ARRÊT N°46
N° RG 21/01164
N° Portalis DBV5-V-B7F-GHXF
[W]
C/
[K]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 octobre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES
APPELANT :
Monsieur [H] [W]
[Adresse 3]
[Localité 1]
ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉ :
Monsieur [I] [K]
[Adresse 2]
[Localité 1]
défaillant bien que régulièrement assigné
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
M. [W] est propriétaire d'un garage et d'une remise contigus à un jardin potager appartenant à M. [K].
Il reproche à son voisin de laisser la végétation pousser sur son fonds et d'avoir posé une palissade en bois, palissade qui l'empêche d'entretenir ses bâtiments.
M. [K] conteste ces griefs, et assure de son côté que la gouttière de l'immeuble de M. [W] empiète sur son fonds.
Par acte dont la date n'est pas indiquée, M. [W] a saisi le tribunal judiciaire de Saintes aux fins de voir condamner M. [K] à :
-couper les arbustes et végétaux poussant le long de sa propriété
-enlever la palissade
-indemniser son préjudice de jouissance qu'il a fixé à 2000 euros
-subsidiairement, ordonner une expertise.
M. [K] a conclu au débouté, et demandé reconventionnellement la condamnation de M. [W] à :
-lui payer des dommages et intérêts de 2000 euros
-constater l' empiétement, procéder à sa 'destruction'
-faire cesser la servitude de vue.
Par jugement du 15 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Saintes a statué comme suit:
'- rejeté toutes les demandes de M. [W],
-condamné M. [W] à payer au Trésor Public la somme de 300 € à titre d'amende civile,
-rejeté toutes les demandes reconventionnelles de M. [K],
-dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de Procédure civile,
-dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,
-dit que l'exécution provisoire est de droit. '
Le premier juge a notamment retenu que :
Les photographies produites ne corroborent pas les demandes formées.
- sur les demandes de M. [W]
Les photographies produites ne sont pas datées, paraissent anciennes.
Les détériorations causées par les racines de laurier ne sont pas démontrées.
Il n'est pas démontré non plus que l' emplacement de la palissade soit contraire aux règles du code civil.
Le trouble de jouissance n'est pas établi.
Le constat d'huissier de justice du 19 mai 2016 est ancien, dépourvu d' utilité.
La demande d' expertise n'est pas justifiée.
- sur les demandes de M. [K]
Les demandes reconventionnelles de M. [K] ne sont pas plus établies.
- sur l'abus de droit
En produisant des pièces qui datent de plus de 4 années, en apportant au tribunal des éléments peu probants, il est incontestable que M. [W] a commis un abus de droit qui doit être sanctionné conformément à l'article 32-1 du code de procédure civile.
Il sera condamné à payer au trésor public une amende civile de 300 euros.
LA COUR
Vu l'appel en date du 8 avril 2021 interjeté par M. [W]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 8 juillet 2021, M. [W] a présenté les demandes suivantes :
Juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Monsieur [W],
Y faisant droit, réformer et statuer à nouveau,
-Ordonner à Monsieur [K] la coupe de l'ensemble de ses arbustes et végétaux poussant le long de la propriété de Monsieur [W] et l'enlèvement de la palissade en bois dans le mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir et à défaut sous astreinte de 150 € par jour de retard,
-Condamner Monsieur [K] à payer à Monsieur [W] la somme de 2.000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice de jouissance,
-Juger n'y avoir lieu à condamnation de Monsieur [W] à payement d'une amende civile et le décharger de toute condamnation à cet égard,
-A titre subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise ou un transport sur les lieux ou toutes autres mesures d'instruction qu'il plaira à la Cour,
A l'appui de ses prétentions, M. [W] soutient en substance :
-Il déplore depuis plusieurs années une végétation envahissante en provenance du fonds de M. [K] et l'implantation d'une palissade en bois qui l'empêche d'entretenir ses bâtiments.
-Le premier juge n'a manifestement eu aucun égard pour les pièces qu'il produisait.
-Il est allé jusqu'à rejeter la mesure d'instruction demandée au motif que le litige n'est pas avéré.
-Il existe bien un litige entre parties.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 septembre 2022.
SUR CE
L'article 472 du code de procédure civile dispose : Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
M. [W] réitère en appel les demandes formées en première instance: une demande en exécution de travaux non chiffrables en l'état, une demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance, une demande subsidiaire d'expertise.
Il demande en outre l'infirmation du jugement en ce qu'il l' a condamné au paiement d'une amende civile.
- sur la coupe des végétaux
L'article 670 du code civil dispose que chaque propriétaire a le droit d'exiger que les arbres mitoyens soient arrachés.
Selon l'article 671 du code civil, il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par les usages constants et reconnus, et à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres , et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.
Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.
Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer ses espaliers.
Selon l'article 672, le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
Si les arbres meurent , ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales.
Il appartient à M. [W], demandeur , de justifier de la hauteur des arbres, arbustes, de préciser la distance existant entre les arbres et la limite séparative, de justifier de demandes amiables antérieures adressées à son voisin et restées infructueuses.
Il ne produit aucune pièce, pas même celles qui avaient été produites en première instance et qui avaient été jugées manifestement insuffisantes.
- sur l'enlèvement de la palissade
Le fondement juridique de cette demande n'est pas indiqué.
Aucune photographie n'est produite permettant de se convaincre de la gêne occasionnée, de sa réalité.
- sur le préjudice de jouissance
M. [W] évalue son préjudice à la somme de 2000 euros, ne produit aucun élément au soutien de sa demande.
- sur la demande d'expertise
L'article 232 du code de procédure civile dispose que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien.
C'est une faculté pour le juge.
En l'espèce, la demande d'expertise réitérée par l'appelant est formée à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la cour ne serait pas convaincue par les éléments qui sont produits.
Elle n'est pas justifiée par l'existence d'une question de fait nécessitant le recours à un technicien.
Le seul fait qu'un désaccord existe entre les voisins n'est pas de nature à justifier le prononcé d'une expertise, M. [W] n'ayant pas choisi de saisir le juge des référés aux fins d'une expertise judiciaire dont il aurait exposé les frais, a choisi d'agir directement au fond.
Une expertise n'a pas vocation à pallier la carence d'une partie dans la charge qui lui incombe de produire ses moyens de fait .
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de toutes ses demandes.
- sur l'abus dans l'exercice du droit d'action
L'article 32-1 du code de procédure civile dispose : celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
L'article 559 du code de procédure civile dispose en cas d'appel principal dilatoire au abusif , l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.
L'insuffisance des pièces produites au soutien des demandes formées ne suffisait pas à rendre abusive l'action exercée.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. [W] au paiement d'une amende civile.
- sur les autres demandes
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de M. [W].
PAR CES MOTIFS :
statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort
- confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné M. [W] à payer au Trésor Public une amende civile de 300 euros.
Y ajoutant :
- déboute M. [W] de ses autres demandes
- condamne M. [W] aux dépens d'appel
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,