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19/01/2023 | FRANCE | N°22/00068

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Référés premier président, 19 janvier 2023, 22/00068


Ordonnance n 2

















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19 Janvier 2023

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N° RG : 22/00068 -

N° Portalis : DBV5-V-B7G-GVIV

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S.A. [6] ([6])

C/

[D] [K]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE
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RÉFÉRÉ









Rendue publiquement le dix neuf janvier deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère, agissant sur délégation de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière, lor...

Ordonnance n 2

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19 Janvier 2023

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N° RG : 22/00068 -

N° Portalis : DBV5-V-B7G-GVIV

---------------------------

S.A. [6] ([6])

C/

[D] [K]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le dix neuf janvier deux mille vingt trois par Madame Estelle LAFOND, conseillère, agissant sur délégation de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière, lors des débats et de Monsieur Damien LEYMONIS, greffier placé, lors du prononcé,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le cinq janvier deux mille vingt trois, mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au dix neuf janvier deux mille vingt trois.

ENTRE :

S.A [6] ([6])

Société immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LA ROCHE SUR YON sous le n°321 179 012, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social se situe :

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS, avocat postulant, et Maître Richard CAILLAUD, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant,

DEMANDEUR en référé ,

D'UNE PART,

ET :

Monsieur [D] [K]

né le 06 mai 1979 à [Localité 5] (85)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Maître Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON, substituée par Maître Bruno MAZAUDON, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEUR en référé ,

D'AUTRE PART,

Faits et procédure :

La société [6] ([6]) exploite une activité de maçonnerie.

Monsieur [D] [K] a été engagé le 1er mars 2000 en qualité d'employé administratif sous contrat à durée indéterminée et occupait un poste de responsable niveau IV échelon A avant d'être placé en arrêt maladie et déclaré inapte à la reprise de son poste par le médecin du travail selon avis du 2 juin 2020.

La société [6] a contesté cet avis d'inaptitude devant le conseil des prud'hommes de la Roche-sur-Yon et sollicité la désignation d'un médecin expert.

Par décision en date du 25 novembre 2020, le conseil des prud'hommes de la Roche-sur-Yon a rejeté la demande de la société [6] et jugé que les éléments de nature médicale justifiaient l'avis d'inaptitude rendu le 2 juin 2020.

Par lettre en date du 26 novembre 2020, la société [6] a procédé au licenciement pour inaptitude de Monsieur [D] [K].

Par exploit en date du 28 juillet 2021, Monsieur [D] [K] a fait assigner la société [6] devant le conseil des prud'hommes de La Roche-sur-Yon aux fins de  juger son inaptitude partiellement d'origine professionnelle et son licenciement vexatoire et de condamner l'employeur à diverses sommes au titre de salaires et d'indemnités.

Selon jugement en date du 26 septembre 2022, le conseil des prud'hommes de La Roche-sur-Yon a :

- confirmé le licenciement pour inaptitude de Monsieur [D] [K] lié à une maladie non professionnelle,

- condamné la société [6] au paiement de la somme de vingt-cinq mille euros nets (25 000 €) au titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et psychosociaux ;

- condamné la société [6] à verser à Monsieur [D] [K] la somme de deux mille cinq cent seize euros et cinquante-neuf centimes nets (2 516,59 €) au titre du rappel d'indemnité légale de licenciement ;

- condamné la société [6] à verser à Monsieur [D] [K] la somme de cinq mille euros (5 000 €) nets pour dommages et intérêts au titre des conditions abusives et vexatoires de la rupture ;

- condamné la société [6] à verser à Monsieur [D] [K] la somme de mille cinq cent euros (1 500 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixé le salaire moyen des trois derniers mois travaillés de Monsieur [D] [K] à la somme de trois mille cent trente-deux euros et soixante-sept centimes (3 132,67 €) ;

- condamné la société [6] aux entiers frais et dépens de l'instance ;

- dit que les sommes qui ont le caractère de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d'instance et que les autres sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jugement ;

- prononcé l'exécution provisoire pour les sommes pour lesquelles elle n'est pas de droit ;

- débouté Monsieur [D] [K] de l'ensemble de ses autres demandes.

La société [6] a interjeté appel dudit jugement selon déclaration enregistrée le 10 octobre 2022 en ce qu'il a :

- condamné la société [6] à verser à Monsieur [D] [K] la somme de vingt-cinq mille euros (25 000 €) à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et psychosociaux ;

- condamné la société [6] à verser à Monsieur [D] [K] la somme de deux mille cinq cent seize euros et cinquante-neuf centimes (2 516,59 €) à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement ;

- condamné la société [6] à verser à Monsieur [D] [K] la somme de cinq mille euros (5 000 €) à titre de dommages et intérêts au titre des conditions abusives et vexatoires de la rupture ;

- condamné la société [6] à verser à Monsieur [D] [K] la somme de mille cinq cent euros (1 500 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixé le salaire moyen des trois derniers mois travaillés de Monsieur [D] [K] à la somme de trois mille cent trente-deux euros et soixante-sept centimes (3 132,67 €) ;

- condamné la société [6] aux entiers dépens de l'instance ;

- dit que les sommes qui ont le caractère de salaire porteront intérêt au taux légal à compter de la requête introductive d'instance et que les autres sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jugement ;

- prononcé l'exécution provisoire pour les sommes pour lesquelles elle n'est pas de droit ;

Par exploit en date du 28 octobre 2022, la société [6] a fait assigner Monsieur [D] [K] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 521 du code de procédure civile, la constitution d'une garantie réelle ou personnelle pour répondre de toutes restitution ou réparation en cas de réformation du jugement rendu par le conseil des prud'hommes de La Roche-sur-Yon le 26 septembre 2022.

L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 24 novembre 2022, a été renvoyée à l'audience du 5 janvier 2023.

La société [6] soutient qu'elle justifie d'un intérêt légitime à voir aménager l'exécution provisoire de la décision litigieuse.

Elle fait valoir que le conseil des prud'hommes l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité alors même qu'il a débouté Monsieur [D] [K] de sa demande relative à l'origine de l'inaptitude, laquelle fondait pourtant sa demande d'indemnisation, de sorte qu'il existerait un risque de réformation du jugement.

La société [6] soutient en outre, s'agissant des dommages et intérêts alloués à Monsieur [D] [K] au titre des conditions abusives et vexatoires de la rupture, que seul un mail par lequel le dirigeant informe son équipe du futur départ de son salarié, après accord de ce dernier, justifierait cette condamnation, de sorte qu'il existerait un risque de réformation du jugement sur ce point également.

La société [6] expose par ailleurs que la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pourrait être réformée si la cour d'appel venait à faire droit aux demandes de la société [6].

Elle fait en outre état de son incertitude sur ses capacités à obtenir le remboursement des sommes dues à titre provisoire.

La société [6] sollicite ainsi l'autorisation, en application des dispositions de l'article 519 du code de procédure civile, le dépôt à la [3] des sommes suivantes :

- 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et psychosociaux,

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts au titre des conditions abusives et vexatoires de la rupture ;

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Soit la somme totale de 31 500 euros.

La société [6] sollicite en outre la condamnation de Monsieur [D] [K] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [D] [K] s'oppose à la demande d'aménagement de l'exécution provisoire. Il fait valoir que les conditions cumulatives prévues par l'article 517 du code de procédure civile ne seraient pas réunies aux motifs que la société [6] ne justifierait pas de moyens sérieux de réformation, ni de conséquences manifestement excessives qu'auraient pour elle l'exécution provisoire de la décision déférée.

Il conclut au rejet de la demande d'article 700 de la société [6] et sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 5 000 euros en indemnisation de la procédure engagée qu'il estime abusive et dilatoire ainsi que la somme 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse aux arguments de Monsieur [D] [K], la société [6] fait valoir que l'aménagement de l'exécution provisoire n'implique pas, pour le demandeur, de rapporter la preuve de conséquences manifestement excessives, mais seulement d'un intérêt légitime à priver le créancier de la perception immédiate des fonds auxquels il a droit en vertu de l'exécution provisoire, conformément à la jurisprudence constante de la cour de cassation.

La société [6] conclut au rejet des demandes indemnitaires de Monsieur [D] [K], indiquant que ce dernier ne démontrerait pas le caractère dilatoire de la présente procédure.

Motifs :

Sur la demande d'autorisation de consignation :

L'article 521 du code de procédure civile dispose que « La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

En cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine ».

Le premier président ou son délégataire bénéficie d'un pouvoir discrétionnaire dans l'exercice de ces attributions.

La mesure d'aménagement prévue par l'article 521 n'est pas subordonnée aux conditions d'application de l'article 514 du code de procédure civile. Il en résulte que la société [6] n'a pas à justifier de moyens sérieux de réformation, ni de conséquences manifestement excessives qu'auraient pour elle l'exécution provisoire de la décision déférée.

En l'espèce, il convient de constater l'intérêt que représente la mesure de consignation sollicitée par la société [6], laquelle garantit pour chacune des parties que le montant des condamnations sera versé à qui de droit en cas de confirmation ou de réformation du jugement, d'autant que la société [6] justifie avoir partiellement exécuté la décision par le versement de la somme de 2 516,59 à titre de rappel de l'indemnité légale de licenciement à laquelle elle a été condamnée par le conseil des prud'hommes de La Roche-sur-Yon.

Le montant de la consignation sera limitée aux condamnations suivantes :

- 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et psychosociaux,

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts au titre des conditions abusives et vexatoires de la rupture ;

soit la somme totale de 30 000 euros.

La société [6] ne sera pas autorisée a consigner la somme de 1 500 euros à laquelle elle a été condamnée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande d'indemnisation de Monsieur [D] [K] pour procédure abusive :

Monsieur [D] [K] sollicite la condamnation de la société [6] à lui payer la somme de 5 000 euros en indemnisation de la procédure engagée qu'il estime abusive et dilatoire.

Le fait d'ester en justice et d'utiliser des voies de droit prévues par le législateur ne constitue pas en soi le recours à une procédure abusive ou dilatoire.

En l'absence de justification d'une faute dans l'action en justice et d'un préjudice distinct des frais irrépétibles exposés dans le cadre du présent référé, la demande de Monsieur [D] [K] sera rejetée.

Succombant à la présente instance, Monsieur [D] [K] sera condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la société [6] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant en matière de référés, par ordonnance contradictoire,

Autorisons la consignation par la SA [6] sur le compte CARPA du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes de la somme de 30 000 euros se décomposant comme suit :

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels et psychosociaux,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des conditions abusives et vexatoires de la rupture due en vertu du jugement rendu par le conseil des prud'hommes de La Roche-sur-Yon le 26 septembre 2022 ;

Disons que la SA [6] devra justifier auprès du conseil de Monsieur [D] [K] de la consignation de ladite somme dans le délai d'un mois suivant cette ordonnance ;

Déboutons la SA [6] de sa demande de consignation de la somme de 1 500 euros due au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons la demande de condamnation de Monsieur [D] [K] pour procédure abusive et dilatoire ;

Déboutons Monsieur [D] [K] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Monsieur [D] [K] à payer à la SA [6] la somme de trois cents euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Monsieur [D] [K] aux dépens.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

Le greffier, La conseillère,

Damien LEYMONIS Estelle LAFOND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Référés premier président
Numéro d'arrêt : 22/00068
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;22.00068 ?
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