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21/02/2023 | FRANCE | N°21/01237

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 21 février 2023, 21/01237


ARRET N°66



N° RG 21/01237 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GH5P













[KZ]

[U]



C/



[T]

[T]

[W]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01237 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GH5P



D

écision déférée à la Cour : jugement du 29 mars 2021 rendu(e) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de POITIERS.







APPELANTE :



SCI STUDEL, représentée par ses co-gérants Mme [MK] [KZ] et M. [LY] [U]

[Adresse 1]

86000 [Localité 4]



ayant pour avocat postulant Me Nicolas DUFLOS...

ARRET N°66

N° RG 21/01237 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GH5P

[KZ]

[U]

C/

[T]

[T]

[W]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01237 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GH5P

Décision déférée à la Cour : jugement du 29 mars 2021 rendu(e) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de POITIERS.

APPELANTE :

SCI STUDEL, représentée par ses co-gérants Mme [MK] [KZ] et M. [LY] [U]

[Adresse 1]

86000 [Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Nicolas DUFLOS de la SCP DUFLOS-CAMBOURG, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Caroline LECORNUE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Madame [J] [T]

née le 22 Janvier 1949 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Monsieur [P] [T]

né le 10 Novembre 1979 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [F] [W]

née le 07 Novembre 1948 à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 4]

ayant tous les trois pour avocat Me Philippe MISSEREY de l'ASSOCIATION L.E.A - Avocats, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapport

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

La Sci Studel a été constituée en 1969 et a pour objet de détenir et de gérer tout immeuble, dont l'ensemble immobilier dénommé '[Adresse 7]' constitué de près de 400 locaux d'habitation et professionnels, ainsi que de proposer divers services accessoires.

Elle a été fondée et dirigée pendant des décennies par [X] [KZ], et son capital social, réparti en 2.335 parts, était détenu par neuf associés appartenant pour la plupart à la famille [KZ].

En 2010, [LY] [U], petit-fils de [X] [KZ], détenteur de 6,42% des parts de la société en a été exclu. Il obtiendra plus tard en justice l'annulation de cette exclusion.

[J] [T] est devenue associée dans la société, et en a été nommée gérante le 14 janvier 2011.

Son fils, [P] [T], qui était salarié depuis 2007, est aussi devenu gérant, le 20 décembre 2017.

Le 20 septembre 2018, [F] [W], fille aînée de [X] [KZ], salariée de la société, est également devenue gérante.

L'assemblée générale réunie le 26 juin 2019 a rejeté les comptes de l'exercice 2018, révoqué à effet immédiat les quatre gérants [X] [KZ], [J] [T], [P] [T] et [F] [KZ] épouse [W], et désigné en qualité de co-gérants [MK] [KZ] et [LY] [U].

[X] [KZ] est décédé le 30 juillet 2019.

Par acte du 17 mars 2020, [MK] [KZ] et [LY] [U] agissant en qualité de gérants de la Sci Studel ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de [Localité 4] [J] [E], [P] [T] et [F] [W] pour voir juger qu'ils avaient chacun commis des fautes de gestion à raison de graves négligences et d'avantages octroyés sans contrepartie réelle au détriment de l'intérêt social et la plupart du temps à leur profit personnel, ayant notamment consisté :

.dans l'occupation d'appartements de la SCI pour un loyer dérisoire voire inexistant

.dans l'octroi de rémunérations excessives et/ou indues

.dans l'octroi d'un bail commercial au profit d'une société dans laquelle [P] [T] était personnellement intéressé, et un détournement de la clientèle de la SCI

.dans une collusion avec la société ODIC au détriment de la société

.dans un recours excessif au crédit sans prendre les mesures permettant de rembourser les emprunts

.dans une distribution excessive de dividendes au détriment de l'entretien de l'actif immobilier de la SCI, au point de mettre en danger la sécurité de certains occupants et de dégrader l'image de la société.

Dans le dernier état de leurs prétentions, les demandeurs sollicitaient -outre 20.000 euros d'indemnité pour frais irrépétibles- la condamnation solidaire de [J] [E], [P] [T] et [F] [W] à payer à la Sci Studel la somme de 3.136.930,16 euros à parfaire, en réparation des fautes de gestion par eux commises depuis 2011 en tant que gérants de droit ou de fait, directement ou par manque de surveillance.

Les défendeurs ont chacun contesté le principe même de leur responsabilité et conclu au rejet des demandes dirigées à leur encontre, soutenant, en substance, que [X] [KZ], même s'il était diminué physiquement les dernières années, avait continué à prendre seul pendant la période incriminée toutes les décisions importantes que les co-gérants avaient ensuite exécutées ; que leur gestion avait constamment été contrôlée et approuvée ; que les comptes avaient été validés à l'unanimité lors des assemblées générales successives ; que la situation était bonne au moment de la révocation de la gérance, avec une rentabilité de la société conforme à ce qu'elle avait toujours été.

Par jugement du 29 mars 2021, le tribunal judiciaire de [Localité 4] a rejeté l'ensemble des demandes formulées par [MK] [KZ] et [LY] [U] en qualité de gérants de la SCI Studel et les a condamnés ès qualités aux dépens de l'instance et à payer 4.000 euros d'indemnité de procédure aux défendeurs, ensemble, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi les premiers juges ont retenu, en substance :

-qu'il n'était pas établi que les facultés mentales de [X] [KZ] aient été diminuées ou a fortiori altérées jusqu'au jour de son décès

-que les productions démontraient qu'il avait décidé personnellement jusqu'à son décès des orientations de la Sci Le Studel et pris les décisions utiles, et qu'il disposait des capacités intellectuelles pour le faire

-que les actes au demeurant ponctuels accomplis par [P] [T] et par [F] [W] avant leur désignation respective comme gérant ne démontraient pas de leur part une gestion de fait mais leur avaient été dictés par [X] [KZ],toujours pleinement lucide, et avaient été validés tant par celui-ci que par les assemblées générales de la société, dont les décisions ne pouvaient certes avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité toujours possible, mais démontraient bien la connaissance et le contrôle dont ces actes avaient fait l'objet

-que les fautes de gestion alléguées n'étaient pas établies,

.l'occupation d'un appartement de la société par Mme [W], fille aînée de [X] [KZ], s'étant faite en vertu d'un bail d'habitation que celui-ci, qu'elle soignait, avait signé, et dont le caractère avantageux était conforme aux statuts de la SCI

.l'occupation d'un appartement de la société par [P] [T] relevant d'une proposition de [X] [KZ] de lui attribuer un logement de fonction et ayant été décidée à l'unanimité par l'assemblée générale des associés

.les travaux de rénovation et de réaménagement de ces deux appartement respectivement 140 et 101 ayant été voulus par [X] [KZ] et décidés par délibération des associés réunis en assemblée générale le 28 juin 2014, leur importance et leur coût étant en cohérence avec la motivation qui animait M. [KZ] d'une gestion profitable à ses proches, particulièrement lorsqu'ils s'investissaient dans la gestion de la société

.la rémunération de Mme [W] dont l'importance est incriminée étant celle stipulée au contrat de travail du 1er octobre 2012 conclu entre elle et la SCI soit près de sept années avant le décès de son père, et que les co-gérants de droit n'avaient pas la possibilité de s'y opposer

.la rémunération de [P] [T] étant celle qu'avait décidée [X] [KZ], qui appréciait beaucoup ses qualités et son investissement dans la société, et avait le droit de vouloir le gratifier au regard du caractère familial et non pas commercial de la SCI

.la conclusion par [P] [T] alors qu'il était gérant de droit de la SCI d'un bail commercial avec une société [T]-[K] dont il était associé à 50% et président s'étant faite en toute transparence, après avoir été présentée aux associés de la SCI dans le cadre d'un rapport de gestion et adoptée par une assemblée générale où tous les associés sauf un, Mme [MR], étaient présents ou représentés, et les demandeurs n'établissant pas que cette convention ait causé un préjudice à la SCI

.l'attribution à une société Odic gérée par M. [K], dont le gérant est proche de [P] [T], du marché de l'installation d'une chaufferie à bois biomasse et des contrats d'entretien de l'immeuble et de ses équipements répartis jusqu'en 2011 entre une trentaine d'entreprises partenaires historiques du Studel procédant d'une décision personnelle de [X] [KZ], approuvée en assemblées générales sans qu'il soit justifié de l'état de contrainte des associés allégué à cet égard par les demandeurs, et la société Odic répondant s'il y a lieu au titre de sa responsabilité contractuelle des manquements qu'elle s'avérerait avoir commis dans le cadre de ces marchés

.les emprunts qu'il est reproché aux gérants d'avoir souscrits ayant été décidés par [X] [KZ] et garantis par un actif qui lui était personnel ; ayant été soumis aux associés avec la présentation des comptes sociaux au 31 décembre 2013, qui étaient bons, avec un bénéfice de plus de 679.000 euros sur l'exercice ; ayant été votés par l'assemblée générale du 28 juin 2014 ; et n'ayant causé aucun préjudice avéré à la SCI, que M. [KZ] avait toujours gérée ainsi

.la dégradation de l'image de la SCI alléguée par les demandeurs, à la tenir pour avérée, n'étant pas imputable à faute aux défendeurs, et les commentaires du nouvel expert-comptable de la société sur la politique de distribution de dividendes méconnaissant que telle avait toujours été la volonté de [X] [KZ] et la pratique de la gérance.

[MK] [KZ] et [LY] [U] en qualité de gérants de la SCI Studel ont relevé appel de cette décision le 15 avril 2021.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 19 septembre 2022 par Mme [KZ] et M. [U] ès qualités

* le 21 septembre 2022 par Mme [E], M. [T] et Mme [W].

[MK] [KZ] et [LY] [U] agissant en qualité de gérants de la SCI Studel demandent à la cour de juger l'action non prescrite, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, et de condamner solidairement [J] [E], [P] [T] et [F] [W] :

.à payer à la SCI Studel la somme de 3.188.777 euros à parfaire, en réparation des fautes de gestion commises en qualité de gérants de droit et/ou de fait depuis 2011, directement ou selon manquement à leur obligation de surveillance de leur(s) co-gérant(s)

.aux dépens et à payer à la Sci Studel la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils relatent la période de création de la société et de sa gestion unique par [X] [KZ], durant laquelle ils affirment que les associés, tous descendants du dirigeant et pour la majorité ne résidant pas dans la région, lui faisaient entièrement confiance et votaient sans discussion ni contrôle les résolutions proposées, puis de la mise en place de la cogérance, et finalement de l'apparition de dissensions entre les gérants et les associés, lorsque ceux-ci ont constaté qu'il leur était refusé l'accès aux informations permettant de connaître la situation financière de l'entreprise, qu'ils connurent une fois les gérants révoqués à effet immédiat, et qui s'avéra très inquiétante, comme devait rapidement le confirmer l'audit financier conduit en novembre 2019 par le nouvel expert-comptable. Ils soutiennent que les associés ont réussi à redresser la société, au prix d'importants efforts, renonçant à toute distribution de dividendes tout en payant sur leur épargne personnelle l'impôt sur le revenu, décorrélé des dividendes versés.

Ils assurent que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu au vu de témoignages complaisants et en l'absence du dossier médical, [X] [KZ], qui se présentait lui-même comme 'retraité' dès 2012 dans son testament, n'avait plus depuis au plus tard 2015 aucun pouvoir ni de décision ni de contrôle sur les actes accomplis par les intimés pour le compte de la société. Ils affirment qu'il était depuis cette date grabataire, confiné dans son appartement, atteint de démence vasculaire cérébrale, qu'il n'avait plus les capacités physiques et intellectuelles de décider ou de contrôler, se contentant de signer tous les documents que les intimés lui présentaient en le flattant de penser qu'il participait encore à la gestion. Ils se prévalent des éléments contenus dans le dossier médical obtenu en justice après son décès par l'un de ses enfants.

Ils soutiennent que compte-tenu de ses actes positifs de gestion, de sa présentation aux yeux des tiers et de l'absence de contrôle sur ses actes, [P] [T], recruté comme assistant de direction suppléant en 2007, était gérant de fait depuis 2011. Ils font valoir qu'il disposait d'une procuration générale sur tous les comptes de la société au CIC depuis 2015 ; qu'il se présentait lui-même comme 'directeur' du Studel sur son profil Linkedin et auprès d'un journaliste ; qu'il avait lui-même renseigné le questionnaire de l'assurance chômage en écrivant ne pas recevoir d'instructions ni subir de contrôles dans le cadre de son activité.

Ils affirment que [F] [W], devenue gérante de droit en septembre 2018, était gérante de fait depuis 2011 où son père s'était progressivement retiré de la gestion et où ses propres fonctions salariées de secrétaire étaient fictives, bénéficiant d'une procuration générale sur les comptes de la société à la BNP et au CIC, se présentant aux yeux des tiers comme 'la directrice du Studel', engageant la société en signant des billets à ordre, signant des chèques au bénéfice du Trésor Public, des fournisseurs ou des associés pour distribuer des dividendes, décidant des paiements au vu de la trésorerie disponible, retirant en 2017sans autorisation de la gérance de droit ni des associés des sommes en espèce sur le compte-courant détenu par elle-même et par son père, et ce sans instructions spécifiques ni contrôles à cet effet des gérants de droit, feu [X] [KZ] et [J] [T]. En réponse aux contestations de l'intéressée, ils précisent n'avoir jamais soutenu qu'elle était gérante de fait à distance depuis [Localité 8], alors qu'elle avait déménagé en 2013 au Studel ; que la souscription de billets à ordre ne constituait nullement le remboursement d'une facilité de trésorerie ; et que c'est pour respecter les apparences que Mme [W] faisait parfois signer un document à son père, en réalité incapable de gérer l'entreprise, et retiré des affaires même si son nom figurait toujours comme co-gérant sur le registre des sociétés, faute de démarche pour l'en radier.

Ils soutiennent que les gérants répondent de leurs fautes contre l'intérêt social quand bien même les associés ont donné leur consentement unanime aux actes fautifs, et ajoutent qu'aux termes de l'article 1843-5 du code civil, aucune décision de l'assemblée des associés ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants.

Ils contestent la position des premiers juges selon laquelle le caractère familial de la Sci Studel justifierait des actes gratifiant ou favorisant les associés, en objectant que c'est là nier l'autonomie de l'intérêt de la société, dont la prise en compte et le respect priment, y compris pour les SCI, et ils font observer que la Sci Studel n'est au demeurant pas que familiale puisqu'elle est aussi une entreprise qui emploie une dizaine de personnes.

Ils rappellent que la faut de gestion peut être caractérisée par une simple négligence ou imprudence.

Ils font valoir qu'il est de jurisprudence établie que la responsabilité du gérant de droit n'empêche pas la responsabilité parallèle d'un gérant de fait.

Ils soutiennent qu'à supposer même, ce qu'ils réfutent, que les actes incriminés aient été décidés par [X] [KZ], il revenait à [J] [T], gérante de droit, et qui les connaissait, de s'y opposer, peu important qu'elle fût par ailleurs minoritaire comme associée.

Ils articulent et détaillent les fautes de gestion qu'ils imputent aux intimés, en

¿ l'octroi d'avantages à leur profit personnel sans contrepartie proportionnée pour la société et au détriment de l'objet social, s'agissant

-de la rénovation somptuaire de leurs appartements personnels appartenant à la société, et leur occupation sans conclusion d'une convention réglementée comme requis par l'article L.612-5 du code de commerce, en contre partie de loyers dérisoires ou inexistants, dont les appelants chiffrent la valeur du préjudice à 456.441 euros

-du bénéfice de rémunérations indues -s'agissant de Mme [W], qui ne faisait absolument rien selon eux- ou excessives -s'agissant de [P] [T], qu'ils chiffrent à 119.678 euros, après avoir rappelé que ces contrats de travail constituaient des conventions réglementées qui auraient dû faire l'objet d'un rapport présenté en assemblée générale

-de l'octroi d'un bail commercial au profit d'une société tierce dans laquelle [P] [T] était personnellement intéressé, et le détournement de la clientèle de la société, dont ils chiffrent la valeur du préjudice à 50.038 euros

¿ la commission de graves négligences techniques et financières au détriment de la société, consistant

-en leur négligence, voire leur collusion avec la société ODIC, dans le cadre de l'entretien du Studel, les ayant conduits à confier entre 2014 et 2019 sans appel d'offres près de 80% des travaux d'entretien et de réparation du Studel à la société ODIC, dirigée par l'ami et associé de [P] [T], pour un résultat déplorable et excessivement coûteux, et à payer ses factures les yeux fermés, alors qu'il y avait des doubles facturations, des surfacturations et des tarifs excessifs, outre l'implantation d'une chaudière à bois qui s'est révélée mal installée, défaillante et ruineuse, au point qu'elle a dû être arrêtée après quatre années alors qu'elle était censée fonctionner vingt ans.

-en leur défaut de surveillance à l'occasion de la souscription abusive de trois emprunts contractés entre 2013 et 2015 contre l'intérêt de la société, et en l'insuffisance des mesures permettant leur remboursement, dont ils chiffrent la valeur du préjudice à 1.318.482 euros.

Ils réfutent tout caractère abusif de l'action et concluent au rejet de la demande de dommages et intérêts formulée à ce titre par les intimés.

[J] [E], [P] [T] et [F] [W] demandent à la cour de débouter purement et simplement la Sci Studel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de confirmer purement et simplement le jugement et de condamner la Sci Studel à leur payer 20.000 euros de dommages et intérêts et 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Ils demandent à la cour au visa des articles L.1110-4 du code de la santé publique et 9 du code de procédure civile d'écarter les pièces n°186 à 193 de l'appelante, en faisant valoir qu'il s'agit de pièces médicales concernant feu [X] [KZ] produites de façon déloyale trois jours avant la clôture assorties d'une opposition à tout report de la clôture, et en violation du secret médical par une personne, la Sci Studel, qui n'est pas légitime à les détenir et a fortiori à les produire en justice alors que le respect de la vie privée du défunt et du secret sur les informations médicales le concernant ne peut être légalement écarté qu'au profit des ayants-droit, partenaire ou concubin pour défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, ce que n'est évidemment pas et ne fait pas la Sci Studel, qui n'a pu les recevoir que du fils du défunt, [B] [KZ], père de l'actuelle gérante, lequel les a exigés du médecin traitant..

Ils relatent les nombreuses procédures judiciaires qui les opposent aux associés majoritaires, qui les ont révoqués après le décès de [X] [KZ] et ont accaparé leurs parts sociales en s'accordant depuis des dividendes supérieurs à tout ce qui avait été distribué auparavant, et ce alors même qu'ils font plaider par la SCI qu'elle était au bord de l'état de cessation des paiements en 2020.

Ils citent les résultats de la société sur la période courue de 2016 à 2020.

Ils dénient toute force probante à l'audit établi par le nouvel expert-comptable mandaté par la nouvelle gérance, en faisant valoir qu'il est unilatéral et réfuté par le précédent expert-comptable, qui en démontre dans une réponse argumentée la partialité et la fausseté, et ils s'insurgent contre la production par l'appelante d'un nouveau rapport en réplique à cette réponse trois jours avant la clôture alors qu'elle le détenait depuis longtemps, indiquant n'avoir pu l'examiner ni le discuter utilement.

Ils observent que l'appelante persiste à ne pas produire ses comptes clôturés au 31 décembre 2021, et se disent persuadés que c'est parce qu'il s'y verrait que la situation de la société est toujours saine et profitable.

Ils affirment que [X] [KZ] continua jusqu'à la fin de sa vie de prendre toutes les décisions utiles en consultant les cogérants et le directeur salarié qui mettaient ensuite en oeuvre les décisions prises, et ils font observer qu'ayant procédé au partage anticipé de ses biens en gratifiant ses enfants, dont ceux qui le décrivent aujourd'hui via la SCI comme hors d'état de gérer l'affaire, il était devenu minoritaire dans la société qu'il avait fondée, de sorte que ses décisions auraient pu être contestées ou annihilées par les majoritaires, [LY], [B] et [MK] [KZ] et [O] [MR] sa petite-fille, qui auraient parfaitement pu de même le révoquer de ses fonctions de gérant, alors qu'ils approuvèrent constamment toutes ses décisions en assemblée générale. Ils ajoutent que les enfants de [X] [KZ] auraient pu lui faire désigner un tuteur ou un curateur s'il avait réellement été hors d'état de gérer et de comprendre ce qu'il signait, comme prétendu, et observent qu'une démarche en vue de mettre en place un mandat de protection future fut en effet engagée, mais un mois et demi avant son décès. Ils invoquent les neuf attestations concordantes qu'ils produisent pour établir l'état des capacités intellectuelles de [X] [KZ]. Pour le cas où la cour n'écarterait pas le dossier et les pièces médicales produits par l'appelante, ils observent que de toute façon, aucun reproche de la Sci Studel ne concerne une décision personnelle de [X] [KZ] postérieure à décembre 2015 où l'appelante situe le point de départ de son incapacité, contestée, à gérer ses affaires.

[F] [W] et [P] [T] contestent avoir été gérants de fait avant leur nomination respective comme gérant de droit ; ils soutiennent que l'appelante échoue à en rapporter la preuve ; et ils en déduisent qu'il ne peut leur être reproché de n'avoir pas exercé un droit d'opposition envers [X] [KZ] dont ils ne disposaient pas.

Les trois intimés contestent avoir manqué à leur devoir de surveillance et de vigilance du temps qu'ils étaient gérants de droit ; redisent que [X] [KZ] prenait les décisions, approuvées par les associés ; et ils font observer que l'appelante n'explique pas les initiatives concrètes et efficaces qu'ils auraient dû prendre pour empêcher la réalisation effective des décisions que l'appelante estime fautives.

Ils objectent que trois des décisions que l'appelante qualifie de 'décisions de gestion' pour les leur imputer à faute, n'en sont pas, puisqu'il s'agissait de la volonté des associés exprimée par un vote unanime.

Ils indiquent que les griefs articulés par la Sci Studel doivent s'apprécier au prisme des règles de prescription, puisque d'une part, l'article 1844-14 du code civil interdit de contester les délibérations des associés vieilles de plus de trois années, de sorte que toutes les délibérations antérieures au 17 mars 2017 sont définitives ; d'autre part que l'article 2224 du code civil interdit de contester la pertinence des actes de gestion antérieurs au 17 mars 2015 sous la condition que la Sci Studel ait connu les faits permettant d'exercer l'action.

Ils font valoir que les comptes sociaux ont toujours été approuvés à l'unanimité, et que l'ensemble des associés étaient parfaitement informés des opérations importantes.

Ils réfutent chacune des fautes que leur impute la Sci Studel, indiquant, en substance

¿ quant à la rénovation et à l'occupation d'appartements

.que [X] [KZ] avait affecté l'appartement n°120 à l'accueil d'amis ou de membres de la famille de passage, tels [MK] [KZ], qui y a logé durant des mois, et que [F] [W], dont l'appartement ne communiquait pas avec celui-ci, ne l'a pas habité personnellement

.que l'appartement n°130 était occupé par [X] [KZ] et son épouse jusqu'à leur décès respectif ; que Mme [W] est venue y vivre pour s'occuper de son père en 2015 en mettant entre parenthèses sa vie personnelle qui était à [Localité 8] ; qu'elle est devenue colocataire; que son père a continué à payer le loyer, qui par erreur n'a pas été reporté sur le nouveau bail ; qu'il s'agit d'un appartement vétuste, au confort des années 1970 ; et qu'en tout état de cause, la question des rapports locatifs d'habitation relève de la compétence exclusive du juge des contentieux de la protection

.que l'appartement n°140 a toujours été et est demeuré un bureau ; que Mme [W] n'y a jamais habité ; qu'il a été rénové en 2013 sur décision de [X] [KZ] et avec l'approbation des associés prise par une décision contre laquelle toute action est prescrite, et d'une façon qui profite à la SCI

.que l'appartement n°101 est l'appartement de fonction de [P] [T] selon une décision votée par l'unanimité des associés plus de cinq ans avant l'assignation ; qu'il lui avait été proposé par [X] [KZ], afin qu'il vienne s'établir dans la résidence pour y être accessible 24h sur 24 pour intervenir 'en cas de problème majeur' même si conventionnellement il n'était pas d'astreinte ; que sa mise à disposition a été décidée en 2015, sur décision unanime des associés par un avenant à son contrat de travail auquel il n'a pas participé ; que la valorisation de cet avantage en nature a été arbitrée par l'expert-comptable qui assistait la Sci, pour un montant qui est normal ; que la demande en paiement d'un complément de loyer n'a aucun sens s'agissant d'un avantage que sa rénovation a été décidée en 2015 par [X] [KZ], gérant; qu'elle était nécessitée par son état d'abandon depuis des années avec des démolitions intérieures demeurées en l'état ; qu'elle ne s'est pas faite à un coût excessif ; et qu'elle a été de l'intérêt de la Sci, qui le loue aujourd'hui 1.081 euros par mois hors charge soit donc avec un taux de rentabilité brute de l'ordre de 8% tout à fait profitable.

¿ quant à la rémunération prétendument excessive

.de Mme [W] : que celle-ci a été embauchée en 2012, soit à une époque antérieure à celle à laquelle l'appelante situe l'altération des facultés de [X] [KZ] ; selon un contrat signé de [P] [T] par ordre du gérant, dont le conseil des prud'hommes a jugé qu'il n'avait pas commis de faute et, notamment, pas contribué en cela à un emploi fictif ; pour un temps très partiel et un salaire dérisoire de 370 euros par mois qui avait une contre partie bien réelle, consistant à assurer la liaison entre son père et d'une part [P] [T], d'autre part les partenaires extérieurs ; qu'il est sans incidence que la procédure des conventions réglementées n'ait pas été suivie, puisque la société n'a subi rigoureusement aucun préjudice

.de [P] [T] : que sa rémunération avait été fixée en 2007 ; qu'elle a ensuite doublé en proportion de l'accroissement de ses tâches, étant devenu cadre dirigeant ; que l'avenant date de 2015, avant la prétendue incapacité de [X] [KZ] ; que le salaire correspondait au degré de responsabilité du préposé, et était moindre que celui du successeur de [P] [T] que la nouvelle gérance a recruté après l'avoir chassé.

¿ quant à l'octroi d'un bail commercial à la société [T]-[K] et au prétendu détournement de clientèle

.que la SCI est une société immobilière qui n'a pas opté pour l'impôt sur les sociétés et n'est pas soumise à la TVA ; qu'elle n'a jamais eu d'activités accessoires ou complémentaires de services, notamment pour éviter d'être assujettie aux impôts commerciaux (impôt sur les sociétés ou sur les bénéfices commerciaux) et à la TVA ; qu'elle avait laissé à la disposition des 400 résidents dans un petit local anciennement à usage de vide-ordures de 5 m² une machine à laver laissée par un habitant à son départ et que tous pouvaient utiliser en déposant quelques pièces dans une boîte à l'accueil, sans comptabilisation de recette à ce titre, de sorte qu'il n'y avait aucun chiffre d'affaires propre à la laverie, contrairement à ce que prétend l'appelante, dont les productions ne réfutent pas ce constat, et le confirment même, montrant 1.695 euros d'espèces comptabilisées sur une période de 46 mois entre 2014 et 2018 ; que les associés ont approuvé à l'unanimité le 15 mai 2018 la 'création d'une laverie gérée par messieurs [T] et [K]', qui était soumise à leur approbation comme requis par l'article L.612-5 du code de commerce par un rapport de gestion tout à fait limpide ; que la société règle un loyer pour le local ; que la nouvelle gérance tire argument de sa présence dans la résidence ; que la Sci, dont l'objet social n'inclut pas l'exploitation d'une laverie, n'a subi aucune espèce de préjudice

.que les travaux d'aménagement du local n'ont pas été supportés par la Sci Studel mais par la société [T]-[K], selon facture de la société Odic produite aux débats et acquittée

.qu'il est justifié par les productions que la société [T]-[K] règle sa consommation d'eau et d'électricité à la Sci Studel, sur facture

.que la prétendue perte de loyer est une prétention qui a été soumise au tribunal judiciaire de [Localité 4] dans le cadre d'une autre instance, pendante en cause d'appel

.que [P] [T] passait le dimanche soir pour le petit coup de propreté requis, et qu'il n'a jamais été demandé aux femmes de ménage employées par la Sci d'y faire quoi que ce soit, les intimés n'étant pas responsables si elles y ont parfois consacré quelques minutes par conscience professionnelle et dans l'ignorance du statut juridique de cette laverie

¿ quant aux négligences ou collusion avec M. [K] de la société Odic

.que les reproches relatifs à la chaufferie reposent sur le postulat, erroné, que [P] [T] aurait été le gérant de fait à l'époque de sa mise en route

.que son intervention s'est faite en exécution d'une délégation de pouvoir de [X] [KZ] signée du 23 mars 2015

.que le changement de chaudière était une décision personnelle de [X] [KZ] à laquelle son co-gérant n'avait ni le pouvoir, ni un motif de s'opposer ; qu'elle était envisagée depuis avant 2014 ; qu'elle était motivée par les insuffisances de la chaudière en place ; qu'elle a été approuvée par l'unanimité des associés ; que la gérance n'est pas responsable des défauts de conception, d'exécution et d'installation de cette chaudière

.que la gérance consacrait des sommes substantielles à l'entretien de la résidence et à l'amélioration de ses équipements, alors que plusieurs associés poussaient à faire le minimum

.que [P] [T] n'a aucun lien ni aucun intérêt commun avec la société Odic

.qu'il s'agit d'un professionnel établi, qui a oeuvré sur ces chantiers prestigieux

.que le rapport critique invoqué par la Sci est unilatéral et émane d'une société en liquidation amiable que nul ne connaît ; qu'il est émaillé d'interrogations auxquelles la Sci s'est bien gardée de répondre alors qu'elle disposait des éléments

.qu'il n'y aucune preuve d'une surfacturation

¿ quant à la politique de distribution des dividendes

.qu'il ne s'agit pas d'actes de gestion mais de décisions des associés

.que les distributions n'ont pas été excessives, et qu'elles pouvaient excéder parfois le résultat annuel compte-tenu des réserves antérieures s'y ajoutant

¿ quant au recours abusif à l'emprunt

.que le choix du recours à l'emprunt incombait exclusivement à [X] [KZ], qui avait affecté en garantie un actif personnel, à savoir un contrat de capitalisation

.qu'il date de 2013, avant l'époque où l'appelante situe la prétendue incapacité de celui-ci

.qu'aucun des trois intimés n'a participé à la négociation ni à la signature, en avril 2013; qu'ils en ont eu connaissance, comme tout le monde, plus d'une année après leur souscription, à l'occasion de la présentation des comptes sociaux arrêtés au 31.12.2013 à l'assemblée générale du 28 juin 2014 ; que s'ils en avaient eu connaissance, ils n'auraient eu aucun moyen de s'y opposer, [X] [KZ] ayant le pouvoir d'engager la société à l'égard des tiers et eux-mêmes étant associés minoritaires

.que ce recours à l'emprunt n'était au demeurant nullement fautif

-le remboursement du compte courant de la société n'ayant rien d'anormal

-la distribution de dividendes n'étant pas une décision de gestion mais une décision des associés.

-celle-ci ayant systématiquement été décidée par les associés, qui perçurent des sommes substantielles

.qu'il est invraisemblable que ceux qui ont profité de ces distributions les critiquent aujourd'hui par la voix de la Sci

.que l'acte de gestion qu'est le contrat de prêt souscrit le 19 avril 2013 par [X] [KZ] est couvert par la prescription

.que la gérance avait bien préparé le remboursement de cet emprunt exigible en mai 2021, huit ans après, en constituant des provisions annuelles et en proposant aux associés des provisions spéciales complémentaires; que conformément au testament de [X] [KZ], il aurait au besoin été possible de vendre quelques appartements pour réunir le solde de la somme à payer si les provisions n'avaient pas couvert la totalité du remboursement

.que la demande est incohérente, puisqu'elle porte sur le remboursement du capital et des intérêts des emprunts alors que le prétendu préjudice ne tiendrait, s'il existait, qu'à la dette d'intérêts, au demeurant très modestes puisque d'1,74%, et ne tient pas compte de l'économie d'impôt résultant des intérêts, lesquels ont diminué le montant imposable de la société

.qu'il est insolite de voir l'actuelle gérante, [MK] [KZ], faire plaider que constituerait une faute de gestion la souscription d'un emprunt de 800.000 euros au nom de la SCI pour les besoins de la société avec l'accord de l'unanimité des associés, tandis qu'elle avait obtenu de [X] [KZ] que la Sci lui prête personnellement sans délibération des associés et pour ses besoins privés 100.000 euros, ce dont l'audit du nouvel expert-comptable ne parle pas.

Estimant l'action agressive, absurde et incohérente, autant qu'infondée, et offensante pour [P] [T] vu la mise en cause de sa probité, les intimés réclament 20.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Ils justifient leur demande au titre des frais irrépétibles par l'importance du travail qu'a nécessité pour leur conseil la réponse aux prétentions adverses.

L'ordonnance de clôture est en date du 22 septembre 2022.

À l'audience, la cour a demandé au conseil de Mme [KZ] et M. [U], qui agissent ès qualités, si la partie appelante était la société qu'ils représentent, ou ses gérants, à quoi il a été répondu que l'appelante est bien la Sci Studel, qui agit représentée par ses deux gérants.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur la question de la prescription

La prescription est une fin de non-recevoir, comme l'énonce l'article 122 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 789, alinéa 1er, du code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir.

[J] [E], [P] [T] et [F] [W], défendeurs à l'action en responsabilité exercée à leur encontre par la Sci Studel, avaient saisi en première instance le juge de la mise en état d'un incident tendant à voir constater la prescription de cette action.

Ils se sont en définitive désistés de cet incident, ce que le juge de la mise en état a constaté par ordonnance du 17 décembre 2020 (cf pièce n°206 de l'appelante) les condamnant aux dépens dudit incident.

En cause d'appel -où le conseiller de la mise en état ne saurait au demeurant être saisi d'un incident qui aurait pour effet, s'il était accueilli, d'infirmer le jugement entrepris- aucun incident de prescription n'a été formé.

La Sci Studel demande à la cour dans le dispositif de ses conclusions de juger l'action non prescrite.

Les intimés consacrent en page 22 de leurs écritures, ainsi qu'en d'autres ensuite, des développements à une 'exception de prescription', pour soutenir que la cour devra à l'occasion de l'examen des cinq griefs que leur adresse la Sci Studel confronter la situation de fait à cette exception de prescription, tant tirée de l'article 1844-14 du code civil que de son article 2224.

L'article 1844-14 du code civil interdit de contester les délibérations des associés après l'expiration d'un délai de trois années.

La Sci Studel n'exerce pas d'action en contestation d'une délibération.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les intimés écrivent dans les motifs de leurs conclusions que ce texte interdit à la Sci Studel, qui les a assignés par actes du 17 mars 2020, de contester la pertinence d'actes de gestion antérieurs au 17 mars 2015.

D'une part, la Sci Studel n'agit pas en annulation ou résolution d'actes de gestion, elle réclame dans le cadre de la présente instance à trois anciens gérants la réparation du préjudice qu'elle soutient subir en raison de leurs fautes de gestion.

Ensuite, et en tout état de cause, la cour ne doit aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, or elle n'est saisie par les intimés dans le dispositif de leurs conclusions d'aucun moyen de prescription de tout ou partie des demandes formées à leur encontre.

À considérer même, pour les besoins du raisonnement -alors qu'il était aisé aux intimés de demander à la cour de déclarer irrecevables les demandes fondées sur le grief de fautes de gestion commises antérieurement au 17 mars 2015- que la forme que revêt leur moyen tiré de la prescription, invoquée par voie d'exception, ne se prête pas à une formulation explicite dans le dispositif de conclusions autre que pour solliciter, comme ils le font, le rejet des demandes formées à leur encontre, l'appelante est fondée à faire valoir que c'est seulement la nouvelle gérance, nommée le 26 juin 2019, qui était à même de connaître au sens de l'article 2224 du code civil les faits permettant d'exercer cette action, en prenant connaissance des documents de la gérance ainsi que des archives, et de l'audit sur la gestion précédente qu'elle a aussitôt commandé au nouvel expert-comptable et qui lui a été remis à la fin du mois de novembre 2019 (sa pièce n°45), de sorte que l'action, introduite moins d'une année après sa nomination, n'est pas susceptible d'être atteinte de prescription.

* sur la question de l'état de santé de feu [X] [KZ], co-gérant de la SCI

[X] [KZ], né le 2 avril 1922, a été le gérant de la SCI Studel de la création de celle-ci, en 1969, jusqu'à sa révocation par l'assemblée générale des associés le 26 juin 2019.

Il est décédé le 31 juillet 2019, un mois donc après cette révocation.

La question de son état de santé a été d'emblée placée au centre de l'argumentation de la Sci Studel dans le cadre du présent litige, puisqu'elle a soutenu en première instance, et réitère en cause d'appel, qu'en raison de sa mauvaise santé physique et de l'affaiblissement de ses facultés intellectuelles, il n'avait plus depuis 2015 au plus tard, aucun pouvoir ni de décision ni de contrôle sur les actes accomplis par les intimés pour le compte de la société.

Alors que le calendrier de procédure était diffusé depuis des mois, avec une clôture de l'instruction fixée au 22 septembre 2022 et qu'elle avait conclu en dernier lieu le 20 décembre 2021, la Sci Studel a transmis le 19 septembre 2022 des conclusions n°3 récapitulatives assorties de vingt-neuf pièces nouvelles dont plusieurs pièces médicales qu'elle qualifie elle-même de 'dossier médical de [X] [KZ]' (ainsi page 13 de ses conclusions) en accompagnant cette transmission d'un courrier au conseiller de la mise en état transmis par le RPVA s'opposant par avance à tout changement du calendrier et demandant que la clôture soit maintenue.

Ses conclusions font une utilisation soutenue de ce dossier médical, en énonçant à de très nombreuses reprises, lors de l'examen des griefs adressés aux intimés, qu'à la date des fautes de gestion qu'elle leur prête, [X] [KZ] était grabataire et atteint de troubles cognitifs.

La production, trois jours avant la clôture, de telles pièces, sans motif avéré justifiant qu'elles n'aient pas été communiquées plus tôt, porte atteinte à la loyauté des débats, eu égard à leur nature, à l'importance qui leur est attribuée et à l'utilisation qui en est faite, ainsi que le font valoir les intimés, qui n'ont pu les examiner, les discuter, et y répondre vraiment utilement dans le délai de trois jours qui séparait cette production de la clôture au maintien de laquelle la Sci déclarait être fermement attachée.

Les intimés, et au premier chef [F] [KZ] divorcée [W], fille de [X] [KZ], dont elle justifie (sa pièce n°16) être aussi la légataire universelle et l'exécutrice testamentaire, sont en outre fondés à objecter que la production de ce dossier médical contrevient au respect du secret médical et au respect de la vie privée du défunt.

L'article L.1110-4 du code de la santé publique prévoit en effet que toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou un service de santé, a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant.

Le secret médical ne s'éteint pas avec le décès de la personne.

Le V de l'article L.1110-4 prévoit certes que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées, mais à des ayants droit, et dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.

L'article L.1111-7 dispose qu'en cas de décès du malade, l'accès des ayants droit à son dossier médical s'effectue dans les conditions prévues à l'article L.1110-4,V.

La Sci Studel, qui produit ces pièces médicales, est une société civile et elle n'est évidemment pas un ayant droit de feu [X] [KZ].

Les droits qu'elle entend défendre en produisant ces pièces dans le cadre d'une action en responsabilité contre des gérants pour faute de gestion ne sont pas ceux d'un ayant droit du défunt, et ils n'ont rien à voir avec la recherche des causes de la mort de celui-ci ni avec la défense de sa mémoire.

La circonstance que figure parmi ses associés le fils du défunt, [B] [KZ] et une de ses petites-filles, [MK] [KZ], n'est pas de nature à modifier ce constat.

Pour ces motifs, il y a lieu d'écarter des débats, comme irrecevables, les pièces n°186, 187, 188, 189, 190, 191, 192 et 193 de la Sci Studel.

La question de l'aptitude physique et intellectuelle de [X] [KZ] à exercer ses fonctions de gérant jusqu'à sa révocation, et particulièrement depuis l'année 2015 où l'appelante situe le début de l'inaptitude qu'elle allègue, demeure quant à elle dans la cause, et s'apprécie au vu des autres pièces, recevables, ainsi que des explications des plaideurs.

Sans prendre en considération la présentation qu'en font respectivement [B] et [F] [KZ], impliqués de façon opposée dans le présent litige, il s'avère que cet état est décrit avec précision dans des attestations circonstanciées et régulières qui n'ont rien de suspect, par diverses personnes certifiant l'avoir côtoyé les dernières années de son existence.

[ME] [Y], infirmier libéral qui indique avoir connu [X] [KZ] depuis au moins vingt ans, atteste que depuis sa septicémie en août 2015 jusqu'à son décès en juillet 2019, deux infirmiers du cabinet dont il est associé, dont lui-même, intervenaient chaque jour auprès de lui pour des soins, et écrit : 'je peux donc attester sur l'honneur que Monsieur [X] [KZ] n'a été grabataire que la dernière année de sa vie, c'est-à-dire de juin 2018 à juillet 2019 date de son décès. Après sa septicémie, en août 2015, Monsieur [X] [KZ] a eu besoin de nos soins pour retrouver une autonomie suffisante pour se déplacer dans son appartement, prendre ses repas à la cuisine, faire sa toilette à la salle de bains et marcher plusieurs fois par jour dans son appartement. Je me souviens également que sa fille [V] [Z] l'emmenait régulièrement déjeuner au restaurant. Monsieur [KZ] avait toutes ses capacités intellectuelles, de compréhension, d'analyse et de discernement. Monsieur [KZ] m'expliquait parfois certains projets en cours concernant le 'Studel' (comme la mise en place de la chaudière à bois, qui était pour lui un tournant important dans notre monde actuel, il en était très fier). Il était capable de décrire et d'expliquer de façon précise ces projets. Il m'arrivait régulièrement de discuter avec lui de ses lectures financières et d'autres événements d'actualité. Il avait toujours des idées bien arrêtées, même lorsqu'il me parlait de la situation ou de l'évolution du 'Studel'.' (pièce n°74 des intimés).

[MK] [M], qui indique avoir été employée comme aide à domicile et garde de nuit par [X] [KZ] du 22 avril 2015 jusqu'à sa mort, l'été 2019, écrit : '...d'avril 2015 à mai 2018, Monsieur [KZ] avait une certaine autonomie et se déplaçait avec son déambulateur au bras de l'un d'entre nous. (...) il n'a été grabataire que de mai 2018 à son décès un an après le 30 juillet 2019.Quand nous dînions ensemble, Monsieur [KZ] aimait me parler longuement de ce qu'il avait fait durant sa vie. Il était fier de ce qu'il avait réalisé. Son Studel était toute sa fierté. Il me racontait comment il avait réalisé cet ensemble immobilier avec l'aide de quelques amis pour la première mise financière et les banques qui l'avaient suivi et permis d'emprunter pour ces constructions. Il me disait comment il avait pu faire et continuer à faire tous les travaux de ses immeubles car il avait une gestion saine et que les banques lui accordaient des emprunts quand il en avait besoin. Il était fier de sa chaudière à bois car c'était tout nouveau et qu'il avait bien réussi la gestion des travaux et du financement et que cela fonctionnait très bien. Même s'il ne descendait plus au bureau car il était ralenti dans sa marche, il se tenait quotidiennement informé de la gestion du Studel et faisait régulièrement des réunions avec [P] [T]. Il me disait souvent participer à la préparation des assemblées générales et qu'aucune décision importante ne se prenait sans lui. Il me disait également avoir une très grande confiance dans [P] [T] avec qui il avait une relation très régulière de travail..Quand nous étions tous les deux nous avions de grande conversations sur divers sujets d'actualité ou de la vie...J'aimais beaucoup discuter avec lui car il avait toujours l'esprit vif et le sens de la répartie.' (pièce n°75 des intimés).

[I] [LL], une amie qui indique avoir connu [X] [KZ] en 2010, relate être allée le voir à [Localité 4] plusieurs jours en 2014 et 2017 et échanger régulièrement au téléphone, et écrit qu'il 'avait un raisonnement très juste et très pointu', qu'il était 'très fier de sa réussite et très conscient que tout tenait sur des emprunts, c'était une stratégie choisie et voulue par lui pour la bonne marche du Studel'. Elle ajoute avoir 'été témoin que [P] [T] montait travailler à l'appartement avec des dossiers ; Monsieur [KZ] prenait les décisions et personne n'aurait pu le faire changer d'avis s'il n'était pas d'accord. Il avait une faculté de compréhension et d'analyse très précise sur tous les sujets malgré son âge' (pièce n°76).

[G] [L], restauratrice, qui indique avoir connu [X] [KZ] dans son établissement et avoir avec son mari tissé des liens amicaux avec lui, écrit : '...lors de leurs échanges, y compris de 2015 au printemps 2019, je n'ai remarqu2 aucune incohérence dans ses raisonnements, dans l'analyse qu'il faisait de sa vie personnelle'. (pièce n°77 des intimés).

[BL] [S], restauratrice, atteste que [X] [KZ], client fidèle, venant moins dans son établissement parce qu'il était vieillissait, elle allait lui rendre visite de temps en temps entre 2016 et juin 2018 et écrit : '...ses discours étaient bien réfléchis, toujours clairs, limpides et percutants...son état d'esprit vif, bien lucide, fidèle à lui-même' (pièce n°80 des intimés).

[D] [H], retrait de l'éducation nationale, beau-frère par alliance de [F] [W], assure avoir ressenti lors de leur dernière rencontre, en septembre 2017, que [X] [KZ] '...avait totalement intact son sens critique, d'analyse et de discernement' (pièce n°78 des intimés).

[N] [C], chirurgien-dentiste, dit avoir vu [X] [KZ] pour des soins le 9 février 2016 et le 20 avril 2018 et écrit : '...lors de ces soins, le patient comprenais mes demandes et avait des échanges cohérents avec moi. Le patient était pleinement conscient de nos discussions, et a permis la réalisation de ces soins' (pièce n°81 des intimés).

[BF] [R], assistante de vie sociale à domicile, atteste avoir été assistante de vie auprès de [X] [KZ] depuis 2016 jusqu'à son décès le 31 juillet 2019. Elle écrit qu'il '..n'a été grabataire qu'à partir de juin 2018 jusqu'à son décès 1 an après. Avant juin 2018, Monsieur [KZ] se déplaçait en autonomie avec son déambulateur ou au bras...(il) a toujours conservé toutes ses facultés mentales et intellectuelles jusqu'à son décès. Nous discutions souvent ensemble, que ce soit de politique ou du Studel, et je peux attester que sa capacité d'analyse et de décision était intact' (pièce n°82 des intimés).

Il ressort clairement de ces attestations, que l'appelante qualifie gratuitement 'de connivence' sans rapporter aucun élément ni indice en ce sens, qui émanent de personnes très diverses toutes étrangères aux affaires du défunt et au litige, et qui sont très concordantes sans être aucunement stéréotypées, que [X] [KZ] était physiquement autonome jusqu'au printemps 2015 ; que diminué ensuite, il a néanmoins conservé une certaine autonomie jusqu'au printemps de l'année 2018 ; qu'il a été grabataire la dernière année de son existence, du printemps 2018 jusqu'au 31 juillet 2019 ; et qu'il a conservé jusqu'à son décès, y compris donc pendant les derniers mois de sa vie où il était cloué au lit, son discernement, ses capacités intellectuelles et ses facultés d'analyse et de jugement.

Ce constat, qui ressort de ces témoignages nombreux, circonstanciés et concordants, n'est pas réfuté ni contredit par l'appelante, qui ne procède que par voie d'affirmations non étayées, les quelques photographies et extraits d'échanges de courriels qu'elle produit, relatifs aux derniers temps de la vie du défunt, montrant un homme alité dont l'état nécessite la présence d'une autre personne, ce que relatent les témoignages cités, mais n'établissant aucunement une diminution ou a fortiori une abolition des capacités intellectuelles et du discernement.

Ainsi, pas plus qu'en première instance, la Sci Studel ne rapporte la preuve de son affirmation que [X] [KZ] aurait été dès 2015 empêché de gérer la société.

* sur la qualité de gérant de fait attribuée par la Sci Studel à chacun des trois intimés avant qu'ils ne deviennent gérant de droit

[X] [KZ] a été gérant de droit de la société Studel de sa création en 1969 au 26 juin 2019 où il a été révoqué de ces fonctions par l'assemblée générale.

[J] [T] a été gérante de droit du 14 janvier 2011 au 26 juin 2019.

[P] [T] a été co-gérant de droit du 20 décembre 2017 au 26 juin 2019.

[F] [KZ] divorcée [W] a été gérante de droit du 20 septembre 2018 au 26 juin 2019.

Le dirigeant de fait est défini comme celui qui accomplit, en toute indépendance, des actes positifs de direction et de gestion d'une société.

L'appelante soutient que [X] [KZ] s'était progressivement retiré depuis 2011 et qu'il était empêché de gérer la société dès 2015, et elle affirme qu'il aurait confié la gérance de la société à [J] [E], [P] [T] et [F] [W] en 2011 en demandant aux associés de leur accorder la même confiance qu'à lui, et que tous trois étaient gérants de fait de la Sci Studel à compter de l'année 2011.

Il vient d'être dit que l'affirmation que l'état de santé de [X] [KZ] ne lui permettait plus de gérer la société ne repose sur aucun élément probant, et elle est au contraire réfutée par les témoignages circonstanciés démontrant d'une part, qu'il conserva ses capacités intellectuelles, de compréhension, d'analyse et de discernement jusqu'à son décès, et d'autre part que même très diminué physiquement, il continuait de gérer les affaires de la Sci Studel depuis son appartement, où vivait avec lui sa fille [F], salariée de la société depuis 2012 en qualité de secrétaire et co-gérante la dernière année, où se rendait pour y travailler avec lui [P] [T], salarié de la société depuis 2007 en qualité d'assistant de direction puis de directeur et co-gérant à partir de décembre 2017, et d'où il est attesté qu'il se tenait quotidiennement informé du fonctionnement de la société, discutait de dossiers et participait à la préparation des assemblées générales d'associés.

Il est inopérant, pour l'appelante, de faire valoir que [X] [KZ] se qualifiait de 'retraité' et d''ancien directeur' du Studel, alors que ces termes -outre qu'ils sont extraits de pièces médicales au demeurant écartées des débats- ne faisaient que renseigner des rubriques de questionnaires d'identité et correspondent, de fait, à la situation sociale d'un nonagénaire n'exerçant plus d'activité professionnelle, mais ne concernent pas la gérance d'une société.

Il est significatif que [X] [KZ] apparaisse comme présent aux assemblées générales et qu'il ait signé les feuilles de présence et les procès-verbaux jusqu'au mois de décembre 2017 (cf pièces n°4,5,73,86,175).

Le lieu de tenue de ces assemblées générales, 'au Studel' [Adresse 1], est compatible avec la nature de bureau d'une partie de l'appartement où y logeait monsieur [KZ], et où ces assemblées pouvaient se tenir, d'autant que les associés étaient uniquement des membres de sa famille ou des proches, et que l'appelante indique elle-même qu'un certain nombre, résidant loin de [Localité 4], donnaient procuration sans s'y rendre.

Plusieurs des témoignages cités démontrent que [X] [KZ] resta jusqu'à la fin le seul à décider les actes de gestion de la société, et qu'il n'existait manifestement pas d'espace pour contester ses décisions et ce, alors même qu'ayant gratifié ses enfants et petits-enfants, il ne détenait plus que 50 parts en nue-propriété et 225 en usufruit et se trouvait donc minoritaire dans l'affaire qu'il avait créée.

Les productions ne démontrent pas d'actes positifs de direction et de gestion de la Sci Studel qui auraient été accomplis par d'autres que lui en toute indépendance, et persuadent au contraire que même les autres gérants de droit, quand il en fut nommé, ne disposaient pas d'une réelle autonomie de gestion compte-tenu de son autorité personnelle et de la nature de leurs relations.

S'agissant de [J] [E], elle était co-gérante de droit depuis sa nomination à cette fonction par l'assemblée générale du 14 janvier 2011, et la question de sa gestion de fait, ne se pose pas à partir de cette date, ni n'est alléguée pour la période antérieure.

S'agissant de [P] [T], il a été recruté en qualité d'assistant de direction selon contrat de travail à durée indéterminée du 18 janvier 2007 signé personnellement par [X] [KZ] (pièce n°3 de l'appelante).

Il est ensuite devenu directeur, catégorie professionnelle 'cadres' niveau C 4, par un avenant du 1er septembre 2018 signé de la cogérante mais néanmoins au nom de [X] [KZ] et '[LS]' (pour ordre) (pièce n°37).

Entre-temps, un avenant à son contrat de travail du 1er octobre 2015 signé de [X] [KZ] lui avait attribué un logement de fonction dans un appartement du Studel.

La Sci Studel a elle-même écrit et soutenu devant le conseil des prud'hommes dans le cadre du litige l'opposant à [P] [T] relativement à son licenciement, que l'avenant désignant celui-ci comme cadre avait eu pour objet de 'mettre en conformité sa situation contractuelle avec les fonctions de direction qu'il exerçait en réalité depuis plusieurs années (pièce n°91 des intimés, p 2), et elle dénature le sens de cette indication en prétendant aujourd'hui avoir voulu ainsi exprimer que la signature de l'avenant régularisait sa gestion de fait, qui n'était pas en cause et n'a rien à voir avec une activité salariée.

Les actes que l'appelante invoque à l'appui de son allégation d'une gestion de fait de [P] [T] entraient tous dans le champ de son activité salariée, aurait-elle été pour une partie de la période considérée non conforme à la classification du contrat de travail ; ils ne dénotent de sa part aucune indépendance ; et ils sont intervenus en exécution d'instructions de [X] [KZ] ou dans le cadre de sa relation de subordination avec la Sci.

Il en est ainsi de ses diligences, démarches et discussions avec l'administration fiscale, la médecine du travail, l'URSSAF, ou pour l'accueil de stagiaires dont l'argumente prétend tirer argument, ainsi que de la conclusions de contrats de travail au nom de la Sci.

Il en est de même des prestations comptables ou informatiques et des travaux qu'il a demandées, y compris du chef de la chaudière à bois, pour la commande et la mise en place de laquelle il avait précisément reçu en qualité de 'directeur de la SCI' le 27 mars 2015 de [X] [KZ] une 'délégation de pouvoir' formelle et affectée (pièce n°19 de l'appelante).

Il est sans incidence sur ce constat de l'absence de preuves d'actes positifs de gestion accomplis en toute indépendance que M. [T] se soit présenté sur son profil Linkedin ou dans un entretien avec un journaliste comme 'directeur' du Studel avant de le devenir, puisque les tâches qu'il exécutait relevaient en effet de fonctions de direction, ni qu'il ait écrit dans le questionnaire relatif à la participation à l'assurance chômage lors de sa nomination en qualité de co-gérant qu'il ne recevait pas d'instructions dans le cadre de l'organisation de ses activités, d'autant qu'au niveau de fonctions de cadre de direction C4 qui était le sien dans la société, il est normal qu'il ait pu organiser lui-même ses activités, tout autre chose étant d'accomplir des actes positifs de direction ou de gestion en toute indépendance.

De même, le fait que [P] [T] disposât depuis le mois d'août 2015 d'une procuration générale sur les comptes ouverts par la Sci Studel auprès du Crédit Industriel et Commercial n'établit pas par lui-même sa qualité de gérant de fait ; une telle procuration était compatible et même cohérente avec ses fonctions de directeur d'une société administrant des centaines de logements ; et il n'est aucunement justifié que l'usage fait de cette procuration traduise une quelconque marge d'indépendance à son profit par rapport à son employeur, étant relevé que contrairement à ce que considère l'appelante, ce n'est pas à M. [T] de justifier des instructions reçues de son employeur pour ces actes mais à la Sci Studel qu'il incombe d'établir la gestion de fait qu'elle allègue, et donc de rapporter la preuve d'actes positifs de gestion et/ou de direction de sa part exécutés en toute indépendance, ce qu'elle ne fait pas.

S'agissant de [F] [KZ] divorcée [W], elle a été embauchée par la Sci Studel en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à effet du 1er octobre 2012 pour 9h50 par semaine en qualité de secrétaire.

Elle disposait depuis le 4 juin 2010 d'une procuration sur le compte de la Sci Studel à la BNP, donnée par [X] [KZ] (pièce n°112 de l'appelante).

Elle en a reçu une le 13 novembre 2012 pour le compte de la société auprès du CIC (pièce de l'appelante n°18).

La détention de telles procurations ne caractérise pas en elle-même un acte positif de gestion accompli en toute indépendance, et la Sci Studel, à laquelle il incombe de prouver la gestion de fait qu'elle allègue, n'établit pas que Mme [W] a fait de ces procurations un usage manifestant une quelconque indépendance par rapport à celui qui était son père et, à partir d'octobre 2012, le dirigeant de la société qui l'employait.

La signature par Mme [W] le 14 mai 2013, dont il est tiré argument, d'un chèque de 39.130,43 euros émis au profit de [MK] [KZ] ne caractérise nullement un acte de gestion accompli en toute indépendance, alors qu'il ne s'agissait que de l'exécution de la décision d'attribution de dividendes votée en assemblée générale par la collectivité des associés.

Il en va de même des six chèques que l'appelante prouve avoir été émis sur une période de quatre années -soit mai 2011 à avril 2015- en paiement de factures dues par la société.

La signature par [F] [W] de deux billets à ordre de 570.000 et 460.000 euros émis par la Sci Studel les 15 et 20 avril 2011 ne traduit pas davantage de sa part l'accomplissement d'actes faits en toute indépendance, alors qu'il ressort des productions (ainsi pièce n°151 des intimés), et des explications des parties, que ces billets à ordre remboursaient une facilité de trésorerie accordée à la société notamment pour rembourser son compte courant à un associé retrayant et pour financer l'opération consécutive de réduction du capital social, opération et crédit voulus par le gérant de droit, [X] [KZ], qui s'était porté personnellement aval de cet encours, et dont elle ne faisait en cela qu'exécuter les instructions.

Le tribunal a ainsi retenu à bon droit que la Sci Studel ne rapportait pas la preuve d'une gestion de fait par [J] [E], par [P] [T] ni par [F] [KZ] divorcée [W].

* sur l'intérêt social

La société Studel est une société civile qui n'a jamais été depuis sa constitution, en 1969, soumise à l'impôt sur les sociétés, et n'a pas opté pour cette modalité d'imposition.

Il en résulte que son résultat est imputé à chaque associé au prorata de ses droits sociaux, et donne lieu au paiement de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

Elle a constamment dégagé de très importants résultats annuels, de plusieurs centaines de milliers d'euros, qui ont donné systématiquement lieu du vivant de [X] [KZ] à une politique de distribution massive de dividendes au profit des associés, quasiment tous membres de sa famille.

La société a évidemment un intérêt propre, distinct de celui des associés.

Les intimés font toutefois observer, avec pertinence au vu des productions, que [X] [KZ] et ses descendants la considéraient comme une société familiale pouvant procurer aux membres de la famille des avantages tels que la jouissance de locaux à des conditions avantageuses comme l'appartement n°120 du 'Studel' laissé vacant pour y accueillir des visiteurs, ou la propriété annexe du 'Touffenet' comprenant sur une dizaine d'hectares une maison d'habitation de 325 m² et des dépendances dont [X] [KZ] a laissé dans son testament la disposition à son fils [B] pour le restant de sa vie aux conditions actuelles consistant en un loyer modeste et une dispense de charges locatives, ou encore la mise à disposition de sa petite fille [MK] [KZ] d'une somme de 100.000 euros prêtée pour un besoin étaranger à la société sans garantie remboursable à taux zéro en dix années dont les échéances n'ont pas été réclamées pendant plus de huit ans.

* sur les fautes de gestion imputées par la Sci Studel aux intimés

Aux termes de l'article 1848 du code civil, dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société.

S'il y a plusieurs gérants, ils exercent séparément ces pouvoirs, sauf le droit qui appartient à chacun de s'opposer à une opération avant qu'elle ne soit conclue.

Selon l'article 1849, alinéa 1, dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social.

En cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément les pouvoirs prévus à l'alinéa précédent. L'opposition formée par un gérant aux actes d'un autre gérant est sans effet à l'égard des tiers, à moins qu'il ne soit établi qu'ils en ont eu connaissance.

Les fautes de gestion dont il peut être question en l'espèce s'entendent nécessairement de fautes commises par les intimés pendant l'époque où chacun était gérant de droit, puisque la preuve qu'ils aient été auparavant gérant de fait n'étant pas rapportée, il en résulte qu'avant leur nomination, ils n'ont pas accompli d'actes de gestion, ni été à même de contrôler la gestion du gérant de droit ou de s'y opposer.

La Sci Studel est fondée à rappeler que le quitus donné par l'assemblée des associés ne peut avoir d'effet libératoire au profit du gérant pour les fautes commises dans sa gestion.

Il échet d'examiner les fautes que la Sci Studel impute à ses trois anciens co-gérants.

¿ les fautes de gestion au titre de la rénovation et/ou de l'occupation d'appartements

S'agissant de l'appartement n°120, il ressort des productions que [X] [KZ] l'avait historiquement voué à l'accueil de membres de sa famille ou d'amis, de sorte qu'il n'était pas affecté à la location.

Il s'agit là d'une décision du gérant de droit antérieure à la nomination en qualité de gérant de chacun des trois intimés, qui n'avaient donc aucun pouvoir de s'opposer à l'opération avant qu'elle ne soit conclue, au sens de l'article 1848 alinéa 2.

S'il est constant aux débats que cet appartement fut au moins en partie équipé de meubles appartenant à [F] [W], l'appelante n'établit pas que celle-ci l'ait habité ou occupé personnellement ni plus généralement qu'elle en ait joui, étant rappelé qu'elle vivait dans l'appartement n°140, lequel ne communique pas avec l'appartement n°120, et sa présence ponctuelle éventuelle dans les lieux, non attestée, pouvait s'expliquer par les préparatifs de l'accueil de visiteurs.

Mme [W] n'a jamais été et n'avait pas à être redevable d'un loyer ni de charges pour cet appartement, d'où elle a retiré ses meubles lorsque la nouvelle gérance le lui a demandé, et l'appartement est désormais proposé à la location.

Il est sans incidence sur ce constat qu'elle ait été qualifiée de 'locataire' dans l'état des lieux dressé à sa sortie.

Aucune faute de gestion ni aucun acte contraire à l'intérêt social n'est ainsi imputable à l'un ou l'autre des trois intimés du chef de ce local.

S'agissant des appartement n° et 130 et 140, que l'appelante réunit pour articuler ses griefs, il s'agit d'un duplex constitué de deux locaux situés respectivement au 3ème et au 4ème étage de l'une des tours du Studel, et communiquant par un escalier intérieur, le premier d'une surface de l'ordre de 250 m² où les époux [X] et [V] [KZ] ont habité depuis sa construction jusqu'à leur mort, et le second d'environ 80m² outre une terrasse, à usage de bureau. Il ressort des productions que la question du principe et du montant du loyer dû par les époux puis, lorsqu'il devint veuf, par [X] [KZ] pour ce duplex,relève d'une décision prise en 1972, soit avant que chacun des trois intimés ne devienne gérant de droit, de sorte qu'aucun d'eux n'avait donc par hypothèse pouvoir de s'opposer à l'opération avant qu'elle ne soit conclue, au sens de l'article 1848 alinéa 2 ; que le loyer était effectivement réglé, ainsi qu'en font foi les documents comptables, et il n'y a ainsi pas eu de leur part à compter du moment où ils sont respectivement devenus gérant une négligence à contrôler ce revenu de la société ; qu'en 2013, époque où seule des trois intimés [J] [E] était co-gérante, [X] [KZ] a fait procéder avec l'accord des associés réunis en assemblée générale et donc de façon transparente à des travaux dans le bureau correspondant au n°140, sous la surveillance d'un maître d'oeuvre et pour un coût, sur factures, qui ne présente rien d'anormal, et il n'est justifié d'aucune atteinte à l'intérêt social du chef de cette rénovation des bureaux de la société, qui constitue une nécessité périodique et qui valorise ou à tout le moins maintient la valeur de son actif ; que lorsque [F] [KZ], qui vivait sur la Côte d'Azur, est venue résider à [Localité 4] en 2014, à la demande ou du moins dans le souci de l'intérêt de son père, veuf et alors dans sa quatre-vingt-onzième année, il l'a hébergée dans ce très vaste duplex, ce qui procédait d'un choix personnel et restait sans incidence sur l'intérêt social, sa fille venue ainsi vivre à ses côtés et veillant sur lui n'ayant pas à acquitter de loyer ou de sous-loyer ni de charges à ce titre.

Selon acte du 2 janvier 2018 signé de son gérant [X] [KZ], la Sci Studel a conclu un bail d'habitation sur l'appartement n°130 désignant en qualité de locataires [X] [KZ] et [F] [W] (pièce n°28 de l'appelante).

La Sci Studel ne démontre pas en quoi cet acte serait constitutif d'une faute de gestion à laquelle les autres co-gérants alors en place, à savoir [J] [E] et, depuis quelques jours, [P] [T], auraient pu et dû s'opposer.

Ce bail correspondait à la réalité des choses, puisque cet appartement était occupé par [X] [KZ] et [F] [W] dont l'appelante écrit elle-même en page 38 de ses conclusions qu'elle s'occupait de son père, devenu en cette année 2018 grabataire ; il a pu valablement procéder de la volonté de donner un cadre juridique à la présence dans l'appartement de Mme [W], y compris après le décès de son père, dont la santé déclinait; il n'est ni expliqué ni justifié en quoi il aurait constitué une décision contraire à l'intérêt de la société, qui voyait sécurisée la situation de son gérant-fondateur, continuait de percevoir le loyer réglé par [X] [KZ] et avait un second locataire parfaitement solvable.

Ainsi, et sans même avoir égard au caractère hasardeux qu'aurait revêtu une opposition de l'un ou l'autre d'entre eux à cette opération, tant eu égard à sa nature et ses objectifs qu'à la puissante personnalité du gérant historique, aucune faute de gestion n'est caractérisée à ce titre à la charge de l'un ou l'autre des trois intimés.

Les questions d'un éventuel maintien de [F] [W] dans l'appartement n°130 après le décès de son père qui l'y avait hébergée et en régla le loyer jusqu'à sa mort, et du paiement du loyer, voire d'une indemnité d'occupation, par Mme [W] depuis le décès de son père, ne relèvent pas du possible périmètre d'une faute de gestion susceptible d'être reprochée aux intimés, lesquels n'étaient plus alors co-gérants, ayant été révoqués le 26 juin 2019, un mois avant ce décès.

Les intimés font en outre pertinemment observer que l'article L.213-4-3 du code de l'organisation judiciaire donne compétence exclusive au juge du contentieux de la protection pour connaître des actions dont un contrat de louage d'immeuble à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion.

Quant à l'appartement n°101, il s'agissait de l'appartement de fonction de [P] [T], préposé de la société, conformément à un avenant à son contrat de travail approuvé en assemblée générale par les associés et signé par [X] [KZ] en qualité de gérant le 1er octobre 2015.

À l'époque de cette décision, seul l'un des trois intimés, [J] [E], était co-gérante de droit et donc en situation de s'y opposer, et il n'est pas établi de motif susceptible d'avoir justifié qu'elle s'y opposât.

Les productions démontrent qu'un tel appartement de fonction se justifiait dès lors que [P] [T], qui n'était pas jusqu'alors domicilié à [Localité 4], se voyait désormais attribuer des tâches requérant sa présence dans le Studel sur une très importante amplitude horaire, ainsi que l'attestent des extraits d'échanges de courriels démontrant sa mobilisation à des heures tardives et/ou le week-end (remise d'une vanne terminée à 21h27 ; canalisation remboîtée à 20h16 ; rétablissement d'un ballon d'eau chaude un samedi après-midi, intervention sur le chauffage sur 'alarme' à 7h18 ou à 20h11 ; intervention dans la chaufferie à 22h35 un samedi ou pour une fuite un dimanche (pièces n°69 et 85 des intimés), ce constat n'étant pas affecté par l'objection de l'appelante que le contrat de travail de [P] [T] ne prévoyait pas d'astreinte, ni que la Sci disposât par ailleurs de salariés susceptibles de procéder à des interventions, l'un de ces messages démontrant même que M. [T] conservait des ventouses dans son bureau ce qui atteste de la nature des interventions qu'il était amené à faire.

La rénovation de cet appartement opérée avant sa mise à disposition du salarié ne revêt aucun caractère somptuaire tel qu'allégué par l'appelante ; elle procédait d'une décision de [X] [KZ], gérant de droit, à une époque où seule [J] [A] était aussi gérante ; et elle ne dénote aucune faute de gestion à laquelle celle-ci aurait dû s'opposer, comme en persuade l'état de délabrement dans lequel se trouvait cet appartement jusqu'alors inoccupé, tel que l'attestent les clichés photographiques, ni contredits ni réfutés, produits par les intimés (cf leur pièce n°23).

La rénovation de ce local brut et dégradé a constitué, pour la Sci, une dépense utile de valorisation d'un élément d'actif dont l'intérêt perdure, y compris depuis qu'elle a récupéré la jouissance de cet appartement consécutivement au licenciement de [P] [T].

L'affirmation que [P] [T] aurait occupé ce local 'contre un loyer dérisoire' (cf conclusions p.41) ou qu'il en aurait 'sous-évalué de près de la moitié le loyer' (page 42) paraît dépourvue de toute portée, s'agissant d'un avantage en nature stipulé au contrat de travail.

Celle que [P] [T] aurait lui-même fait supporter à la société ses charges sans contrepartie ne repose sur aucun élément probant.

Il n'est ainsi justifié d'aucune faute de gestion du chef des appartements de la Sci.

¿ les fautes de gestion au titre de l'existence de rémunérations prétendument excessives

S'agissant de la rémunération de Mme [W], il ressort des productions que celle-ci avait été embauchée en 2012, soit à une époque où seule des trois intimés [J] [E] était co-gérante ; le contrat de travail a été signé par [P] [T], alors assistant de direction, par ordre du gérant, et le conseil des prud'hommes a jugé dans le litige qui a opposé la Sci à M. [T] que celui-ci n'avait pas en cela prêté assistance à la souscription d'un emploi fictif (cf pièce n°92 pages 9 et 10) ; il s'agissait d'un contrat de travail pour un temps partiel de 9h50 par semaine, concentré sur le lundi et le mardi matin, pour un montant annuel modeste de l'ordre de 5.500 euros (cf pièces n°100 à 104 des intimés) correspondant à la modestie de tâches qui n'en étaient pas moins utiles et dont l'appelante ne démontre pas la fictivité, laquelle ne résulte ni de ce que Mme [W] a pu être désignée comme 'sans profession' dans le mandat de protection future dressé devant notaire quelques mois plus tard, nullement de l'éloignement géographique de l'intéressée, alors domiciliée à [Localité 8], puisqu'il s'agissait de 'prendre des rendez-vous' et de 'gérer la disponibilité et l'emploi du temps des membres de la direction' (cf pièce n°27 de l'appelante), dont notamment donc son père, gérant non salarié, ce qui était en effet possible à distance, et à l'inverse, il ressort justement des productions (cf pièces n°de l'appelante) que Mme [W] a signé avant son déménagement à [Localité 4] des chèques bancaires au nom de la société en vertu de la procuration dont elle disposait, ce qui persuade qu'elle pouvait recevoir et exécuter à distance des instructions de la gérance.

Il n'est ainsi pas justifié par l'appelante que la souscription de ce contrat de travail en vue d'assister le gérant non salarié était contraire à l'intérêt de la société, et que [J] [T], seule susceptible d'être concernée par ce grief, aurait commis une faute de gestion en ne s'opposant pas à sa conclusion, voire à son maintien.

S'agissant de la rémunération de [P] [T], sa fixation, dans le contrat de travail initial, à 1.650 euros, date de 2007 soit à une époque où aucun des trois intimés n'était co-gérant et ne peut donc se voir adresser de reproche à ce titre ; elle correspondait à un emploi d'assistant de direction ; il ressort des productions (pièces des intimés n°109 à 112) qu'elle s'est ensuite élevée à 2.964 euros en 2015 puis 3.300 euros en 2016 et à 3.900 euros en 2017 et 2018 ce qui est en cohérence avec l'accroissement de ses tâches, puisqu'il était devenu directeur du Studel, selon la classification d'emploi de cadre C4, avec des fonctions et des tâches dont la réalité et l'importance sont amplement établies par les productions, et qu'il exécutait manifestement à la satisfaction non seulement de [X] [KZ], à l'évidence, mais aussi des associés, dont certains saluaient qualités professionnelles (cf pièces n°83 et 85 des intimés).

L'appelante, qui a recruté après avoir licencié [P] [T] un nouveau directeur avec le même statut de cadre C4 et une rémunération brute de 3.330 euros (cf pièce n°51), supérieure au montant du salaire de base de M. [T] hors avantage en nature, n'est pas fondée à arguer du caractère excessif de la rémunération de celui-ci, ni donc d'une atteinte à l'intérêt social à ce titre, ni donc d'une faute de gestion qu'aurait commise l'un ou l'autre des co-gérants de droit en ne s'opposant pas.

¿ les fautes de gestion alléguées au titre de l'octroi d'un bail commercial à la société [T]-[K] et d'un prétendu détournement de clientèle

Dans le cadre de la présente instance, où la Sci Studel agit contre trois de ses anciens co-gérants pour les entendre condamner à réparer le préjudice que lui ont selon elle causé les fautes de gestion qu'elle leur impute, l'appelante reproche à [P] [T] d'avoir profité des fonctions de gérant de droit qui étaient les siennes depuis décembre 2017 pour faire bénéficier la société [T]-[K] nouvellement créée dans laquelle il était personnellement intéressé, d'un bail commercial pour exploiter une laverie dans le Studel consenti par la Sci avec la participation de [J] [T], co-gérante, et la complaisance négligente de [F] [W], également alors co-gérante, à des conditions dérisoires, et pour détourner à son profit la clientèle de la Sci, ceci au détriment de la société.

À ce titre, la Sci Studel demande à la cour de condamner solidairement [J] [T], [P] [T] et [F] [W] à lui payer en réparation des conséquences préjudiciables de ce bail la somme de 50.038 euros évaluée au 30 septembre 2022 au titre de la perte de marge brute subie et des travaux supportés à tort pour l'adaptation du local à l'exploitation par un tiers, outre celle, calculée sur la même base, de 1.022 euros par mois à compter du 1er octobre 2022 jusqu'à la restitution effective des lieux.

Il ressort des explications des parties, et des productions (cf pièce n°202 de l'appelante) que la Sci Studel a, parallèlement à la présente instance, fait assigner devant le tribunal judiciaire de [Localité 4] la société [T]-[K] et [P] [T] au visa des articles 1848, 1849 alinéa 1er, 1850 alinéa 1er et 1161 du code civil, pour voir annuler le bail commercial passé le 31 août 2018 entre les deux sociétés à raison de sa contrariété à l'intérêt social de la Sci Studel, ou subsidiairement à raison de la fraude commise dans le cadre de sa conclusion, et condamner solidairement la SAS [T]-[K] et [P] [T] à lui payer 327.737,83 euros en réparation de son préjudice.

Dans ce cadre, elle a soutenu que le bail commercial était contraire à l'intérêt de la Sci Studel, en ce qu'il avait transféré à un tiers le service de laverie qu'elle exploitait jusqu'alors dans l'enceinte du Studel et opéré à son préjudice un détournement de clientèle et une perte financière, non compensée par le loyer dérisoire perçu en contrepartie et alors qu'elle avait dû au surplus exposer des frais importants pour que la laverie du locataire puisse être mise en place dans un local du Studel. Elle a justifié sa demande de condamnation solidaire de [P] [T] avec la société [T]-[K] par l'affirmation que celui-ci avait commis en réalisant cette opération une faute personnelle détachable de ses fonctions sociales.

Aux termes d'un jugement en date du 7 février 2022 qui est frappé d'un appel pendant, le tribunal judiciaire de [Localité 4] a :

*annulé le bail commercial passé le 31 août 2018 entre la Sci Studel et la SAS [T]-[K]

*rejeté les demandes indemnitaires dirigées contre [P] [T]

* condamné la SAS [T]-[K] à payer à la Sci Studel la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice tenant à une perte de chance résultant de la passation de ce bail.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que la conclusion de ce bail commercial était contraire à l'intérêt social de la Sci Studel, et qu'elle avait entraîné pour celle-ci un préjudice consistant à la perte de chance de l'avoir conclu à des conditions plus avantageuses, qu'il a chiffrée à 3.000 euros compte-tenu de l'absence d'éléments chiffrés sur l'exploitation d'une laverie par la Sci avant la signature du bail litigieux, de la courte durée effective de ce bail, et de la plus-value apportée au local de la société par son aménagement.

Pour rejeter la demande en tant que dirigée contre [P] [T], il a constaté que la cour d'appel de [Localité 4] était saisie, sur appel du jugement du 29 mars 2021, d'une action en responsabilité directe exercée par la Sci Studel contre M. [T] du chef de sa gestion comprenant notamment la passation de ce bail litigieux.

L'objet du litige ainsi tranché par le tribunal judiciaire, l'annulation du bail commercial, n'est pas le même que celui dont la cour de céans est saisie sur appel du jugement du 29 mars 2021, et les parties ne sont pas les mêmes, puisque [J] [E] et [F] [W] ne sont pas parties à ladite instance.

Cette décision est donc dépourvue d'autorité de chose jugée sur le présent litige.

La Sci Studel reproche aux trois co-gérants d'avoir conclu ou laissé conclure un bail commercial contraire à l'intérêt social, et d'avoir en cela commis une faute de gestion.

Ce grief est dénué de portée et de pertinence à l'égard de [F] [W], qui n'était pas gérante de droit à l'époque de la négociation et de la conclusion de ce bail, à la conclusion duquel elle n'était donc pas en situation de s'opposer.

Il est fondé à l'égard de [J] [E] et de [P] [T], l'un et l'autre gérant de droit à la date de conclusion de ce bail, le 31 août 2018.

Il est en effet établi qu'une laverie existait au Studel avant que la société [T]-[K] n'y installe et y exploite une laverie en qualité de locataire commercial, la plaquette publicitaire diffusée en 2014par le Studel en faisant expressément état, [P] [T] ayant explicitement fait état le 3 juillet 2020 devant un huissier de justice dressant procès-verbal de 'la caisse de l'ancienne laverie', une salariée de la Sci confirmant sa présence en la localisant sur un pallier au niveau de l'entrée du bâtiment 2 et le personnel d'entretien de la résidence indiquant à la direction y passer une dizaine de minutes chaque jour (cf pièces de l'appelante n°62, 121, 122 et 123).

La circonstance que la société Studel est une société civile dont l'objet est l'acquisition et la gestion de tout immeuble est sans incidence sur ce constat, étant ajouté qu'une société civile peut avoir pour activité accessoire une activité commerciale comme l'exploitation d'une laverie.

Il ressort des productions que [P] [T] s'est associé en 2018 avec un tiers pour constituer une société en vue d'exploiter une laverie dans un local de la résidence ; que la Sci Studel a engagé des travaux d'un montant de l'ordre de 7.000 euros pour aménager l'un de ses locaux, d'une superficie de 48 m² et situé au rez-de-chaussée, à destination de laverie ; qu'un associé et co-gérant étant intéressé à l'opération, un rapport de gestion a été établi à l'intention de l'assemblée générale des associés, mais sous la forme d'une annexe simplement informative et dénuée de précisions, notamment quant au montant du loyer; que [J] [T] a conclu au nom de la Sci en sa qualité de co-gérante un contrat de bail commercial d'une durée de neuf années à compter du 1er septembre 2018 stipulant un loyer annuel de 1.440 euros, ce contrat étant signé au nom de la SAS [T]-[K] non par son président, [P] [T], mais par son directeur, [KM] [K], en vertu d'une délégation de pouvoir (cf pièces n°52, 53, 54, 58).

Quand bien même l'externalisation de la laverie, jusqu'alors constituée d'un modeste local de 5m² au demi-étage simplement équipé de deux lave-linges, pouvait accroître l'attractivité du 'Studel', dont la vocation n'était pas d'exploiter lui-même une telle activité, et même s'il est démontré que la Sci ne retirait jusqu'alors quasiment aucune recette de sa laverie puisque celle-ci fonctionnait avec une libre contribution des utilisateurs dont il est apparu qu'elle totalisait sur des années une somme de l'ordre de 1.600 euros en espèces conservée dans une boîte et jamais passée en comptabilité, la conclusion d'un tel bail commercial n'était pas conforme à l'intérêt social, au regard de la disproportion entre l'importance de la dépense supportée pour aménager un nouveau local avant de le louer, et le montant dérisoire du loyer perçu en contrepartie, soit 120 euros par mois, prix inférieur de plus de la moitié au prix du marché pour un local de ce type.

La conclusion de ce bail commercial caractérise une faute de gestion à la charge de [P] [T] pour avoir conçu et organisé une telle opération profitable à ses intérêts personnels et contraires à ceux de la société, et de [J] [T] sa mère pour s'y être prêtée et l'avoir rendue possible en signant elle-même le contrat ès qualités.

Le préjudice subi par la société Studel consécutivement à cette faute de gestion de ces deux co-gérants, s'apprécie en considération du montant du loyer auquel elle aurait pu prétendre et de la charge de l'investissement qu'elle a supporté, mis en perspective avec la modicité proche du symbolique des recettes qu'elle retirait auparavant de l'exploitation de son coin laverie, de la courte durée effective de ce bail dont l'annulation a été prononcée par une décision exécutoire un peu plus de trois années après sa conclusion, et de la plus-value apportée au local de la société par son aménagement en vue d'être loué, et ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 3.000 euros mise à la charge des deux co-gérants fautifs, solidairement.

¿ la faute de gestion imputée aux intimés pour négligences ou collusion avec la Sté Odic

La Sci Studel reproche aux intimés d'avoir confié entre 2014 et 2019 sans appel d'offres près de 80% des travaux d'entretien du Studel à la société Odic, dirigée par [AG] [K], proche de [P] [T], et ce d'une façon contraire à l'intérêt social, du fait de la surfacturation des prestations qui s'en est suivie et de la mauvaise qualité des prestations réalisées par cette entreprise.

L'appelante écrit elle-même dans ses conclusions que ce remplacement des entreprises en place par la société Odic fut progressif, et elle situe le commencement de ce processus en 2011 (cf page 63 de ses conclusions).

À cette époque, seule des trois intimés [J] [T] était co-gérante de droit.

[X] [KZ] était le gérant de la société, et il a été démontré par divers témoignages concordants qu'il incarnait la direction des affaires du Studel.

S'agissant des décisions de la gérance de confier à la société Odic nombre de contrats d'entretien jusqu'alors répartis entre diverses entreprises, elle s'étalent sur des années et traduisent une stratégie qui n'a pu être que celle de [X] [KZ], à laquelle l'appelante n'établit pas que les autres gérants, savoir [J] [T] jusqu'à la fin de l'année 2017, puis [P] [T] et en dernier lieu [F] [W], nommée quant à elle à une date où cette politique était accomplie, aurait eu un motif de s'y opposer lorsqu'il était temps.

La circonstance que le remplacement d'une entreprise par une autre n'ait pas été précédé d'un appel d'offres est dépourvue de portée à ce titre, en l'absence de dispositions légales ou réglementaires auxquelles il aurait été dérogé en procédant ainsi.

La concentration de beaucoup de prestations entre les mains d'une seule entreprise présente des avantages et des inconvénients symétriques à ceux de la solution inverse, l'une ou l'autre de ces politiques se pratiquent, et celle incriminée ne présentait rien d'anormal ou de suspect.

La société Odic, constituée en 2011 par cinq associés, avait pignon sur rue ; elle était assurée auprès de la compagnie AXA, comme mentionné sur ses factures ; il est constant qu'elle pouvait s'honorer de contrats importants, pour les sites de l'abbaye de Fontevraud ou de Lascaux III ; aucun des intimés n'y avait d'intérêt personnel direct ou indirect, étant observé que la présence, minoritaire, au nombre de ces associés, de [AG] [K], avec qui [P] [T] s'associera en 2018 pour créer la SAS [T]-[K], n'est pas l'indice d'une connivence, d'autant qu'il ressort des explications non contestées des intimés qu'il intervenait au Studel depuis des années et avant l'arrivée de [P] [T] en tant que salarié d'une entreprise Abonneau titulaire de certains marchés de prestations de maintenance.

La conclusion de contrats avec cette société Odic n'avait rien qui puisse a priori justifier qu'un co-gérant s'y opposât.

La Sci Studel argue de surfacturations dont elle ne fait pas de façon probante la démonstration de la réalité, au seul vu d'une note unilatérale d'audit établie par une société Setrat dissoute peu après l'établissement de ce rapport, dont la lettre de mission n'est pas produite, dont rien ne permet d'apprécier la compétence et l'indépendance et qui a oeuvré au vu de pièces lacunaires en procédant souvent par voie d'hypothèses, pour certaines contredites par les productions, ainsi aussi que de façon erronée, comme les intimés l'établissent en réfutant par des pièces et explications les prétendues surfacturations avancées.

Pour ce qui est de l'achat d'une chaudière à bois en remplacement des deux chaudières à gaz existantes, il ressort clairement des productions qu'il s'agit d'une opération lancée en 2010, date d'un diagnostic des installations thermiques ayant conclu à la nécessité d'une mise en conformité et d'une mise aux normes de la chaufferie existante (pièce n°56 des intimés) ; elle a manifestement été pilotée de façon très résolue par [X] [KZ], dont certains témoignages déjà cités (ainsi leurs pièces n°74 et 75) relatent l'implication dans ce projet, l'aptitude à le décrire à des tiers et la fierté de l'avoir réalisé ; elle a donné lieu à une étude de faisabilité confiée à un bureau d'études (leur pièce n°57), à un avant-projet détaillé (leur pièce n°58) et à des devis (cf pièce n°75 de l'appelante) ; elle constituait une opération ambitieuse, qui avait obtenu en 2014 une subvention de l'Ademe de 379.750 euros (sa pièce n°75) nécessairement allouée par cette agence après contrôle de la qualité, de l'intérêt et du sérieux du projet ; elle a été soumise aux associés de la Sci Studel, qui l'ont approuvée en assemblée générale, ce qui n'est certes pas de nature à exclure pour autant une faute de gestion mais établit à tout le moins la transparence de l'opération et renseigne sur l'adhésion de la famille [KZ] à ce projet de cette Sci familiale.

S'agissant du rôle tenu par [P] [T] dans cette opération, conduite avant qu'il ne soit nommé gérant, c'est celui d'un préposé de l'entreprise, agissant sur instructions de la direction en vertu d'une délégation formelle du 27 mars 2015 signée de [X] [KZ] (cf pièce n°19 de l'appelante), et c'est dans le cadre de cette relation de préposition que la Sci Studel lui a reproché devant le conseil des prud'hommes saisi du contentieux de son licenciement de ne pas s'être assuré que dans cette opération 'les droits de la société Studel soient préservés et garantis dans le temps' (cf pièce n°91 des intimés, page 6).

La chaudière a été commandée et installée en 2016, avant qu'il ne soit nommé gérant de la Sci Studel.

Outre qu'il n'a pas été décisionnaire dans cette opération, il n'est, en outre, pas démontré qu'il ait eu un intérêt personnel quelconque dans la société Odic.

Aucune faute de gestion n'est avérée au titre de cette opération à la charge de [J] [T], seule susceptible de s'en voir imputer une, et qui n'avait nul motif de s'y opposer, aucun élément n'étant produit de nature à démontrer qu'un défaut ou une inadaptation de l'installation aurait été décelable par la gérance, ni que son coût, objet de devis et en partie couvert par une subvention de l'Ademe nécessairement précédée de contrôles, aurait été surfacturé, les hypothèses et affirmations de la note de Setrat n'étant pas probantes.

Il n'est au demeurant pas démontré de façon convaincante que cet investissement ait été malencontreux, alors que la chaudière a toujours fonctionné ; que les intimés font valoir sans contestation qu'elle avait réduit de 50.000 euros par an le budget du Studel dévolu au combustible ; que l'existence de dysfonctionnements n'a rien en soi d'anormal pour un tel dispositif ; et qu'ils sont au demeurant survenus essentiellement à partir du mois de juin 2019 soit après des années de fonctionnement, et à l'époque du changement de gérance.

Le tribunal a ainsi rejeté à bon droit les demandes de la Sci Studel de ce chef.

¿ les fautes de gestions alléguées au titre de la politique de distribution des dividendes

Les développements consacrés par la Sci Studel à critiquer la politique de distribution des dividendes sont inopérants dans le cadre de la présente instance, qui a pour objet de reprocher des fautes de gestion à trois anciens co-gérants, les décisions relatives au principe et au montant des distributions de dividendes ne relevant pas de la gestion ni de la direction mais de délibérations des associés auxquelles ces gérants n'avaient pas le pouvoir de s'opposer.

Il sera ajouté que ces distributions, historiquement massives, n'ont jamais empêché la société de faire face à toutes ses charges et d'entretenir son actif, ayant un faible besoin en fonds de roulement dès lors que ses locataires payent d'avance, et qu'elles ont recommencé sous la nouvelle gérance, en renouant avec leur niveau antérieur d'importance (cf pièces n°89 et 155).

¿ les fautes de gestion alléguées au titre d'un recours abusif à l'emprunt

La Sci Studel impute aux intimés comme une faute de gestion la souscription de deux emprunts de 400.000 euros et le défaut d'anticipation de leur remboursement.

Il ressort des productions que ces deux emprunts ont été souscrits par la Sci Studel le 19 avril 2013, soit à une époque où [X] [KZ] et [J] [E] étaient les deux seuls gérants, de sorte qu'aucun grief de faute de gestion ne peut être utilement dirigé du fait de leur souscription contre [P] [T] ni [F] [W].

La décision de recourir à ces emprunts émanait de [X] [KZ], qui s'en est personnellement porté garant.

Elle a été portée à la connaissance des associés réunis en assemblée générale, et n'avait rien d'occulte, ni de suspect.

Il n'est pas démontré que la souscription de ces emprunts ait été contraire à l'intérêt social, alors qu'il est constant qu'ils avaient pour objet de financer d'une part, des travaux de rénovation de l'appartement occupé par le gérant dont il n'est pas établi qu'ils avaient déjà fait l'objet de travaux significatifs depuis la construction de la résidence, plus de quarante ans auparavant, ces travaux, dont le caractère somptuaire n'est nullement démontré, assurant la valorisation d'un actif social, et d'autre part le remboursement du compte courant d'associé de [X] [KZ], ce qui constituait, de fait, une dette de la société qu'elle devait honorer.

À retenir -ce qui n'est pas démontré avec certitude- que les sommes figurant au compte-courant de [X] [KZ] correspondissent comme il est prétendu à ses dividendes qu'il avait choisi d'y laisser, le principe et le montant de ces dividendes ne relevait pas d'une décision de gestion à laquelle sa co-gérante [J] [E] aurait pu s'opposer, mais d'une décision des associés.

Rien n'établit au demeurant que [J] [T] ait eu connaissance avant leur souscription de ces emprunts, contractés par [X] [KZ] qui, en sa qualité de gérant, avait le pouvoir d'engager seul la société à l'égard des tiers, et qui avait manifestement négocié et piloté l'opération avec le banquier, en s'en portant personnellement garant de la bonne fin.

Un témoin déjà cité relate que [X] [KZ] lui disait avoir bâti sa réussite dans les affaires du Studel sur une stratégie de recours à l'emprunt.

De manière plus générale, Mme [T] n'aurait eu nul motif avéré de s'opposer à ces emprunts avant leur souscription, et il n'existe aucune faute de gestion à ce niveau.

Pour ce qui est du grief, quant à lui susceptible d'être articulé à l'encontre des trois co-gérants, de n'avoir pas ou pas correctement anticipé le remboursement de ces emprunts, qui étaient payables in fine le 5 mai 2021, il n'est pas fondé.

Il ressort en effet de productions (cf pièces n°13 et 15 des intimés) que la gérance avait prévu de constituer des provisions annuelles, qu'il en avait été constitué une de 80.000 euros en 2016 et une de 34.000 euros en 2017, proposé aux associés une en 2018 et une autre en 2019 à l'assemblée où les intimés furent, ainsi que [X] [KZ], révoqués.

Les intérêts de la société n'étaient nullement mis en danger par l'arrivée de l'échéance de ces emprunts, qui ont d'ailleurs été remboursés à bonne date par la nouvelle gérance d'une façon dont rien ne persuade qu'elle n'aurait pas pu être pareillement atteinte sous l'ancienne.

Les analyses et conclusions formulées sur ce sujet dans un 'rapport d'intervention' du 27 novembre 2017 (pièce n°45 de l'appelante) par le nouvel expert-comptable arrivé à l'occasion du changement de gérance méritent à cet égard les critiques sévères que leur adressent les intimés, lorsqu'elles s'autorisent à qualifier d''acte anormal de gestion' la souscription de ces emprunts de [X] [KZ] ; lorsqu'elles analysent en actes de gestion des distributions de dividendes qui relevaient exclusivement de la décision des associés ; et lorsqu'elles s'aventurent à écrire en novembre 2019 qu''à défaut d'obtention d'un report des échéances auprès des établissements bancaires la société ne sera pas en mesure d'honorer ses engagements financiers et pourrait être conduite à procéder à une déclaration de cessation des paiements (demande d'ouverture d'une procédure collective)', alors que l'échéance était encore à dix-huit mois, que les actifs de la société rapidement réalisables permettaient sans la moindre incertitude de rembourser aisément cet emprunt si la trésorerie s'annonçant au début de l'exercice 2021 ne paraissait pas y suffire -[X] [KZ], souscripteur de cet emprunt, ayant au demeurant expressément recommandé dans son testament en 2012 (cf pièce n°16 des intimés, page 3) de ne pas hésiter à 'vendre au détail' quelques uns des 400 appartements de la société s'il le fallait- , que les mêmes procédés décrits par l'appelante comme ayant permis de rembourser en définitive l'emprunt, savoir une absence de distribution de dividendes pendant un ou deux exercices aux associés qui en avaient reçu de substantiels depuis des décennies, auraient pareillement permis d'honorer ces emprunts, au surplus garantis par le nantissement au profit du prêteur d'un contrat de capitalisation d'1.104.318 euros que [X] [KZ] avait personnellement consenti.

Aucune faute de gestion imputable à l'un ou l'autre des intimés n'est ainsi démontrée à ce titre, et la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle en a jugé ainsi.

* sur la demande de dommages et intérêts formulée par les intimés

Les intimés n'établissent ni le caractère fautif des demandes formulées à leur encontre par la Sci Studel, ni avoir subi du fait de ces demandes un préjudice autre que celui d'avoir dû exposer des frais irrépétibles pour y défendre, lequel relève du champ d'application, distinct, de l'article 700 du code de procédure civile.

* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La Sci Studel, qui sollicitait la condamnation des trois défendeurs à lui payer la somme à parfaire de 3.188.77 euros, obtient en cause d'appel la condamnation de deux d'entre eux à lui verser 3.000 euros.

Elle doit être regardée comme la partie succombante, et supportera les dépens d'appel comme elle avait justement été condamnée à supporter ceux de première instance avec indemnité de procédure.

Elle versera aux intimés, ensemble, une indemnité de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

DIT l'action recevable

ÉCARTE des débats comme irrecevables les pièces n°186, 187, 188, 189, 190, 191, 192 et 193 de la Sci Studel

INFIRME le jugement entrepris sauf en ses chefs de décision afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile

statuant à nouveau :

DIT que la preuve d'une gestion de fait de la Sci Studel par [J] [E], par [P] [T] ou par [F] [W] avant qu'ils n'en deviennent chacun gérant de droit n'est pas rapportée

DIT que [J] [E] et [P] [T] ont commis en qualité de co-gérants de la Sci Studel une faute de gestion au titre de la conclusion d'un bail commercial avec la SAS [T]-[K] le 31 août 2018

LES CONDAMNE solidairement à ce titre à payer à la Sci Studel la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice qu'elle en subit

DÉBOUTE la Sci Studel du surplus de ses prétentions

REJETTE la demande de dommages et intérêts formulée contre la Sci Studel par [J] [E], [P] [T] et [F] [W]

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

CONDAMNE la Sci Studel aux dépens d'appel

CONDAMNE la Sci Studel à payer à [J] [E], [P] [T] et [F] [W], ensemble, la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01237
Date de la décision : 21/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-21;21.01237 ?
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