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21/02/2023 | FRANCE | N°21/01592

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 21 février 2023, 21/01592


ARRET N°62



N° RG 21/01592 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GIZP













[P]



C/



Organisme CPAM DE LA VIENNE

Mutuelle SOCIETE MEDICALE D'ASSURANCES ET DE DEFENSE PROFES SIONNELLES LE SOU MEDICAL - MACSF















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire généra

l : N° RG 21/01592 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GIZP



Décision déférée à la Cour : jugement du 26 avril 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de POITIERS.





APPELANT :



Monsieur [F] [L] [P]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Locali...

ARRET N°62

N° RG 21/01592 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GIZP

[P]

C/

Organisme CPAM DE LA VIENNE

Mutuelle SOCIETE MEDICALE D'ASSURANCES ET DE DEFENSE PROFES SIONNELLES LE SOU MEDICAL - MACSF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01592 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GIZP

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 avril 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de POITIERS.

APPELANT :

Monsieur [F] [L] [P]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 5]

ayant pour avocat Me Florence DENIZEAU de la SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT & ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS

INTIMEES :

CPAM DE LA VIENNE

[Adresse 2]

[Localité 4]

défaillante

Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français- MACSF

ayant pour avocat Me Thomas DROUINEAU de la SCP DROUINEAU-LE LAIN-VERGER-BERNARDEAU, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le 25 mars 2016, M. [F] [P], suite à des douleurs dentaires, consultait le Dr [R] pour une pose de deux bridges en lieu et place des dents 15-16-17 et des dents 45-46-47 pour un montant total de 2 260 euros.

Le 4 juillet 2016, le Docteur [R] procédait à la pose d'un troisième bridge pour un montant de 1 530 euros en lieu et place des dents 35-36-37.

En raison de douleurs et de gênes au niveau des trois bridges posés, M. [P] consultait le Docteur [B] le 22 octobre 2016 qui concluait que les traitements endodontiques réalisés par le Dr [R] étaient incomplets.

Une expertise amiable confiée au Docteur [V] était alors diligentée en février 2018 par la mutuelle d'ASSURANCES du corps de santé français (MACSF), assureur du Docteur [R].

L'expert concluait à l'absence de consolidation de l'état de M. [P].

Dans l'attente, une provision de 6 000 euros était versée par la MACSF à M. [P] le 18 mai 2018.

L'état de M. [P] était estimé comme consolidé le 24 juillet 2018 selon certificat médical du Docteur [B] du 11 décembre 2018.

Une expertise complémentaire était alors mise en place à la demande de la MACSF et confiée au Docteur [V] qui rendait son rapport le 26 avril 2019.

La MACSF proposait une indemnisation amiable globale de 3 780 euros le 14 novembre 2019 qui n'était pas acceptée par M. [P].

Par acte d'huissier en date du 26 mai 2020, M. [P] a fait assigner la MACSF devant le tribunal judiciaire de POITIERS aux fins d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

Selon ses dernières conclusions, M. [P] sollicitait au titre de la réparation de ses préjudices la somme de 11 718, 90 euros se décomposant comme suit:

- 1576,40 euros au titre des dépenses de santé actuelles

- 6 000 euros au titre des souffrances endurées

- 1 602.50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 2 540 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

Il sollicitait ainsi la condamnation de la MACSF au paiement de la somme de 5 718.90 euros correspondant à la déduction de la provision de 5 000 euros déjà versée par la MACSF outre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens - le présent jugement étant opposable à la CPAM de la Vienne.

Par ses dernières conclusions, la MACSF demandait au tribunal de rejeter les demandes de M. [P] et de fixer l'indemnisation de M. [P] selon les conclusions de l'expert à la somme de 4 599.6 euros se décomposant de la manière suivante :

- 79.60 euros au titre des dépenses de santé actuelles

- 1 500 euros au titre des souffrances endurées

- 480 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 2 540 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

En raison de la provision perçue, la MACSF sollicitait la condamnation de M. [P] à lui restituer la somme de 1400.40 euros. Elle demandait au tribunal de statuer sur les dépens selon ce que de droit.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la VIENNE n'a pas constitué avocat en première instance

Par jugement réputé contradictoire en date du 26/04/2021, le tribunal judiciaire de POITIERS a statué comme suit :

'FIXE l'indemnisation due à M. [P] à la somme de :

- 76.60 euros au titre des dépenses de santé actuelles

- 2 000 euros au titre des souffrances endurées

- 480 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 2 540 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

CONDAMNE M. [F] [P] à payer à la MUTUELLE ASSURANCES CORPS SANTÉ FRANÇAIS (MACSF ASSURANCE) la somme de 903.4 euros

DÉBOUTE M. [F] [P] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE M. [F] [P] aux entiers dépens'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- les fautes commises par le Dr [R] sont établies par le premier rapport d'expertise en date du 24 janvier 2018 du Docteur [V] qui fait état de traitements endodontiques non conformes. Ces fautes engagent sa responsabilité qui n'est pas contestée par la MACSF.

- sur les préjudices, les dépenses de santé actuelles sont évaluées à 4773,80 euros. Cette somme correspond aux interventions réalisées le 25 mars 2016 et le 4 juillet 2016 par le Docteur [R] quant à la pose des trois bridges. Ces dépenses ont été prises en charge par la mutuelle Henner de M. [P] à l'exception de la somme de 76.60 euros de dépassement d'honoraire.

Les dépenses occasionnées ensuite pour la réalisation de nouveaux bridges ne sauraient être intégrées au titre des dépenses de santé actuelles car le principe de réparation intégrale du préjudice suppose de replacer les parties dans leur état antérieur. Or c'est en raison de douleurs dentaires que M. [P] a consulté dans un premier temps le Docteur [R], ces douleurs étaient donc antérieures aux soins réalisés par le docteur [R] et ne sauraient donner lieu à une prise en charge au titre des frais prothétiques réalisés postérieurement.

- l'expert a retenu une souffrance endurée de 1/7 et M. [P] fait état d'une souffrance de 2/7sans toutefois produire des éléments médicaux permettant de revenir sur l'avis de l'expert judiciaire. Ce poste intègre les souffrances physiques et psychologiques associées aux soins et interventions consécutives, et il sera justement évalué à la somme de 2 000 €.

- sur le déficit fonctionnel temporaire, les dates retenues seront conformes à celles déterminées par l'expert soit du 22 octobre 2016, date des premières doléances de M. [P] au 24 juillet 2018, date de consolidation.

S'agissant du taux retenu, l'expert retient que la gêne subie par M. [P] si elle est bien existante, a été limitée de par la pose de prothèses transitoire. M. [P] ne s'est jamais retrouvé sans dents et la pose s'est faite graduellement afin de limiter la gêne occasionnée. Ce poste de préjudice sera évalué conformément aux conclusions de l'expert judiciaire et chiffré sur une base journalière de 25 euros, soit une somme allouée de 480 €.

- sur le déficit fonctionnel permanent, l'expert a évalué ce poste en retenant un taux de déficit fonctionnel permanent de 2 % en considération des quatre dépulpations non indiquées. Ce taux n'est contesté par aucune des parties.

M. [P] était âgé de 59 ans à la date de consolidation. Compte tenu de la valeur du point, 1270 euros et du déficit de 2 %, il sera alloué à M. [P] la somme de 2540 €.

LA COUR

Vu l'appel en date du 19/05/2021 interjeté par M. [F] [P]

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 09/07/2021, M. [F] [P] a présenté les demandes suivantes :

'Vu l'article L. 1142-1 du code de la santé publique,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONFIRMER le jugement n°20/01194 rendu par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS en ce qu'il condamne la MACSF à garantir l'ensemble des préjudices subis par M. [F] [P] consécutifs aux fautes du Docteur [R],

INFIRMER le jugement n°20/01194 rendu par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS

pour le surplus,

EVALUER les préjudices subis par M. [F] [P] à la somme totale de 12.171,20 €, somme se composant comme suit :

- Dépenses de santé actuelles 1.576,40 €

- Souffrances endurées 6.000,00 €

- Déficit fonctionnel temporaire 1.794,80 €

- Déficit fonctionnel permanent 2.800,00 €

CONDAMNER la MACSF à verser à M. [F] [P] la somme complémentaire de 7.074,60 €, après déduction des sommes déjà versées et non restituées, outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à venir,

- Préjudices 12.171,20 €

- Déduction de la provision - 6.000,00 €

- Sommes restituées + 903,40 €

CONDAMNER la MACSF à verser à M. [F] [P] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de 1 ère instance et d'appel,

CONDAMNER la MACSF aux dépens de 1 ère instance et d'appel,

DÉCLARER l'arrêt à venir opposable à la CPAM de la Vienne'.

A l'appui de ses prétentions, M. [F] [P] soutient notamment que:

- le docteur [V] déposait son rapport le 26 avril 2019, dans lequel il fixait la date de consolidation au 24 juillet 2018

- le docteur [R] a retiré les dents 15, 35, 45 et 47 alors que ces quatre dents pouvaient être conservées, ce qui constitue une première faute.

Il n'a pas réalisé un traitement endodontique dans les règles de l'art sur les dents 15, 16, 17, 37, 45 et 47, ce qui constitue une seconde faute.

- sur l'indemnisation des préjudices, bien que l'expertise du docteur [V] soit une expertise d'assurance qui ne présente pas les mêmes garanties qu'une expertise judiciaire, les constatations du docteur [V] permettent d'assurer la réparation intégrale des préjudices subis par M. [P], sans pour autant avoir recours à une nouvelle expertise.

- sur les dépenses de santé actuelles, il s'agit selon la MACSF des frais de santé imminents à entreprendre par le patient afin de réparer les conséquences dommageables de l'accident subi avant consolidation. Si l'état dentaire a été aggravé par les soins litigieux, il conviendra de prendre en charge le nouveau plan de traitement, ce qui est le cas au regard du rapport d'expertise.

- dès lors que la dépose de la prothèse existante est indispensable, cela implique que la pose d'une nouvelle prothèse est également nécessaire.

- le docteur [V] évalue les dépenses de santé actuelles à la somme totale de 4.773,68 €. Il relève que les soins n'ont pas été conformes aux règles de l'art pour les dents 15, 16, 17, 37, 45 et 47 et indique dans son rapport que la dépose des 3 prothèses existantes est indispensable.

- le docteur [V] a fixé la date de consolidation à la date à laquelle les soins du Docteur [B] ont été réalisés.

Il retient un déficit fonctionnel permanent imputable aux interventions du Docteur [R], ce qui démontre qu'il y a eu une aggravation de l'état dentaire de M. [P]

- si les soins avaient été réalisés dans les règles de l'art par le Docteur [R], M. [P] n'aurait conservé à sa charge que la somme de 76,60 €.

- Il n'est demandé que la prise en charge des soins qui concernent les dents des secteurs concernés par les interventions du Docteur [R] et il convient de déduire les sommes qui ont été remboursées par la CPAM et par l'assurance de complémentaire santé de M. [P]. Il est ainsi demandé une somme de 1.576,40 € au titre des dépenses de santé actuelles.

- s'agissant des souffrances endurées, la cotation de 2/7 retenue dans le premier rapport apparaît sous-évaluée puisqu'elle ne tient pas compte des 10 interventions que M. [P] a subi pour la reprise des soins dentaires.

Elle ne tient pas compte également de l'angoisse liée au risque d'infection et, par voie de conséquence, au risque d'infarctus.

Durant deux années, de juillet 2016 à juillet 2018, M. [P] a été contraint de prendre un traitement antibiotique pour éviter le risque d'infection.

Il sera donc demandé à la cour de retenir une cotation de 3/7, soit une somme de 6000 €..

- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, le début de la période correspond au 25 mars 2016, puisque M. [P] a ressenti une gêne et des douleurs immédiatement après les premières interventions du Docteur [R].

En outre, le pourcentage de 3 % est sous-évalué, puisque la classe I (10 %) correspond à « des douleurs intermittentes avec suivi médical et thérapeutique en cours et il a été contraint de prendre un traitement antibiotique pour éviter l'infection. Le DFT comprend le préjudice d'agrément, soit la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique

- le DFT partiel ne peut pas être inférieur à 10 % et le barème Mornet de 2020 évalue le déficit fonctionnel temporaire entre 25 € et 33 € / jour. Il est demandé de retenir une valeur de 28 € par jour et le déficit fonctionnel temporaire peut donc être évalué comme suit : 641 jours x 28 € x 10 % = 1.794,80 €.

- sur le déficit fonctionnel permanent, évalué par le docteur [V] à 2 %, la somme de 2800 € est demandée à ce titre.

- compte tenu des provisions versées et de la somme de 903,40 € restituée, une somme totale de 7074,60 € est sollicitée.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 08/10/2021, la Mutuelle d'ASSURANCES du Corps de Santé Français (MACSF), a présenté les demandes suivantes :

'Vu l'article L.1142-1 du code de la santé publique,

CONFIRMER purement et simplement le jugement entrepris du tribunal judiciaire de POITIERS du 26 avril 2021,

Et en conséquence,

FIXER l'indemnisation due à M. [P] à la somme de :

- 79,60 € au titre des Dépenses de Santé Actuelles ;

- 2.000 € au titre des Souffrances Endurées ;

- 480 € au titre du Déficit Fonctionnel Temporaire ;

- 2.540 € au titre du Déficit Fonctionnel Permanent.

CONSTATER que M. [P] a perçu une provision à hauteur de 6.000 € ;

En conséquence,

CONDAMNER M. [P] à restituer à la MACSF la somme de 903,40 €, à majorer des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

DÉBOUTER M. [P] du surplus de ses demandes ;

STATUER ce que de droit sur les dépens'.

A l'appui de ses prétentions, la Mutuelle d'ASSURANCES du Corps de Santé Français (MACSF) soutient notamment que :

- la MACSF, assureur du docteur [R], chirurgien-dentiste désormais à la retraite, n'entend pas contester la responsabilité de celui-ci, ni se soustraire à son obligation d'indemnisation des préjudices de M. [P].

- elle a versé une provision de 6000 €.

- sur les dépenses de santé actuelles, le Docteur [V] évalue les dépenses de santé actuelles devant être remboursées à M. [P] à hauteur de 4.773,68€ mais il convient de déduire des dites sommes les prestations versées par les organismes sociaux.

Conformément aux pièces produites par la partie adverse, il apparaît que seule une somme de 76,60 € est restée à la charge de M. [P].

- M. [P] demande également la prise en charge des frais de santé liés à la repose de nouveaux implants mais il résulte d'une jurisprudence constante et établie que « la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit, sans enrichissement.

Cela implique de réparer les seules non-conformités des soins prodigués par le docteur [R], sans que les frais liés à la pose des nouveaux bridges réalisés postérieurement par le Docteur [B] puissent être pris en compte.

Ces soins auraient en effet été réalisés de la même manière si le docteur [R] n'était pas intervenu.

- certains éléments prothétiques réalisés par le docteur [B] étaient différents de ceux réalisés par le docteur [R] : 'Onlay pilier de bridge sur 18. Les couronnes sur 16, 46 et 47 initialement en métal sont maintenant en céramique'.

- la MACSF a indiqué ne pouvoir à la fois procéder au remboursement des anciens travaux prothétiques et à la prise en charge des nouveaux car 'nous aboutirions à un enrichissement'.

- sur les souffrances endurées, le docteur [V] a pu retenir que 'nous avions proposé 2/7 un peu surévaluée, à la réflexion. Aucune aggravation n'a été constatée à la suite des soins réalisés par le Dr [B] et de plus, les dents étant dépulpées, aucune anesthésie locale n'a été nécessaire'.

L'expert a, en parfaite connaissance de cause, évalué les souffrances endurées par M. [P] à hauteur de 1 sur 7, soit une somme de 2000 €.

- s'agissant du DFT, l'inconfort fonctionnel avec ses prothèses » est exprimé postérieurement à l'infarctus dont M. [P] a été victime le 27 août 2016, et le taux de 3 % a été justement retenu par l'expert, la somme de 480 € devant être confirmée selon le calcul suivant : 25 € x 640 jours x 3% = 480 €.

- sur le DFP, M. [P] avait demandé en première instance la somme de 2540 € allouée et il ne justifie pas aux termes de ses dernières écritures les raisons pour lesquelles il sollicite une réévaluation de ses demandes.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 03/11/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'engagement de la responsabilité du docteur [R] :

Les fautes commises par le Dr [R] sont établies par le premier rapport d'expertise en date du 24 janvier 2018 du Docteur [V] qui fait état de traitements endodontiques non conformes.

L'existence de ces fautes n'est pas contestée par la MACSF qui reconnaît également son obligation d'indemnisation des préjudices de M. [P] et le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le droit à réparation intégrale de l'appelant.

Sur les préjudices indemnisables et leur liquidation :

Sur les dépenses de santé actuelles :

Il y a lieu de prendre en compte l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation par le patient ou le tiers payeur.

Au titre de la réparation intégrale du préjudice subi, la victime doit être replacée dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s'était pas produit, sans que la victime en tire profit en s'enrichissant.

La MACSF soutient que seules doivent être prises en compte les non-conformités des soins prodigués par le docteur [R], sans que les frais liés à la pose des nouveaux bridges réalisés postérieurement par le docteur [B] puisse intervenir.

Toutefois, M. [P] fait valoir à bon droit que ce n'est qu'en raison des soins non conformes réalisés par le docteur [R], et qui ont conduit à une aggravation de son état dentaire, qu'il a exposé des dépenses de santé pour la reprise des soins auprès du Docteur [B].

Les dépenses de santé actuelles sont évaluées à 4773,80 euros. Cette somme correspond aux interventions réalisées le 25 mars 2016 et le 4 juillet 2016 par le Docteur [R] quant à la pose des trois bridges, ces dépenses ayant été prises en charge par la mutuelle de M. [P] à l'exception de la somme de 76.60 euros de dépassement d'honoraire.

Toutefois, il ressort du rapport d'expertise les éléments suivants :

- La dent 15 ne nécessitait aucun traitement mais le docteur [R] a aggravé son état. L'expert a relevé que ' dent pulpée avant les soins dont l'absence de délabrement n'indiquait pas la nécessité d'un traitement endodontique. Le traitement endodontique est à reprendre, ce qui nécessitera la dépose de la prothèse existante'.

- Les traitements des dents 16 et 17 ne correspondent pas à de bonnes pratiques.

- le traitement de la dent 37 n'est pas conforme et est à reprendre, ce qui nécessite la dépose de la prothèse existante et donc la pose d'une nouvelle prothèse. L'expert a indiqué : ' Le traitement endodontique était justifié compte tenu de la mésialisation et de l'axe de cette dent. Le traitement est non conforme. Il est à reprendre, ce qui nécessitera la dépose de la prothèse existant'.

- s'agissant de la dent 35: l'expert a indiqué : ' Dent pulpée avant les soins dont l'absence de délabrement n'indiquait pas la nécessité d'un traitement endodontique. Le traitement endodontique est conforme'. Il en résulte que l'absence de délabrement ne nécessitait pas de traitement endodontique, et qu'il y a bien une aggravation.

- S'agissant du traitement des dents 45 et 47, l'expert a indique' : 'dents pulpées avant les soins dont l'absence de délabrement n'indiquait pas la nécessité d'un traitement endodontique. Les traitements endodontiques sont non conformes et donc à reprendre ce qui nécessitera la dépose de la prothèse existante'.

Il en résulte que les soins non conformes ont rendu nécessaire la dépose des 3 prothèses existantes ainsi que la pose des nouvelles prothèses, celle-ci en relation directe et indissociable avec la réparation des fautes commises par le docteur [R], sans qu'existe en l'espèce un enrichissement sans cause de M. [P] qui a connu une aggravation de son état, du fait des soins fautifs entrepris.

La consolidation n'a ainsi pu intervenir que le 24 juillet 2018, selon certificat médical du docteur [B] du 11 décembre 2018, soit postérieurement aux soins réparatoires de ce dernier médecin, alors même que subsiste un déficit fonctionnel permanent consécutif à l'aggravation de l'état de santé du patient.

Les traitements entrepris, soit 'Onlay pilier de bridge sur 18. Les couronnes sur 16,46 et 47 initialement en métal sont maintenant en céramique', ne constituent pas une amélioration de l'état antérieur de M. [P], mais la réparation nécessaire de l'aggravation de cet état, du fait de l'intervention de M. [R].

Il en résulte des dépenses de santé actuelles ainsi retenues :

Secteur 1 :

o Intervention du Dr [R] du 25/03/16 (1.130 €) : 0,00 €

o Traitements endodontiques et soins annexes de la dent 15 :

o Prestations du 31/01/18 (30 €) : 30,00 €

o Pose du bridge du 28/03/18 (1.860 €) : 406,60 €

- Secteur 3 :

o Intervention du Dr [R] du 25/03/16 (1.130 €) : 0,00 €

o Traitement endodontique et soins annexes de la dent 37 :

' Prestations du 11/04/18 (38,70 €) : 0,00 €

' Prestations du 25/04/18 (243,44 €) : 70,00 €

o Pose du bridge du 24/07/18 : 406,60 €

- Secteur 4 :

o Intervention du Dr [R] du 04/07/16 (1.530 €) : 76,60 €

o Traitement endodontique et soins annexes de la dent 45 :

o Prestations du 27/01/18 (38,70 €) : 0,00 €

o Prestations du 07/03/18 (80,00 €) : 80,00 €

o Prestations du 19/03/18 (169,70 €) : 30,00 €

o Traitement endodontique et soins annexes de la dent 47 :

o Prestations du 03/04/18 (243,44 €) : 70,00 €

o Pose du bridge du 19/05/18 (1.860 €) : 406,60 €

Soit un total de 1.576,40 €, cette somme devant être accordée à M. [P] au titre des dépenses de santé actuelles par infirmation du jugement entrepris sur ce point.

Sur les souffrances endurées :

Après avoir retenu dans son premier rapport un taux de souffrance de 2 sur 7, l'expert a indiqué un taux de 1 sur 7, estimant sa première évaluation 'un peu surévaluée, à la réflexion. Aucune aggravation n'a été constatée à la suite des soins réalisés par le Dr [B] et de plus, les dents étant dépulpées, aucune anesthésie locale n'a été nécessaire. Nous proposons de retenir un SE de 1/7".

Toutefois, ce poste intègre les souffrances physiques et psychologiques associées aux soins et interventions consécutives, et M. [P] a dû supporter en l'espère 10 interventions de reprise, étant également contraint à un traitement antibiotique afin d'éviter le risque d'infection certes lié à son infractus, mais également aux nécessités de reprise des soins défaillants du docteur [R].

La somme de 3000 € sera accordée à M. [P], par infirmation sur ce point du jugement rendu.

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

Il n'est pas démontré, au regard du rapport d'expertise, que l'inconfort fonctionnel de M. [P] avec ses prothèses se soit exprimé antérieurement à l'infarctus dont M. [P] a été victime le 27 août 2016, et il a consulté le docteur [B] le 22 octobre 2016.

S'agissant du taux de 3 % retenu, l'expert indique : 'Sur le DFTP : S'il nous paraît équitable de retenir un DFTP compte tenu des (faibles) gênes temporaires du 22/10/2016 au 24/07/2018, la proposition de Maître [H] d'un taux de classe 1 à 10% nous paraît trop important : En effet, M. [P] n'a jamais été sans dents ayant eu des prothèses transitoires. De plus, les prothèses d'usage ont été réalisées un secteur après l'autre, ce qui réduit encore plus les gênes. Une proposition de Classe 1 à 3% nous paraît plus raisonnable'.

Si ce préjudice correspond à la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique, il n'est toutefois pas démontré qu'un taux supérieur au taux de 3 % retenu par l'expert doive être retenu, et le montant de 25 € a été déterminé justement..

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point, la somme de 25 € x 640 jours x 3% = 480 € étant accordée à M. [P].

Sur le déficit fonctionnel permanent :

M. [P] était âgé de 59 ans à la date de consolidation. Compte tenu de la valeur du point, 1270 euros et du déficit de 2 % tel que retenu par le tribunal, il lui sera alloué la somme de 2540 € par confirmation du jugement entrepris, dès lors que M. [P] ne justifie pas de sa demande de nouvelle évaluation à la somme de 2800 €.

Au total, l'indemnisation de M. [P] doit être fixée ainsi :

-1.576,40 € euros au titre des dépenses de santé actuelles restées à charge

- 3000 € euros au titre des souffrances endurées

- 480 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 2 540 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

soit un total de 7596,40 €, les provisions versées à hauteur de 6000 € devant être déduite de la somme totale, sans qu'il y ait donc lieu à restitution par M. [P] de la somme de 903,40 €, le jugement étant infirmé sur ce point.

Le présent arrêt infirmatif constituant par lui-même un titre exécutoire suffisant pour recouvrer les sommes payées en vertu de l'exécution provisoire, la prétention de M. [P] à voir condamner la MACSF à lui restituer la somme réglée en exécution du jugement sera rejetée.

Le présent arrêt sera opposable à la CPAM de la Vienne régulièrement intimée.

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge de la Mutuelle d'ASSURANCES du Corps de Santé Français (MACSF).

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner la Mutuelle d'ASSURANCES du Corps de Santé Français (MACSF) à payer à M. [F] [P] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- fixé l'indemnisation due à M. [F] [P] à la somme de 76.60 euros au titre des dépenses de santé actuelles et 2 000 euros au titre des souffrances endurées

- condamné M. [F] [P] à payer à la MUTUELLE ASSURANCES CORPS SANTÉ FRANÇAIS (MACSF ASSURANCE) la somme de 903.4 euros

- débouté M. [F] [P] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [F] [P] aux entiers dépens.

Statuant à nouveau de ces chefs,

FIXE à la charge de la Mutuelle d'ASSURANCES du Corps de Santé Français (MACSF) la somme de 1.576,40 € euros au titre des dépenses de santé actuelles et la somme de 3000 € euros au titre des souffrances endurées, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.

DIT n'y avoir lieu à restitution par M. [F] [P] de la somme de 903,40€

CONDAMNE en conséquence, après déduction des provisions de 6000 € versées, la Mutuelle d'ASSURANCES du Corps de Santé Français (MACSF) à payer à M. [F] [P] la somme 1596,40 €, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.

DÉBOUTE M. [P] de sa prétention à voir condamner la MACSF à lui restituer la somme qu'il lui a versée en vertu de l'exécution provisoire du jugement, le présent arrêt infirmatif constituant par lui-même un titre exécutoire suffisant à cet égard

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

DIT le présent arrêt opposable à la CPAM de la Vienne

CONDAMNE la Mutuelle d'ASSURANCES du Corps de Santé Français (MACSF) à payer à M. [F] [P] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

CONDAMNE la Mutuelle d'ASSURANCES du Corps de Santé Français (MACSF) aux dépens de première instance et d'appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01592
Date de la décision : 21/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-21;21.01592 ?
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