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02/03/2023 | FRANCE | N°20/00798

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 02 mars 2023, 20/00798


VC/PR































ARRET N° 97



N° RG 20/00798



N° Portalis DBV5-V-B7E-F7Q2













[L]



C/



COOPERATION AGRICOLE NOUVELLE AQUITAINE





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre sociale



ARRÊT DU 02 MARS

2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 mars 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS





APPELANTE :



Madame [F] [L]

Née le 01 février 1979 à CHATELLERAULT (86)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Ayant pour avocat Me Guillaume ALLAIN, avocat au barreau de POITIERS





INTIMÉE :



COOPERATION AGRICOLE NOUVELLE AQUITAI...

VC/PR

ARRET N° 97

N° RG 20/00798

N° Portalis DBV5-V-B7E-F7Q2

[L]

C/

COOPERATION AGRICOLE NOUVELLE AQUITAINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 02 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 mars 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS

APPELANTE :

Madame [F] [L]

Née le 01 février 1979 à CHATELLERAULT (86)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Guillaume ALLAIN, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

COOPERATION AGRICOLE NOUVELLE AQUITAINE

anciennement dénommée COOP DE FRANCE NOUVELLE AQUITAINE

N° SIRET : 823 634 779

Europarc

[Adresse 2]

[Localité 6]

Ayant pour avocat postulant Me Marie-Odile FAUCONNEAU de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Maxence DUCELLIER de la SELAS ELIGE SOCIAL, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 décembre 2022, en audience publique, devant :

Madame Valérie COLLET, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er janvier 2002, la Fédération régionale des coopératives agricoles Poitou-Charentes, devenue ensuite le Syndicat Coop de France Poitou-Charentes, a engagé Mme [F] [L] en qualité d'employée en comptabilité et opératrice en bureautique.

Mme [L] a par la suite occupé le poste d'assistant réviseur puis d'adjointe au directeur au sein de Coop de France Poitou-Charentes.

A la suite d'une opération de fusion-absorption du 30 mai 2017, à effet rétroactif au 1er janvier 2017, Coop de France Nouvelle Aquitaine a absorbé quatre entités juridiques dont Coop de France Poitou-Charentes.

Par courrier du 19 mai 2017, Coop de France Poitou-Charentes avait informé Mme [L] du transfert de son contrat de travail à effet au 1er juin 2017, sous réserve de l'approbation du traité de fusion, et de la poursuite de son contrat de travail avec son nouvel employeur dans les mêmes conditions.

Par courrier du 21 juin 2017, Coop de France Nouvelle Aquitaine, invoquant la nécessité de procéder à la réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité, a proposé à Mme [L] une modification de son contrat de travail en lui proposant d'occuper le poste de responsable administrative et financière, catégorie cadre, coefficient 570. Mme [L] a refusé cette proposition le 18 juillet 2017.

Par courrier du 7 juillet 2017, Coop de France Nouvelle Aquitaine a présenté une seconde proposition de modification de son contrat de travail à Mme [L] en lui offrant le poste de Secrétaire générale, catégorie Cadre, coefficient 600 à exercer au siège social à savoir à [Localité 6] (33) et non plus à [Localité 7] (86). Mme [L] a refusé cette proposition le 31 juillet 2017.

Par courrier du 1er septembre 2017, Coop de France Nouvelle Aquitaine a convoqué Mme [L] pour un entretien, fixé le 12 septembre 2017, préalable à un éventuel licenciement économique. Le 12 septembre 2017, Mme [L] a reçu un courrier d'information sur le motif du licenciement envisagé et comportant une proposition de contrat de sécurisation professionnelle, qu'elle a refusée.

Le 21 septembre 2017, Coop de France Nouvelle Aquitaine a notifié à Mme [L] son licenciement pour motif économique.

Contestant les motifs de son licenciement et estimant ne pas avoir été payée de l'intégralité des heures supplémentaires et repos compensateurs, Mme [L] a saisi, par requête reçue le 30 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Poitiers en paiement de différentes indemnités et rappels de salaire.

Par jugement du 2 mars 2020, le conseil de prud'hommes a :

- condamné le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [L] la somme de 39.076,86 euros au titre de l'arriéré de salaire afférent aux heures supplémentaires, outre la somme de 3.907,69 euros au titre des congés payés afférents,

- débouté Mme [L] de sa demande au titre du travail dissimulé,

- condamné le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [L] la somme de 7.206,30 euros à titre 'd'indemnité' pour le défaut de repos compensateur,

- dit que le licenciement économique était fondé,

- dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [L] de ses demandes de :

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - dommages et intérêts pour délivrance erronée et tardive de l'attestation Pôle Emploi,

- dommages et intérêts pour privation de la portabilité de la complémentaire collective d'entreprise,

- ordonné l'exécution provisoire 'à 15 jours' après la décision,

- condamné le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [L] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- 'fait droit au paiement d'intérêt de retard au taux légal',

- 'fait droit à la demande de remise des éléments de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour, le conseil se réservant le liquidation de ladite astreinte',

- débouté le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine aux dépens.

Le 24 mars 2020, Mme [L] a interjeté appel du jugement par voie électronique.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Mme [L] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a reconnu une créance au titre des heures supplémentaires non rémunérées et des congés payés afférents et en ce qu'il a condamné le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine à lui payer la somme de 7.206,30 euros à titre d'indemnité pour défaut de bénéfice de repos compensateur,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* a réduit l'arriéré de salaire dû ainsi que le montant des congés payés afférents,

* l'a déboutée de ses demandes au titre du travail dissimulé, du licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de la délivrance erronée de l'attestation Pôle Emploi, au titre de la privation de la portabilité de la complémentaire collective,

* a refusé de fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- Statuant à nouveau,

* condamner Coop de France Nouvelle Aquitaine à lui payer les sommes de :

- 42.418 euros brut à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires non rémunérées,

- 4.241,80 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 37.068 euros brut par application de l'article 8221-5 du code du travail (travail dissimulé par non-déclaration des heures supplémentaires travaillées),

* dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* condamner le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine à lui payer les sommes de :

- 70.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de sa perte d'emploi,

- 1.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour délivrance erronée et tardive d'une attestation Pôle Emploi,

- 2.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour privation de la portabilité de la complémentaire collective d'entreprise,

* condamner le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

* dire que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

* condamner le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la remise d'une attestation Pôle Emploi modifiée et conforme sous 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

* condamner le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine aux dépens,

* débouter le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine de l'ensemble de ses demandes.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine, anciennement dénommée Coop de France Nouvelle Aquitaine, demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [L] les sommes de :

* '30.076,86 euros' (sic) au titre de l'arriéré des heures supplémentaires,

* 3.907,69 euros au titre des congés payés afférents,

* 7.206,30 euros au titre du repos compensateur,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

* débouté Mme [L] de sa demande au titre du travail dissimulé,

* dit que le licenciement économique de Mme [L] était fondé,

* dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

* débouté Mme [L] de ses demandes de dommages et intérêts pour perte d'emploi, pour délivrance erronée et tardive d'une attestation Pôle Emploi et pour privation de la portabilité de la complémentaire collective d'entreprise,

- dire que Mme [L] peut prétendre au paiement des sommes de :

* 5.820,18 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2015 outre 582,02 euros au titre des congés payés afférents,

* 3.756,68 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2016 outre 375,68 euros au titre des congés payés afférents,

* 4.141,20 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2017 outre 414,12 euros au titre des congés payés afférents,

* 35,53 euros au titre du repos compensateur pour l'année 2015 et 3,55 euros au titre des congés payés afférents,

- débouter Mme [L] de ses autres demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] à lui payer la somme de 4.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 12 octobre 2022 lors de laquelle elle a été renvoyée à l'audience du 13 décembre 2022. A cette date, l'ordonnance de clôture a été révoquée à la demande des parties, avant l'ouverture des débats, et une nouvelle clôture a été fixée au 13 décembre 2022. A la suite des plaidoiries, la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 2 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail

A. Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents

Mme [L] rappelle qu'elle était soumise à la durée légale du travail de 151,67 heures par mois, outre 4 heures supplémentaires qui devaient donner lieu à un repos de 22 jours par an. Elle explique qu'au regard de ses missions, elle a travaillé un nombre d'heures bien plus important. Elle reconnaît avoir pu bénéficier de jours de RTT supplémentaires mais affirme que c'était insuffisant au regard du nombre important d'heures de travail effectif réalisé. Elle précise qu'elle devait travailler en soirée, parfois jusqu'à 20h ou 21h.

Se fondant sur l'article L.3245-1 du code du travail, elle soutient que la date de rupture du contrat de travail est celle de la notification du licenciement et non pas du terme de son préavis. Elle ajoute qu'en retenant la date du licenciement, sa demande de paiement des heures supplémentaires du 21 septembre 2014 au 31 décembre 2014 n'est pas prescrite, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.

Elle expose que les décomptes qu'elle produit sont basés sur une durée hebdomadaire de 39 heures avec déduction des RTT. Elle fait observer que le temps de travail que Coop de France Nouvelle Aquitaine a facturé au syndicat national Coop de France, dans le cadre de ses missions CASDAR, correspond à celui figurant sur les décomptes qu'elle produit. Elle affirme qu'il n'y a pas lieu de déduire les heures de pause-déjeuner puisque ces heures n'ont pas été intégrées dans les heures travaillées mentionnées dans les décomptes. Elle déclare avoir toujours déduit ces temps de pause sauf lorsqu'il s'agissait de déjeuners professionnels.Elle ajoute que son temps de déplacement a également été facturé par son employeur ainsi que les frais de déplacement. Elle en conclut qu'il n'y a donc pas lieu de déduire des heures de déplacement sur ses décomptes. Elle ajoute qu'elle n'était pas cadre itinérant.

La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine soutient tout d'abord que le contrat de travail n'a été rompu qu'au terme du préavis de trois mois de sorte qu'en application de l'article L.3245-1 du code du travail, la salariée ne peut pas formuler de demandes de rappel de salaire avant le 26 décembre 2014.

Elle explique ensuite que :

- dans ses décomptes, Mme [L] ne respecte ni les règles de calcul de la durée du travail ni celles découlant de l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 23 octobre 2001,

- le temps de travail hebdomadaire de Mme [L] était de 39 heures par semaine et que 23 jours de RTT lui étaient accordés,

- Mme [L] a ajouté ses temps de repas systématiquement dans son temps de travail alors qu'il ne s'agit pas d'un temps de travail effectif selon les articles L.3121-1 et L.3121-2 du code du travail,

- les décomptes de Mme [L] ne font pas état des horaires de début et de fin de journée, ce qui constitue une faute de sa part dès lors que l'accord d'entreprise du 23 octobre 2011 prévoyait que la salariée devait le faire,

- que les horaires invoqués par la salariée ne sont que des amplitudes qui ne correspondent pas au temps de travail effectif puisqu'il faut en déduire les temps de pause, de repas, de trajets etc.

- les déjeuners avec des collègues ne peuvent pas être considérés comme des temps de travail effectifs et qu'il convient donc de déduire 1 heure par repas journalier,

- Mme [L] ne produit aucun élément pour étayer ses demandes et qu'elle 'massifie' en amplitude journalière pour tout assimiler à du temps de travail effectif y compris ses temps de trajet,

- les articles 6.2 et 9.2 de l'accord de 2001 ne sont pas applicables à Mme [L] qui n'était pas un cadre soumis au forfait jour,

- Mme [L] occupait un poste de non-cadre itinérant au sens des articles 6.3 et 9.3 de l'accord de 2001 de sorte que seuls les temps de trajet excédant 2 heures par jour pouvaient être intégrés dans le temps de travail effectif et qu'à défaut d'application de ce texte, il convient d'extraire la totalité des temps de trajet des calculs de Mme [L],

- de nombreux temps inscrits par Mme [L] ne sont pas crédibles, des temps de travail ou de formation étant majorés et des déplacements pour les AG ou CA surévalués,

- les calculs de Mme [L] intègrent les heures de congés payés et les jours RTT dans le temps de travail effectif pour effectuer le calcul des heures supplémentaires, ce qui a majoré les demandes,

- le précédent directeur de Mme [L], M. [E], a déjà pris en compte et réglé les heures supplémentaires de la salariée. Ainsi, en juin 2015, elle a perçu une prime exceptionnelle de 7.260 euros brut ce qui représente le paiement de 275 heures supplémentaires au taux majoré de 25 %. En février 2017, elle a perçu une prime de 4.000 euros brut par référence au temps passé par la salariée sur ses dossiers en 2016, ce qui représente 151 heures supplémentaires au taux majoré de 25 %,

- M. [E] et Mme [L] ont porté préjudice à Coop de France par leurs 'pratiques occultes' puisque la jurisprudence considère effectivement que le versement de primes ne peut valoir comme paiement d'heures supplémentaires,

- il ne doit pas être tenu compte de la facturation des prestations de service pour calculer les heures supplémentaires de la salariée, les décomptes de temps de travail ne servant qu'à formaliser la facturation au titre des journées de travail sur la base d'un forfait journalier de 420 euros,

- elle ne se faisait pas rembourser le salaire des heures payées à Mme [L] au titre de ces prestations ni les charges sociales ni les congés payés,

- elle a procédé à un nouveau calcul sur la base des temps annoncés par Mme [L] en déduisant 1h de pause déjeuner par jour ainsi que les temps de trajet dans la limite de 2 heures par jour et en décomptant les heures supplémentaires au-delà de 39 heures par semaine.

****

En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, "en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable".

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-2 al. 1 (imposant à l'employeur l'établissement des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, hors horaire collectif), de l'article L. 3171-3 (imposant à l'employeur de tenir à disposition de l'inspection du travail lesdits documents et faisant référence à des dispositions réglementaires concernant leur nature et le temps de leur mise à disposition) et de l'article L. 3171-4 précité, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il est précisé que les éléments apportés par le salarié peuvent être établis unilatéralement par ses soins, la seule exigence posée étant qu'ils soient suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre.

Enfin, selon l'article L.3245-1 du code du travail : 'L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.'

En l'espèce, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes en avril 2018 alors que son licenciement lui avait été notifié le 21 septembre 2017. Cette dernière date constitue celle de la rupture de son contrat de travail au sens de l'article L.3245-1 précité, à défaut pour la salariée d'avoir adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, puisqu'il s'agit de la date à laquelle son employeur a manifesté sa volonté de mettre fin à la relation contractuelle. Dans la mesure où Mme [L] a saisi la juridiction prud'homale dans un délai de trois ans à compter de la rupture de son contrat de travail, elle est recevable à présenter une demande de rappel de salaire à compter du 21 septembre 2014.

Sur le fond, Mme [L] produit :

- la lettre du 18 décembre 2001 confirmant son embauche à compter du 1er janvier 2002 et fixant son poste de travail à [Localité 7],

- le courrier du 7 juillet 2017 de Coop de France Nouvelle Aquitaine lui proposant une modification de son contrat de travail portant non seulement sur le poste mais également sur le lieu de travail pour le fixer à [Localité 6],

- un mail de M. [A] [E], directeur de Coop de France Poitou-Charentes, du 20 avril 2015 dans lequel il propose à Mme [L] plusieurs étapes pour 'la récupération des jours sur la suite de l'année 2015' afin de faire face aux 'craintes en matière de dérive de temps' exprimés par la salariée. Il lui a ainsi proposé :

'- mai 2015 : 3 semaines de congés à un mois,

- juin 2015 : 3 semaines de congés à un mois,

- juillet et août : 6 à 8 semaines de congés,

puis :

- 1 jour de récupération en moyenne par semaine entre septembre et décembre,

- contrôle des heures de fin d'année : objectif 1600h maximum de travail en 2015,

- contrôle par mois et priorisation des tâches avec FP début de mois,

- sur les années 2016 prise de 55 jours CP, RTT par an minimum et maxi 1800 h de travail (sauf accord particulier)',

- un mail de M. [E] du 26 avril 2015, ayant pour objet 'éléments fixés' mentionnant notamment : 'mise en oeuvre de tes congés de façon à éviter les dérives : pour 2015, du 1er mai au 11 mai, du 14 mai au 27 mai, au moins 10 jours en juin, 3 semaines en juillet et 4 semaines en août et environ 2 semaines entre septembre et octobre. Un jour par semaine (RTT ou CP) sur la fin d'année. Pour 2016, au moins 55 jours de CP et on vise 1800h travaillées sur l'année. Côté charge de travail : point régulier avec moi (mensuel), de façon à détecter précocement d'éventuelles dérives et à mettre en place de façon coordonnée des mesures correctrices si besoin.',

- une vingtaine de mails professionnels qu'elle a envoyés entre 19h et 21h en 2016/2017,

- l'attestation de M. [B] [S], directeur de Coop France Centre, qui explique que le temps passé par Mme [L] au titre de ses missions à [Localité 4] ou pour des interventions dans les formations administrateurs était très important mais conforme à la réalité, que lors de suivi de dossiers à distance par téléphone, Mme [L] était au bureau régulièrement jusqu'à 20h ou 21h, qu'il était conscient, comme M. [E], de 'l'importance des heures supplémentaires faites chaque année par Mme [L]', que des 'mesures de soulagement' ont été mises en oeuvre mais sans grande efficacité,

- l'attestation de M. [G] [P], responsable hygiène, sécurité, environnement, qui évoque 'le nombre très important d'heures qu'elle pouvait effectuer' et que 'les journées de 8 heures n'étaient pas vraiment son habitude, bien au contraire',

- l'attestation de Mme [I] [H], agricultrice mais également présidente de la Fédération Coop de France Poitou-Charentes puis de Coop de France Nouvelle Aquitaine jusqu'en juin 2017, qui indique 'qu'il y avait un dépassement de temps dans la fédération concernant Mme [F] [L], faits connus par M. [A] [E] directeur puis par son successeur M. [C] [X]',

- les fiches 'gestion du temps' de 2014 à 2017, renseignées par Mme [L] à destination de son employeur, mentionnant jour par jour, l'activité, le lieu de l'activité, le 'temps passé', sur la base desquelles elle a élaboré ses tableaux récapitulatifs,

- un tableau récapitulatif (pièce 53) des heures supplémentaires réalisées de la semaine 39 à la semaine 52 pour l'année 2014, puis semaine par semaine pour les années 2015, 2016 et 2017, précisant pour chaque semaine : le nombre d'heures travaillées (hors CP et RTT) - le nombre d'heures supplémentaires sur la base d'une semaine de 39h - le nombre d'heures supplémentaires majorées à 25 % ainsi que leur montant - le nombre d'heures supplémentaires majorées à 50 % ainsi que leur montant,

- des tableaux annuels (pièces 26 à 29) pour les années 2014, 2015, 2016, 2017 mentionnant semaine par semaine, le nombre d'heures travaillées hors CP et RTT - le nombre d'heures de CP/RTT - le nombre d'heures total - le nombre d'heures supplémentaires majorées à 25 % (calculé sur la base d'une semaine de 35h) - le nombre d'heures supplémentaires majorées à 50 % (calculé sur la base d'une semaine de 35h), ainsi que leur montant,

- la convention de prestation de services entre Coop de France et Coop de France Poitou-Charentes, présidé par Mme [I] [H], aux termes de laquelle :

* Coop de France Poitou-Charentes s'engage à participer à des actions pour la mise en oeuvre du programme 775 du Casdar, moyennant une rémunération de 420 euros par jour HT pour la prestation de service effectué par un agent de Coop de France Poitou-Charentes,

* la fédération représentée par M. [E] s'engage à fournir à Coop de France un relevé du temps passé par action et par agent, accompagné du descriptif des principales réalisations dans le cadre du programme Casdar au 31 janvier 2017,

- les relevés de temps de travail dans le cadre du Casdar qui mentionnent le même nombre d'heures travaillées que dans les fiches 'gestion du temps',

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine produit :

- l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 23 octobre 2001 qui prévoit :

* une durée hebdomadaire de travail de 39 heures et 23 jours de RTT par an,

* en ses articles 6.2 relatif aux modalités de réduction du temps de travail des cadres et 6.3 relatif aux modalités de réduction du temps de travail des non-cadres itinérants que dans les deux cas, ces salariés bénéficient de la réduction du temps de travail, que leurs fonctions se déroulent pour l'essentiel/majoritairement, en interventions extérieures, qu'ils disposent d'une large autonomie dans leur organisation de travail et qu'ils n'ont pas l'obligation de passer chaque jour au siège de l'entreprise pour partir en mission,

* en son article 9.2 relatif aux cadres que : 'les interventions extérieures des cadres comprennent à la fois l'exercice de la mission proprement dite et les temps de déplacements inhérents à leurs fonctions. Afin de vérifier le respect des durées quotidiennes et hebdomadaires de repos, les heures de début et de fin de journée seront enregistrées. Le bordereau d'enregistrement permettra, en outre, le décompte du nombre des journées de travail. A l'issue de chaque période mensuelle, un état récapitulatif est réalisé. ...afin de maîtriser le cumul des jours travaillés, un point trimestriel continu est réalisé entre le Directeur et chaque cadre pour récupérer, le cas échéant, sur 3 mois.',

* en son article 9.3 relatif aux non-cadres itinérants que 'la durée du travail en interventions extérieures des non-cadres itinérants s'entend du temps de travail effectif s'écoulant entre le début et la fin de la journée de travail, quel que soit le lieu où il s'exécute dans la région, à l'exclusion de l'arrêt consacré au repas du midi. Ces salariés restent soumis aux règles légales en matière d'amplitude quotidienne et hebdomadaire du temps de travail effectif. Le décompte du temps de travail est effectué en heures, à partir d'un enregistrement journalier tenu par chaque intervenant. Il y mentionne notamment son horaire de début d'intervention telle que définie au paragraphe 1. Les trajets effectués par le salarié afin de se rendre à son lieu de travail (bureau ou entreprise) ne sont pas du temps de travail effectif, dans la limite de 2 heures par jour (aller-retour). Au-delà, le temps est réputé travaillé.',

- un tableau récapitulatif (pièce 45) établi par l'employeur sur la base des heures de travail indiquées par Mme [L] mais en déduisant 1h de temps de repas par jour travaillé ainsi que les déplacements professionnels dans la limite de 2h par jour en application de l'article 9.3 de l'accord de 2001, ce tableau faisant apparaître in fine, selon les calculs de l'employeur, le nombre d'heures supplémentaires majorées à 25% et le nombre d'heures supplémentaires majorées à 50%, année par année entre 2015 et 2017 et semaine par semaine,

- un tableau (pièce 45 bis) des trajets pris en compte dans la limite de deux par jour en prenant comme point de départ [Localité 7] et comme point d'arrivée les différents lieux de mission de Mme [L], ce tableau distinguant le temps de trajet aller retour et le temps de trajet intégré dans le calcul des heures supplémentaires selon l'employeur,

- les fiches 'gestion du temps' 2015 révélant que Mme [L] a pris ses 5 semaines de congés payés et ses RTT mais aucune récupération d'heures supplémentaires,

- le compte-rendu d'une réunion du 9 mars 2016 'CDF ALPC-Dossier Fusion' dont l'objet était 'sur la base du rapport social, d'identifier les problématiques particulières des structures au regard du projet de fusion' qui fait état de :

* 'il a été relevé l'absence totale de documents de décompte du temps de travail pour les salariés = risque prudhommal majeur de demande de rappel de salaire au titre d'éventuelles heures supplémentaires (surtout pour les salariés itinérants)',

* 'le chiffrage des coûts sociaux a mis en avant l'octroi de primes pour certains salariés...Mme [F] [L] : outre un changement de coefficient en juin 2015 (passage d'un coefficient de 530 à 570 5 branches, un changement d'intitulé de fonction (passage de responsable d'activités à adjointe au Directeur), le tout sans avenant au contrat de travail, bénéfice d'une prime de 7260 € bruts en juin 2015. Cette prime ne semble pas être liée au paiement (illégal toutefois) de congés payés acquis mais non pris. A quel titre cette prime a-t-elle été versée'',

- un document (pièce 34) intitulé 'Prime 2016 [F] [L]' signé par M. [E] le 21 février 2017 indiquant que la 'prime de 4 000 € bruts concernant [F] [L] correspond à son implication très forte sur l'ensemble de l'exercice 2016, difficile de par le processus de fusion et, en particulier : le respect des délais imposés, tant dans le premier trimestre que sur le second semestre (..), la reprise directe de la saisie comptable concernant CDFL ainsi que la responsabilité sur certains dossiers (...) ont engendré un surcroît de travail et de responsabilités. Par ailleurs, cet état de fait n'a pas permis de mettre en oeuvre le planning d'apurement des congés payés signé entre la salariée et la Fédération. La compensation est mise en oeuvre sous forme de prime exceptionnelle, les résultats financiers de la fédération étant par ailleurs positifs',

- le bulletin de salaire du mois d'avril 2017 de Mme [L] faisant apparaître le paiement de la prime exceptionnelle de 4 000 euros bruts,

- la facture du 31 décembre 2017 de Coop de France Nouvelle Aquitaine à Coop de France mentionnant des prestations facturées à la journée pour le programme Casdar.

La cour observe tout d'abord que le principe de l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées ne fait plus débat entre les parties et que la seule discussion qui subsiste porte sur le calcul du nombre d'heures supplémentaires non rémunérées entre le 21 septembre 2014 et le 31 octobre 2017, dernier jour de travail effectif de Mme [L].

La cour relève ensuite que le tableau sur lequel reposent les demandes de Mme [L] (pièce 53) et le tableau sur lequel reposent les calculs de la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine (pièce 45) sont tous les deux établis sur la base du même nombre d'heures de travail hebdomadaire effectif déclaré par la salariée et sur la base de 39 h de travail effectif hors congés payés et RTT, l'employeur ayant ensuite déduit 1h de temps de repas quotidien ainsi que les temps de déplacements professionnels réalisés par Mme [L].

Ainsi, pour la période du 21 septembre 2014 au 31 décembre 2014, Mme [L] retient 120 heures supplémentaires non rémunérées tandis que l'employeur n'a procédé à aucun calcul. Pour l'année 2015, Mme [L] retient 509 heures supplémentaires tandis que l'employeur n'en retient que 223,5. Pour l'année 2016, Mme [L] retient 437 heures supplémentaires tandis que l'employeur n'en retient que 141. Enfin, pour l'année 2017, Mme [L] retient 381 heures supplémentaires tandis que l'employeur n'en retient que 136,5.

S'agissant de la prise en compte des temps de déplacements professionnels dans le temps de travail effectif, il n'est pas contesté que Mme [L] était employée en qualité d'adjointe au directeur avec le statut cadre et que le poste précédent lui conférait également le statut cadre. Par conséquent, il est inopérant pour la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine de soutenir que Mme [L] devait être soumise au statut des non-cadres itinérants tel que visé dans l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail du 31 octobre 2001. De plus, si Mme [L] ne peut effectivement pas prétendre aux modalités de réduction du temps de travail des cadres telles que mentionnées dans l'accord de 2001 à défaut d'avoir signé un avenant à son contrat de travail pour mettre en place une convention de forfait jours, il n'en reste pas moins que l'article 9.2 dudit accord lui reste applicable puisqu'il concerne le temps de travail des cadres sans distinction entre les cadres soumis au forfait et les cadres non soumis au forfait. Il s'avère donc que 'les temps de déplacements inhérents aux fonctions' de Mme [L] doivent être compris dans 'les interventions extérieures' au même titre que 'l'exercice de la mission proprement dite'. C'est donc tout à fait vainement que la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine soutient que seuls les temps de trajets supérieurs à 2 heures par jour peuvent être pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires voire qu'aucun temps de trajet ne pourrait être considéré comme du temps de travail effectif.

S'agissant des temps de repas, c'est aussi vainement que l'employeur soutient qu'il faut déduire des décomptes de la salariée une heure de repas quotidien sur toute la période travaillée. En effet, Mme [L] qui a produit des éléments suffisamment précis à son employeur mentionnant jour par jour le nombre d'heures qu'elle prétend avoir travaillé, explique qu'elle n'a pas intégré aux heures de travail déclarées les temps de pause déjeuner en dehors de ceux qui pouvaient être considérés comme du temps de travail effectif, en application de l'article L.3121-3 du code du travail. Or, la cour constate que non seulement l'employeur ne rapporte pas la preuve que Mme [L] a pu prendre une pause déjeuner de 1 heure par jour travaillé mais qu'il ne justifie pas non plus des horaires de travail quotidien de sa salariée alors que pesait sur lui l'obligation d'établir des décomptes de la durée de travail de Mme [L]. En l'absence de système de contrôle de la durée du travail mis en place dans l'entreprise, ce qui avait d'ailleurs été relevé lors de la réunion du 9 mars 2016 'CDF ALPC-Dossier Fusion', il ne peut qu'être observé que l'employeur ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les éléments précis et circonstanciés produits par la salariée qui déclare ne pas avoir compté ses pauses déjeuner en déclarant ses heures de travail effectif.

Ainsi, après avoir analysé les éléments produits par chacune des parties, la cour considère que Mme [L] a effectivement accompli des heures supplémentaires non rémunérées dans les proportions qu'elle invoque. Il est noté que les parties ont réalisé leurs calculs respectifs sur la base des mêmes taux horaires de sorte qu'il n'existe aucune contestation de ce chef et que Mme [L] ne sollicite le paiement que des heures supplémentaires accomplies au-delà de la 39ème heure de travail hebdomadaire. Par conséquent, il y a lieu de faire droit aux demandes de la salariée et de condamner la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine à lui payer la somme de 42.418 euros bruts à titre de rappel de salaire outre la somme de 4.241,80 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ces chefs.

B. Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé

Mme [L] soutient qu'il est établi qu'elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires et fait valoir que son employeur ne le conteste plus. Elle ajoute que son employeur avait connaissance de l'existence et de l'ampleur des heures supplémentaires accomplies. Elle en conclut que c'est en toute connaissance de cause que Coop de France Nouvelle Aquitaine n'a pas déclaré l'intégralité des heures qu'elle a travaillées. Elle fait observer qu'aucun système de compensation licite n'a été mis en place. Elle insiste enfin sur le fait que ses heures supplémentaires n'ont pas été rémunérées par le paiement de primes, ces dernières n'étant que la contrepartie des résultats du syndicat.

La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine affirme n'avoir découvert les demandes en paiement d'heures supplémentaires qu'à la suite de la réception de la saisine du conseil de prud'hommes. Elle indique que l'audit effectué dans l'entreprise en 2016 n'a pas relevé l'existence d'heures supplémentaires, Mme [L] n'ayant rien réclamé à cette occasion. Elle fait valoir que les décomptes de Mme [L] ont été dissimulés avant la fusion, lors de l'audit, et que le nouveau directeur ne pouvait pas en avoir connaissance puisqu'il n'a pris ses fonctions que le 1er juin 2017. Elle rappelle que Mme [L] était en charge de l'établissement des bulletins de paie du personnel dont les siens. Elle affirme que Mme [L] n'a jamais transmis à sa direction ou aux commissaires aux comptes ses décomptes dans le cadre du traitement de son salaire et de demandes d'heures supplémentaires. Elle soutient que si les commissaires aux comptes avaient eu connaissance des relevés d'heures comme le prétend Mme [L], ils n'auraient pas manqué d'être attentifs à ce que les rubriques idoines soient remplies. Elle ajoute qu'aucune des pièces de la comptabilité ne font apparaître l'existence d'heures supplémentaires, qu'en juin 2017 lors de l'entretien avec le nouveau directeur, Mme [L] n'a pas évoqué d'heures supplémentaires. Elle en conclut que la salariée ne peut pas sérieusement reprocher à son employeur une dissimulation d'heures supplémentaires alors qu'elle ne lui en avait pas fait état, soulignant que Mme [L] gérait seule son emploi du temps de sorte qu'elle était la seule à pouvoir identifier les dépassements de la durée contractuelle du travail. Elle fait valoir qu'entre 2015 et 2017, son précédent directeur lui avait déjà réglé des arriérés d'heures supplémentaires par le versement de primes. Elle déclare enfin n'avoir eu aucune volonté de dissimuler des hypothétiques heures supplémentaires.

****

Selon l'article L.8221-5 du code du travail :

'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'

Il est par ailleurs rappelé qu'en application des articles L.1224-1 et L.1224-2 du code du travail, tous les contrats de travail en cours au jour de la fusion absorption sont transférés au nouvel employeur qui est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification.

En l'espèce, la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine soutient en vain qu'elle ignorait l'existence d'heures supplémentaires accomplies par Mme [L] puisqu'elle n'est devenue son employeur que le 1er juin 2017 puisqu'en application des articles L.1224-1 et L.1224-2 précités, le nouvel employeur est tenu des obligations de l'ancien employeur. Il ne peut, en outre, être sérieusement reproché à Mme [L] d'avoir dissimulé à son employeur l'existence d'heures supplémentaires alors qu'au regard des pièces examinées par la cour au titre de la demande de rappel de salaire, il s'avère que l'employeur avait parfaitement connaissance du fait qu'elle dépassait très régulièrement son temps de travail hebdomadaire de 39h. En effet, l'employeur était destinataire des fiches de gestion du temps renseignées par la salariée, ayant servi à l'élaboration des tableaux récapitulatifs dans le cadre de la présente instance. L'employeur avait également conscience, à la suite de l'audit, en mars 2016, du fait qu'en l'absence de tout système de décompte du temps de travail, le 'risque prud'homal' était élevé. De même, les attestations des autres salariés produits aux débats par Mme [L] ainsi que les mails de M. [E] démontrent que tout le monde savait que cette salariée travaillait au-delà de ses horaires habituels, au point que des solutions pour la décharger avaient été recherchées sans que cela n'aboutisse à une véritable réduction de son temps de travail.

Le nombre important d'heures supplémentaires réalisées mais non rémunérées sur la période du 21 septembre 2014 au 31 octobre 2017, que l'employeur ne pouvait pas ignorer, permet de considérer que c'est de manière intentionnelle qu'il n'a pas rémunéré sa salariée, qu'il n'a pas établi les bulletins de paie en conséquence et qu'il n'a pas payé les cotisations sociales afférentes, le versement de primes exceptionnelles étant inopérant tout comme le fait que Mme [L] ait pu être en charge de l'établissement des bulletins de salaire.

Par conséquent, et en l'absence de toute discussion sur les modalités de calcul de l'indemnité réclamée, il convient de condamner la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [L] la somme de 37.068 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé en application de l'article L.8223-1 du code du travail.

C. Sur la demande de rappel de salaire au titre des repos compensateurs

Mme [L] affirme avoir réalisé 417,5 heures supplémentaires en 2015, 579,5 heures supplémentaires en 2016 et 557,5 heures supplémentaires en 2017, de sorte que sur ces trois années, le contingent annuel de 220 heures a été dépassé et a ouvert droit à des repos compensateurs dont elle n'a jamais pu bénéficier.

La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine estime que le nombre d'heures supplémentaires réalisé chaque année ne permet de retenir un dépassement du contingent annuel que sur la seule année 2015 pour 35,53 euros.

****

La contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent de 220 heures prévu aux deux derniers alinéas de l'article L. 3121-11 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, est fixée à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés. L'article L.3121-38 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 reprend les mêmes dispositions.

En l'espèce, Mme [L] réclame le paiement des heures travaillées au-delà du contingent annuel pour les années 2015, 2016 et 2017. Cependant, le nombre d'heures supplémentaires dont elle fait état dans la partie discussion de ses conclusions n'est pas concordant avec celui figurant dans le tableau (pièce 53) sur lequel elle fonde ses prétentions. De même, dans la partie discussion de ses conclusions, elle sollicite le paiement de la somme de 9.464 euros au titre du repos compensateur alors que dans le dispositif de ses mêmes conclusions, elle sollicite la confirmation du jugement qui lui a accordé la somme de 7.206,30 euros. La cour rappelle à cet égard qu'elle n'est saisie que des prétentions figurant au dispositif des conclusions des parties, en application de l'article 954 du code de procédure civile et qu'elle a précédemment retenu que Mme [L] avait accompli 509 heures supplémentaires en 2015, 437 heures supplémentaires en 2016 et 381 heures supplémentaires en 2017.

Par conséquent, en 2015, le nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent annuel est de 289 heures - en 2016, le nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent annuel est de 267 heures - en 2017, le nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent annuel est de 161 heures. En tenant compte du taux horaire de chaque année et de la demande de Mme [L], il y a lieu de fixer le rappel de salaire dû au titre de la contrepartie obligatoire à la somme de 7.206,30 euros brut et de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

II. Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

A. Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Mme [L] soutient tout d'abord que son employeur met en exergue les résultats déficitaires de trois des syndicats absorbés lors de l'opération de fusion-absorption du 30 mai 2017. Elle fait observer que :

- parmi ces trois syndicats, le syndicat Coop Aquitaine présentait au 31 décembre 2016 un résultat déficitaire uniquement en raison des indemnités versées à M. [M] dans le cadre d'une rupture conventionnelle de sorte que sans cette indemnité augmentée des charges sociales, le résultat du syndicat aurait été largement bénéficiaire tout comme le cumul des résultats des 4 syndicats,

- le résultat déficitaire de 450 000 euros mis en exergue par son employeur résulte d'une part de 136 000 euros versés à titre d'indemnités de licenciement, d'autre part de 295 205 euros de risques provisionnés pour le licenciement de deux salariés et de 8.942 euros provisionnés au titre des risques d'impayés clients. Elle ajoute que le déficit ne repose quasiment que sur des licenciements réels ou provisionnés et que les documents comptables révèlent qu'elle-même faisait partie des risques prud'homaux provisionnés, de sorte que les indemnités à lui devoir suite à son licenciement constituerait le motif économique le justifiant,

- lorsque la prime de 4 000 euros lui a été accordée en février 2017, il avait été noté des résultats financiers positifs de la Fédération.

Mme [L] soutient ensuite que l'employeur ne justifie pas de la nécessité d'assurer la sauvegarde de la compétitivité du syndicat en ce que :

- aucune menace n'est invoquée,

- aucun élément précis n'est fourni pour démontrer que la compétitivité serait compromise.

Mme [L] soutient enfin que le motif réel de son licenciement n'est pas économique mais est en lien avec la volonté du nouveau syndicat de concentrer son service administratif sur [Localité 5].

La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine explique que Mme [L] mélange les opérations juridiques qui se sont succédées à savoir une opération de restructuration de la représentation régionale de Coop de France dans le cadre de la création de la grande région Nouvelle Aquitaine et une opération de réorganisation à la suite de la fusion. Elle ajoute que les 4 structures qui ont donné naissance à Coop de France Nouvelle Aquitaine ne pouvaient pas continuer de fonctionner de manière indépendante, ce qui a donné lieu à la fusion le 30 mai 2017, précisant que les motifs de la fusion ne sont pas ceux du licenciement économique de Mme [L]. Elle considère que l'argumentation de Mme [L] consiste en réalité à remettre en cause les choix de gestion de l'employeur.

Elle expose que c'est la situation financière de la nouvelle Coop de France Nouvelle Aquitaine, issue de la fusion, qui a justifié la réorganisation ayant abouti au licenciement économique de Mme [L]. Elle indique que :

- elle a dû initier une réorganisation pour faire face aux difficultés économiques qui lui étaient propres,

- elle ne pouvait pas imposer de modification de son contrat de travail à Mme [L],

- elle n'avait pas pour objectif de se séparer de Mme [L],

- il a été proposé à la salariée une première modification de son contrat de travail en conservant son statut et son salaire initial mais en réaménageant ses fonctions à [Localité 7], ce que Mme [L] a refusé librement,

- la seconde proposition a été adressée à Mme [L] à la suite du refus de Mme [D], le 26 juin 2017, d'accepter la modification de son contrat de travail, en lui offrant une promotion.

La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine affirme avoir respecté la procédure appliquant les dispositions de l'article L.1222-6 du code du travail, précisant que les propositions de modifications du contrat de travail de Mme [L] étaient explicites et reposaient sur le même motif que celui retenu pour justifier le licenciement ultérieur à savoir des 'résultats déficitaires récurrents et résultats prévisionnels déficitaires de Coop de France Nouvelle Aquitaine'. Elle ajoute qu'à la date de la fusion, la situation financière était déjà déficitaire et que la réorganisation était d'autant plus nécessaire que la nouvelle entité devait faire face à des difficultés économiques. Elle rappelle que 3 des 4 entités étaient déficitaires avant la fusion et que ce n'est qu'en raison de la prévision de nouveaux déficits en 2017 que la décision de licenciement a été prise. Elle estime qu'il ne peut lui être reproché le départ de M. [M] et fait observer que l'absence de reprise de provision aurait entraîné un déficit beaucoup plus important. Elle souligne que la pertinence de l'évaluation prévisionnelle d'un déficit important a été confirmée dès l'établissement du bilan qui a révélé un résultat net comptable déficitaire de 454.965 euros.

Elle conteste l'argument avancé par Mme [L] selon lequel la deuxième proposition de modification du contrat de travail avait pour objet de faire des économies de personnel, faisant observer à cet égard qu'elle n'a pas supprimé le poste qui a par la suite été pourvu, qu'une augmentation avait été offerte à Mme [L] et que le prévisionnel intégrait le maintien de Mme [L] à son poste. Elle souligne que si les structures absorbées avaient des actifs, cela n'empêchait pas que la Coop de France Limousin était au bord de la cessation des paiements. Elle insiste sur le fait que lorsque M. [E] a versé une prime à Mme [L] en février 2017 en mentionnant que les résultats financiers de la Fédération étaient positifs, il évoquait seulement la situation de la Coop Poitou-Charentes qui était effectivement excédentaire en fin d'exercice 2016. Elle déclare que même en ne prenant pas en compte le coût des licenciements, l'exercice 2017 aurait été déficitaire de 159 000 euros.

Elle affirme que le prévisionnel 2017 a été réalisé lors du CODIR du 8 juin 2017 auquel Mme [L] participait et qu'il a ensuite été présenté au conseil d'administration le 19 juin 2017, étant validé à cette occasion, faisant remarquer que le prévisionnel avait été établi en partant de l'hypothèse du maintien des salariés en poste.

***

Selon l'article L.1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige :

'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article.'

Il s'en déduit que :

- Le seul refus par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

- La rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposé par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.

- Ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que le motif de la modification, quand bien même il est non-inhérent à la personne du salarié, n'est pas pour autant justifié par des difficultés économiques ou mutation technologiques ou que la modification n'est pas indispensable à la sauvegarde de la compétitivité, autrement dit n'est pas justifié par l'un des motifs économiques visés par l'article L.1233-3.

L'employeur doit produire les éléments permettant d'établir que les mesures de réorganisation de l'entreprise sont nécessaires à la sauvegarde de sa compétitivité. Si le motif économique du licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d'éléments postérieurs pour cette appréciation.

Il revient au juge de vérifier l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève. La réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité n'implique pas l'existence de difficultés économiques actuelles, qui suffiraient d'ailleurs à elles seules à justifier les licenciements. Elle implique l'existence d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise ou le secteur d'activité du groupe nécessitant une anticipation des risques et le cas échéant, des difficultés à venir.

Dans la mesure où il contrôle le caractère sérieux du motif économique, le juge doit en outre vérifier le lien causal nécessaire entre la situation économique invoquée (et justifiée) et les mesures qui affectent l'emploi ou le contrat de travail. Les juges doivent ainsi vérifier qu'un lien de causalité unit la cause économique et son incidence sur l'emploi.

En l'espèce, la lettre de licenciement de Mme [L] est ainsi libellée :

'Suite à notre entretien du 12 septembre 2017, nous vous informons que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.

Le motif économique de cette décision, nous vous le rappelons, est le suivant :

Au vu des résultats déficitaires récurrents depuis 3 ans de 3 des 4 structures qui ont récemment fait l'objet de la fusion-absorption par Coop de France Nouvelle Aquitaine, des résultats prévisionnels 2017 déficitaires de Coop de France Nouvelle Aquitaine, il apparaît indispensable que cette dernière procède à une réorganisation en vue de la sauvegarde de sa compétitivité, et ce afin d'assurer sa pérennité financière ainsi que le développement des activités du Syndicat professionnel Coop de France Nouvelle Aquitaine.

Ce motif nous a conduits à vous proposer des modifications contractuelles de vos fonctions, de votre rémunération et de votre lieu de travail dans les conditions qui vous ont été stipulées par courrier recommandé du 7 juillet 2017 et que vous avez refusées le 31 juillet 2017.'

Pour justifier de la réorganisation de l'entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité, Coop de France Nouvelle Aquitaine produit :

- le traité de fusion signé le 30 mai 2017,

- la première proposition de modification du contrat de travail de Mme [L] du 21 juin 2017,

- la seconde proposition de modification du contrat de travail de Mme [L] du 7 juillet 2017,

- la proposition de modification du contrat de travail de Mme [D] du 21 juin 2017 qu'elle a refusée le 26 juillet 2017,

- le contrat de travail de Mme [V] indiquant que cette dernière est employée à compter du 13 septembre 2017 en qualité de responsable administrative et financière sur le site de [Localité 6],

- les rapports du commissaire aux comptes portant sur les exercices 2015 et 2016 de Coop de France Aquitaine,

- les rapports du commissaire aux comptes portant sur les exercices 2015 et 2016 de Coop de France Poitou-Charentes,

- les rapports du commissaire aux comptes portant sur les exercices 2015 et 2016 de Coop de France Limousin,

- l'extrait des comptes annuels 2015 de la Fédération des Caves et le rapport sur les comptes annuels 2016 de cette même fédération,

- un tableau de synthèse des éléments des différents bilans des 4 structures, faisant apparaître pour chacune, en 2014, 2015 et 2016, les ressources, les charges et les résultats,

- le rapport du commissaire aux comptes portant sur l'exercice 2017 de Coop de France Nouvelle Aquitaine,

- un document intitulé 'conseil d'administration Coop de France Nouvelle Aquitaine 19 juin 2017',

- un document intitulé 'procès verbal conseil d'administration Coop de France Nouvelle Aquitaine', du 19 juin 2017 qui n'est pas signé,

- un mail de convocation au conseil d'administration du 19 juin 2017,

- un mail de Mme [I] [H] du 9 février 2017,

- un extrait de son Grand Livre concernant les comptes 'provisions pour litiges', 'provision Irrigo' et 'provision IFC' pour l'année 2017.

Ces éléments révèlent qu'ainsi que le soutient Coop de France Nouvelle Aquitaine, trois des quatre entités absorbées ont eu un résultat net déficitaire lors de l'exercice 2016. Coop de France Aquitaine a subi une perte de 26.302 euros, Coop de France Limousin a subi une perte de 24.130,26 euros, la Fédération des caves a subi une perte de 25.504 euros tandis que Coop de France Poitou-Charentes a connu un bénéfice de 30.427 euros. Ces éléments ne sont pas contredits par Mme [L] qui produit elle-même un tableau de synthèse (pièce 30) laissant apparaître des résultats déficitaires pour trois des quatre structures au titre de l'année 2016, étant précisé que la Fédération des caves présentait déjà un résultat net déficitaire en 2014 et 2015 tout comme Coop de France Limousin. Par ailleurs, lors du conseil d'administration du 19 juin 2017 de Coop de France Nouvelle Aquitaine ayant absorbé les 4 structures, un scénario de budget pour l'année 2017 a été adopté faisant apparaître un résultat net prévisionnel déficitaire de 50.000 euros. Enfin, il résulte du rapport sur les comptes annuels 2017 que Coop de France Nouvelle Aquitaine a présenté in fine un résultat net déficitaire de 454 965, 26 euros ce qui confirme le sérieux du scénario prévisionnel déficitaire en juin 2017. Les observations faites par Mme [L] sont, par ailleurs, inopérantes pour remettre en cause les pertes enregistrées par son employeur dès lors que le résultat net de la structure serait toujours déficitaire y compris en ne tenant pas compte des provisions et indemnités pour les ruptures de contrats de travail. De même, lorsque M. [E] a accordé à Mme [L] une prime exceptionnelle de 4000 euros en février 2017, il y a lieu d'observer qu'il faisait référence dans son mail uniquement aux résultats excédentaires de Coop de France Poitou-Charentes, ce qui était effectivement le cas. L'employeur justifie donc d'une menace sur la compétitivité de l'entreprise, ce qui avait d'ailleurs été évoqué lors du conseil d'administration du 19 juin 2017 en ces termes 'Il est présenté l'évolution des différents postes budgétaires. Il apparaît clairement que CDF Nouvelle Aquitaine est structurellement déficitaire et nécessitera de mettre en place un plan d'actions pour retrouver un équilibre budgétaire'.

Cependant, l'employeur échoue à rapporter la preuve d'un lien de causalité entre la cause économique invoquée et l'incidence sur l'emploi de Mme [L].

Cette dernière produit :

- le compte-rendu d'une réunion du 9 mars 2016 du comité interentreprises FCVA (pièce 45-1) lors de laquelle un 'argumentaire relatif à la fusion des 4 structures au sein de CDF ALPC et plus particulièrement de tous les services administratifs à [Localité 6], siège social de CDF ALPC' a été évoqué en ces termes :

'Suite à la réforme territoriale et à la création de la grande Région Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes... passent aujourd'hui par du nouveau conseil régional ALPC, basé à [Localité 5].

C'est un impératif (non écrit) incontournable exigé par les administrations publiques que CDF ALPC soit basé à proximité de [Localité 5] afin que les adhérents de CDF ALPC puissent continuer à bénéficier de financements régionaux...

Par conséquent, obligation faite à CDF ALPC d'avoir un pool administratif sédentaire (un service administratif unique) au siège social de CDF ALPC situé à [Localité 6]...

Volonté d'optimiser et rationnaliser cette unicité des services administratifs des 4 structures, parties prenantes à la fusion.

Cet argumentaire sera à retravailler lors des propositions de mutation géographie qui seront faites aux salariés concernés',

précision étant faite qu'au titre du 'chiffrage des risques sociaux (licenciements) liés à la fusion, il a été fait mention de '1 salariée de CDF Poitou-Charentes ([F] [L])',

- un extrait d'un compte rendu rédigé par le cabinet d'avocat G Pinson-Rubin pour CDF APLC à la suite de la réunion du 9 mars 2016 duquel il ressort que les salariés des 4 structures devant être absorbées ont été reçus en entretien individuel et qu'une étude approfondie par la Direction sera nécessaire pour articuler les besoins de CDF ALPC aux fonctions 'actuelles' des salariés et pour définir avec précision la fonction des salariés au sein de CDF ALPC. Concernant Mme [F] [L], il a été noté au titre des 'problématiques' : 'Positionnement à trouver entre [A] [D] (CDF Aquitaine) et [F] [L] (CDF PC) et répartition des tâches/statut' mais également :

' ' souhaite le poste de Responsable Administratif et Financier/Secrétaire Général - serait mobile.

' mutation géographique de [Localité 7] à [Localité 6] à prévoir nécessitant l'accord préalable et écrit de la salariée - quel motif retenir justifiant la proposition de mutation (écot ') - quid si refus...

' sera intégrée avec la proposition de mutation, la nouvelle fiche de fonction,

' quelle fonction/statut par rapport à [A] [D] au sein de CDF ALPC '',

et enfin :

's'agissant de CDF ALPC, quel est le motif (la raison) qui prévaut à cette proposition de mutation géographique ' En l'espèce, à l'évidence, ce qui motive la proposition de mutation n'est pas inhérent à la personne même des salariés. Cette proposition de mutation ne repose donc pas sur un motif personnel. Repose-t-elle sur un motif économique ' La réorganisation de l'entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité ' Ce point sera abordé et étayé lors de la réunion du 9 mars 2016 au regard des dispositions légales et jurisprudentielles en la matière.',

- la deuxième proposition de modification de son contrat de travail, intervenue le 7 juillet 2017 - alors qu'elle n'avait pas encore refusé la première proposition faite le 21 juin 2017 - accompagnée de la fiche de poste de Secrétaire générale à [Localité 6],

- la fiche de poste pour le poste de responsable administrative et financière de Coop de France Nouvelle Aquitaine qui lui a été proposé le 21 juin 2017.

Il ressort de ces éléments que la proposition de modification du poste de travail de Mme [L], d'abord à [Localité 7] puis à [Localité 6] à la suite du refus de Mme [D], n'est due qu'à la nécessité, imposée par les administrations publiques, de centraliser le service administratif de Coop de France Nouvelle Aquitaine à [Localité 6] et non à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. En effet, cette volonté de centraliser le service administratif est apparue lors de la préparation de la fusion-absorption, en dehors de toute cause économique, cette dernière n'étant ensuite invoquée que pour tenter, vainement, de justifier le licenciement de Mme [L]. L'employeur qui affirme dans ses conclusions, en page 33, que 'les motifs de la fusion des anciennes structures régionales au sein de Coop de France Nouvelle Aquitaine ne sont pas ceux du licenciement économique de Mme [L]. La création de la nouvelle entité n'a pas pour motif de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise mais de répondre à une question politique d'organisation dans un nouveau contexte institutionnel', n'avance aucun moyen sérieux de nature à établir le lien de causalité entre la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et les propositions de modifications du contrat de travail de Mme [L], concentrant l'essentiel de son argumentation sur l'existence d'une menace sur la compétitivité.

Par conséquent, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la cour considère que le licenciement de Mme [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

B. Sur la demande de dommages et intérêts

Mme [L] fait valoir qu'elle comptait 15 ans d'ancienneté, que son salaire moyen était de 4.372 euros, qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi à la hauteur du précédent en termes de compétences et de salaires, que sa perte de revenus pour l'année 2018 est de près de 40.000 euros, que son préjudice moral est important car elle s'était beaucoup investie dans son travail et que M. [X] avait déjà annoncé son départ le 21 août 2017 avant même la tenue de l'entretien préalable ce qui a été particulièrement vexatoire.

Coop de France Nouvelle Aquitaine prétend que Mme [L] n'a subi aucun préjudice lié à la perte de son emploi, rappelant qu'elle lui a proposé à deux reprises un reclassement, l'un à [Localité 7] et l'autre à [Localité 6] avec une augmentation de salaire. Elle explique que si M. [X] a fait état du départ de Mme [L] le 21 août 2017, c'était en raison des refus successifs de la salariée des reclassements proposés. Elle considère qu'il n'y avait rien de vexatoire puisque la salariée savait parfaitement que l'issue ne pouvait être que son licenciement économique, annoncé dans les courriers précédents.

****

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au licenciement de Mme [L] : 'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.'

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [L], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [L] doit être évaluée à la somme de 50.000 euros.

Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

III. Sur la demande de dommages et intérêts pour transmission erronée et tardive de l'attestation Pôle Emploi

Mme [L] soutient que l'attestation qui lui a été adressée le 19 décembre 2017 comportait de nombreuses irrégularités qui l'ont empêchée de s'inscrire auprès de Pôle Emploi dès la rupture du contrat. Elle ajoute que Pôle Emploi l'a informée que la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine lui avait transmis une attestation rectifiée le 6 juin 2018, soit 2 jours après la conciliation prud'homale et plus de 5 mois après la fin du contrat de travail. Elle affirme n'avoir jamais reçu le document corrigé. Elle indique que le 13 juin 2018, Pôle Emploi lui a indiqué que les données transmises par l'employeur étaient erronées et que son indemnisation journalière serait de 77,94 euros et non pas de 219,64 euros comme indiqué précédemment. Elle considère que la transmission erronée et tardive du document à Pôle Emploi a 'forcément' entraîné un préjudice. Elle admet qu'en raison des jours de différés engendrés par les indemnités compensatrices de congés payés versées à la rupture, elle ne pouvait bénéficier de l'allocation de remplacement qu'à compter de juin 2018 mais insiste sur le peu de sérieux de la part de son employeur. Elle estime que toutes les difficultés liées à ses réclamations auraient pu être évitées si la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine lui adressé une attestation correcte. Elle fait valoir que l'attestation rectifiée du 20 février 2018 n'a jamais été transmise à Pôle emploi par son employeur.

La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine fait valoir qu'à la suite de la demande de l'avocat de Mme [L] du 8 février 2018, elle a adressé une attestation rectifiée le 20 février 2018 tant à Pôle Emploi qu'à Mme [L], par l'intermédiaire de son avocat. Elle estime avoir répondu à la demande de justification de l'envoi des documents requis à Pôle Emploi dans les délais de sorte qu'elle n'a fait preuve d'aucune incurie. Elle considère que la prise en charge de Mme [L] par Pôle Emploi en juin 2018 n'est due qu'à l'application des différés légaux d'indemnisation. Elle affirme que Pôle Emploi est seule responsable de l'envoi de deux documents différents à Mme [L] à 7 jours d'intervalle, alors qu'elle-même avait satisfait à son obligation bien avant. Elle insiste enfin sur le fait que Mme [L] a bien été indemnisée dans les délais et n'a subi aucun préjudice.

****

Aux termes de l'article R.1234-9 du code du travail 'L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

Les employeurs d'au moins onze salariés effectuent cette transmission à Pôle Emploi par voie électronique, sauf impossibilité pour une cause qui leur est étrangère, selon des modalités précisées par un arrêté du ministre chargé de l'emploi'.

Il est toutefois constant que le défaut de remise ou la remise tardive de l'attestation Pôle Emploi ne cause pas nécessairement un préjudice dont l'existence doit être prouvée par le salarié.

En l'espèce, la cour observe que s'il n'est pas contesté que l'attestation Pôle Emploi initialement remise à la salariée comprenait des erreurs, l'avocat de Mme [L] n'en a fait état auprès de l'employeur qu'à l'occasion de son courrier du 8 février 2018 dans lequel il l'informait principalement de son intention de contester le licenciement, de solliciter des dommages et intérêts ainsi qu'un rappel de salaire pour les heures supplémentaires non rémunérées.

Contrairement à ce que soutient la salariée, la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine justifie lui avoir adressé par lettre recommandée avec avis de réception signée le 2 mars 2018, l'attestation Pôle Emploi rectifiée du 20 février 2018. L'employeur justifie également avoir envoyé à Pôle Emploi l'attestation rectifiée du 20 février 2018, par courrier daté du 16 février 2018.

Mme [L] ne produit quant à elle aucune pièce démontrant que l'employeur n'aurait en réalité satisfait à ses obligations auprès de Pôle Emploi que le 6 juin 2018, se contentant de procéder par voie d'affirmations. Si la salariée a effectivement reçu deux courriers de Pôle Emploi à 7 jours d'intervalle, les 6 et 13 juin 2018, comportant des montants d'allocation journalière distincts, rien dans ces documents ne permet d'imputer les différences à une carence de l'employeur.

Enfin, Mme [L] admet dans ses écritures qu'en tout état de cause, elle ne pouvait prétendre à la perception de l'allocation d'aide au retour à l'emploi avant le mois de juin 2018. Au regard des courriers qu'elle a reçus de Pôle Emploi en juin 2018, il s'avère qu'elle a pu percevoir cette allocation en temps utiles de sorte que la délivrance d'une attestation initialement erronée puis rectifiée en février 2018, ne lui a occasionné aucun préjudice financier. En outre, Mme [L] ne justifie de la réalisation d'aucune démarche administrative auprès de Pôle Emploi, en dehors de celles lui incombant, ni de difficultés pour percevoir son allocation.

Par conséquent, Mme [L] ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef.

IV. Sur la demande de dommages et intérêts pour privation de la portabilité de la complémentaire d'entreprise

Mme [L], se fondant sur les dispositions de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, soutient qu'à compter de son licenciement, elle a été privée de sa couverture mutuelle complémentaire, n'ayant reçu aucun remboursement depuis le 1er janvier 2018 des frais de santé qu'elle a engagés pour un montant total de 360 euros. Elle considère que son employeur n'a pas fait le nécessaire pour qu'elle puisse bénéficier de la portabilité de ses droits. Elle ajoute que [N] a fini par lui indiquer, le 5 octobre 2017, que son ancien employeur avait résilié le contrat de mutuelle. Elle expose que ce dernier ne l'a pas informée de cette situation et ne lui a pas proposé la nouvelle mutuelle en vigueur. Elle explique qu'elle a été contrainte de régler ses frais médicaux sans être remboursée ce qui a généré une forte angoisse à l'idée de ne pas avoir d'assurance de remboursement de ses frais de santé.

La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine expose que Mme [L] avait pris contact avec la mutuelle [N] en octobre 2017. Elle indique que le certificat de travail du 22 décembre 2017 mentionne les informations sur la portabilité du régime de prévoyance et de la complémentaire santé ainsi que la manière de procéder. Elle ajoute que Mme [L] a régularisé la demande de portabilité le 26 décembre 2017 auprès d'[N]. Elle soutient qu'en sa qualité d'employeur, elle n'était tenue d'aucune autre obligation, soulignant que la salariée ne l'a jamais informée ensuite de ses difficultés et ne lui a jamais demandé d'intervenir auprès d'[N]. Elle affirme avoir découvert la situation à la réception des conclusions de Mme [L] en septembre 2018. Elle prétend enfin que Mme [L] ne démontre pas qu'elle a subi un préjudice ni que le préjudice qu'elle allègue serait le fait de l'employeur.

****

L'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du même code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon des conditions qu'il détermine.

En l'espèce, Mme [L] affirme que son ancien employeur avait résilié le contrat de mutuelle sans produire la moindre pièce au soutien d'une telle allégation, la cour observant à cet égard que les échanges de mails entre Mme [L] et [N] courant 2018 (pièce 33 de Mme [L]) ne font état d'aucune résiliation du contrat.

Par ailleurs, la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine justifie avoir établi le 22 décembre 2017 à Mme [L] un certificat de travail, dont la remise à la salariée n'est pas contestée, mentionnant que Mme [L] bénéficiait à compter de la rupture de son contrat de travail du régime de prévoyance [N] ainsi que de la complémentaire santé [N] dans la limite de 12 mois maximum et que 'Madame [F] [L] est tenue de transmettre aux organismes susvisés (dont les coordonnées lui ont été communiquées) son justificatif de prise en charge par l'assurance chômage et de les tenir informés de toute cessation de prise en charge par l'assurance chômage intervenant pendant la période de maintien de sa couverture complémentaire santé et prévoyance'.

Il résulte en outre d'un échange de mails ayant eu lieu entre le 4 et le 10 octobre 2017 que Mme [L] qui était en cours d'exécution de son préavis s'était rapprochée de [N] pour connaître les démarches à accomplir pour la portabilité de la mutuelle. La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine produit également le formulaire de demande de maintien des garanties, au titre de la portabilité des droits santé, rempli et signé par Mme [L] le 26 décembre 2017.

Si Mme [L] démontre, par la production des mails envoyés à [N], qu'elle a adressé à cet organisme entre mars et août 2018 son certificat de travail ainsi que son attestation Pôle emploi provisoire puis l'attestation Pôle Emploi concernant l'ouverture de droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi, aucune des réponses faites par [N] ne permet d'imputer le retard de prise en charge allégué par Mme [L] à une faute de la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine.

De plus, Mme [L] affirme avoir supporté des frais de santé non remboursés à hauteur de 360 euros mais ne produit aucun justificatif pour étayer cette allégation.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

V. Sur les autres demandes

1. Selon l'article L.1235-4 du code du travail dans sa version applicable :

'Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.'

Le licenciement de Mme [L] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du code du travail. En conséquence la cour ordonne le remboursement par la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [L], du jour de son licnciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

2. Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a ordonné à l'employeur de remettre à Mme [L] les documents de fin de contrats rectifiés mais est infirmé en ce qu'il a assorti cette injonction d'une astreinte dont il n'est pas justifié de la nécessité à ce jour.

3. Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a dit, sans autre précision, 'fait droit au paiement d'intérêt de retard au taux légal', la cour statuant à nouveau rappelant que les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision et les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine de la convocation devant le bureau de conciliation.

4. La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine, qui succombe, doit supporter les dépens d'appel, venant s'ajouter aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé sur ce point.

5. Il serait enfin inéquitable de laisser supporter à Mme [L] l'intégralité des frais exposés pour faire valoir ses prétentions en cause d'appel. La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine est condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, venant s'ajouter à la somme de 1.500 euros allouée en première instance. La Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine est quant à elle déboutée de sa demande.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 2 mars 2020 par le conseil de prud'hommes de Poitiers en ce qu'il a :

- condamné le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [F] [L] la somme de 7.206,30 euros brut à titre de rappel de salaire correspondant à la contrepartie obligatoire pour le repos compensateur,

- débouté Mme [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour délivrance erronée et tardive de l'attestation Pôle Emploi,

- débouté Mme [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour privation de la portabilité de la complémentaire collective d'entreprise,

- condamné le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [F] [L] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné le syndicat Coop de France Nouvelle Aquitaine aux dépens,

- Fait droit à la demande de remise des documents de fin de contrat,

Infirme le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,

- Condamne la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [F] [L] la somme de 42.418 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires outre la somme de 4.241,80 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- Condamne la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [F] [L] la somme de 37.068 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- Dit que le licenciement de Mme [F] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamne la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [F] [L] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Ordonne le remboursement par la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [F] [L], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

- Condamne la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine à remettre à Mme [F] [L] un bulletin de paie, l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail rectifiés, tenant compte de la présente décision,

- Déboute Mme [F] [L] de sa demande d'astreinte,

- Dit que les dommages et intérêts alloués à Mme [F] [L] sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Dit que les créances salariales allouées à Mme [F] [L] sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine venant aux droits de Coop de France Nouvelle Aquitaine, de la convocation devant le bureau de conciliation,

Y ajoutant,

- Condamne la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine à payer à Mme [F] [L] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

- Déboute la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la Coopération Agricole Nouvelle Aquitaine aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00798
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.00798 ?
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