MHD/PR
ARRET N° 816
N° RG 20/02777
N° Portalis DBV5-V-B7E-GED5
[S]
C/
SCP [G] [E]
CGEA DE BORDEAUX
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 novembre 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE
APPELANTE :
Madame [I] [S]
née le 23 juillet 1988 à [Localité 6] (85)
[Adresse 4]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Jean-Michel BALLOTEAU de la SCP BALLOTEAU LAPEGUE CHEKROUN, avocat au barreau de LA ROCHELLE - ROCHEFORT
INTIMÉES :
SCP DELPHINE RAYMOND
agissant ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL GAJUMA
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Ayant pour avocat Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de POITIERS
CGEA DE BORDEAUX
Les Bureaux du Parc
[Adresse 5]
[Localité 3]
Ayant pour avocat Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 octobre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, que l'arrêt serait rendu le 8 décembre 2022. A cette date le délibéré a été prorogé au 15 décembre 2022.
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 mai 2005, Madame [I] [S] a été engagée par la SARL Gajuma - dont la dirigeante est sa s'ur - en qualité de responsable commerciale, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 457,35 € et une prime sur objectif de 40 % du chiffre d'affaires réalisé au-delà de l'objectif contractuel fixé à 19 500 € TTC par trimestre.
Par jugement en date du 14 janvier 2020, le tribunal de commerce de La Rochelle a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Gajuma et a désigné Maître [G] [E] en qualité de mandataire liquidatrice.
Celle-ci :
- le 27 janvier 2020, a notifié à Madame [S] son licenciement économique à titre conservatoire et a émis des réserves sur sa qualité de salariée en raison de son lien de parenté avec la dirigeante de l'entreprise et de l'existence d'un arriéré de salaires de 28 640 €,
- le 3 mars 2020, par courrier électronique, elle lui a confirmé que la contestation de sa qualité de salariée était maintenue.
Par requête du 29 mai 2020, Madame [S] a saisi le conseil des prud'hommes de La Rochelle aux fins d'obtenir le paiement des salaires lui restant dus, les congés payés afférents outre l'indemnisation de son licenciement.
Par jugement rendu le 23 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de La Rochelle a :
- reconnu la qualité de salariée de Madame [S] ainsi que la validité de son contrat de travail ;
- débouté celle-ci de sa demande de 18 550,49 € au titre des salaires de mai 2017 à janvier 2020 ainsi que de la somme de 2 427,13 € correspondant à l'incidence de congés payés afférents;
- fixé la créance de Madame [S] envers la liquidation judicaire de la SARL Gajuma aux sommes de 3 266 € au titre de l'indemnité de préavis ainsi que l 701 € au titre de l'indemnité de licenciement ;
- fixé à 1 633 € bruts la moyenne des trois derniers mois de salaire de Madame [S] ;
- alloué à Madame [S] la somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclaré le présent jugement opposable à Madame [E] et au CGEA de Bordeaux.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er décembre 2020, Madame [S] a interjeté appel de cette décision.
***
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2022.
PRETENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions du 12 janvier 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame [S] demande à la cour de :
- faire droit à son appel partiel et réformer la décision entreprise sur les chefs de demandes attaqués ;
- juger que sa créance à l'encontre de la liquidation de la SARL Gajuma intégrera les sommes suivantes :
° rappel de salaires pour la période de mai 2017 à janvier 2020 soit 18 550,49 €,
° congés payés pour la même période soit 2 427,13 €,
° article 700 du code de procédure civile soit 1 200 €.
- juger que ces sommes seront opposables au CGEA.
Par conclusions du 9 avril 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Maître [E], ès qualités, demande à la cour de :
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a reconnu la qualité de salariée à Madame [S] et qu'il a fixé sa créance à hauteur de 3 266 € au titre de 1'indemnité de préavis ainsi que 1 701 € au titre de l'indemnité de licenciement ;
- dire et juger Madame [S] infondée à se prévaloir du statut de salariée de la SARL Gajuma ;
- la débouter de l'ensemble de ses demandes et la condamner aux dépens de l'instance.
Par conclusions du 9 avril 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, le CGEA de Bordeaux demande à la cour de :
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a reconnu la qualité de salariée à Madame [S] et qu'il a fixé sa créance à hauteur de 3 266 € au titre de l'indemnité de préavis ainsi que 1 701 € au titre de l'indemnité de licenciement ;
- dire et juger Madame [S] infondée à se prévaloir du statut de salariée de la SARL Gajuma ;
- la débouter de l'ensemble de ses demandes et la condamner aux dépens de l'instance ;
- dire et juger que la décision à intervenir ne sera opposable au CGEA que dans les limites légales et sous réserve d'un recours pouvant étre introduit ;
- dire et juger qu'il ne pourra consentir d'avances au mandataire liquidateur que dans la mesure où la demande entre dans le cadre des dispositions des articles L. 3253-16 et suivants et D. 3253-5 du code du travail ;
- dire et juger que les sommes qui pourraient être fixées au titre des dommages et interêts sont exclues de la garantie AGS.
SUR QUOI,
L'existence d'une relation de travail salarié ' caractérisée par l'exécution d'une prestation, par le versement d'une rémunération en contre partie et par l'existence d'un lien de subordination ' ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité litigieuse.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
S'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence, à l'inverse, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en apporter la preuve.
***
En l'espèce, Maître [E] ès qualités et le CGEA, chacun dans des conclusions séparées, contestent la qualité de salariée de Madame [S] en soutenant que l'absence de lien de subordination se déduit du fait que Madame [I] [S] a co-dirigé la société avec sa soeur qui était souvent absente et que c'est cette circonstance qui explique le fait qu'elle ait accepté de n'être rémunérée que partiellement de son travail à compter du mois de mai 2015.
A l'appui de leurs allégations, les intimés versent au débat :
- la lettre de licenciement en date du 27 janvier 2020
- le tableau récapitulatif des rémunérations
- le courrier de l'expert-comptable en date du 29 aout 2019
- le relevé de carrières de Madame [I] [S], de Monsieur [X] [S] et de Madame [O] [S].
En réponse, Madame [S] fait valoir :
- que sa situation s'explique tout simplement par le fait qu'elle était employée dans le cadre d'une société familiale, que le chiffre d'affaires réalisé a placé très rapidement celle-ci dans une situation de trésorerie délicate,
- que c'est la raison pour laquelle seule une partie de sa rémunération lui a été versée,
- que rien ne lui imposait - hormis le délai de prescription qui l'a d'ailleurs pénalisée puisqu'une partie des salaires non réglés n'a pas pu être réclamée - d'engager une action à l'encontre de son employeur pour obtenir immédiatement paiement de ses salaires.
- qu'elle justifie du bien-fondé de sa créance sur le principe et sur le quantum et doit donc légitimement être réglée des salaires qui lui étaient dus en contrepartie de son travail.
Afin d'étayer ses allégations, elle verse :
- quatre courriels de clients qui se sont déclarés satisfaits de ses services,
- une attestation notariée précisant qu'elle est toujours intervenue comme salariée de sa société de courtage,
- une attestation de la banque Aquitaine Centre Atlantique qui précise que Madame [O] [S] était l'unique signataire du compte de la SARL Gajuma, ouvert dans ses livres.
***
Cela étant, si les quatre courriels de clients et les attestations établissent la prestation de travail réalisée par Madame [S], en revanche, aucun d'entre eux ne permet de remettre en cause les affirmations de Maître [E] es- qualités quant à l'inexistence d'un lien de subordination entre la dirigeante de la société et elle-même.
En effet, Madame [I] [S] ne verse aucune pièce établissant qu'elle recevait des ordres et des directives de la part de Madame [O] [S].
Le seul fait que la dirigeante de la société soit l'unique signataire du compte bancaire de la SARL Gajuma ou que Madame [I] [S] se soit toujours présentée chez le notaire comme la salariée de la société n'établit pas qu'elle exécutait son travail sous l'autorité de sa soeur qui lui donnait des ordres et des directives, qui en contrôlait l'exécution et pouvait sanctionner ses manquements.
Aussi, le fait d'avoir accepté pendant plusieurs années de n'être payée que très partiellement de ses salaires établit qu'elle assumait de fait la gestion de la société avec sa soeur durant les périodes d'absence de cette dernière qui ont émaillé à tout le moins les années 2015 à 2019 comme le démontre son relevé de carrière qui mentionne qu'elle a été inscrite à Pôle Emploi en 2015 au moment où elle était censée diriger la société, qu'elle a perçu des indemnités de la CAF en 2016 pour un congé maternité, qu'elle a, à nouveau, perçu des indemnités Pôle Emploi en 2017, 2018 et 2019 et qu'elle a travaillé pour l'agence immobilière de l'hôtel de Ville et Pierres Océan IMMO en 2018.
En conséquence, il convient de dire que la mandataire liquidatrice rapporte la preuve de l'inexistence d'un contrat de travail entre la société Gajuma et Madame [S].
Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions et de débouter Madame [S] de l'intégralité de ses demandes.
***
Les dépens doivent être laissés à la charge de Madame [S].
Il n'est pas inéquitable de débouter l'appelante de sa demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 23 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de La Rochelle,
Statuant à nouveau,
Déboute Madame [I] [S] de l'intégralité de ses demandes,
Y ajoutant,
Déboute Madame [I] [S] de sa demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [I] [S] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,