ARRÊT N°13
N° RG 21/01165
N° Portalis DBV5-V-B7F-GHXH
[J]
C/
[Adresse 7]
CPAM DE LA CORREZE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 mars 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de NIORT
APPELANT :
Monsieur [R] [J]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 6]
[Adresse 8]
ayant pour avocat postulant Me Eric DABIN de la SELAS DABIN
& ASSOCIÉS, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
ayant pour avocat plaidant Me Elise PIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
[Adresse 7]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Jérôme MERENDA substitué par Me Pierre MARTIN, avocats au barreau de NIORT
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORREZE
[Adresse 3]
défaillante bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
qui a présenté son rapport
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ :
[R] [J] a été blessé le 21 mars 2013 dans un accident de la circulation survenu sur la commune de [Localité 5] lorsque la moto qu'il pilotait en direction d'[Localité 4] a percuté une Fiat 'Scudo' conduite par un automobiliste assuré par la compagnie [Adresse 7] qui tournait à gauche pour emprunter un chemin.
M. [J] a été transporté au centre hospitalier de Brive, où ont été diagnostiqués de multiples hématomes et une fracture complexe et multiple du radius droit, ainsi qu'un probable délabrement ligamentaire au niveau du genou droit, avec une prescription de 6 mois d'ITT sauf complications. Il est demeuré hospitalisé jusqu'au 2 juillet 2013.
La compagnie Groupama n'a jamais discuté son obligation de réparer entièrement les conséquences dommageables de l'accident, et lui a versé des provisions pour une somme totale de 13.000 euros.
Saisi par [R] [J] d'une demande d'expertise et de provision, le juge des référés du tribunal de grande instance de Niort a par ordonnance du 13 décembre 2016 ordonné une expertise médicale du blessé en désignant pour y procéder le professeur [E], et a condamné Groupama au paiement d'une provision de 37.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice de la victime.
L'expert a déposé son rapport définitif le 17 août 2017.
M. [J] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal d'[X] [J] et d'[Y] [J] et son épouse [O] née [D] ont fait assigner selon actes du 30 janvier 2019 devant le tribunal de grande instance de Niort la compagnie [Adresse 7] et la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze (la CPAM 19) afin de voir réparer leur préjudice.
Saisi par voie d'incident, le juge de la mise en état a par ordonnance du 6 juin 2019 condamné [Adresse 7] à payer à [R] [J] une provision supplémentaire de 150.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal entre-temps devenu tribunal judiciaire de Niort a
* dit que [Adresse 7] était tenue à indemniser [R], [X], [Y] et [O] [J] du fait de l'accident survenu le 21 mars 2013
* déclaré sa décision commune à la CPAM 19
* fixé la créance définitive de la CPAM 19 à 304.671,03 euros
* liquidé le préjudice de P. [J] à la somme d'1.418.991,87 euros ainsi décomposée:
¿ Préjudices patrimoniaux :
° temporaires :
.dépenses de santé actuelles : 95.657,22 euros dont 339,25 à revenir à la victime
.frais divers restés à charge de la victime : 5.434,56 euros
.assistance temporaire tierce personne : 56.142 euros
.perte de gains professionnels actuels : 82.879,33euros dont 16.579,88 à la victime
° permanents :
.dépenses de santé futures : 1.751,99 euros revenant entièrement à la CPAM 19
.frais futurs divers : rejet
.assistance par tierce personne : 354.347,90 euros
.perte de gains professionnels futurs : 430.705,01 euros dont 289.403,09 à revenir à la victime
.incidence professionnelle : 50.000 euros
.¿ Préjudices extra patrimoniaux :
° temporaires :
.déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 25.573,86 euros
.souffrances endurées : 40.000 euros
.préjudice esthétique temporaire : 5.000 euros
° permanents :
.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 242.000 euros
.préjudice esthétique permanent : 4.500 euros
.préjudice d'agrément : 10.000 euros
.préjudice sexuel : 15.000 euros
* dit que les provisions versées d'un montant de 200.000 euros devaient venir en déduction des sommes ainsi allouées
* condamné Groupama à payer à [R] [J] 1.094.320,84 euros en réparation de son préjudice
* débouté M. [J] du surplus de ses demandes indemnitaires
* condamné Groupama à payer à [O] [D] épouse [J] la somme de 24.654,63 euros en réparation de son préjudice
* condamné Groupama à payer à [X] [J], représenté par son père, 12.000 euros en réparation de son préjudice
* condamné Groupama à payer à [Y] [J], représenté par son père, 12.000 euros en réparation de son préjudice
* condamné Groupama à payer à [R] [J] 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
* condamné Groupama aux dépens, incluant les dépens de référé et les frais d'expertise.
[R] [J] a relevé appel le 8 avril 2021.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été déposées
* le 17 décembre 2021 par [R] [J]
* le 29 août 2022 par [Adresse 7].
[R] [J] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qui concerne les frais divers, le préjudice sexuel, le DFT et les souffrances endurées, de le réformer s'agissant des autres postes et de condamner [Adresse 7] lui payer 1.432.652,28 euros au titre des huit postes dont il demande
l'infirmation (tierce personne avant consolidation ; dépenses de santé futurs ; frais divers futurs ; tierce personne permanente ; perte de gains professionnels futurs; incidence professionnelle ; préjudice d'agrément et préjudice esthétique permanent) ce qui revient à demander de liquider ainsi son préjudice :
¿ Préjudices patrimoniaux :
° temporaires :
.dépenses de santé actuelles : 95.657,22 euros dont 339,25 euros à revenir à la victime
.frais divers restés à charge de la victime : 5.434,56 euros
.assistance temporaire tierce personne : 62.440 euros
.perte de gains professionnels actuels : 82.879,33 euros dont 16.579,88 à la victime
° permanents :
.dépenses de santé futures : 149,32 euros pour lui-même
.frais d'adaptation du véhicule : à réserver
.frais futurs divers : 42.115,91 euros
.assistance par tierce personne : 491.176,50 euros
.perte de gains professionnels futurs : 638.770,55 euros
.incidence professionnelle : 150.000 euros
.¿ Préjudices extra patrimoniaux :
° temporaires :
.déficit fonctionnel temporaire (DFT) : 25.573,86 euros
.souffrances endurées : 40.000 euros
.préjudice esthétique temporaire : 5.000 euros
° permanents :
.déficit fonctionnel permanent (DFP) : 242.000 euros
.préjudice esthétique permanent : 8.000 euros
.préjudice d'agrément : 40.000 euros
.préjudice sexuel : 15.000 euros.
Il demande à la cour de dire que les intérêts seront du double du taux légal sur le montant total des indemnités y compris la créance des organismes sociaux et ce, pour la période du 22 novembre 2013 à la date à laquelle l'arrêt deviendra définitif, en indiquant que l'offre qui lui a été adressée ne l'a pas été par lettre recommandée avec avis de réception et n'était pas détaillée.
Il réclame 8.000 euros d'indemnité de procédure.
La compagnie [Adresse 7] forme appel incident et demande à la cour de réformer le jugement et
.de rejeter la demande au titre du forfait hospitalier
.de rejeter celle au titre du coût de deux lettres recommandées
.de fixer à 49.904 euros les frais d'assistance temporaire par tierce personne
.de ne rien allouer au titre de la perte de gains professionnels actuels
.de chiffrer à 146.082,80 euros la perte de gains professionnels futurs
.de chiffrer à 172.095,67 euros l'assistance permanente par tierce personne
.de fixer à 18.883 l'indemnisation du DFT
.de fixer à 35.000 euros celle des souffrances endurées
.de fixer à 220.500 euros le DFP sur la base d'une valeur du point de 3.500 euros
.de chiffrer à 5.000 euros l'indemnisation du préjudice sexuel.
Elle sollicite la confirmation des postes afférents
-aux dépenses de santé actuelles
-aux frais kilométriques et de péages
-aux dépenses de santé futures
-à l'absence d'indemnité pour adaptation du véhicule
-à l'absence d'indemnisation d'une prétendue perte des droits à la retraite
-à l'indemnisation de l'incidence professionnelle
-à celle du préjudice esthétique temporaire
-à celle du préjudice d'agrément
-à celle du préjudice esthétique permanent
-au rejet de la demande d'indemnisation de frais divers post- consolidation.
Elle demande à la cour de rectifier l'erreur de calcul qui affecte le chiffrage de la condamnation, qui doit être de 914.320,84 euros (soit 1.114.320,84 - 200.000) et non pas 1.094.320,84 euros.
Elle soutient que le doublement du taux de l'intérêt légal ne doit s'appliquer que du 21 novembre au 20 décembre 2013 et sur la l'assiette de la somme offerte, soit sur 5.000 euros.
Elle conteste le montant de l'indemnité de procédure et estime qu'elle ne saurait excéder 2.000 euros.
La CPAM 19 ne comparaît pas. Elle a été assignée par acte du 27 mai 2021 délivré à personne habilitée.
Par courrier adressé au greffe de la cour en date du 7 juillet 2021, la CPAM de Charente Maritime a transmis au nom de la CPAM 19 un état définitif des débours exposés suite à l'accident, pris en charge au titre du risque accident du travail, d'un montant total de 304.671,03 euros.
L'ordonnance de clôture est en date du 15 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le droit de [R] [J] à être entièrement indemnisé des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 21 mars 2013 n'est pas discuté par la caisse [Adresse 7], qui a d'emblée et toujours reconnu son obligation.
Le rapport d'expertise médicale judiciaire établi par le professeur [E] en date du 17 août 2017 permet d'évaluer ses préjudices.
Il conclut ainsi :
* consolidation au 3 avril 2017
* arrêt de travail du 21.03.2013 au 16.01.2016 et du 06.01 au 31.07.2017 * déficit fonctionnel temporaire (DFT) :
-total du 21.03 au 02.07.2013
-partiel
.de classe IV du 03.07 au 30.10.2013
.de classe III du 01.11.2013 au 03.03.2014 et du 11.03.2014 au 03.04.2017
* souffrances endurées : 5,5/7
* préjudice esthétique temporaire : 3/7
* assistance temporaire tierce personne :
-5 h/jour du 02.07 au 31.10.2013
-3h/jour du 01.11.2013 au 31.12.2014
-1h30/jour du 01.01.2015 au 03.04.2017
* incidence professionnelle : répercussion professionnelle certaine et majeure
* nécessité d'adaptation du véhicule
* déficit fonctionnel permanent (DFP) : 63%
* assistance permanente par une tierce personne : 1h30/jour
* préjudice esthétique permanent : 2,5/7
* préjudice sexuel : diminution de la libido et douleurs positionnelles
* préjudice d'agrément : impossibilité de reprendre pêche, moto, vélo, randonnées, jardinage, bricolage, danse et activités sportives foot et rugby avec ses enfants.
Les parties formulent l'une et l'autre leurs prétentions au vu des conclusions de ce rapport qui retient sans contestation une consolidation acquise au 3 avril 2017 et qui fondera donc, avec leurs explications et leurs pièces, la liquidation du préjudice de [R] [J], né le [Date naissance 1] 1971, âgé de 45 ans lors de la consolidation, chef d'atelier dans un garage agricole à l'époque de l'accident, marié et père de deux enfants.
1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX
1.1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES
(avant consolidation) .
1.1.1. : dépenses de santé actuelles
Il n'existe pas de discussion pour ce poste, au titre duquel le tribunal a alloué à [R] [J] une somme de 339,55 euros au titre de dépenses de santé qu'il a justifié être demeurées à sa charge.
Groupama est fondée à faire observer qu'il ressort du décompte de la CPAM d19 que celle-ci a déboursé pour la période antérieure à la consolidation une somme totale de 95.317,65 euros au titre des frais médicaux, chirurgicaux, hospitaliers et pharmaceutiques.
1.1.2. : frais divers
M. [J] s'est vu allouer à ce titre par le premier juge une indemnité de 5.434,56 euros.
Groupama discute en premier lieu l'indemnisation du forfait hospitalier allouée pour 353,78 euros par le tribunal, aux motifs
-d'une part, que M. [J] ne prouve pas qu'il n'a pas de mutuelle et qu'il n'a pas été remboursé de ce forfait, ce qui revient à faire peser sur lui la preuve, négative et donc impossible, d'un fait négatif, et elle ne s'aventure pas à indiquer comment la victime pourrait rapporter la preuve en question
-d'autre part, que le forfait hospitalier couvre des dépenses d'alimentation que la victime aurait dû supporter en toute hypothèse pour se nourrir, même si elle n'avait pas été accidentée et hospitalisée, alors que ce forfait excède notoirement le montant de la dépense que la personne aurait exposée pour s'alimenter dans un cadre privé ou familial, et qu'il constitue bien un poste de préjudice dont le blessé est fondé à demander réparation.
Ce chef de décision sera donc confirmé.
Groupama conteste en second lieu l'allocation par le tribunal d'une somme de 10,25 euros au titre du coût de deux lettres recommandées avec demande d'avis de réception adressées par M. [J] au médecin-conseil de la Corrèze, en objectant que rien ne l'obligeait à recourir à ce mode d'affranchissement.
M. [J] a prudemment agi en recourant à ce mode d'expédition de ces courriers, importants, et ce chef de décision sera confirmé, la somme allouée correspondant au tarif usuel de La Poste comme l'a vérifié le premier juge, sans qu'il ait besoin d'être davantage justifié, contrairement à ce que l'assureur continue à objecter de surcroît.
Les développements consacrés par la compagnie Groupama à détailler déplacement par déplacement les trajets au titre desquels la victime demandait en première instance une somme de 3.917,15 euros en remboursement de ses frais kilométriques, pour approuver de façon détaillée que le tribunal ait alloué à ce titre une somme moindre, conforme à sa propre offre, ce dont elle demande confirmation, sont sans objet devant la cour, puisque M. [J] n'a pas relevé appel de ce chef de décision.
Les autres postes de frais divers ne sont pas discutés.
En définitive, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à M. [J] au titre des frais divers la somme totale de 5.434,56 euros.
1.1.3. : frais d'assistance temporaire par une tierce personne
L'expert judiciaire retient donc un besoin en aide humaine avant la consolidation de
-5 h/jour du 02.07 au 31.10.2013
-3h/jour du 01.11.2013 au 31.12.2014
-1h30/jour du 01.01.2015 au 03.04.2017.
En première instance, M. [J] sollicitait l'indemnisation de ce poste sur la base d'un taux horaire de 18 euros, et Groupama de 16 euros.
Le tribunal l'a chiffré à 56.142 euros sur la base de 18 euros sollicitée par la victime.
Devant la cour, M. [J] demande que ce poste soit chiffré à 62.440 euros sur la base d'un taux horaire de 20 euros qu'il dit être davantage conforme à la jurisprudence de la cour d'appel de Poitiers.
La caisse Groupama -qui forme quant à elle appel incident pour redemander la fixation de l'indemnité à 49.904 euros- fait pertinemment valoir que M. [J] ne peut faire appel d'un chef de décision conforme à sa demande, puisqu'il n'a pas succombé de ce chef et n'y a donc pas d'intérêt, étant ajouté que la modification de sa demande ne correspond pas à une actualisation.
Le taux retenu par le premier juge est pertinent, et adapté, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à ce titre 56.142 euros.
1.1.4. : perte de gains professionnels actuels
Le tribunal a chiffré ce poste au vu d'un salaire net attesté par les fiches de paie de 1.791,34 euros, à 82.879,33 euros dont 66.299,45 euros déboursés par la CPAM 19 au titre des indemnités journalières et de la rente accident du travail sur la période considérée, et 16.579,88 euros revenant à la victime.
M. [J] ne remet pas en cause ce chef de décision.
[Adresse 7] en sollicite l'infirmation et soutient qu'il ne doit rien revenir à la victime pour ce poste, en prétendant qu'il ressort des productions que le salaire mensuel net moyen avant l'accident était de 1.416,26 euros, ce qui détermine un préjudice de 53.109,75 euros entièrement absorbé par la créance du tiers payeur.
L'argumentation de la caisse Groupama dénature les termes du jugement, qui n'a nullement retenu un salaire net de 1.807,18 euros comme elle le prétend mais celui de 1.791,34 euros ainsi qu'il y est énoncé au premier paragraphe de sa huitième page où le premier juge indique même 'ne pas voir comment M. [R] [J] est arrivé à un montant de 1.817,18 euros par mois comme il l'invoque'.
Il ressort clairement des bulletins de salaire à considérer -soit, comme l'a pertinemment décidé le premier juge en écartant celui d'octobre 2012 comme non significatif au vu des arrêts maladie conséquents survenus ce mois-là- que le salaire net moyen perçu avant l'accident par M. [J] entre janvier 2012 et février 2013 s'établissait à 1.791,34 euros.
Ce poste de préjudice a ainsi été pertinemment chiffré sur cette base au vu de l'état de débours de la CPAM 19 versé aux débats à la somme totale de 82.879,33 euros, dont 66.299,45 euros déboursés par l'organisme social et 16.579,88 euros revenant à la victime, et ce chef de décision sera ainsi confirmé.
1.2. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS
1.2.1. : dépenses de santé futures
M. [J] réclamait en première instance, et redemande par voie d'appel, une somme de 149,32 euros recouvrant des dépenses exposées en honoraires de laboratoire, frais de pharmacie et consultations d'ostéopathie.
Le tribunal l'a débouté de cette prétention en faisant sienne l'argumentation de l'assureur qu'il ne suffisait pas de démontrer la réalité, avérée de ces dépenses, mais aussi leur imputabilité au fait générateur, laquelle n'était pas établie autrement que par la pure pétition de principe que cette imputabilité releverait de l'évidence.
Groupama conclut à la confirmation du jugement.
En cause d'appel, M. [J] ne fait que redire que l'imputabilité de ces dépenses aux séquelles qu'il conserve de l'accident est évidente, puisqu'elles sont en tout point similaires à celles engagées avant la consolidation.
Il ne s'agit là que d'un simple indice, qu'aucun élément ne corrobore, et qui est, à l'inverse, contredit par les conclusions de l'expert judiciaire ne retenant aucun poste de dépenses de santé futures alors qu'il avait connaissance des dépenses exposées avant la consolidation.
Le rejet de cette demande sera ainsi confirmé.
1.2.2. : frais divers futurs
[R] [J] réclamait à ce titre en première instance une indemnité calculée sur la base d'une dépense annuelle de 1.211,62 euros, à capitaliser, en indiquant que les séquelles qu'il conserve de l'accident nécessitent qu'il consulte une fois par mois son médecin traitant, un kinésithérapeute et un psychiatre, en se rendant en voiture à chacune de ses consultations, soit 2.106 kilomètres à parcourir par an en véhicule de 10 chevaux fiscaux.
Le tribunal a rejeté cette prétention au motif que l'expert ne retient pas la nécessité de ces consultations.
M. [J] réitère cette demande en cause d'appel et sollicite ainsi une indemnité totale de 42.115,91 euros recouvrant 4.240,67 euros de dépenses échues de la consolidation à l'année 2020, et 37.875,24 euros en dépense capitalisée à compter du 1er janvier 2020.
La caisse Groupama réitère son opposition de principe à cette demande et sollicite la confirmation du jugement.
L'expert judiciaire n'a pas retenu la nécessité, en lien avec l'accident, pour M. [J] de consulter, a fortiori une fois par mois, un médecin traitant, un kinésithérapeute et un psychiatre.
M. [J] redit au soutien de son appel que son taux de déficit fonctionnel permanent de 63% explique et justifie par lui-même, du fait de la nature et des séquelles qu'il recouvre, la nécessité du suivi médical évoqué.
Cette considération n'a manifestement pas été retenue par l'expert judiciaire, qui tout en proposant de chiffrer à ce taux de 63% le DFP n'en a pas pour autant inféré la nécessité d'un suivi médical spécifique.
En l'absence d'élément venant contredire et réfuter ce constat, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
1.2.3. : frais d'assistance permanente d'une tierce personne
L'expert judiciaire retient sans contestation un besoin viager d'aide humaine après consolidation d'1h30 par jour.
M. [J] demandait que ce poste soit réparé sur la base d'un taux horaire de 23 euros, et Groupama de 10 euros.
Le tribunal a chiffré ce poste à 354.347,90 euros sur la base d'un taux horaire de 20 euros à la somme totale de correspondant à 42.870 euros d'arrérages échus sur la période du 3 avril 2017 au 1er mars2021 et à 311.477,90 euros pour la période postérieure, par voie de capitalisation
M. [J] sollicite à ce titre 491.176,50 euros sur la base d'un taux horaire de 23 euros qu'il maintient être adapté.
Groupama maintient que ce poste doit être chiffré sur la base de 10 euros de l'heure, et demande à la cour de l'évaluer à 172.095,67 euros.
Le taux horaire de 20 euros retenu par le tribunal est pertinent, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a chiffré sur cette base le poste à 354.347,90 euros.
1.2.4. : frais d'adaptation du véhicule
L'expert préconise des manettes au volant ou une voiture automatique avec pédales inversées.
La caisse Groupama demande à la cour de porter en mémoire ce poste, sur lequel elle considère que le premier juge a omis de se prononcer et pour lequel la victime n'a toujours pas fait aménager son véhicule.
M. [J] confirme n'avoir pas fait à ce jour adapter un véhicule à son handicap et demande que ce poste soit réservé.
Ce chef de préjudice sera en effet réservé, ce qui conserve les droits de la victime.
1.2.5. : pertes de gains professionnels futurs
Le tribunal a retenu comme avérée l'impossibilité pour M. [J] de retrouver un emploi en raison des séquelles qu'il conserve de l'accident, et sur la base d'un salaire au jour de l'accident de 1.791,34 euros et non de 1.807,18 euros comme invoqué par la victime ni de 1.416,26 euros comme prôné par Groupama, il a fixé ce poste
.à 85.327,50 euros au titre des arrérages échus, sur 1429 jours
.à 345.377,52 euros au titre de la capitalisation sur la base d'un euro de rente d'un homme de 67 ans calculé en appliquant le barème publié en 2018 par la Gazette du Palais
en déduisant les 141.301,92 euros de capital de la rente AT versée par la CPAM 19, soit une somme à revenir à la victime de 289.403,09 euros.
Monsieur [J] demande à la cour de lui allouer à ce titre
.102.062,21 euros au titre des arrérages au 31.12.2021
.677.909,36 euros de capitalisation selon la barème BCRIV pour un homme de 50 ans
.sous déduction de la rente AT de 141.201,02 euros
soit 638.770,55 euros, en faisant valoir qu'il ne retrouvera plus jamais d'emploi et qu'il faut tenir compte du salaire net mentionné sur ses fiches de paie et non pas du salaire net imposable qui n'inclut pas ses heures supplémentaires, défiscalisées.
Groupama maintient qu'il faut prendre un salaire net moyen de 1.416,26 euros qui détermine après déduction de la créance du tiers payeur une indemnisation de 146.082,80 euros.
Le salaire net moyen de 1.791,34 euros retenu par le tribunal n'est pas tiré du salaire imposable mais dégagé de la moyenne des bulletins de salaire de janvier 2012 et février 2013 hormis celui, non représentatif, du mois d'octobre 2012, et il est pertinent.
La liquidation de ce poste s'est faite à bon droit sur le postulat, non discuté à ce titre, que M. [J] ne retrouvera jamais d'emploi vu la nature et la gravité de son handicap séquellaire, et par application du barème de la Gazette du Palais 2018, qui constitue un outil adapté.
Le jugement qui a chiffré ce poste à 289.403,09 euros après imputation de la créance de la CPAM 19 sera ainsi confirmé.
1.2.6. : incidence professionnelle
M. [J] ne réitère pas sa prétention de première instance, qu'il incluait dans ce poste, et qu'a rejetée le tribunal, à obtenir réparation d'une perte de droits à la retraite. En l'absence d'appel contre le rejet de cette demande, la cour n'est pas saisie de ce chef.
Le tribunal, observant qu'il avait liquidé les pertes de gains professionnels futurs sur la base du postulat que la victime ne travaillerait plus jusqu'à l'âge de la retraite à 67 ans, et indiquant qu'une telle indemnisation faisait obstacle à une réparation supplémentaire au titre de l'incidence professionnelle, a constaté que Groupama offrait à ce titre à M. [J] 50.000 euros, qu'il a donc alloués.
L'assureur sollicite en cause d'appel la confirmation de ce chef de décision.
M. [J] forme appel et réclame à nouveau 150.000 euros en indiquant qu'il souffre d'être désormais désoeuvré et que sans l'accident, il aurait pu avoir une évolution de carrière vers un poste à responsabilité et mieux rémunéré.
La somme allouée par le premier juge répare entièrement le préjudice professionnel non indemnisé au titre de la perte des gains professionnels futurs, tenant au préjudice de carrière et à la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion du monde du travail.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a alloué à M. [J] 50.000 euros à ce titre.
2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
2.1. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES
2.1.1. Déficit fonctionnel temporaire (DFT)
Ce poste indemnise la gêne temporaire subie par la victime jusqu'à sa consolidation, ainsi que la privation temporaire de la qualité de vie.
Les périodes retenues par l'expert judiciaire sont acceptés par les deux parties.
Le tribunal a écarté comme non convaincante l'estimation expertale de deux périodes de déficit de classe 3 soit à 50% au motif que sauf cas particulier dont il n'était pas fait état, le taux de déficit temporaire ne pouvait pas être inférieur au taux du déficit permanent, qui est, en l'occurrence, de 63%, et il a en conséquence liquidé ce poste sur la base des périodes au taux de 100% et de 75% proposées par l'expert et de 63% pour celles de 50% que celui-ci proposait.
Groupama demande à la cour de liquider ce poste en appliquant les taux proposés par l'expert, qui les a maintenus en réponse à un dire, et sur la base de 23 euros par jour selon lui plus adaptée que celle de 26 euros retenue par le tribunal.
M. [J] sollicite la confirmation du jugement.
L'argumentation, et la façon de procéder, du tribunal, sont justifiées, et convaincantes.
La base de 26 euros par jour retenue l'est aussi.
Le jugement qui a alloué à ce titre 25.573,86 euros, sera confirmé.
2.1.2. Souffrances endurées
Ce poste recouvre la souffrance lors du choc, les interventions chirurgicales sous anesthésie générale, les nombreuses séances de kinésithérapie, ainsi que les répercussions psychiques du traumatisme. .
L'évaluation expertale à 5,5/7 est convaincante et elle n'est pas contredite.
M. [J] sollicitait 50.000 euros à ce titre ; Groupama proposait 35.000 euros.
Le tribunal a fixé ce poste à 40.000 euros.
Groupama sollicite l'infirmation du jugement de ce chef et demande à la cour de chiffrer ce poste à 35.000 euros
M. [J] sollicite la confirmation de la décision sur ce poste..
Ce préjudice a été pertinemment évalué à 40.000 euros, et le jugement sera confirmé.
2.1.3. Préjudice esthétique temporaire
L'expert judiciaire évalue ce poste sans contestation à 3/7.
Il recouvre les périodes d'alitement, la dégradation de l'aspect lors des déplacements en fauteuil roulant ou avec l'aide de cannes anglaises, les troubles de la marche et les blessures aux membres inférieurs en cours de cicatrisation.
M. [J] ne discute pas la somme de 5.000 euros allouée par le tribunal.
Groupama demande à la cour de confirmer les 4.500 euros alloués par le tribunal, alors qu'il s'agissait là de son offre et qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le premier juge a chiffré ce poste à 5.000 euros.
À considérer que l'assureur fasse donc appel incident de ce chef, pour redemander la fixation de l'indemnité à 4.500 euros, il y a lieu de retenir que la somme allouée de 5.000 euros répare de façon adaptée ce préjudice, et donc de confirmer ce chef de jugement.
2.2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS
2.2.1. Déficit fonctionnel permanent (DFP)
L'expert retient sans contestation un taux de DFP de 63% en raison de la laxité artéro-latérale majeure du genou droit associée à une paralysie motrice du nerf fibulaire, d'une hypoesthésie plantaire, d'une laxité postérieure sans instabilité du genou gauche, d'une raideur du poignet droit associée à un déficit de force, et d'un syndrome dépressif post-traumatique.
M. [J] était âgée de 45 ans à la consolidation.
Le tribunal a fixé son indemnisation de ce chef à 242.000 euros.
Groupama propose une indemnité de 220.500 euros sur la base d'une valeur du point de 3.500 euros.
M. [J] ne discute pas la somme qui lui a été allouée.
Le tribunal a pertinemment chiffré ce poste à 242.000 euros, et le jugement sera de ce chef confirmé.
2.2.2. Préjudice esthétique permanent
L'expert judiciaire retient 2,5/7 au titre des différentes cicatrices que la victime conserve, de l'utilisation d'une orthèse de genou et d'une canne simple.
M. [J] sollicitait 8.000 euros à ce titre, Groupama proposait 4.500 euros.
Le tribunal a fixé ce poste à 4.500 euros.
M. [J] demande l'infirmation de ce chef de décision et reprend sa demande à hauteur de 8.000 euros.
Groupama conclut à la confirmation du jugement de ce chef.
Ce préjudice a été pertinemment évalué à 4.500 euros, et le jugement sera confirmé.
2.2.3. Préjudice sexuel
L'expert judiciaire retient comme établies une diminution de la libido et l'existence de douleurs positionnelles.
[R] [J] sollicitait une indemnisation de 15.000 euros à ce titre.
La compagnie Groupama prônait l'allocation d'une somme de 5.000 euros.
Le tribunal a alloué 15.000 euros.
Groupama forme appel de ce chef et redemande que le poste soit fixé à 5.000 euros.
Au vu des séquelles que conserve M. [J], ce préjudice a été pertinemment réparé par l'allocation d'une indemnité de 5.000 euros, et le jugement sera de ce chef confirmé.
2.2.4. Préjudice d'agrément
L'expert judiciaire retient à ce titre l'impossibilité de reprendre la pêche et les randonnées, la moto, la pratique du vélo, le jardinage, le bricolage, la danse, les activités sportives avec les enfants foot et rugby.
M. [J] a sollicité 40.000 euros ; Groupama prônait 10.000 euros.
Le tribunal a alloué 10.000 euros.
M. [J] redemande en cause d'appel 40.000 euros en insistant sur l'intensité de ses activités désormais impossibles.
Groupama conclut à la confirmation du jugement.
Les attestations avec lesquelles M. [J] soutient fournir la preuve de la réalité des nombreuses activités sportives et de loisirs qu'il allègue sont totalement stéréotypées et peu circonstanciées.
Son préjudice d'agrément est établi dans son principe, et au vu de ce qu'il en démontre, il est entièrement réparé par la somme allouée de 10.000 euros, le jugement étant ainsi confirmé.
En définitive, le jugement est entièrement confirmé en ses chefs de décision liquidant le préjudice de la victime.
Son dispositif contient toutefois une erreur matérielle qu'il y a lieu de rectifier comme le demande la caisse Groupama, en ce qu'il condamne celle-ci à payer à [R] [J] la somme d'1.094.320,84 euros correspondant à une indemnité due d'1.114.320,84 euros sous déduction de provisions versées pour 200.000 euros, alors que la somme résultant de cette soustraction de 200.000 euros à la somme d'1.114.320,84 euros est celle de 914.320,84 euros, comme le fait valoir l'intimée.
* sur la demande en doublement du taux de l'intérêt légal
[R] [J] demandait en première instance au visa des articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances au tribunal de dire que les sommes allouées produisent intérêt au double du taux légal à compter du 22 novembre 2013 et jusqu'au 13 mai 2019, au motif que l'assureur a manqué à son obligation légale de lui adresser une offre provisionnelle d'indemnisation avant le 22 novembre 2013, l'offre émise n'étant pas détaillée.
Groupama a fait valoir qu'elle n'était pas informée de la consolidation de la victime, qu'elle a adressé une offre provisionnelle le 20 décembre 2013, et que la sanction encourue ne devait donc s'appliquer que pour la période du 22 novembre au 20 décembre 2013, et sur l'assiette de son offre, acceptée, de 5.000 euros.
Le premier juge a validé l'argumentation de l'assureur dans les motifs de sa décision mais n'a pas statué sur ce chef de demande dans le dispositif. Il convient de réparer cette omission.
M. [J] demande à la cour de juger que les sommes allouées produiront intérêt au double du taux légal à compter du 22 novembre 2013 et jusqu'à la date à laquelle l'arrêt sera devenu définitif, en faisant valoir qu'il n'a pas
reçu d'offre provisionnelle dans les huit mois de l'accident, ce qui est présenté
comme une offre en date du 20 décembre 2013 n'étant pas une offre, au surplus détaillée comme requis, mais une simple quittance provisionnelle de 5.000 euros, et l'offre ensuite formulée le 13 mai 2019 étant insuffisante.
La caisse Groupama maintient que la sanction n'est encourue que pour la période du 22 novembre au 20 décembre 2013, et sur l'assiette de son offre, acceptée, de 5.000 euros.
Selon l'article L.211-9 du code des assurances, l'assureur doit faire une offre d'indemnisation à la victime comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, dans les huit mois de l'accident, offre qui peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime, à charge pour lui de former une offre définitive dans les cinq mois de la connaissance qu'il a reçue de la consolidation.
En vertu de l'article L.211-13 du même code, lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par l'article L.211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.
Il est de jurisprudence assurée qu'une offre manifestement insuffisante équivaut à une absence d'offre. Elle ne met donc pas fin au cours des intérêts au double du taux légal et ne constitue pas l'assiette de la pénalité, laquelle est alors assise sur l'indemnité allouée.
En l'espèce, l'accident est survenu le 21 mars 2013.
[R] [J] a été déclaré consolidé au 3 avril 2017 par l'expert judiciaire désigné en référé à sa requête et au contradictoire de Groupama dans un rapport déposé le 17 août 2017.
La caisse [Adresse 7] devait donc formuler une offre provisionnelle au plus tard le 21 novembre 2013.
L'offre, tant provisionnelle que définitive, doit porter sur tous les éléments indemnisables du préjudice, et ne pas être manifestement insuffisante.
Groupama prétend avoir formulé une offre provisionnelle conforme aux exigences légales le 20 décembre 2013, et en déduit qu'elle n'encourt la sanction du doublement du taux de l'intérêt que pour la période du 22 novembre au 20 décembre 2013.
Ce qu'elle présente comme une offre provisionnelle conforme aux prévisions légales pour la période antérieure à la date à laquelle l'assureur est informé de la consolidation est (pièce n°6, page deux, de M. [J]) un 'procès-
verbal de transaction sur offre provisionnelle' qui ne fait qu'énoncer que la victime accepte une indemnité provisionnelle de 5.000 euros à titre de transaction provisionnelle à valoir sur l'indemnisation de son préjudice tel qu'il sera déterminé lorsqu'elle sera consolidée.
Un tel document, qui n'énonce pas les éléments indemnisables du préjudice, ne tient pas lieu d'offre provisionnelle.
À y voir même pour les besoins du raisonnement une offre de la somme sur le paiement de laquelle les parties y déclarent transiger, celle-ci est manifestement insuffisante, au vu de ce qui était déjà objectivé de la gravité de l'accident et de ses séquelles prévisibles, étant rappelé que le certificat initial descriptif -dont
l'assureur avait nécessairement connaissance- établi par le service de réanimation
du centre hospitalier de Brive faisait état d'une fracture complexe et multiple du radius droit, d'un probable délabrement ligamentaire au niveau du genou droit, d'une ischémie de la jambe droite, d'un pneumothorax droit, d'une déformation importante du pli de l'aine, et prévoyait une IIT de 6 mois sauf complications
secondaires, et que l'expert amiable qui avait examiné en juillet 2013 la victime consignait dans son rapport (pièce n°4) que celle-ci était restée 11 jours en réanimation, avec renouvellement des pansements sous anesthésie générale tous les deux jours, qu'elle avait déjà subi plusieurs interventions chirurgicales, qu'elle était rentrée chez elle quatre mois après l'accident, et avec deux cannes, qu'elle avait subi un sévère traumatisme du membre inférieur droit dont subsistait une impotence marquée avec atteinte au genou et paralysie sciatique, et qu'il prévoyait de revoir M. [J] 'à partir de fin mars 2014' soit donc un an après l'accident, ce qui impliquait nécessairement des préjudices prévisibles, tant temporaires que permanents, et patrimoniaux qu'extra-patrimoniaux, très largement supérieurs aux 5.000 euros offerts à titre de provision.
Il convient ainsi de retenir que la caisse Groupama a manqué à son obligation légale de présenter une offre détaillée et non manifestement insuffisante.
Le 'procès-verbal de transaction sur offre provisionnelle' ensuite conclu le 18 septembre 2014 pour convenir du paiement par l'assureur d'une provision complémentaire de 8.000 euros portant le total de ses règlements à 13.000 euros (pièce n°6 de l'appelant, page 1) n'énonce pas les éléments indemnisables du préjudice et ne tient pas non plus lieu d'offre provisionnelle.
La somme considérée, même additionnée à la précédente, restait manifestement insuffisante au vu de l'importance prévisible des préjudices à indemniser.
Lorsque Groupama a été informée de la consolidation fixée au 3 avril 2017 par le rapport déposé le 17 août 2017 par l'expert judiciaire commis en référé, elle n'a pas non plus formulé comme légalement requis d'offre d'indemnisation dans les cinq mois.
C'est par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 13 mai 2019, distribuée le 17 mai (cf sa pièce n°3), que [Adresse 7] a adressé à [R] [J] au visa de sa consolidation une offre provisionnelle détaillée, poste par poste, qui répondait aux exigences légales, contrairement à ce que soutient l'appelant.
La sanction de l'article L.211-13 du code des assurances réclamée par M. [J] s'applique donc du 22 novembre 2013 au 13 mai 2019, et elle a pour assiette le montant total des indemnités allouées par le tribunal, entièrement confirmées par la cour.
* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le tribunal a condamné à bon droit Groupama aux dépens, incluant les dépens de référé et le coût de l'expertise judiciaire.
Il a pertinemment alloué 3.000 euros d'indemnité de procédure à M. [J].
Ces chefs de décision sont ainsi confirmés.
Devant la cour, même s'il n'obtient pas de somme supérieure à celle reçue en première instance, M. [J] obtient le doublement de l'intérêt sur une période de plus de cinq années.
Il ne peut donc être regardé comme succombant en son appel.
Les dépens d'appel seront supportés par la caisse [Adresse 7], qui versera en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité à l'appelant.
PAR CES MOTIFS :
la Cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :
DIT que le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Niort le 1er mars 2021 en la cause opposant [R] [J] à la Caisse [Adresse 7] en présence de la CPAM de la Corrèze est affecté d'une erreur matérielle en ce qu'il condamne Groupama à payer à [R] [J] après déduction des 200.000 euros de provision la somme de 1.094.320,84 euros en réparation de son préjudice
DIT qu'après déduction des provisions de 200.000 euros versées sur l'indemnité totale d'1.114.320,84 euros, la somme à payer est celle de 914.320,84 euros,
ORDONNE en application de l'article 462 du code de procédure civile la rectification de cette erreur de calcul en ce sens qu'à la page 14 des motifs et à la page 17 du dispositif
À la somme indiquée de
'1.094.320,84 euros'
Sera substituée celle de
'914.320,84 euros'
CONFIRME le jugement ainsi rectifié
y ajoutant :
DIT que le jugement est affecté d'une omission de statuer, en ce qu'il ne statue pas dans son dispositif sur la demande de M. [J] en doublement du taux de l'intérêt légal des sommes allouées
CONDAMNE la caisse [Adresse 7] à verser à [R] [J] sur les sommes allouées par le tribunal un intérêt au double du taux légal sur la période du 22 novembre 2013 au 13 mai 2019
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires
DIT le présent arrêt commun à la CPAM de la Corrèze
CONDAMNE la caisse [Adresse 7] aux dépens d'appel
CONDAMNE la caisse [Adresse 7] à verser à [R] [J] une indemnité de 2.500 euros
ACCORDE à Me DABIN, avocat, le bénéfice de la faculté prévue à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,