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14/03/2023 | FRANCE | N°21/01676

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 14 mars 2023, 21/01676


ARRÊT N°118





N° RG 21/01676





N° Portalis DBV5-V-B7F-GJAC













[W]



C/



MA IF

CPAM DE HAUTE GARONNE

MUTUELLE BALOO

et autres (...)













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 14 MARS 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 avril 2021 rendu par le Tribunal

de Grande Instance de NIORT





APPELANTS :



Monsieur [Y] [W]

né le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 13]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Madame [J] [B] épouse [W]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11] (MAROC)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]...

ARRÊT N°118

N° RG 21/01676

N° Portalis DBV5-V-B7F-GJAC

[W]

C/

MA IF

CPAM DE HAUTE GARONNE

MUTUELLE BALOO

et autres (...)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 14 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 avril 2021 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NIORT

APPELANTS :

Monsieur [Y] [W]

né le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 13]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Madame [J] [B] épouse [W]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11] (MAROC)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Monsieur [D] [W]

né le [Date naissance 8] 1963 à [Localité 11] (MAROC)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Monsieur [F] [W]

né le [Date naissance 6] 1993 à [Localité 13]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

ayant tous pour avocat postulant Me Daniel ITHURBISQUE de la SCP AUXILIA AVOCATS, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

ayant tous pour avocat plaidant Me Julie PREVEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

MUTUELLE ASSURANCES DES INSTITUTEURS DE FRANCE

(MAIF)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Charles-Emmanuel ANDRAULT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

DE HAUTE GARONNE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

défaillante bien que régulièrement assignée

MUTUELLE BALOO

[Adresse 3]

[Adresse 3]

défaillante bien que régulièrement assignée

MUTUELLE OCIANE GROUPE MATMUT

[Adresse 9]

[Adresse 9]

défaillante bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

qui a présenté son rapport

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ :

[Y] [W], alors âgé de 18 ans, a été victime d'un accident de la circulation le 25 juin 2015 lorsque le véhicule automobile assuré auprès de la MAIF à l'arrière duquel il avait pris place en qualité de passager transporté est venu percuter un mur après que son conducteur en eut perdu le contrôle.

Il a été aussitôt transporté au Centre hospitalier de [14], où était diagnostiqué un traumatisme médullaire grave, avec tétraparésie.

La MAIF a d'emblée reconnu son obligation de réparer entièrement les conséquences préjudiciables de cet accident, et une expertise amiable a été mise en oeuvre, avec dépôt du rapport définitif d'un rapport en date du 11 décembre 2018 fixant la consolidation du blessé au 25 juin 2018 et retenant un taux de déficit fonctionnel permanent de 72%.

[Y] [W], ses père et mère [D] et [J] [W], et son frère [F] [W] ont fait assigner par actes des 3, 4 et 9 avril 2019 la MAIF, la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne (la CPAM 31), la Mutuelle Baloo et la Mutuelle Occitane devant le tribunal de grande instance de Niort pour voir réparer leurs préjudices consécutifs à l'accident.

Par jugement du 12 avril 2021, le tribunal, entre-temps devenu tribunal judiciaire, de Niort a

* déclaré sa décision commune à la CPAM 31 et aux mutuelles Baloo et Occitane

* fixé les créances

- de la CPAM 31 à 593.991,32 euros dont 194.675 euros de dépenses de santé actuelles et le reste au titre des dépenses de santé futures

- de la Mutuelle Baloo à 4.455,26 euros au titre de dépenses engagées en 2016

-de la Mutuelle Occitane à 1.022,55 euros selon décompte définitif au 16.04.2019

* liquidé ainsi le préjudice subi par [Y] [W]

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

. dépenses de santé actuelles : 202,50 euros à la victime

. frais divers restés à charge : 12.062,97 euros

. assistance temporaire tierce personne : 44.850 euros

° permanents :

. dépenses de santé futures : 128.840,80 euros

. frais de logement adapté : 30.966,98 euros

. frais de véhicule adapté : 53.479,38 euros

. assistance définitive par tierce personne :

.arrérages échus : 69.138 euros

.rente annuelle de 25.185 euros

.incidence professionnelle : 180.000 euros

.préjudice scolaire : 48.000 euros

.¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

. déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 24.583 euros

. souffrances endurées : 35.000 euros

. préjudice esthétique temporaire : 10.000 euros

° permanents :

. déficit fonctionnel permanent (DFP) : 413.280 euros

. préjudice esthétique permanent : 20.000 euros

. préjudice d'agrément : 10.000 euros

. préjudice sexuel : 40.000 euros

. préjudice d'établissement : 50.000 euros

* dit que les provisions versées d'un montant de 180.000 euros devaient venir en déduction des sommes ainsi allouées

* condamné en conséquence la MAIF à payer à [Y] [W] la somme de 990.403,63 euros en réparation de son préjudice déduction faite des provisions versées

* condamné la MAIF à payer à [Y] [W] une rente viagère due au titre de l'assistance d'une tierce personne future à hauteur de 25.185 euros payable trimestriellement à terme échu, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et suspendue en cas d'hospitalisation à partir du 46ème jour et ce, à compter du 23 mars 2021

* réservé les demandes

- au titre des frais de logement adapté

- au titre des frais de psychothérapie

* liquidé ainsi le préjudice de madame [J] [W] et de M. [D] [W]

. 14.086,21 euros en réparation de leur préjudice matériel

. 820,06 euros à Mme [W] au titre de sa perte de revenus

.18.000 euros à chacun au titre de leur préjudice moral et d'accompagnement

* dit que les provisions versées aux parents, d'un montant de 20.000 euros, devaient venir en déduction des sommes ainsi allouées

* condamné la MAIF à payer en conséquence

. à Mme [J] [W] : 820,06 euros au titre de la perte de salaire

. à Mme [J] [W] : 15.043,11 euros au titre de son préjudice moral

. à M. [D] [W] : 15.043,11 euros au titre de son préjudice moral

. à M. [F] [W] : 15.0000 euros au titre de son préjudice moral

* rappelé que les sommes portaient intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement

* condamné la MAIF aux dépens,

* condamné la MAIF à payer 3.000 euros aux consorts [W] en application de l'article 700 du code de procédure civile

* ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Les consorts [W] ont relevé appel le 27 mai 2021.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

* le 18 novembre 2022 par les consorts [W]

* le 4 novembre 2022 par la MAIF.

Les consorts [W] demandent à la cour de liquider ainsi le préjudice de [Y] [W] :

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

. dépenses de santé actuelles : 8.502,71 euros à la victime (infirmation)

. frais divers restés à charge : 12.062,97 euros

. assistance temporaire tierce personne : 44.850 euros

° permanents :

. dépenses de santé futures : 544.736,09 euros à parfaire (infirmation)

frais de logement adapté : 30.966,98 euros

. frais de véhicule adapté : 53.479,38 euros

. assistance définitive par tierce personne : 1.434.875,50 euros (infirmation)

. incidence professionnelle : 1.703.064,03 euros (infirmation)

. préjudice scolaire : 48.000 euros

.¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

. déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 24.583 euros

.souffrances endurées : 35.000 euros

.préjudice esthétique temporaire : 10.000 euros

° permanents :

. déficit fonctionnel permanent (DFP) : 413.280 euros

. préjudice esthétique permanent : 60.000 euros (infirmation)

. préjudice d'agrément : 75.000 euros (infirmation)

. préjudice sexuel : 40.000 euros

. préjudice d'établissement : 50.000 euros.

Les parents du blessé demandent à la cour de condamner la MAIF à payer

. 14.086,21 euros au titre du préjudice matériel

. 820,06 euros au titre du préjudice économique de Mme [W]

. 25.000 euros chacun aux père et mère au titre de leur préjudice moral . 20.000 euros à [F] [W] au titre de ses préjudice moral et d'accompagnement.

Ils réclament en tout état de cause 5.000 euros d'indemnité de procédure.

La MACIF demande à la cour de rejeter les pièces adverses n°98 à 105 par application de l'article 954 du code de procédure civile faute d'avoir été intégrées à des conclusions, et de confirmer les chefs de décision qui ont chiffré le préjudice des père et mère du blessé, et infirmant le jugement quant à la liquidation du préjudice

- du frère : de chiffrer le préjudice moral de [F] [W] à 8.000 euros

- de [Y] [W], de le fixer ainsi :

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

. dépenses de santé actuelles : 202,50 euros à la victime (confirmation)

. frais divers restés à charge : 12.062,97 euros (confirmation)

. assistance temporaire tierce personne : 29.250 euros (infirmation) ° permanents :

. dépenses de santé futures : 68.129,22 (infirmation)

frais de logement adapté : 30.966,98 euros (confirmation)

. frais de véhicule adapté : 53.479,38 euros (confirmation)

. assistance définitive par tierce personne : (infirmation)

.arrérages échus : 79.200 euros

.rente annuelle de 17.520 euros

. incidence professionnelle : 180.000 euros (confirmation)

. préjudice scolaire : 48.000 euros (confirmation)

.¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

. déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 24.583 euros (confirmation)

. souffrances endurées : 35.000 euros (confirmation)

. préjudice esthétique temporaire : 10.000 euros (confirmation)

° permanents :

. déficit fonctionnel permanent (DFP) : 413.280 euros (confirmation)

. préjudice esthétique permanent : 20.000 euros (confirmation)

. préjudice d'agrément : 10.000 euros (confirmation)

. préjudice sexuel : 40.000 euros (confirmation)

. préjudice d'établissement : rejet (infirmation).

La MACIF sollicite la réduction à de plus justes proportions du montant de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM de Haute Garonne -qui a adressé au greffe de la cour l'état de ses débours par lettre reçue le 22 juillet 2021 au visa de l'article 15 du décret

86-15 du 6 janvier 1986, la Mutuelle Baloo et la Mutuelle Ociane, necomparaissent pas. Elles ont chacune été assignées par acte délivré à personne habilitée, respectivement les 6, 1er et 5 juillet 2021.

Les moyens des parties comparantes seront exposés dans le cadre de l'examen de chacun des postes de préjudice discutés en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture est en date du 1er décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur la liquidation du préjudice de [Y] [W]

[Y] [W], qui est née le [Date naissance 10] 1996, était âgé de 18 ans à l'époque de l'accident, où il était lycéen.

Son droit à indemnisation intégrale n'est pas discuté par la MAIF.

Le docteur [E] [K] a conclu en ces termes dans son rapport en date du 11 décembre 2018, qui n'est ni contredit ni réfuté :

. consolidation médico-légale au 25 juin 2018

. gêne :

- totale durant les hospitalisations, du 25.06.2015 au 14.10.2016 et du 26.04 au 14.05.2018

- partielle, de classe IV (75%) du 15.10.2016 au 25.04.2018 et du 05.05 au 25.06.2018

. souffrances endurées : 5,5/7

. besoin en tierce personne temporaire : 3 heures/jour d'aide active

. adaptation du logement : oui (accessibilité en fauteuil roulant)

. adaptation du véhicule : oui (véhicule avec commandes au volant)

. au plan professionnel : ne pourra bénéficier que d'un poste aménagé adapté au handicap

. préjudice scolaire : perte de trois années puis refus de scolarisation

. dépenses de santé futures : poursuite viagère du traitement actuel (sauf l'Oracilline)

- renouvellement orthèse plantaire ; renouvellement quinquennal du fauteuil roulant et bi ou triennal du coussin, des cannes et du lit électrique ; consultation annuelle en MPR ; bilan urologique biennal ; échographie biennale des voies urinaires ;

2 séances mensuelles de kiné pendant 2 ans puis 52 par an pendant les trois années suivantes ;

20 séances de psychothérapie de type TCC ;

. déficit fonctionnel permanent (DFP) : 72%

. besoin viager en tierce personne : 3 heures/jour d'aide active

. préjudice esthétique permanent : 4,5/7

. préjudice sexuel : certain

. préjudice d'établissement : évoqué, possible mais non certain

. préjudice d'agrément : présent.

Le préjudice de [Y] [W], âgé de 21 ans lors de la consolidation, étudiant, sera évalué comme suit, dans la limite des appels, au regard de ces conclusions et des autres éléments contenus dans ce rapport, ainsi que des productions et explications des parties, étant observé que la transmission par l'appelant de conclusions n°4 intégrant ses pièces n°98 à 105 rend sans objet la demande tendant à les voir écarter des débats formulée à ce titre précédemment par la MAIF au visa de l'article 954 du code de procédure civile.

1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

1.1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

(avant consolidation) .

1.1.1. : dépenses de santé actuelles

En première instance, [Y] [W] réclamait à ce titre une somme totale de 8.502,71 euros recouvrant

.dépenses de pharmacie : 29,78 euros

.fauteuil de douche : 538,18 euros

.fauteuil roulant : 6.046,17 euros

.rollator : 96 euros

.surcoût chambre particulière 1.510 euros

.soins pédicure : 60 euros

.psychothérapie : 100 euros

.franchises CPAM : 117,50 euros

.surcoût mutuelle : 45,08 euros.

Le tribunal lui a alloué 202,50 euros correspondant aux seuls postes de pédicure, de psychothérapie et - partiellement - de franchise CPAM

(60 + 100 + 42,50), non contestés par la MAIF, en retenant que les autres dépenses, soit avaient été prises en charge de façon avérée par la mutuelle Ociane (ainsi pour le surcoût chambre individuelle), soit correspondaient à un reste à charge dont le décompte incomplet du Gan, assurance souscrite par l'intermédiaire du courtier Baloo, ne permettait pas de savoir s'il n'avait pas été pris en charge par cet assureur (dépenses de pharmacie, fauteuil de douche, fauteuil roulant, rollator), soit, s'agissant du surcoût de mutuelle santé, que le lien de causalité avec l'accident n'était pas démontré.

[Y] [W] reprend devant la cour sa demande en paiement de la même somme de 8.502,71 euros en indiquant que l'absence de prise en charge par une mutuelle du reste à charge des matériels achetés ressort des énonciations mêmes des factures produites ; et que c'est bien à cause de l'accident, parce qu'il n'était pas suffisamment couvert pour toutes les dépenses de santé, qu'il a dû changer de mutuelle et supporter à ce titre un surcoût.

La MAIF conclut à la confirmation du jugement en faisant valoir que pas plus qu'en première instance, le demandeur ne justifie par un décompte complet et probant du GAN de la part qui est réellement demeurée à sa charge, ni du lien de causalité avec l'accident du surcoût de mutuelle santé dont la souscription n'est en tout état de cause pas démontrée.

C'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les productions et conclusions d'appel, que le premier juge a chiffré ce poste à 202,50 euros.

En effet, alors qu'il ressort des relevés partiellement communiqués que le Gan Santé remboursait la part des dépenses de santé restée à charge, les relevés correspondant aux périodes d'achat des matériels pour lesquels un reste à charge est réclamé ne sont toujours pas produits, alors qu'aucun élément ni indice ne démontre ni même ne rend plausible que le même contrat ait donné lieu à des refus de prise en charge de l'assureur pour ces dépenses.

Il en est de même pour la franchise de la CPAM 31.

La circonstance, mise en avant par l'appelant, que la MAIF a accepté sans contestation de rembourser au Gan son état de créance est sans incidence sur ce constat, le fait de payer un état qui ne recouvre pas toute la période antérieure à la consolidation n'impliquant pas que cet état incomplet ait été considéré comme complet et couvrant d'autres périodes.

Pour le surcoût de chambre individuelle en 2018, le tribunal a pertinemment constaté qu'il ressortait des propres pièces du demandeur que sa nouvelle assurance santé, Ociane, l'en avait remboursé.

Pour les franchises CPAM, le tribunal a justement écarté celles antérieures à l'accident.

Quant au surcoût de mutuelle, en présence de simples devis sans production d'un contrat, il n'est pas démontré que la victime aurait souscrit un nouveau contrat plus coûteux, et à considérer qu'elle attende d'être indemnisée à ce titre pour le faire, il reste vrai en cause d'appel qu'elle n'établit pas la nécessité de souscrire une mutuelle santé plus coûteuse pour être mieux remboursée alors qu'il ressort de ses pièces qu'elle l'était déjà entièrement des dépenses restées à charge par le Gan puis par Ociane (Matmut).

Le jugement, qui alloué 202,50 euros, sera donc de ce chef confirmé.

1.1.2. : frais divers restés à charge

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par les premiers juges à 12.062,97 euros.

1.1.3. : frais d'assistance temporaire par une tierce personne

L'expert retient sans contestation des parties un besoin en aide humaine active de 3 heures par jour.

Le tribunal a chiffré l'indemnisation de ce poste à 44,850 euros sur la base d'un taux horaire de 23 euros.

La MAIF forme appel incident en demandant à la cour d'indemniser ce poste à hauteur de 29.250 euros sur la base d'un taux horaire de 15 euros, au motif que l'assistance nécessaire n'est pas une aide spécialisée, et que le blessé a bénéficié d'une aide familiale.

[Y] [W] sollicite la confirmation du jugement.

Le taux de 23 euros retenu par le tribunal est pertinent et adapté.

L'indemnité n'a pas à être minorée du fait que l'assistance a été fournie par la famille.

Le jugement, qui alloué 44.850 euros, sera donc de ce chef confirmé.

1.2. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS

1.2.1. : Dépenses de santé futures

Sur la base des conclusions de l'expert, non contestées, telles que plus haut recensées, le tribunal a chiffré ce poste à la somme totale de 128.840,80 euros, soit

. 10 séances de thérapie équine : 340 euros

. fauteuil de douche : 5.083,84 euros

. fauteuil roulant : 56.690,26 euros

. dispositif d'assistance électrique : 58.179,67 euros

. fauteuil roulant de sport : rejet (car non retenu par l'expert)

. siège modulable : rejet (car non retenu par l'expert)

. rollator : 2.397,79 euros

. traitement troubles érection : 5.600,63 euros

. petit matériel d'auto-sondage : rejet (faute de justificatif)

. franchise kiné : 548,61 euros

. surcoût mutuelle santé : rejet (nécessité non prouvée)

. psychothérapie : poste réservé (d'accord parties).

[Y] [W] forme appel de ce chef et reprend ses demandes de première instance, qu'il actualise en les portant ainsi à 544.736,09 euros :

. frais de thérapie équine : 7.550 euros

. fauteuil de douche : 5.979,70 euros

. fauteuil roulant : 142.527,83 euros

. dispositif d'assistance électrique : 136.466,55 euros

. vélo adapté : 110.630,12 euros

. siège modulable : 32.561,98 euros

. rollator : 3.944,27 euros

. traitement troubles érection : 14.040,11 euros

. petit matériel d'auto-sondage : 71.854,18 euros

. franchise kiné : 2.825,20 euros

. surcoût mutuelle santé : 15.256,15 euros

. psychothérapie : 1.100 euros.

La MAIF forme appel incident et demande à la cour de chiffrer ce poste à 68.129,22 euros en sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il a

. retenu la nécessité d'une thérapie équine, selon elle non médicalement justifiée

. retenu la nécessité d'un fauteuil de douche, non validée par l'expert

. indemnisé le besoin d'assistance électrique alors que seul un devis est produit.

Elle s'oppose aux autres chefs de demandes au motif que la nécessité de la dépense, ou que son montant, ne sont pas démontrés.

S'agissant de la thérapie équine, il est établi par les productions qu'elle a été réellement suivie et qu'elle est justifiée par les séquelles de l'accident (pièce n°74). Outre les dix séances retenues à bon droit par le premier juge au vu des factures produites (pièce n°36), il y a lieu de retenir aussi le coût, également justifié par facture (pièce n°75), d'achat d'une selle adaptée au handicap du blessé, pour 7.210 euros. Ce poste sera donc par réformation chiffré à 7.550 euros.

S'agissant du fauteuil de douche, c'est un constat d'évidence qu'a fait le premier juge en retenant sa nécessité quand bien même l'expert n'en parle pas, alors que le handicap de la victime requiert sans aucun doute d'en posséder un, à renouveler périodiquement, et que l'expert ne l'exclut pas mais n'en parle tout simplement pas, ce qui peut procéder d'un oubli et ne crée en tout état de cause pas d'obstacle à retenir néanmoins la nécessité de cet appareil. Le montant de l'indemnité a été pertinemment chiffré à 5.083,84 euros sur la base de la capitalisation du reste à charge pour un renouvellement quinquennal, et le jugement sera confirmé de ce chef.

S'agissant du fauteuil roulant, sa nécessité et son renouvellement quinquennal ne sont pas discutés. Le tribunal a indemnisé ce poste sur la base d'une dépense à charge pour la victime de (6.605,16 - 603,65) = 6.001,51 capitalisée selon le barème publié en 2018 par la Gazette du Palais. En cause d'appel, [Y] [W] justifie par une facture acquittée du 10 juin 2022 (sa pièce n°94) avoir dû débourser (11.403,15 - 558,99) = 10.844,16euros pour le renouvellement de ce fauteuil, le modèle acquis étant de qualité normale, sans qu'il faille y ajouter comme il le demande aussi le coût de roues 'marathon' acquises en mars 2022 (sa pièce n°95), soit antérieurement à cet achat de renouvellement, et dont la nécessité en lien avec les séquelles de l'accident n'est pas quant à elle établie, semblant s'agir au demeurant d'un accessoire pour le fauteuil roulant de sport qu'il demandait en première instance, que le tribunal a refusé de lui allouer par un chef de décision dont il ne demande pas l'infirmation.

Le jugement sera ainsi réformé pour voir chiffrer ce poste, par capitalisation au vu du barème publié en 2020 par la Gazette du Palais -qui constitue un outil pertinent et adapté- à 10.844,16 + [(10.844,16/5) x 49,591] = 118.398,70 euros.

S'agissant de l'assistance électrique, c'est par des motifs pertinents que le tribunal a retenu la nécessité d'un tel matériel et son lien avec l'état séquellaire (pièce n°77), et la MAIF n'est pas fondée à s'opposer à l'indemnisation de ce poste au motif qu'il n'est produit qu'un devis et non une facture d'achat, alors qu'elle n'offre pas de verser la somme permettant de financer cet achat, dont le premier juge a aussi indiqué à raison qu'il ne sera pas pris en charge par la CPAM.

Il est désormais justifié sur facture acquittée (pièce n°76) de l'achat d'un système de motorisation du fauteuil roulant 'Triride' pour 9.322,60 euros en juin 2021,avec renouvellement viager à prévoir tous les quatre ans, ce qui justifie, par réformation du jugement, de chiffrer l'indemnisation de ce poste à 9.322,60 euros + [(9.322,60/4) x 50,553] = 127.143,94 euros.

S'agissant d'un vélo adapté, [Y] [W] demande à la cour de condamner la MAIF à lui verser 110.630,12 euros au vu d'un justificatif d'adhésion et d'une licence handisport ainsi que d'un devis de matériel émis par une société américaine de vélo pour handicapés.

L'achat d'un vélo sportif n'a pas été évoqué par l'expert comme relevant d'une dépense de santé, et nonobstant le caractère assurément bénéfique de l'exercice d'une activité sportive pour le jeune homme, il n'entre pas dans le périmètre du poste des dépenses de santé futures mais relève des dépenses que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent permet de financer.

Ce chef de demande sera donc rejeté.

S'agissant du siège modulable, [Y] [W] reprend devant la cour sa demande, rejetée en première instance, en affirmant que l'ergothérapeute a mis en évidence la nécessité pour lui de disposer d'une assise rigide avec inclinaison de 10 centimètres, et il réclame à ce titre par voie de capitalisation sur renouvellement annuel avec coût à charge de 557,53 euros une somme de 32.561,98 euros.

La MAIF s'y oppose et sollicite la confirmation du jugement en faisant valoir que le docteur [K] ne retient pas la nécessité d'un tel matériel ni même ne l'évoque.

L'argumentaire d'un ergothérapeute, selon lequel ce matériel serait nécessaire, ou utile, pour limiter l'aggravation de la scoliose et la fatigabilité sur la journée (pièce n°80) n'est pas corroboré par le rapport d'expertise médicale, qui ne fait pas état d'un tel risque et de la nécessité d'un tel matériel.

Le jugement sera dans ces conditions confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

S'agissant du rollator, sa nécessité sur la base d'un renouvellement biennal ne fait et n'a pas fait débat entre les parties, et le premier juge a chiffré ce poste à la somme de 2.397,79 euros. [Y] [W], qui ainsi obtenu satisfaction en première instance, ne peut solliciter en cause d'appel une somme supérieure par voie d'actualisation alors que son appel, s'il porte sur le poste des dépenses de santé futures, ne peut porter sur ce chef de demande où il n'a pas succombé. Ce chef de décision ne peut qu'être confirmé.

S'agissant du traitement médical contre les troubles de l'érection, il en va de même, le premier juge ayant fait droit pour 5.600,63 euros à la réclamation de M. [W], qui n'ayant pas succombé ne peut solliciter l'infirmation de ce chef de décision pour réclamer en appel une somme supérieure au titre d'un traitement différent de celui qu'il invoquait en première instance à l'appui de sa demande.

Ce chef de décision ne peut qu'être confirmé.

S'agissant du petit matériel d'auto-sondage, le premier juge, devant lequel M. [W] réclamait à ce titre 62.363,48 euros, a rejeté sa demande, contestée par la MAIF en son principe même, au motif qu'il ne développait aucune explication à l'appui de cette prétention.

[Y] [W] explique en cause d'appel de façon circonstanciée et détaillée solliciter à ce titre, pour un total de 71.854,18 euros, une indemnité couvrant le coût du petit matériel non remboursé par la CPAM 31 permettant d'assurer une bonne asepsie lors de ses auto-sondages pluri-quotidiens, savoir vaseline pour aider à l'introduction de la sonde, gants stériles pour l'introduction des suppositoires de défécation, gel hydroalcoolique afin de se désinfecter les mains avant et après les auto-sondages et lingettes nettoyantes, afin d'éviter le risque d'irritation de la peau.

La MAIF maintient son opposition à l'indemnisation de ce poste en objectant que le demandeur ne produit ni prescription médicale ni facture.

La victime produit à l'appui de ces indications une documentation médicale d'information à l'égard des patients masculins (sa pièce n°82) dressant la liste du petit matériel qui préconise d'utiliser ce matériel pour conjurer les risques d'infection inhérents à ces manipulations pluriquotidiennes. Ces éléments sont probants, et convaincants. La dépense mensuelle à ce titre s'apprécie non aux 106,16 euros cités au vu d'une pièce n°42 non probante du besoin réel, mais à 30 euros, soit 360 euros par an, ce qui détermine, par réformation, une indemnité de [1800 + (360 x 53,439)] = 21.038,04 euros.

S'agissant des franchises et participations forfaitaires, M. [W] réclamait en première instance 2.447,70 euros sur la base de 50 euros par an capitalisés de façon viagère. La MAIF s'y opposait au motif que certaines mutuelles santé prennent en charge ce coût.

Le tribunal a retenu le bien fondé de principe de cette demande, et y a fait droit à hauteur de 568,40 euros sur la base de 7 euros par an, capitalisée à compter de 2020.

Devant la cour, [Y] [W] forme appel incident et réclame 2.825,20 euros sur la base d'un montant annuel de 50 euros. La MAIF réitère son opposition et sollicite le rejet de la demande par voie d'infirmation.

C'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause en appel, que le premier juge a statué comme il l'a fait, en retenant une charge annuelle moyenne de 7 euros non contredite devant la cour, et en l'indemnisant sur une base viagère, et sa décision sera confirmée.

S'agissant du surcoût de mutuelle de santé, au titre duquel M. [W] réclamait 13.241,08 euros et dont la MAIF sollicitait le rejet, le tribunal l'a rejeté pour les mêmes motifs ayant fondé son rejet de la demande formulée pour la période antérieure à la consolidation au titre des dépenses de santé actuelles.

La victime reprend par voie d'appel sa réclamation, en sollicitant de façon actualisée 15.256,15 euros.

La MAIF maintient sa position de rejet.

Les considérations qui ont fondé le rejet de la demande au titre des dépenses de santé actuelles justifient de confirmer le rejet de cette prétention, dès lors que la victime n'établit pas plus en cause d'appel qu'en première

instance la nécessité de souscrire une mutuelle santé plus coûteuse pour être mieux remboursée, alors qu'il ressort de ses pièces qu'elle l'était déjà entièrement des dépenses restées à charge par le Gan, puis par Ociane.

S'agissant des séances de psychothérapie, l'expert en retient l'utilité en lien avec les séquelles de l'accident.

En première instance, ce poste avait été réservé, d'accord parties.

En cause d'appel, [Y] [W] sollicite à ce titre 1.100 euros.

La MAIF conclut au rejet de la demande pour cause d'absence de justificatif d'un suivi.

[Y] [W] justifie par ses pièces n°94 et 104, constituées de factures acquittées, qu'il a consulté un psychothérapeute depuis la date de sa consolidation.

Sur la base de 55 euros la séance, et des 20 séances visées par l'expert, sa demande est fondée et sera, par réformation, accueillie.

Le poste des dépenses de santé futures s'établit ainsi, par infirmation du jugement à (7.550 + 5.083,84 +118.398,70 + 127.143,94 + 2.397,79 + 5.600,63 + 21.038,04 + 568,40 + 1.100) = 288.881,34 euros.

1.2.2. : Frais d'assistance permanente par une tierce personne

L'expert indique dans son rapport, sans contestation des parties, que ce besoin, viager, s'établit à 3 heures par jour d'aide active.

En première instance, [Y] [W] réclamait à ce titre sur la base d'un taux horaire de 23,55 euros et de 412 jours par an pour tenir compte des congés payés 1.434.875,50 euros. La MAIF prônait une indemnisation sur la base d'un taux horaire de 16 euros.

Le tribunal a chiffré ce poste sur la base de 23 euros et de 365 jours par an applicable aux prestations facturées, en indiquant que la victime ne prouve pas être ou devoir être l'employeur de l'assistant et supporter ainsi elle-même la charge des congés payés et jours fériés, et il a alloué l'indemnité sous forme de rente compte-tenu du jeune âge de la victime, soit 69.138 euros pour les arrérages échus et 25.185 euros par an pour les arrérages à échoir à compter du 23 mars 2021.

En cause d'appel, [Y] [W] reprend sa demande d'une indemnisation chiffrée sur la base d'un taux de 23,55 euros sur 412 jours annuels et sous forme de capital, en réclamant ainsi (116.572,50 + 1.586.491,53) = 1.703.064,03 euros. Il fait valoir que le caractère familial de l'assistance reçue doit rester sans incidence sur son chiffrage, et qu'il n'appartient pas aux tribunaux de se substituer à la victime dans l'appréciation des modalités de l'indemnisation entre rente et capital.

La MAIF approuve l'allocation sous forme de rente et sur 365 jours mais forme appel incident sur le taux horaire en réitérant que 16 euros sont plus adaptés, prônant ainsi une indemnité de 79.200 euros pour les arrérages échus du 26 juin 2018 au 31 décembre 2022 puis à compter du 1er janvier 2023 une rente viagère annuelle de 17.520 euros.

Le taux de 23 euros retenu est pertinent et adapté. C'est également à bon droit que le tribunal, sans tenir compte en cela du caractère familial de l'assistance effectivement reçue, a chiffré l'indemnisation sur la base d'une aide à payer sur facture d'un prestataire et non au titre de l'emploi d'un salarié,

cette qualité d'employeur n'étant ni démontrée ni alléguée être ou devoir être celle de la victime, et n'étant d'ailleurs pas la plus usitée des modalités d'assistance. Enfin, c'est à raison que le premier juge a alloué l'indemnité sous forme de rente, qu'il a correctement calculée du chef des arrérages échus et de

l'avenir, compte-tenu de la sécurité qu'elle représente pour une jeune victime

au besoin viager d'aide humaine, et de l'absence d'atteinte à une liberté d'emploi des sommes qui n'est pas un critère l'emportant sur celui de la sécurisation du financement de l'assistance. Ainsi, ce chef de décision sera confirmé.

1.2.3. : Frais d'adaptation du logement

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 30.966,98 euros.

1.2.4. : Frais d'adaptation du véhicule

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 53.479,38 euros.

1.2.5. : incidence professionnelle

Ce poste correspond au préjudice que subit la victime en raison de la plus grande pénibilité de l'exercice d'une activité professionnelle du fait des séquelles de l'accident, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de la nécessité de subir un reclassement; il peut recouvrir aussi la perte de chance d'obtenir un emploi ou une promotion ou réaliser un projet professionnel

En première instance, [Y] [W] réclamait de ce chef 983.973,72 euros au titre de sa dévalorisation sur le marché du travail, des difficultés d'insertion et de la fatigabilité accrue induite par son handicap, en chiffrant sa demande sur la base de 72% d'un revenu mensuel moyen de 2.449 euros, capitalisé à titre viager. La MAIF offrait 180.000 euros.

Le tribunal a chiffré ce poste à la somme offerte par la MAIF de 180.000 euros en écartant le mode de calcul prôné par la victime au motif que si les capacités physiques du jeune homme étaient diminuées de 72% au regard du taux de déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert, il n'en allait pas de même des revenus qu'il était susceptible de percevoir alors que ses facultés intellectuelles sont sauvegardées et qu'il a brillamment passé les épreuves du baccalauréat.

Devant la cour, [Y] [W] réclame une somme actualisée d'1.151.153,82 euros calculée. Il indique avoir certes à force de volonté et de travail obtenu son baccalauréat technologique, mais relate que sa scolarisation ultérieure en première année de BTS comptabilité et gestion au lycée [12] de [Localité 13] a été émaillée de nombreuses absences dues à sa fatigabilité et aux difficultés liées à son handicap ; que le médecin a préconisé une scolarité à mi-temps avec des cours par correspondance par le CNED sur trois ans ; qu'il a bénéficié d'un auxiliaire de vie scolaire mais ne pourra pas en avoir en entreprise ; qu'à la fin de l'année 2021, il n'a pas eu la force physique de reprendre sa scolarité en BTS et a quitté le système scolaire pour une année ; que son médecin traitant atteste de ses difficultés ; qu'il est résolu à essayer de reprendre sa scolarité mais doit affronter la difficulté de trouver un contrat d'apprentissage, aucun employeur ne lui en ayant proposé ; que le rythme n'aurait de toute façon pas été tenable selon son médecin traitant, qui certifie ses difficultés fonctionnelles mais aussi attentionnelles et psychologiques ; que

dans ces conditions, ses chances d'insertion professionnelle sont sérieusement obérées ; qu'elles le sont d'autant plus qu'il a besoin d'avoir des horaires adaptés, de faire une pause toutes les deux heures, de travailler dans des locaux équipés de toilettes adaptées, accessibles à un fauteuil roulant, disposant d'une

place de parking handicapés. Il indique que le tribunal n'a pas mesuré que l'offre de la MAIF qu'il a jugée satisfactoire revient à indemniser son préjudice par une somme mensuelle de 350 euros sur les 43 années d'une vie professionnelle, ce qui est dérisoire, et déconnecté de son préjudice réel.

Il observe que sur les 76 emplois de cadre dans le domaine du commerce et du marketing proposés par Pôle Emploi dans les annonces qu'il a consultées aux titulaires du diplôme d'études supérieures qu'il visait, aucun n'était accessible à un handicapé. Il cite les études sur les très grandes difficultés d'accès à l'empoi des handicapés. Il en déduit que ses chances de travailler sont minces, et il reprend, en l'actualisant, sa demande fondée sur un taux de 72% appliqué à un salaire moyen de 2.449 euros.

La MAIF conclut à la confirmation de ce chef de décision en objectant que la méthode prônée par l'appelant revient à appliquer à l'indemnisation de l'incidence professionnelle un calcul qui s'applique aux pertes de gains professionnels futurs. Elle récuse le salaire moyen de 2.449 euros pris comme base de calcul, en faisant valoir qu'il ne distingue pas selon les études, l'âge, le secteur d'activité, le statut, le secteur géographique. Elle rappelle que l'expert retient que la victime pourra travailler dans le secteur tertiaire, à un poste adapté. Elle considère que l'appelant ne justifie pas d'une recherche effective d'emploi. Elle tient son offre pour satisfactoire.

La cour constate qu'il ressort des explications de M. [Y] [W], des certificats médicaux qu'il produit et des pièces qu'il verse aux débats, la preuve que la nature et l'importance de son handicap l'ont empêché de poursuivre jusqu'à son terme la formation en BTS qu'il avait sérieusement entamée après son baccalauréat ; que la probabilité qu'il reprenne et poursuive une formation est faible pour ces mêmes motifs tenant à sa fatigabilité, à ses troubles attentionnels et psychologiques persistants et aux contraintes multiquotidiennes qu'impliquent ses séquelles ; qu'il se présente sur un marché du travail peu accueillant aux handicapés sans aucune expérience professionnelle et sans qualification ; que les postes de travail adaptés à son lourd handicap et à son absence de formation et d'expérience sont très rares.

Son préjudice d'incidence professionnelle sera dans ces conditions réparé par l'allocation d'une indemnité de 800.000 euros tenant compte de l'incidence de cette situation sur ses droits à la retraite, le jugement étant, de ce chef, infirmé.

1.2.6. : préjudice scolaire

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 48.000 euros.

2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

2.1. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

2.1.1. Déficit fonctionnel temporaire

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 24.583 euros.

2.1.2. Souffrances endurées

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 35.000 euros.

2.1.3. Préjudice esthétique temporaire

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 10.000 euros.

2.2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS

2.2.1. Déficit fonctionnel permanent

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 413.280 euros.

2.2.2. Préjudice esthétique permanent

L'expert évalue sans contestation ce poste à 4,5/7 sur le barème usuel de référence, compte-tenu de la présentation spastique des membres supérieurs et de l'image dévalorisante de la position en fauteuil roulant.

En première instance, [Y] [W] sollicitait à ce titre 60.000 euros.

La MAIF offrait 15.000 euros.

Le tribunal a chiffré le poste à 20.000 euros.

En cause d'appel, M. [W] redemande 60.000 euros. Il fait valoir qu'il faut également tenir compte d'une cicatrice dorsale de 10 centimètres, de la majoration de la cyphose dorsale, de l'inflexion scoliotique et d'une cicatrice de 4 cm au niveau cervical, et des cannes anglaises qu'il utilise lorsqu'il n'est pas en fauteuil roulant.

La MAIF sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

L'évaluation de ce poste à 20.000 euros par le premier juge est pertinente et adaptée, et le jugement sera de ce chef confirmé.

2.2.3. préjudice sexuel

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 40.000 euros.

2.2.4. préjudice d'agrément

Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité, pour la victime, de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

L'expert conclut sans contestation que ce préjudice est avéré.

En première instance, M. [W] sollicitait à ce titre 75.000 euros; la MAIF offrait 10.000 euros en l'absence de justificatifs d'une activité antérieure spécifique.

Le tribunal a déclaré cette offre satisfactoire en constatant qu'il n'était pas justifié de la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisirs.

Ce constat demeure pertinent en cause d'appel, où M. [W] reprend sa demande initiale sans plus apporter de justificatifs d'une telle pratique, et le jugement sera ainsi de ce chef confirmé.

2.2.5. préjudice d'établissement

En première instance, [Y] [W] réclamait à ce titre 150.000 euros.

La MAIF concluait au rejet pur et simple au motif que ce préjudice n'était pas certain.

Le tribunal a retenu que la perte de chance de fonder un jour une famille était importante et l'a indemnisé à hauteur de 50.000 euros.

La MAIF forme appel incident et réitère sa demande de rejet au motif que le préjudice n'est pas certain.

La victime sollicite la confirmation du jugement.

Il est de la nature même du préjudice d'établissement, poste réel de préjudice, de ne pas être certain, puisqu'il consiste en la perte de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap. L'objection de l'assureur est donc sans pertinence. En l'occurrence, la nature et la lourdeur des handicaps que présente [Y] [W] justifient de regarder cette perte de chance comme importante, et ce poste de préjudice a été chiffré de façon pertinente à la somme de 50.000 euros par le tribunal, dont le jugement sera confirmé de ce chef.

L'indemnité que la MAIF doit payer à [Y] [W] s'établit ainsi au total à (202,50 + 12.062,97 + 44.850 + 288.881,34 + 69.138 + 30.966,98 + 53.479,38 + 800.000 + 48.000 + 24.583 + 35.000 + 10.000 + 413.280 + 20.000 + 40.000 + 10.000 + 50.000) = 1.950.444,17 euros.

Sont à déduire de cette somme les provisions versées pour un total de 180.000 euros.

L'indemnité totale hors rente viagère au titre de l'aide permanente d'une tierce personne, confirmée, que la MAIF est condamnée à payer à [Y] [W] s'établit ainsi, par infirmation du jugement, à (1.950.444,17 - 180.000) = 1.770.444,17 euros.

Le chef de décision qui a réservé le poste d'indemnisation de [Y] [W] au titre des frais d'adaptation du logement n'est pas querellé et ne peut donc qu'être confirmé.

* sur l'indemnisation du préjudice des victimes par ricochet

¿ les demandes indemnitaires des parents [J] et [D] [W]

1) le préjudice matériel

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 14.086,21 euros.

2) la perte de gains professionnels subie par Mme [W]

Il n'existe pas de discussion en cause d'appel sur ce chef de préjudice, chiffré par le premier juge à 820,06 euros

3) le préjudice moral et d'accompagnement

Les père et mère réclamaient à ce titre 25.000 euros en première instance.

La MAIF offrait 8.000 euros.

Le tribunal leur a alloué 18.000 euros à chacun dans le dispositif de son jugement, après avoir écrit dans les motifs qu'il convenait 'de leur allouer 20.000 euros à chacun'.

Devant la cour, monsieur et madame [W] reprennent leur demande d'indemnisation à hauteur de 25.000 euros.

La MAIF sollicite la confirmation des 18.000 euros alloués.

Au vu de l'importance du handicap de leur enfant, et des souffrances morales et du bouleversement dans leurs conditions de vie qui en résultent, ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 20.000 euros chacun, par infirmation du jugement.

La provision de 20.000 euros que M. et Mme [W] ont perçue vient en déduction des indemnités qui leur sont allouées.

¿ les demandes indemnitaires du frère [F] [W]

[F] [W], frère aîné du blessé comme étant né en 1993, qui réclamait 20.000 euros à ce titre en première instance, sollicite par infirmation du jugement qui lui a alloué 15.000 euros, une indemnité de 20.000 euros au titre de son préjudice moral et d'accompagnement.

La MAIF forme appel incident de ce chef et reprend son offre de 8.000 euros.

Le préjudice a été bien apprécié par le premier juge, dont ce chef de décision sera confirmé.

* sur les intérêts

Les intérêts sont dus par la MAIF au taux légal à compter du jugement pour les sommes confirmées, et de l'arrêt pour les sommes allouées par infirmation.

* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La victime reçoit, sur son appel, des sommes supérieures à celles qui lui avaient été allouées en première instance.

La MAIF doit donc être regardée comme partie succombante, et supportera les dépens d'appel.

Elle versera à [Y] [W] une indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt est commun à la CPAM de Haute Garonne, à la Mutuelle Baloo et à la Mutuelle Ociane.

PAR CES MOTIFS :

la cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :

DIT qu'est devenue sans objet, et REJETTE en tant que de besoin, la prétention de la MAIF à voir écarter des débats et à dire irrecevables les pièces n°98 à 105 des appelants

CONFIRME le jugement sauf en ses chefs de décision fixant l'indemnité revenant à [Y] [W] au titre des dépenses de santé futures et de l'incidence professionnelle ainsi, conséquemment, qu'au titre du montant total du préjudice de la victime et du montant de la condamnation prononcée contre

la MAIF, en son chef de décision réservant les frais de psychothérapie et en

son chef de décision fixant l'indemnité revenant à [J] et [D] [W] au titre de leur préjudice moral et d'accompagnement et prononçant condamnation de la MAIF à leur profit

statuant à nouveau de ces chefs :

FIXE ainsi le préjudice de [Y] [W] consécutif à l'accident du 25 juin 2015:

¿ Préjudices patrimoniaux :

° temporaires :

.dépenses de santé actuelles : 202,50 euros à la victime

.frais divers restés à charge : 12.062,97 euros

.assistance temporaire tierce personne : 44.850 euros

° permanents :

.dépenses de santé futures : 288.881,34 euros

.frais de logement adapté : 30.966,98 euros

.frais de véhicule adapté : 53.479,38 euros

.assistance définitive par tierce personne :

.arrérages échus : 69.138 euros

.rente annuelle de 25.185 euros

.incidence professionnelle : 800.000 euros

.préjudice scolaire : 48.000 euros

.¿ Préjudices extra patrimoniaux :

° temporaires :

.déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 24.583 euros

.souffrances endurées : 35.000 euros

.préjudice esthétique temporaire : 10.000 euros

° permanents :

.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 413.280 euros

.préjudice esthétique permanent : 20.000 euros

.préjudice d'agrément : 10.000 euros

.préjudice sexuel : 40.000 euros

.préjudice d'établissement : 50.000 euros

CONDAMNE la MAIF à payer à [Y] [W], déduction faite des provisions versées pour un total de 180.000 euros, la somme de 1.770.444,17 euros

RAPPELLE que le poste d'indemnisation de [Y] [W] au titre des frais d'adaptation du logement est et reste réservé

PRÉCISE en tant que de besoin que le chef de décision du jugement relatif à la rente viagère due par la MAIF à [Y] [W] au titre de l'assistance permanente d'une tierce personne est confirmé

LIQUIDE le préjudice de [J] [B] épouse [W] et d'[D] [W] à la somme de 20.000 euros chacun au titre de leur préjudice moral et d'accompagnement

CONDAMNE la MAIF à payer à chacun des époux [W] cette somme de 20.000 euros à ce titre, outre les indemnités afférentes à leurs postes de préjudice non frappés d'appel, sous déduction à opérer de la provision qu'elle leur a déjà versée

DIT que les intérêts sont dus par la MAIF au taux légal à compter du jugement pour les sommes confirmées, et de l'arrêt pour les sommes allouées par infirmation

REJETTE toute demande autre ou contraire

DIT le présent arrêt commun à la CPAM de Haute Garonne, à la Mutuelle Baloo et à la Mutuelle Ociane

CONDAMNE la MAIF aux dépens d'appel

LA CONDAMNE à payer à [Y] [W] une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

ACCORDE à Maître ITHURBISQUE, avocat, le bénéfice de la faculté prévue à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01676
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.01676 ?
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