé entre les parties le 30 septembre 2013, l'EARL DE L'AUBE a confié à l'EURL HYPEAU PATRICK un contrat de prestation de service de travaux agricoles pour la campagne 2013-2014 moyennant un prix de 200 euros par hectares, soit un prix total de 79 200 euros pour les 396 hectares que comptabilisent l'exploitation.

Ledit contrat prévoyait qu'en cas de non-paiement les sommes dues porteraient intérêt, le taux de l'intérêt étant fixé à trois fois le taux d'intérêt légal.

Il était prévu que le contrat ne serait pas reconduit tacitement.

Arguant que les travaux n'auraient pas été réalisés conformément au contrat et aux bonnes pratiques, l'EARL DE L'AUBE a fait appel à un huissier de justice aux fins d'établir un constat et a déclaré son sinistre à son assurance, la société GROUPAMA, laquelle a diligenté une expertise.

L'expert missionné a conclu que les travaux de l'EURL HYPEAU PATRICK n'avaient été menés convenablement et qu'il en résultait un préjudice équivalent à 531 336 euros pour l'EARL DE L'AUBE.

Arguant du non-paiement de plusieurs factures, l'EURL HYPEAU PATRICK a, par exploit en date du 7 avril 2016, fait assigner l'EARL DE L'AUBE devant le tribunal de grande instance de Niort aux fins de la voir condamner au paiement des sommes suivantes :

- 316 160,70 euros augmentée des intérêts fixés à trois fois le taux de l'intérêt légal,

- 10 000 euros au titre du préjudice matériel ;

- 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 23 mars 2017, le juge de la mise en état a ordonné une expertise judiciaire.

L'Expert a déposé son rapport le 14 octobre 2019.

Par jugement en date du 24 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Niort a :

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 3 juin 2021,

- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 282,04 euros au titre des factures impayées du 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015,

- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 268,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 388 euros, du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ;

- dit que la somme de 157 388 euros portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 décembre 2015 et que la somme de 151 894,04 euros portera intérêts au taux légal à compter du 10 février 2016 ;

- rappelé que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision ;

- débouté l'EURL HYPEAU PATRICK de sa demande de dommages et intérêts ;

- débouté l'EARL DE L'AUBE de ses demandes de dommages et intérêts ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'EARL DE L'AUBE aux entiers dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

L'EARL DE L'AUBE a interjeté appel dudit jugement selon déclaration enregistrée le 28 mars 2022 en ce qu'il a :

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 3 juin 2021,

- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 282,04 euros au titre des factures impayées sur la période du 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015,

- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 268,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 388 euros du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ;

- dit que la somme de 157 388 euros portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 décembre 2015 et que la somme de 151 894,04 euros portera intérêts au taux légal à compter du 10 février 2016 ;

- rappelé que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision ;

- débouté l'EARL DE L'AUBE de ses demandes de dommages et intérêts ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'EARL DE L'AUBE aux entiers dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par requête en date du 28 mars 2022, l'EURL HYPEAU PATRICK a sollicité la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement dont appel.

C'est ainsi que par jugement rectificatif en date du 30 août 2022, tribunal judiciaire de Niort a :

- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture et clôturé à nouveau l'instruction au 30 mai 2022,

- rejetté le moyen tiré de ce que la cour d'appel de Poitiers serait seule compétente pour statuer sur la requête ;

- ordonné la rectification de l'erreur matérielle du jugement du 24 janvier 2022 (RG n°20/01038) et dit que :

les mots :

- « condamne l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 282,04 euros en principal au titre des factures impayées sur la période du 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015,

- condamne l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 268,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 157 388 euros du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ; »

seront remplacés par les mots :

- « condamne l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 309 282,04 euros en principal au titre des factures impayées du 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015,

- condamne l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4 268,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 157 388 euros pour la période allant du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ; »

- dit que les dépens resteront à la charge du trésor public.

Par déclaration enregistrée le 10 novembre 2022, l'EARL DE L'AUBE a interjeté appel de ce jugement rectificatif.

Par exploit en date du 14 novembre 2022, l'EARL DE L'AUBE a fait assigner l'EURL HYPEAU PATRICK devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers aux fins d'obtenir, par application des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile dans sa version antérieure au 1er janvier 2020, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Niort le 24 janvier 2022, tel que rectifié par le jugement rectificatif du 30 août 2022.

L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 8 décembre 2022, a été renvoyée à plusiseurs reprises avant d'être évoquée à l'audience du 2 mars 2023.

L'EARL DE L'AUBE fait valoir que les erreurs qui affectent un jugement ne peuvent être réparée, en cas d'appel, que par la cour à laquelle le jugement a été déféré, de sorte que la décision litigieuse a été indument rectifiée.

Elle indique que l'exécution provisoire de la décision déférée, telle que rectifiée, entraineraît pour elle des conséquences manifestement excessives et irréversibles au regard de sa situation financière, outre le risque de non-restitution des sommes par l'EURL HYPEAU PATRICK en cas de réformation du jugement dont appel.

Elle sollicite la condamnation de l'EURL HYPEAU PATRICK à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'EURL HYPEAU PATRICK s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de l'EARL DE L'AUBE.

Elle soutient que les conditions d'application de l'article 514-3 du code de procédure civile ne seraient pas réunies. Elle fait ainsi valoir que l'EARL DE L'AUBE n'ayant pas présenté d'observation sur l'exécution provisoire en première instance, sa demande serait irrecevable à défaut de justifier de l'existence d'un moyen sérieux de réformation et de démontrer que l'exécution provisoire de la décision litigieuse risque d'entraîner pour elle des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.

L'EURL HYPEAU PATRICK indique ne pas être opposée à ce que le règlement des condamnations soit consigné dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel.

En réponse aux arguments de la partie adverse, l'EARL DE L'AUBE indique que sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire est fondée sur l'ancien article 524 du code de procédure civile et non sur l'article 514-3 du code de procédure civile.

Elle fait ainsi valoir que l'instance ayant été introduite par acte du 7 avril 2016, il doit être fait application des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020, de sorte qu'elle n'aurait pas à justifier de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision dont appel, ni de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement au jugement.

Motifs :

Sur les dispositions applicables :

En l'espèce, l'instance ayant été introduite par acte du 7 avril 2016, il doit être fait application des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020.

L'article 524 ancien du code de procédure civile applicable à la présente affaire, dispose que « lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.

Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision.

Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.

Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».

Au visa de l'article 524 ancien du code de procédure civile, le premier président n'a pas compétence pour statuer sur les moyens sérieux de réformation.

Seuls seront examinés les conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire.

Sur les conséquences manifestement excessives :

Les conséquences manifestement excessives susceptibles d'être engendrées par l'exécution provisoire s'analysent au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement dont appel.

Il convient de rappeler que les critères d'appréciation tenant aux facultés de paiement du débiteur ou aux facultés de remboursement du créancier sont alternatifs et non cumulatifs.

L'EARL DE L'AUBE, qui a la charge de la preuve, fait valoir que sa situation financière ne lui permet pas de s'acquitter des condamnations prononcées à son encontre, de sorte que l'exécution provisoire de la décision litigieuse aurait pour elle des conséquences manifestement excessives et irréversibles.

Pour soutenir que l'exécution de la décision de première instance aurait des conséquences manifestement excessives l'EARL DE L'AUBE prétend qu'elle est dans une situation financière difficile. Elle verse aux débats ses comptes détaillés 2021 faisant apparaître un bénéfice de 21 311 euros. Dans le même temps, l'EARL DE L'AUBE produit deux attestations de son expert-comptable aux termes desquelles ce dernier atteste de l'incapacité pour l'EARL DE L'AUBE d'honorer le paiement immédiat de la somme de 315 000 euros, indiquant que le paiement forcé et immédiat d'une telle somme mettrait l'EARL DE L'AUBE en grandes difficultés financières, conduisant à un redressement judiciaire, voire une liquidation judiciaire.

L'EARL DE L'AUBE verse également aux débats une attestation de refus de financement pour un montant de 310 000 euros émanant de son établissement de crédit.

Ainsi, l'EARL DE L'AUBE établit que l'exécution des condamnations pécuniaires prononcées à son encontre aurait des conséquences manifestement excessives et il convient donc de faire droit à sa demande.

L'équité justifie de ne pas faire droit à la demande de l'EARL DE L'AUBE au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant à la présente instance, l'EURL HYPEAU PATRICK en supportera les dépens par application de l'article 696 du code de procédure civile.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Niort le 24 janvier 2022, tel que rectifié par jugement rectificatif du 30 août 2022 ;

Déboutons l'EARL DE L'AUBE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons du surplus ;

Condamnons l'EURL HYPEAU PATRICK aux dépens de l'instance.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

Le greffier, La conseillère,

Damien LEYMONIS Estelle LAFOND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Référés premier président
Numéro d'arrêt : 22/00072
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;22.00072 ?
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