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07/03/2023 | FRANCE | N°21/01663

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 07 mars 2023, 21/01663


ARRÊT N° 97



N° RG 21/01663



N° Portalis DBV5-V-B7F-GI7I













[S]



C/



[R]

[C]

[M]

et autres (...)











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 07 MARS 2023







Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 avril 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES




>APPELANTE :



Madame [N] [S]

née le 10 Mai 1964 à [Localité 18] (59)

[Adresse 11]

[Localité 13]



ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUÉ POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS



ayant pour avocat plaidant Me Laurent LAMBERT, avocat au barr...

ARRÊT N° 97

N° RG 21/01663

N° Portalis DBV5-V-B7F-GI7I

[S]

C/

[R]

[C]

[M]

et autres (...)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 07 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 avril 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES

APPELANTE :

Madame [N] [S]

née le 10 Mai 1964 à [Localité 18] (59)

[Adresse 11]

[Localité 13]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUÉ POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Laurent LAMBERT, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Monsieur [L] [R]

né le 06 Décembre 1971 à [Localité 15] (92)

[Adresse 3]

[Localité 12]

Madame [P] [F] épouse [R]

née le 24 Février 1966 à [Localité 17]

[Adresse 3]

[Localité 12]

ayant tous deux pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

ayant tous deux pour avocat plaidant Me Valérie OUAZAN, avocat au barreau de PARIS

Madame [V] [M]

tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant-droit

de Mme [D] [W] veuve [C]

née le 5 mai 1965 à [Localité 7] (17)

[Adresse 5]

[Localité 6]

défaillante bien que régulièrement assignée

Monsieur [O] [Z]

pris tant en son nom personnel qu'es qualité d'héritier

de Mme [D] [W] veuve [C]

[Adresse 1]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Laurent LAMBERT, avocat au barreau de POITIERS

Madame [J] [Z]

en sa qualité d'ayant-droit de Mme [D] [W] veuve [C]

[Adresse 4]

défaillante bien que régulièrement assignée

Monsieur [X] [M]

en sa qualité d'ayant-droit de Mme [D] [W] veuve [C]

[Adresse 2]

[Localité 7]

défaillant bien que régulièrement assigné

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller qui a présenté son rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- PAR DÉFAUT

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte sous seing privé en date du 7 février 2019, [D] [C], [V] [M] et [O] [Z], propriétaires indivis, ont confié à l'agence immobilière Orpi Seti [Localité 14] un mandat de vente d'une maison située [Adresse 10] à [Localité 14] (Charente-Maritime), cadastrée section BY n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9] d'une contenance totale de 12 ares 68 centiares. Ce contrat stipulait un prix de vente hors honoraires de 180.000 € et des honoraires de négociation de 9.000 €.

Par acte des 11 et 12 avril 2019, les époux [L] [R] et [P] [F] ont fait assigner [D] [C], [V] [M] et [O] [Z] devant le tribunal de grande instance de Saintes. Ils ont, au visa des articles 1104, 1118, 1121, 1583, 1589 du code civil, demandé de dire qu'ils pouvaient solliciter l'exécution forcée de leur offre d'achat du bien et de condamner sous astreinte les vendeurs à comparaître devant le notaire en charge de la rédaction de l'acte de vente.

Ils ont exposé avoir adressé par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 mars 2019 à l'agence immobilière une offre d'achat au prix proposé, à laquelle était joint un règlement d'un montant de 9.000 € correspondant à 5 % du prix. Selon eux, leur acceptation de l'offre de vente rendait la vente parfaite.

[D] [C], [V] [M] et [O] [Z] ont conclu au rejet de ces demandes. Ils ont soutenu que :

- cette première n'avait pas consenti au mandat confié à l'agence immobilière;

- ce mandat n'était que d'entremise et n'autorisait pas l'agence à consentir à la vente ;

- ce mandat, qui n'était pas exclusif, ne leur interdisait pas de rechercher par eux-même un acquéreur.

Ils ont ajouté qu'était fautive l'action des demandeurs qui avait rendu indisponible le prix de vente destiné à financer le coût de l'hébergement d'[D] [C] en établissement pour personnes âgées. Ils ont sollicité paiement de la somme de 25.000 € en réparation du préjudice en étant résulté.

[N] [S] est intervenue volontairement à l'instance. Elle a conclu au rejet des prétentions des demandeurs aux motifs que son offre d'achat avait été acceptée et que le mandat de vente, qui n'était pas régulier puisque non signé d'[D] [C], ne valait pas offre de vente. Soutenant fautive l'action des demandeurs, elle a demandé paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, ayant été privée de la jouissance du bien depuis l'année 2019.

Par jugement du 9 avril 2021, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de Saintes a statué en ces termes :

'REJETTE l'ensemble des demandes faites lors de la présente instance par Madame [N] [I], Madame [D] [C], Madame [V] [M] et Monsieur [O] [Z] ;

CONSTATE que les assignations délivrées les 11 et 12 avril 2019 ont été publiées à la conservation des hypothèques de [Localité 16] ainsi que la régularité et l'antériorité de la cession en date du 20 mars 2019 intervenue entre Madame [D] [C], Madame [V] [M], Monsieur [O] [Z] d'une part et Monsieur [L] [R] et Madame [P] [F] épouse [R], d'autre part, relative à l'immeuble situé [Adresse 10] à [Localité 14] cadastrée section BY n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9] d'une contenance totale de 12 ares 68 centiares ;

ORDONNE que cette vente se poursuive, y compris de manière forcée ;

CONDAMNE, si l'acte réitératif de la promesse de vente n'est pas signé du fait des défendeurs dans un délai de QUATRE MOIS suivant la signification de la présente décision, Madame [D] [C], Madame [V] [M], Monsieur [O] [Z] à verser à Monsieur [L] [R] et à Madame [P] [F] épouse [R] une astreinte provisoire d'un montant de DEUX CENTS EUROS (200 €) par jour de retard pendant une durée de soixante jours ;

CONDAMNE in solidum Madame [D] [C], Madame [V] [M] et Monsieur [O] [Z] à verser à Monsieur [G] [R] et à Madame [P] [F] épouse [R] la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2.500 €) en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire ;

CONDAMNE in solidum Madame [D] [C], Madame [V] [M] et Monsieur [O] [Z] aux entiers dépens de la présente instance étant précisé que Madame [D] [C] bénéficie de l'aide juridictionnelle totale'.

Il a considéré que :

- le mandat de vente avait été signé des trois indivisaires, peu important qu'[D] [C] ait signé sur un feuillet séparé ;

- dès lors que l'offre d'achat était conforme aux termes du mandat, la vente était parfaite ;

- les demandeurs s'étaient portés acquéreurs aux conditions du mandat de vente ;

- l'offre d'achat de [N] [S] n'avait été acceptée que le 27 mars 2019, postérieurement à l'acceptation des demandeurs ;

- ceux-ci étaient dès lors fondés à solliciter que la vente soit réitérée par acte authentique.

[D] [W] veuve [C] est décédée le 2 avril 2021, laissant pour lui succéder [O] [Z], [J] [Z], [X] [M] et [V] [M], ses enfants.

Par déclaration reçue au greffe le 26 mai 2021, [N] [S] a interjeté appel de ce jugement.

Elle a assigné devant la cour les héritiers de la défunte.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2022, elle a demandé de :

'Dire et juger Madame [N] [S] recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

A titre principal :

Réformer le jugement entrepris en ce que le Tribunal a :

- rejeté l'ensemble des demandes faites lors de la présente instance par Madame [N] [I], Madame [D] [C], Madame [V] [M] et Monsieur [O] [Z] ;

- constaté que les assignations délivrées les 11 et 12 avril 2019 ont été publiées à la conservation des hypothèques de [Localité 16] ainsi que la régularité et l'antériorité de la cession en date du 20 mars 2019 intervenue entre Madame [D] [C], Madame [V] [M], Monsieur [O] [Z] d'une part et Monsieur [L] [R] et Madame [P] [F] épouse [R], d'autre part, relative à l'immeuble situé [Adresse 10] à [Localité 14] cadastrée section BY n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9] d'une contenance totale de 12 ares 68 centiares ;

- ordonné que cette vente se poursuive, y compris de manière forcée;

- condamné, si l'acte réitératif de la promesse de vente n'est pas signé du fait des défendeurs dans un délai de QUATRE MOIS suivant la signification de la présente décision, Madame [D] [C], Madame [V] [M], Monsieur [O] [Z] à verser à Monsieur [L] [R] et à Madame [P] [F] épouse [R] une astreinte provisoire d'un montant de DEUX CENTS EUROS (200 €) par jour de retard pendant une durée de soixante jours ;

- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire ;

Statuant à nouveau,

Vu l'article 373 alinéa 2 du CPC et le décès de Madame [D] [W] veuve [C] survenu le 2 avril 2021 : constater la reprise de l'instance d'appel,

En conséquence, dire et juger l'arrêt à intervenir opposable à :

- Monsieur [O] [Z],

- Madame [J] [Z],

- Monsieur [X] [M],

- Madame [V] [M].

Tout ceux-ci pris es qualité d'héritiers de feue [D] [C],

Juger que Monsieur [O] [Z] fait totalement siennes la position adoptée et l'argumentation développée par Madame [N] [S],

Débouter M. [L] [R] et Mme [P] [F] épouse [R] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Vu les articles 1 à 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 72 du décret 72-778 du 20 juillet 1972,

Juger que le contrat du 7 février 2019 confié à l'agence ORPI constitue une simple convention d'entremise,

A titre subsidiaire :

Vu les articles 1101, 1102, 1104, 1113 alinéa 1er, 1114, 1128, 1153 à 1161, 1193, 1582, 1583 et 1988 du Code Civil,

Juger que les consorts [C] ont émis une pollicitation concernant la vente de leur habitation sise [Adresse 10] à [Localité 14] moyennant le prix de 180 000 €, acceptée le 5 mars 2019 par Mme [S],

En conséquence,

Juger que le contrat de vente a été définitivement et irrévocablement conclu entre les parties à cette date,

Juger subséquemment que les époux [R] ne peuvent donc pas valablement s'opposer à la régularisation du contrat de vente conclu entre Mme [N] [S], d'une part et, d'autre part, Mme [D] [C] veuve de feu [U] [C] aux droits de laquelle se trouvent aujourd'hui tant en leur nom personnel qu'es qualité d'héritier de celle-ci : Monsieur [O] [Z], Madame [J] [Z], Monsieur [X] [M] et Madame [V] [M].

En tout état de cause :

Condamner in solidum les époux [R] à réaliser à leurs frais la formalité nécessaire auprès du Service de publicité foncière de [Localité 16] pour radier la publication de leur assignation du 11 avril 2019, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

Vu l'article 1240 du Code Civil,

Condamner in solidum les époux [R] au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,

Les condamner sous la même solidarité au paiement de la somme de 5 000  € par application de l'article 700 du CPC,

Les condamner enfin, toujours sous la même solidarité, aux entiers frais et dépens, lesquels seront recouvrés par la SELARL LEXAVOUE POITIERS en vertu de l'article 699 du CPC'.

Elle a soutenu que :

- le mandat consenti à l'agence immobilière ne valait pas offre de vente puisque n'ayant pas comporté les mentions nécessaires pour un tel mandat spécial ;

- l'agent immobilier n'avait pas reçu le pouvoir d'engager les vendeurs ;

- ce mandat, consenti sans exclusivité, n'interdisait pas aux vendeurs de rechercher un acquéreur ;

- la vente avait été convenue le 5 mars 2019, antérieurement à l'émission par les demandeurs de leur offre d'achat ;

- le défaut d'information immédiat de l'agent immobilier n'était pas sanctionné;

- le mandat était inopposable à [D] [C] qui n'y avait pas consenti.

Elle a ajouté que le mandat aurait dû être inscrit sous deux numéros distincts au registre des mandats puisqu'ayant pu avoir été accepté à des dates différentes.

Elle a sollicité l'indemnisation du préjudice subi à raison de l'obstruction selon elle fautive des époux [L] [R] et [P] [F].

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, [O] [Z] a demandé de :

'Vu l'appel inscrit au nom de Madame [N] [I] sous le N° RG 21/01663

Vu les conclusions notifiées par Madame [N] [I] au soutien de son appel.

Juger que Monsieur [Z] fait totalement siennes la position adoptée et l'argumentation développée au nom de Madame [N] [I].

Condamner in solidum les époux [R] à verser une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Condamner les époux [R], aux entiers frais et dépens'.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2022, les époux [L] [R] et [P] [F] ont demandé de :

'Vu les articles 1104, 1118, 1121,1583 et 1589 du Code civil,

Vu l'article 72 du décret 72-768 du 20 juillet 1972 pris pour l'application de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet,

Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

[...]

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire de SAINTES en date du 9 avril 2021 ;

Y ajoutant,

- Condamner les consorts [C], [M] et [Z] sous astreinte complémentaire de 1.000 € par jour de retard à comparaître par devant le notaire chargé de la rédaction de l'acte de vente, l'astreinte commençant à courir à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- Condamner Madame [N] [S] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;

- La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Henri-Noël GALLET en vertu des dispositions de l'article 699 du CPC'.

Ils ont maintenu :

- avoir accepté purement et simplement l'offre de vente faite par l'intermédiaire de l'agence immobilière ;

- que le mandat de vente était régulier, [D] [C] ayant valablement pu y consentir séparément ;

- qu'il n'avait pas lieu, s'agissant du même mandat, qu'il soit enregistré sous un numéro différent ;

- que le mandat n'était pas qu'un contrat d'entremise.

Ils ont ajouté qu'il n'était pas justifié de l'antériorité de l'acceptation de l'appelante, le document produit sur papier libre n'ayant pas date certaine.

Ils ont contesté toute obstruction fautive de leur part.

[V] [M] et [X] [M], tous deux cités à personne, et [J] [Z], citée en l'étude de l'huissier de justice ayant instrumenté, n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est du 21 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - SUR UNE ERREUR MATÉRIELLE

L'article 462 du code de procédure civile dispose que 'les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande'.

[N] [S] a été dénommée [E] en page 8 du jugement. Cette erreur sera réparée ainsi qu'il suit.

B - SUR LE MANDAT DE VENTE

1 - sur la validité du mandat

L'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce dispose que :

'II-Entre la personne qui se livre à l'activité mentionnée au 7° de l'article 1er et son client, une convention est établie par écrit. Cette convention dont, conformément à l'article 1325 du code civil, un original est remis au client précise les caractéristiques du bien recherché, l'ensemble des obligations professionnelles qui incombent au professionnel mentionné au présent alinéa, la nature de la prestation promise au client et le montant de la rémunération incombant à ce dernier. Elle précise également les conditions de remboursement de tout ou partie de la rémunération lorsque la prestation fournie au client n'est pas conforme à la nature promise dans ladite convention.

Les conditions et les modalités d'application de la mesure de remboursement partiel ou total prévue au premier alinéa du présent II sont définies par décret'.

L'article 79-1 alinéas 2 à 4 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dispose que :

'Cette convention précise son objet, sa durée, la description du bien ou des biens sur lesquels elle porte. S'il est prévu une rémunération à la charge du propriétaire ou du titulaire de droits sur le bien, elle indique le montant de cette rémunération. Elle prévoit les moyens à mettre en oeuvre par l'une et l'autre des parties afin que ne figurent dans le fichier ou sur la liste que des biens disponibles au regard de son objet.

Toutes les conventions prévues au présent article sont mentionnées par ordre chronologique sur un registre spécial conforme à un modèle fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie.

Le numéro d'inscription sur ce registre spécial est reporté sur celui des exemplaires de la convention qui reste en la possession du propriétaire du bien ou du titulaire de droits sur ce bien'.

Au cas d'espèce, [D] [C], [V] [M] et [O] [Z] ont consenti à la société européenne de transactions immobilières (Seti) exerçant sous l'enseigne Orpi Seti [Localité 14] un 'mandat de vente sans exclusivité n° 7961". Ce mandat est en date du 7 février 2019. Il a été consenti sur deux formulaires identiques, datés du même jour et portant le même numéro de mandat, par [V] [M] et [O] [Z] d'une part, [D] [C] d'autre part.

Aucune disposition n'impose que figurent sur un même feuillet les signatures de l'ensemble des mandants, dès lors que les documents soumis à leur signature sont établis en termes identiques, ni que ces feuillets comportent des numéros de mandat distinct s'agissant du même mandat.

Le mandat été consenti pour une durée déterminée.

Il n'est lors justifié d'aucune clause affectant la validité ou l'effectivité du mandat consenti à l'agence immobilière.

2 - sur l'objet du mandat

Le mandat consenti à l'agence Orpi stipule en page 1 que :

'Désignation du ou des biens :

Le vendeur confère à l'Agent immobilier, avec faculté de délégation, le mandat de vendre le ou les biens ou droits immobiliers suivants

Une maison située [Adresse 10]

[...]

Prix de vente Honoraires :

Prix de vente 180 000 euros hors honoraires

En cas de réalisation de l'opération, les honoraires de l'agent immobilier ORPI, à la charge de l'acquéreur, sont de 9 000 euros forfaitaires TTC.

Prix de vente honoraires inclus (prix affiché) 189 000 euros'.

En page 2, il a été convenu que :

'Moi, vendeur

[...]

3. Je m'engage à vendre le bien objet du mandat à tout acquéreur présenté par les agences du réseau ORPI aux prix, charges et conditions du mandat ou de ses avenants et m'interdis de le vendre sans le concours de l'Agent immobilier ORPL un acquéreur qu'il m'aura présenté ou signalé.

[...]

5. Je m'oblige, si je vends sans l'intermédiaire de l'agent Immobilier ORPI, à lui communiquer immédiatement, la date et le prix de la vente, les nom et adresse de l'acquéreur et du notaire chargé d'établir l'acte de vente et, le cas échéant, de l'intermédiaire qui aura permis sa conclusion'.

Il convient dès lors de rechercher si la vente avec l'appelante avait été convenue avant que ne se manifestent les époux [L] [R] et [P] [F] auprès de l'agence immobilière afin d'acquérir le bien mis en vente.

B - SUR UNE VENTE

1 - sur les relations entre les vendeurs et l'appelante

Le mandat de vente est en date du 5 février 2009.

Il y a été stipulé en page 2 que le vendeur : 'autorise l'agent immobilier ORPI à faire toute publicité, sur tous supports, y compris photographiques, à présenter, à faire visiter, à utiliser les informations nécessaires à la geolocalissation de mon bien et, plus généralement, à réaliser toutes actions utiles à la vente de mon bien. Les moyens publicitaires employés par l'agent immobilier ORPI pour diffuser auprès du public les annonces commerciales sont les suivants  le site orpi.com, SeLoger'.

[N] [S] s'est adressée en ces termes aux vendeurs :

'Je, soussignée....m'engage à acheter le bien désigné ci-dessous :

Maison sise [Adresse 10], sur les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9] au cadastre.

L'offre d'achat est faite au prix de 180 000...euros, et sera payée intégralement le jour de la signature de l'acte authentique de vente, offre sans condition suspensive'.

Cet engagement en date du 5 mars 2019, qui ne mentionne pas accepter une offre de vente, est, ainsi que qualifié par l'appelante, une offre d'achat. Cette promesse unilatérale n'engage que l'appelante, jusqu'à son acceptation par les vendeurs.

Cette qualification a été confirmée par [N] [S] qui a dans un courrier en date du 1er avril 2019 adressé à Maître [Y] [A], huissier de justice à [Localité 7] requis par les époux [L] [R] et [P] [F], indiqué que :

'J'ai appris que vous convoquiez Monsieur [O] [Z] et Mesdales (Mesdames) [D] [C] et [V] [M], à propos de la vente de leur bien situé au [Adresse 10].

Je vous informe, si vous ne le saviez pas, que Monsieur [O] [Z] et Mesdales (Mesdames) [D] [C] et [V] [M] se sont engagés à me vendre leur bien en ayant accepté expressément mon offre d'acquisition du 5 mars 2019.

L'acceptation par les vendeurs de cette offre d'achat est en date du 27 mars 2019. Ils ont manuscritement apposé sur cette offre leurs noms, la date et la mention 'lu et approuvée'. Aucun élément des débats ne permet de retenir que cette date du 27 mars 2019 est erronée. L'acceptation est ainsi du 27 mars 2019.

2 - sur les relations entre les vendeurs et les époux [L] [R] et [P] [F]

L'article 1113 alinéa 1er du code civil dispose que : 'Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager'.

L'article 1118 du même code précise que :

'L'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre.

Tant que l'acceptation n'est pas parvenue à l'offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l'offrant avant l'acceptation.

L'acceptation non conforme à l'offre est dépourvue d'effet, sauf à constituer une offre nouvelle'.

L'article 1583 du code civil dispose enfin que la vente : 'est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé'.

Par courrier recommandé en date du 20 mars 2019, transmis par télécopie et courrier électronique en date du même jour, les époux [L] [R] et [P] [F] ont indiqué que :

'J'ai pris connaissance de votre offre de vente portant sur une maison située [Adresse 10]

[...]

cet ensemble étant édifié sur des parcelles cadastrées section BY [Cadastre 9] et BY [Cadastre 8]

[...].

pour un prix de 180.000 € hors honoraires, soit honoraires inclus de 189.000 €.

Je vous informe que n'entendant recourir à aucun prêt j'accepte purement et simplement, sans aucune réserve et condition votre offre au prix soit 180 000 € hors honoraires et 189 000 € honoraires inclus.

Vous trouverez ci-joint à cet effet un chèque C.I.C. n°1188612 d'un montant de 9 000 € correspondant à 5 % du montant du prix de vente libellé à l'ordre de votre compte séquestre

Je vous remercie de bien vouloir m'indiquer par retour du courrier les coordonnées du ou des vendeur(s) et de son notaire afin que la promesse synallagmatique puisse être établie dans les meilleurs délais'.

L'agence immobilière avait pour le compte des vendeurs rendu publique une offre de vente. Celle-ci a été expressément acceptée par les époux [L] [R] et [P] [F]. Cette acceptation a été confirmée par courriel en date du 26 mars 2019 adressé à l'agence immobilière.

Par application des stipulations du contrat de mandat, les vendeurs étaient tenus de vendre le bien à ces acquéreurs qui s'étaient manifestés auprès de l'agence et que celle-ci leur avait présentés. L'agence immobilière a par courrier recommandé en date du 27 mars 2019 dont l'objet était : 'Mise en demeure pour non respect des conditions au mandat de vente', rappelé à [O] [Z], l'un des vendeurs, que : 'conformément aux engagements du mandat de vente que vous avez signé, vous êtes engagé à vendre votre bien, à l'acquéreur que nous vous avons présenté', au cas d'espèce les époux [L] [R] et [P] [F] et non l'appelante.

Il se déduit de ces développements que les époux [L] [R] et [P] [F] avaient, avant acceptation par les vendeurs de l'offre d'achat formulée par l'appelante :

- accepté sans condition l'offre de vente rendue publique par l'agence immobilière ;

- été présentés par celle-ci aux vendeurs.

L'acceptation de l'offre a rendu par application des articles 1113, 1118 et 1583 précités la vente parfaite. À cette date, aucune vente n'était nouée entre l'appelante et les vendeurs, qui n'avaient pas accepté son offre. De plus, les vendeurs étaient par application des stipulations du mandat, tenus de contracter avec les époux [L] [R] et [P] [F] que leur avait présentés l'agence immobilière.

Ces derniers sont dès lors fondés à poursuivre la vente forcée du bien. Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il l'a ordonnée.

3 - sur l'astreinte

L'article L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que : 'Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision'.

L'ancienneté du litige justifie que le montant de l'astreinte prononcée par le tribunal soit porté à un montant de 500 € par jour de retard, le jugement demeurant pour le surplus inchangé sauf à prévoir que c'est à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt, et non plus de celle du jugement, que l'astreinte serait due à défaut de signature de l'acte authentique de vente.

C - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par les vendeurs.

Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits des époux [L] [R] et [P] [F] de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef à l'encontre de l'appelante pour le montant ci-après précisé.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit aux autres demandes présentées sur ce fondement.

D - SUR LES DÉPENS

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante. Ils seront recouvrés par Maître Henri-Noël Gallet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, par défaut et en dernier ressort,

RECTIFIE le jugement du 9 avril 2021 du tribunal judiciaire de Saintes en ce qu'il convient de lire en page 8 '[N] [S]' au lieu de '[N] [I]' ;

CONSTATE la mise en cause de [O] [Z], de [J] [Z], de [X] [M] et d'[V] [M], pris en leur qualité d'héritiers d'[D] [W] veuve [C] décédée le 2 avril 2021 ;

CONFIRME le jugement ainsi rectifié du 9 avril 2021 du tribunal judiciaire de Saintes, sauf en ce que le montant de l'astreinte journalière est porté à 500 € au lieu de 200 € et sauf à préciser que c'est à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt, et non plus de celle du jugement, que l'astreinte serait due à défaut de signature de l'acte authentique de vente ;

CONDAMNE [N] [S] à payer en cause d'appel aux époux [L] [R] et [P] [F] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [N] [S] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Henri-Noël Gallet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01663
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;21.01663 ?
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