ARRÊT N°17
N° RG 21/00587
N° Portalis DBV5-V-B7F-GGMK
[S]
[O]
C/
[M]
[I]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 24 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 novembre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES
APPELANTS :
Monsieur [B] [S]
né le 30 Octobre 1981 à [Localité 12] (ARGENTINE)
[Adresse 5] - [Localité 10]
Madame [W] [O] épouse [S]
née le 31 Mars 1987 à [Localité 14]
[Adresse 5] - [Localité 10]
ayant tous deux pour avocat postulant Me Régis SAINTE MARIE PRICOT de la SELARL ACTE JURIS, avocat au barreau de SAINTES
INTIMÉS :
Monsieur [L] [M]
né le 26 Avril 1956 à [Localité 9] (ALGÉRIE)
[Adresse 4] - [Localité 10]
Madame [X] [I] épouse [M]
née le 20 Septembre 1956 à [Localité 11]
[Adresse 4] - [Localité 10]
ayant tous deux pour avocat postulant Me Coraline PAVAGEAU, avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le fonds propriété des époux [B] [S] et [W] [O], situé à [Localité 10] (Charente-Maritime) et cadastré section A n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3], est contigu à celui propriété des époux [L] [M] et [X] [I] ([I] au jugement), cadastré section A n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
Par acte du 9 avril 2019, les époux [B] [S] et [W] [O] ont assigné leurs voisins devant le tribunal judiciaire de Saintes. Dans leurs dernières écritures, ils ont à titre principal demandé de :
- constater leur désistement de la demande de bornage des parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 3] et n° [Cadastre 7], un bornage amiable ayant été réalisé ;
- condamner sous astreinte les défendeurs à l'arrachage ou à l'élagage des végétaux ne répondant pas aux exigences légales.
Les défendeurs ont conclu au rejet de ces dernières demandes aux motifs que :
- l'élagage des bambous n'avait pas été demandé ;
- les thuyas nouvellement plantés avaient été traités pour ne pas pousser en hauteur ;
- les demandeurs qui avaient pratiqué des ouvertures sans respecter les distances légales dans un bâtiment anciennement une grange, étaient à l'origine des désagréments allégués ;
- les demandeurs avaient annexé une bande de terre à l'arrière de leur maison pour y entreposer des matériaux et édifier un cabanon.
Par jugement du 19 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Saintes a statué en ces termes :
'RAPPELLE aux parties les dispositions des articles 667 et 671 du Code civil et les dispositions jurisprudentielles sur le trouble de voisinage et l'abus de droit ;
ORDONNE aux époux [S] de respecter la limite entre leur propriété cadastrée n° A [Cadastre 3] et celle des époux [M] cadastrée section A n°[Cadastre 6] et de matérialiser la limite dans un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement sous astreinte de VINGT EUROS (20 €) par jour de retard ;
ORDONNE aux époux [M] de procéder à l'entretien des zones litigieuses dans le respect des dispositions de l'article 671 du Code civil dans un délai de deux mois à signification du présent jugement sous astreinte de VINGT EUROS ( 20 €) par jour de retard ;
ORDONNE aux époux [S] et aux époux [M] de respecter les dispositions de l'article 667 du Code civil dans l'hypothèse de mitoyenneté dans un délai de deux mois suivant signification du présent jugement et sous astreinte de CINQUAN TE EUROS (50 €) par jour de retard si tel est le cas ;
ORDONNE la réouverture des débats à la première audience de contentieux général ce Tribunal le 1er avril 2021 sauf à ce que les parties soient remplies en leurs droits.
ORDONNE aux époux [S] de mettre fin dans un délai de deux mois suivant signification du présent jugement aux troubles de voisinage et de retirer les palettes, les planches, les différents objets abandonnés le long du grillage séparant les deux propriétés et les objets divers entreposés, sous astreinte de CINQUANTE EUROS ( 50 €) par jour de retard ;
DIT qu'il n'y a pas lieu faire droit à la demande des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens en ce compris les constats d'huissier ;
DIT que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit '.
Il a considéré que :
- s'agissant de la façade sud-est des demandeurs :
- ceux-ci avaient manifestement empiété sur le fonds des demandeurs ;
- malgré l'imprécison du procès-verbal de constat du 29 avril 2019, il était manifeste que les parties n'avaient pas, de-ci de-là, respecté les dispositions de l'article 671 du code civil ;
- s'agissant de la façade sud-ouest, le dépôt d'objets et l'édification d'un cabanon par les défendeurs constituaient un trouble anormal de voisinage.
Par déclaration reçue au greffe le 23 février 2021, les époux [B] [S] et [W] [O] ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2022, ils ont demandé de :
'Réformer le jugement du 19 Novembre 2020 dont appel.
Statuant à nouveau dire nulles et de nul effet :
La condamnation des époux [S] de respecter la limite entre leur propriété cadastrée n° A[Cadastre 3] et celle des époux [M] cadastré Section A n°[Cadastre 6] et de matérialiser la limite dans un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement, sous astreinte de VINGT EUROS (20 €) par jour de retard.
La condamnation des époux [S] de respecter les dispositions de l'article 667 du Code civil dans l'hypothèse de mitoyenneté dans un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement et sous astreinte de CINQUANTE EUROS (50 €) par jour de retard.
La décision par laquelle le tribunal a ordonné la réouverture des débats à la première audience de contentieux général du tribunal le 1er avril 2021, sauf à ce que les parties soient remplies en leurs droits.
La condamnation des époux [S] de mettre fin dans un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement au trouble de voisinage et de retirer les palettes, les planches, les différents objets abandonnés le long du grillage séparant les deux propriétés des objets divers entreposés, sous astreinte de 50 € par jour de retard.
La décision par laquelle le tribunal a dit que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Sur les omissions de statuer, réformer le jugement dont appel.
Statuant à nouveau.
CONDAMNER Madame [X] [M] née [I] et Monsieur [L] [M] à procéder à l'arrachage et/ou l'élagage des végétaux ne répondant pas aux exigences légales en fonction du constat dressé SELARL ATLANTIC HUISSIERS [V] CASTEX le 31 mars 2020.
DIRE ET JUGER que cette condamnation sera assortie d'une astreinte journalière de 100 € à défaut d'exécution dans le mois suivant la signification de la décision à intervenir.
Sur les frais irrépétibles et dépens, réformer le jugement dont appel.
Statuant à nouveau.
CONDAMNER Madame [X] [M] née [I] et Monsieur [L] [M] à verser à Madame [W] [O] épouse [S] et Monsieur [B][S], pris comme une seule et même partie, la somme de 1.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles de premièreinstance, outre le coût du constat dressé par la SELARL ATLANTIC HUISSIERS [V] CASTEX le 31 mars 2020.
CONDAMNER Madame [X] [M] née [I] aux entiers dépens de première instance.
CONDAMNER Madame [X] [M] née [I] et Monsieur [L] [M] à verser à Madame [W] [O] épouse [S] et Monsieur [B] [S], pris comme une seule et même partie, la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
CONDAMNER Madame [X] [M] née [I] aux entiers d'appel'.
Ils ont soutenu que le tribunal avait statué ultra petita s'agissant des condamnations à :
- respecter la limite entre leur propriété cadastrée n°A [Cadastre 3] et celle des intimés cadastrée section A n°[Cadastre 6] et de la matérialiser sous astreinte
- mettre fin sous astreinte au trouble de voisinage et de retirer les palettes, les planches, les différents objets abandonnés le long du grillage séparant les deux propriétés.
Ils ont exposé que la réouverture des débats ordonnée n'était pas motivée, ni n'était fondée. Ils ont ajouté que l'exécution provisoire de la décision n'était pas de droit, l'instance ayant été introduite antérieurement au 1er janvier 2020 (article 55 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019).
Selon eux, le tribunal avait omis de statuer sur leurs demandes d'arrachage sous astreinte de végétaux et de condamnation des intimés d'une
part au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'autre part aux dépens incluant les frais de constat d'huissier de justice.
Ils ont indiqué avoir acquis par acte du 30 septembre 2014 les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3], les intimés étant propriétaires des parcelles voisines cadastrées section A n° [Cadastre 7] et [Cadastre 1]. Selon eux, les rhizomes de bambous du fonds voisin proliféreraient sur leur terrain, des branches de plantations débordaient sur leur fonds et des conifères plantés à distance non réglementaire faisaient une ombre excessive et génèrent de l'humidité.
Ils ont soutenu que l'inaction des intimés fondait leur condamnation aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juillet 2022, les époux [L] [M] et [X] [I] ont demandé de
'STATUER ce que de droit quant aux demandes de réformation relatives aux chefs du jugement entrepris en ce qu'il a :
- ordonné aux époux [S] de respecter la limite entre leur propriété cadastrée n° A [Cadastre 3] et celle des époux [M] cadastrée section A n° [Cadastre 6] et de matérialiser la limite dans un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement sous astreinte de vingt euros (20 €) par jour de retard.
- ordonné aux époux [S] de respecter les dispositions de l'article 667 du Code civil dans l'hypothèse de mitoyenneté dans un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement et sous astreinte de cinquante euros (50 €) par jour de retard, si tel est le cas.
- ordonné la réouverture des débats à la première audience de contentieux général du tribunal le 1er avril 2021 sauf à ce que les parties soient remplies en leurs droits.
- Ordonné aux époux [S] de mettre fin dans un délai de deux mois, suivant signification du présent jugement, aux troubles de voisinage et de retirer les palettes, les planches, les différents objets abandonnés le long du grillage séparant les deux propriétés et les objets divers entreposés, sous astreinte de cinquante euros (50 €) par jour de retard.
- DEBOUTER les époux [S] de leurs demandes au titre de l'omission de statuer.
Sur l'appel incident,
- REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné aux époux [M] de procéder à l'entretien des zones litigieuses dans le respect des dispositions de l'article 671 du Code civil dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de vingt euros (20 €) par jour de retard.
- REFORMER le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en ce qu'il a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens en ce compris les constats d'huissier.
Statuant à nouveau,
- CONDAMNER les époux [S] à payer aux époux [M] une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER les mêmes à prendre en charge les entiers dépens de première instance.
- DEBOUTER les époux [S] de leur demande à l'encontre des époux [M] de procéder à l'arrachage ou l'élagage des végétaux ne répondant pas aux exigences légales en fonction du constat dressé par la SELARL ATLANTIC HUISSIERS [V] CASTEX du 31 mars 2020 sous astreinte journalière de 100 euros à défaut d'exécution dans le mois de la décision à intervenir.
- DEBOUTER les époux [S] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi que de leurs demandes au titre des dépens de première instance et d'appel.
En toutes hypothèses,
- CONDAMNER les époux [S] à payer aux époux [M] une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel
sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER les époux [S] à prendre en charge l'intégralité des dépens d'appel avec distraction au profit de Maître PAVAGEAU en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile'.
Ils ont indiqué s'en rapporter s'agissant des condamnations prononcées ultra petita et s'associer à la demande formée s'agissant de la réouverture des débats.
S'agissant des omissions de statuer alléguées, ils ont soutenu que :
- la preuve de l'irrespect des distances de plantation n'était pas rapportée ;
- des branches notamment de grands arbres dont ils ne demandaient pas la coupe débordaient du fonds voisin sur le leur ;
- les thuyas nouvellement plantés l'avaient été à bonne distance et que certains arbres plantés à moins de deux mètres étaient trentenaires ;
- le bâtiment acquis par les appelants et qu'ils rénovaient était une ancienne grange dans laquelle les ouvertures pratiquées n'étaient pas réglementaires ;
- leurs voisins s'étaient accaparés une bande de terrain sur laquelle était édifié un cabanon empiétant sur leur fonds et étaient entreposés divers objets et matériaux;
- le premier juge avait statué sur le sort des frais de constat.
Ils ont ajouté que l'appelant avait été condamné pour des faits de violence à l'encontre d'[X] [I].
L'ordonnance de clôture est du 19 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A - SUR UNE ERREUR MATÉRIELLE
L'article 462 du code de procédure civile dispose que 'les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande'.
[X] [I] a été dénommée en première page du jugement: 'Madame [M] [X] née [I]'. Le jugement sera rectifié en ce qu'il convient de lire: '[I]'.
B - SUR L'OBJET DU LITIGE
L'article 4 du code de procédure civile dispose que :
'L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant'.
L'article 5 du même rappelle que : 'Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé'.
Les appelants avaient en dernier lieu demandé au premier juge de :
'CONSTATER le désistement des époux [S] de leur demande tendant à ce qu'il soit procédé aux opérations de bornage des parcelles cadastrée section A n° [Cadastre 3] leur appartenant sise [Adresse 5] sur la commune de [Localité 10] et de la parcelle cadastrée sectionA n°[Cadastre 7] propriété de Madame [X] [M] et Monsieur [L] [M] au même lieu, sise [Adresse 4].
CONDAMNER Monsieur et Madame [M] à procéder à l'arrachage et/ou l'élagage des végétaux ne répondant pas aux exigences légales en fonction du constat dressé SELARL ATLANTIC HUISSIERS [V] CASTEX le 31 mars 2020.
DIRE ET JUGER que cette condamnation sera assortie d'une astreinte journalière de 100€ à défaut d'exécution dans le mois suivant la signification de la décision à intervenir.
CONDAMNER les époux [M]-[I] à verser aux époux [S]-[O], pris comme une seule et même partie, la somme de 1.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris le coût du constat dressé par la SELARL ATLANTIC HUISSIERS [V] CASTEX le 31 mars 2020".
Il résulte des écritures des appelants non contestées sur ce point que les intimés avaient dans le dernier état de celles-ci demandé au premier juge de :
'Débouter les époux [S] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, y compris au titre de l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
De les condamner solidairement à leur payer la somme de 1500 € au titre de leurs frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile'.
Le jugement a rappelé en page 2 et 3 ces prétentions.
Il en résulte qu'il n'avait pas été demandé au tribunal :
- de statuer sur un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ;
- d'ordonner sous astreinte aux appelants de respecter la limite de propriété et de la matérialiser ;
- d'ordonner sous astreinte aux parties de respecter les dispositions de l'article 667 du code civil relatif à la clôture mitoyenne.
Le jugement sera pour ces motifs infirmé en ce qu'il les a condamnés en considération de demandes dont il n'avait pas été saisi.
C - SUR LA RÉOUVERTURE DES DEBATS
L'article 444 du code de procédure civile dispose que : 'Le président peut ordonner la réouverture des débats' et que : 'Il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés'.
L'article 455 du code de procédure civile rappelle que : 'Le jugement doit être motivé'.
Le tribunal, après avoir statué et ainsi épuisé sa saisine, a ordonné la réouverture des débats sans en préciser le motif.
Ce défaut de motivation fonde l'infirmation du jugement de ce chef.
D - SUR LES PLANTATIONS
L'article 671 du code civil dispose que :
'Il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.
Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.
Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers'.
L'article 672 du même code précise que :
'Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales'.
Aux termes de l'article 673 du code civil :
'Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.
Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible'.
1 - sur la recevabilité de l'action
L'article 3 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et l'article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile imposant à peine d'irrecevabilité de l'action un préalable de conciliation dans les litiges de voisinage ne s'appliquent qu'aux instances introduites postérieurement au 1er janvier 2020.
Antérieurement, l'absence de rappel dans l'assignation des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige imposé par l'article 56 du code de procédure civile n'était pas sanctionnée.
L'acte introductif d'instance étant du 9 avril 2019, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que l'action des appelants aurait dû être précédée, à peine d'irrecevabilité, d'une tentative préalable de conciliation.
L'action est pour ces motifs recevable.
2 - sur les constatations
[N] [A] du cabinet Polyexpert missionné par l'assureur de protection juridique des appelants a indiqué dans un rapport en date du 27 février 2019, en pages 4 et 5, que :
'Il existe un désaccord sur le bornage des fonds aggravé par la présence de végétaux sur le terrain de Madame [M], dont les arbres surplombent la maison de l'assurée et des rhizomes de bambous qui menacent l'intégrité de la maçonnerie de la façade arrière.
[...]
La propriétaire voisine considère que la parcelle se trouvant derrière la maison de l'assurée lui appartient et a donc installé des grillages pour empêcher l'accès.
- Sur le surplomb des branches et les bambous, si l'on considère que le bornage fait par le géomètre expert correspond à la réalité, les arbres de la propriétaire voisine sont implantés trop près de la limite de propriété et leurs branches surplombent le fonds de l'assurée'.
En page 6, au paragraphe 'constatations', en l'absence des intimés, il a indiqué que :
'Madame [M] étant absente et non représentée, nous avons fait nos constatations depuis la propriété de Madame [M] (lire : [S]).
Il apparait effectivement que les arbres situés à l'arrière de la maison surplombent la toiture de l'habitation de Madame [S] et les rhizomes des bambous se développent vers la maçonnerie du mur de façade.
Sur la base du plan de bornage contesté, il semble que les végétaux poussent sur le fonds voisin,surplombant pour les branches et prolifèrent pour les rhizomes sur ie terrain de I'assurée'.
En page 7 du rapport, il a conclu que :
'Sur la base des constatations faites et sur le plan de bornage non validé par le tiers, il semble que la parcelle litigieuse appartienne bien à l'assurée, auquel cas les végétaux qui poussent sur le fonds voisin sont plantés à moins de 2,00 m de la limite de propriété, les arbres surplombant le fonds de l'assuré et les bambous colonisent le terrain'.
Le procès-verbal de constat du 29 avril 2019 dressé sur la requête des intimés par Maître [Y] [C], huissier de justice associé à [Localité 13], ne fait pas mention des plantations sauf, s'agissant des bambous que ceux-ci 'se trouvant sur le terrain des requérants sont entretenus et ne paraissent pas empiéter sur le terrain voisin appartenant aux époux [S]'.
Le procès-verbal de bornage des 18 juillet et 28 août 2019 des parcelles n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8] propriété des intimés fixe la limite séparative de ces parcelles et de celles n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] (points A-B-C-4).
Maître [E] [H], huissier de justice associé à [Localité 15], a sur la requête des appelants fait le 31 mars 2020 le constat suivant :
'Je constate que de nombreuses plantations sont présentes sur le terrain voisin cadastré section A [Cadastre 8] et [Cadastre 7].
De nombreuses plantations sont implantées le long du grillage séparant les deux propriétés. Ces plantations mesurent plus de deux mètres de hauteur et de nombreuses branches surplombent la propriété des requérants ou bien passent au travers du grillage.
Toutes ces plantations sont sur le terrain voisin. La photographie est prise depuis le terrain [S]. Je constate que de nombreuses branches des plantations voisines dépassent sur le terrain des requérants.
Je constate que des plantations récentes, notamment des thuyas ou sapins sont visibles sur le terrain voisin en retrait du grillage. Ces plantations sont d'une hauteur inférieure à 2 mètres et plantées à plus de 50 cm du grillage.
[...]
A proximité de la maison des requérants, à l'angle du grillage séparant les deux propriétés, je constate que divers arbustes sont encore visibles sur le terrain voisin, le long de ce grillage. Certaines branches passent au travers du grillage.
De très grands sapins ou thuyas sont également visibles sur le terrain voisin, dont certains sont implantés très prés du grillage, à moins de deux mètres de distance. Ces arbres sont de très grande hauteur, largement plus de deux mètres et dépassent la hauteur de la maison, ce qui crée de l'ombre.
[...]
A l'arrière de la maison des requérants, Mr [S] m'indique qu'ils sont propriétaires d'une bande de terrain qui figure sur l'extrait de plan cadastral joint au présent procès-verbal. Cette bande de terrain, matérialisée au stabilo vert serait contestée par sa voisine.
Je constate que sur le terrain voisin, contigu à cette bande de terrain, une très grande quantité de très hauts bambous est visible avec des jeunes bambous qui poussent le long du mur de la maison des requérants, sur la bande de terrain qui serait selon eux leur propriété.
Les bambous de la propriété voisine sont très hauts et denses, alors que la façade arrière des requérants possèdent deux fenêtres fixes et une fenêtre avec ouverture. Mr [S] retire devant mois de nombreuses feuilles de sa gouttière'.
Les appelants ont postérieurement produit des photographies de la limite séparative des fonds datées du 29 janvier 2022. Les intimés ont également produit des photographies non datées et dont la date de prise n'a pas été précisée.
3 - sur l'implantation
Les procès-verbaux de constat établissent que :
- les plantations récentes sont d'une hauteur inférieure à 2 mètres et ont été plantées à plus de 2 mètres ;
- celles plus anciennes sont, ainsi que soutenu par les intimés, plus que trentenaires.
Il n'y a pour ces motifs pas lieu d'ordonner l'arrachage de plantations.
4 - sur l'élagage
Il résulte des développements précédents que des branches des végétaux situés sur le fonds des intimés surplombent le fonds des appelants. Ceux-ci sont fondés à ce qu'il soit procédé à l'élagage de ces végétaux, peu important leur âge.
Cet élagage des végétaux situés sur les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8] débordant sur les parcelles cadastrées même section n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] sera ordonné sous astreinte, ainsi qu'il suit.
5 - sur les bambous
Quelques rejets de bambous apparaissent sur le fonds des appelants. Ces rejets sont le faits de rhizomes assimilables à des racines que les appelants sont en droit de couper par application de l'article 673 précité. Il n'y a dès lors pas lieu de condamner les intimés à y faire procéder, au surplus en devant pénétrer sur le fonds voisin.
La demande des appelants présentée de ce chef sera pour ces motifs rejetée.
E - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire application de ces dispositions.
F - SUR LES DÉPENS
La charge des dépens de première instance et d'appel, étant rappelé que le coût des procès-verbaux de constat en est exclu, incombe aux intimés.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
RECTIFIE le jugement du 19 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Saintes en ce qu'il convient de lire, en page 1, '[I]' au lieu de '[I]' ;
INFIRME le jugement ainsi rectifié du 19 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Saintes ;
et statuant à nouveau,
CONDAMNE in solidum époux [L] [M] et [X] [I] à élaguer ou faire élaguer les branches et branchages de la végétation située sur leur fonds situé à [Localité 10] (Charente-Maritime), cadastré section A n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8], surplombant le fonds propriété des époux [B] [S] et [W] [O] cadastré section A n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3], sous astreinte de 10 € par jour de retard à l'expiration du délai d'une année courant à compter de la date de signification du présent arrêt et dans la limite de 4 mois ;
REJETTE toute autre demande ;
DIT n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum les époux [L] [M] et [X] [I] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,