ARRET N°
N° RG 22/00209 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GOUB
[Y]
C/
[Y]
[Y]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
4ème Chambre Civile
ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00209 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GOUB
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON.
APPELANT :
Monsieur [N], [L], [D] [Y]
né le 06 Juin 1972 à [Localité 5] (85)
[Adresse 2]
[Localité 5]
ayant pour avocat Me Peggy BOUCHER-CHIALE de la SELARL PEGGY BOUCHER-CHIALE, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMEES :
Madame [H], [E] [Y]
née le 18 Décembre 1992 à [Localité 4] (35)
[Adresse 1]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me Elodie GAREL de la SELARL VERDU-GAREL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
Madame [M], [H] [Y]
née le 20 Novembre 1997 à [Localité 5] (85)
[Adresse 1]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me Elodie GAREL de la SELARL VERDU-GAREL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience non publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique NOLET, Président qui a présenté son rapport
Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseiller
Madame Ghislaine BALZANO, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Diane MADRANGE,
MINISTERE PUBLIC :
En présence de M. Frédéric CLOT, Substitut Général
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
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EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 23/11/2021 le tribunal judiciaire de La Roche Sur Yon a notamment débouté M. [N] [Y] de ses demandes.
Par déclaration du 24/01/2022 dont la régularité n'est pas contestée, M. [N] [Y] relevait appel de cette décision. Il conclut à la réformation de ce jugement et demande à la cour de révoquer avec toutes ses conséquences de droit l'adoption simple de [H] [Y] et de [M] [Y] prononcée par jugement du tribunal de grande instance de La Roche Sur Yon les 25 et 28 novembre 2008 et de les condamner chacune à lui payer la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [M] [Y] et Mme [H] [Y] sollicitent la confirmation du jugement entrepris. Elles réclament encore chacune la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de l'appelant en date du 6/04/2022 ;
Vu les dernières conclusions des intimées en date du 1/07/2022 ;
La procédure a été régulièrement communiquée à M. Le Procureur Général le 4 janvier 2023 lequel a requis la confirmation du jugement déféré ;
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14/12/2022.
SUR QUOI
M. [N] [Y] et Mme [E] [T] se sont mariés le 25/03/2000 alors que celle-ci avait déjà deux enfants nées d'une précédente union : [H] [C] née le 18/1/1992 et [M] [C] née le 20/11/1997.
Par jugement du 28/11/2000 le tribunal de grande instance de La Roche Sur Yon a prononcé l'adoption simple de [M] [C] par M. [N] [Y].
Par jugement du 25/11/2008 le tribunal de grande instance de La Roche Sur Yon a prononcé l'adoption simple de [H] [C] par M. [N] [Y].
La substitution du nom de l'adoptant à celui des adoptées a été ordonnée.
Les époux ont eu une fille commune, [Z], née le 22/11/1999.
Les époux ont divorcé le 23/10/2014.
Par acte d'huissier du 16/04/2020 M. [N] [Y] a fait assigner Mme [M] [Y] et Mme [H] [Y] aux fins d'entendre prononcer la révocation de cette adoption.
Aux termes de l'artique 370 du code civil, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de ce dernier.
A l'appui de sa demande M. [N] [Y] fait valoir que Mme [M] [Y] et Mme [H] [Y] ont appris qu'il n'était pas leur père biologique lors du divorce et qu'à compter de ce jour là elles ont refusé tout contact avec lui. Elles refusent également tout contact avec leur soeur [Z] depuis 2017.
Mme [M] [Y] et Mme [H] [Y] ne contestent pas cet absence de lien mais l'expliquent par des traumatismes au sein de la famille intervenus dans le contexte de la séparation des époux [Y]-[T] et justifiés par les troubles psychologiques de M. [N] [Y]. Elles rappellent que la situation a été particulièrement traumatique pour [M] qui a développé des troubles du langage et a poursuivi une thérapie pendant de nombreux mois. C'est pourquoi disent-elles, depuis la séparation de leurs parents elles ont mis de la distance pour se préserver.
Elle concluent qu'il ne s'agit pas d'un quelconque désintérêt à l'égard de celui qu'elles considèrent comme 'leur papa'. Elles déclarent vouloir renouer le dialogue avec leur père.
Enfin elles évoquent les conséquences de la révocation qui leur ferait perdre leur état civil actuel et donc leur identité. [M] [Y] indique qu'après avoir été rejetée par son père biologique à la naissance, la perte de cette identité la plongerait 'dans un abîme de tristesse' ravivant pour la 3° fois un sentiment d'abandon.
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La cour relève tout d'abord que prendre en considération les conséquences de la révocation pour l'adopté serait ajouter à l'article 370 une condition qu'il ne comporte pas.
S'agissant de la contestation par les intimées des motifs invoqués par M. [N] [Y] pour justifier sa demande, la cour ne peut que relever qu'elles jouent sur les mots : 'elles ont mis de la distance entre elles et M. [N] [Y]'. C'est un euphémisme. Elles n'ont eu aucun rapport depuis huit ans avec M. [N] [Y] et cette absence de lien n'est pas dû à une responsabilité partagée des parties, mais au seul refus de Mme [M] [Y] et Mme [H] [Y] de voir leur père.
Or précisément, si M. [N] [Y] présente des troubles de la personnalité ainsi qu'elles l'invoquent et est en difficulté psychiatrique elles devraient d'autant plus l'entourer, lui qui dès le début de sa relation avec leur mère 's'est investi affectivement auprès des enfants et a pourvu à leur entretien et leur éducation comme s'il était leur père biologique' ainsi qu'elles le concluent elles-mêmes.
Elles persistent dans cette attitude de refus de contact depuis la décision déférée puisque [H] [Y] n'a pas donné suite à la demande de M. [N] [Y] de voir la petite fille qu'elle a eue.
Non seulement Mme [M] [Y] et Mme [H] [Y] ont coupé tout contact avec leur père, mais elles ont adopté la même attitude avec leur soeur.
Par conséquent, il ne s'agit pas de leur part d'une 'mise à distance' provisoire, mais d'une volonté délibérée de refuser tout contact avec leur père et leur soeur et cela depuis huit ans. Elles proposent dans leurs conclusions d'appel de reprendre contact avec leur père : comment ont-elles mises en oeuvre cette reprise de lien alors que l'appel remonte à un an '
M. [N] [Y] fait la preuve de ce qu'il a essayé depuis la séparation du couple de revoir ses filles, en vain. Il justifie par diverses attestations de la peine que l'attitude de ses filles lui a causé. Cette ingratitude caractérisée constitue le motif grave justifiant la révocation de l'adoption simple par M. [N] [Y], de Mme [M] [Y] et Mme [H] [Y].
La décision déférée sera infirmée.
Mme [M] [Y] et Mme [H] [Y] qui succombent dans leurs prétentions, supporteront les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Au fond,
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement déféré,
Révoque l'adoption simple de :
[H], [E] [Y], née le 18 décembre 1992 à [Localité 4] (35)
Par M. [N] [Y] né le 6/06/1972 à La [Localité 5] Sur Yon,
Prononcée par jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON (85), le 25 novembre 2008.
Révoque l'adoption simple de :
[M], [H] [Y], née le 20 novembre 1997 à [Localité 5] (85),
Par M. [N] [Y] né le 6/06/1972 à La [Localité 5] Sur Yon,
Prononcée par jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON (85), les 28 novembre 2000.
Ordonne la mention de l'arrêt à intervenir en marge de l'acte de naissance de [H] [Y] et de [M] [Y] et en marge de la transcription du jugement d' adoption.
Y ajoutant,
Condamne Mme [M] [Y] et Mme [H] [Y] aux dépens de première instance et d'appel,
Déboute les parties de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Autorise les avocats de la cause à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Dominique NOLET, Président et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
D. MADRANGE D. NOLET