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15/12/2022 | FRANCE | N°20/02756

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 15 décembre 2022, 20/02756


MHD/PR































ARRET N° 815



N° RG 20/02756



N° Portalis DBV5-V-B7E-GECL













UNAPEI 17



C/



[C]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale



ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022





Décision

déférée à la Cour : Jugement du 02 novembre 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de ROCHEFORT-SUR-MER





APPELANTE :



UNAPEI 17 (anciennement ADAPEI 17)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]



Ayant pour avocat Me Matthias WEBER substitué par Me Elise GALLET de la SCP TEN FRANCE, avocats au barreau de POITIERS





INTIMÉ :



Monsieur [I] [C...

MHD/PR

ARRET N° 815

N° RG 20/02756

N° Portalis DBV5-V-B7E-GECL

UNAPEI 17

C/

[C]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 novembre 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de ROCHEFORT-SUR-MER

APPELANTE :

UNAPEI 17 (anciennement ADAPEI 17)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Ayant pour avocat Me Matthias WEBER substitué par Me Elise GALLET de la SCP TEN FRANCE, avocats au barreau de POITIERS

INTIMÉ :

Monsieur [I] [C]

né le 14 décembre 1971 à [Localité 4] (17)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Ayant pour avocat constitué Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

Ayant pour avocat plaidant Me Xavier DEMAISON de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 octobre 2022, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, que l'arrêt serait rendu le 8 décembre 2022. A cette date le délibéré a été prorogé au 15 décembre 2022.

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 4 novembre 2013, l'ADAPEI 17, devenue par la suite l'UNAPEI 17 ' spécialisée dans l'accueil et l'accompagnement des enfants et adultes en situation de handicap intellectuel de la naissance jusqu'à la fin de leur vie ' a engagé Monsieur [I] [C] en qualité de directeur du pôle Hébergement et Services.

Le 1er février 2018, le pôle Habitat et Accompagnement, intégrant le pôle Hébergement Service a été créé sous la direction unique de Monsieur [C].

Dans le dernier état de la relation contractuelle, celui-ci occupait toujours des fonctions de directeur et dirigeait le pôle Habitat et Accompagnement moyennant un salaire contractuel de 5 497,79 €.

Le 23 janvier 2019, Monsieur [C] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement et mis à pied à titre conservatoire dans l'attente dans l'attente du prononcé d'une éventuelle sanction disciplinaire.

Le 8 février 2019, il a reçu la notification de son licenciement pour faute grave caractérisée par la violation des autorisations médico-sociales par les autorités de tarification, l'insubordination et la violation des procédures internes et un management maltraitant portant gravement atteinte à la sécurité des salariés.

Par requête en date du 18 juin 2019, Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Rochefort aux fins de voir requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 2 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Rochefort-Sur-Mer a :

- dit que le licenciement de Monsieur [C] pour faute grave n'est pas justifié,

- requalifié le licenciement en licenciement pour une cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne des salaires de Monsieur [C] à 5 795,46 bruts,

- condamné l'UNAPEI à payer à Monsieur [C] les sommes suivantes

° 28 977 € nets à titre d'indemnité de licenciement,

° 34 772 € bruts au titre de l'indemnité de préavis,

° 2 739 € bruts au titre du salaire dû durant la mise à pied conservatoire,

° 274,00 € bruts au titre des congés payés afférents,

° 2 000,00 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à l'UNAPEI 17 de remettre les documents de fin de contrat modifié (solde de tout compte, attestation pôle emploi, bulletins de salaire),

- débouté Monsieur [C] du reste de ses demandes,

- débouté l'UNAPEI 17 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- laissé les entiers dépens à la charge de la partie défenderesse.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 novembre 2020, l'association l'UNAPEI 17 a interjeté appel de cette décision.

***

L'ordonnance a été prononcée le 7 septembre 2022.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions du 30 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l'association UNAPEI 17 demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il :

° a dit que le licenciement du salarié pour faute grave n'est pas justifié,

° a requalifié le licenciement du salarié pour une cause réelle et sérieuse,

° a fixé la moyenne des salaires de Monsieur [C] à 5795,46 bruts,

° l'a condamnée à payer à Monsieur [C] les sommes suivantes,

° 28 977 € nets à titre d'indemnité de licenciement,

° 34 772 € bruts au titre de l'indemnité de préavis,

° 2 739 € bruts au titre du salaire dû durant la mise à pied conservatoire,

° 274,00 € bruts au titre des congés payés afférents,

° 2 000,00 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

° lui a ordonné de remettre les documents de fin de contrat modifié (solde de tout compte, attestation pôle emploi, bulletins de salaire),

° a débouté Monsieur [C] du reste de ses demandes,

° l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Monsieur [C] du reste de ses demandes,

- et statuant à nouveau,

- jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [C] est fondé,

- débouté Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné Monsieur [C] à lui verser les sommes de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 5 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Association UNAPEI 17 à lui verser :

° 28 977,00 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

° 34 772,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

° 2 739,00 euros bruts au titre du paiement du salaire pendant la période de mise à pied,

° 273,90 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

° 2 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- pour le surplus,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

° a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

° l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° l'a débouté de sa demande de congés payés afférents au préavis,

° l'a débouté de sa demande au titre des heures pour recherche d'un emploi

- et statuant à nouveau,

- dire le licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner l'association UNAPEI à lui verser la somme de 3 477,20 euros bruts au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

- condamner l'association UNAPEI à lui verser la somme de 6 007 euros au titre des heures de recherches d'emploi, ou à titre subsidiaire à la somme de 1 012,83 euros bruts,

- condamner l'association UNAPEI à lui verser la somme de 36 042 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'association UNAPEI 17 à lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard le certificat de travail rectifié, l'attestation pôle emploi rectifiée et les bulletins de salaire rectifiés ;

- et enfin,

- débouter l'association UNAPEI 17 de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner l'association UNAPEI 17 à lui verser une somme de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'association UNAPEI 17 aux entiers dépens.

SUR QUOI

I - SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :

Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est-à-dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère, ou qui peuvent l'aggraver.

L'employeur n'est pas obligé dans la lettre de licenciement de dater les faits reprochés qui doivent seulement y être mentionnés de façon précise et être matériellement vérifiables (Cass. soc. 11/07/2012 n° 10-28.798).

En cas de contestation de la sanction disciplinaire, l'employeur est d'ailleurs en droit d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier du motif énoncé dans la lettre de licenciement, même si ces circonstances de fait ne sont pas mentionnées dans celle-ci (Cass. soc. 15 octobre 2013, n°11- 18.977).

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement du 8 février 2019 que Monsieur [C] a été licencié pour les motifs suivants :

1 ) - la violation des autorisations médico-sociales délivrées par les autorités de tarification ainsi décrite :

'Comme vous le savez, depuis les dernières inspections des agents du conseil départemental en mars, avril et mai 2018, aucun dépassement de la capacité d'accueil autorisée dans l'ensemble des établissements de l'Association n'était toléré.

Toutefois, le 9 janvier 2019, vous avez informé le Directeur Général qu'une personne était accueillie en surcapacité sur votre Pôle.

Le Directeur Général vous a immédiatement informé de l'illégalité de la situation et de l'impérieuse nécessité de la régulariser.

Jusqu'au 18 janvier 2019, la situation n'a pas été régularisée et ce n'est que le 23 janvier 2019 que la situation a pu être régularisée grâce à l'appel du Directeur général auprès de l'inspectrice.

Votre comportement emporte des conséquences graves pour l'association : d'une part, une nouvelle perte de confiance de nos autorités de tarification qui ont été informées de la situation et d'autre part, en cas de contrôle, la responsabilité pénale de l'association aurait pu être engagée qui plus est en cas d'incident grave survenu dans l'établissement : la résidente non déclarée sur l'établissement n'aurait pas été recherchée.

Cette situation est d'autant plus inadmissible au regard des graves difficultés financières que vous rencontrez aujourd'hui sur le Pôle et sur lesquelles les financeurs nous ont encore alertés le 11 janvier dernier. Vous en êtes parfaitement informé'.

L'employeur rappelle que Monsieur [C] était responsable de la procédure d'admission, de prolongation, d'accompagnement et de sortie des adultes.

Il explique :

- que l'UNAPEI peut accueillir un nombre de résidents rigoureusement défini par le conseil départemental, étant précisé que toutefois l'accueil en surcapacité d'un résident est possible en cas d'urgence, sous réserve de l'avoir anticipé, autorisé et financé,

- qu'un accueil en surcapacité non anticipé, non autorisée et non financé préalablement constitue une faute de la part de l'UNAPEI 17,

- que ce n'est que trois jours après l'arrivée de Madame [M] dans le service de Monsieur [C] que celui-ci a avisé le directeur général de son accueil en surcapacité sur son pôle,

- et que c'est le directeur général de l'association lui-même qui a accompli les démarches utiles de régularisation auprès du conseil départemental de Charente-Maritime alors que celles-ci relevaient de la compétence de Monsieur [C].

Pour étayer ce grief, il verse aux débats :

- le document relatif à la subdélégation de pouvoirs du Directeur Général de l'Association à Monsieur [C] qui mentionne :

'Prononce dans le cadre de l'agrément de l'établissement ou du service et selon la procédure prévue par les textes réglementaires, l'admission, la prolongation de prise en charge et/ou d'accompagnement et la sortie des adultes.

Les difficultés de prise en charge, d'accompagnement d'un usager pouvant entrainer une rupture du contrat de séjour sont explicitées au directeur général'.

- le courriel de Monsieur [H] à Monsieur [C] du 13 janvier 2019 par lequel celui-là explique à celui-ci : '... aussi, ainsi que vous me l'avez demandé, j'ai évoqué la situation d'Aurélia B. Madame [P] ne dispose pas de tous les compléments d'information qu'elle vous a demandés dans son courrier pour prendre une décision. Il est donc urgent de la rappeler, dès lundi pour les lui transmettre afin de redonner à la situation de cette personne un caractère réglementaire.' Je souhaite que vous m'en fassiez retour par mail dans la journée''

- le courrier du conseil départemental de Charente-Maritime du 18 août 2018 qui reprend le rapport rédigé par le conseil départemental à la suite d'une visite de contrôle qui précisait qu'il était obligatoire de solliciter la direction de l'autonomie pour des dérogations d'accueil par rapport à la capacité autorisée sous forme de demande écrite de dérogation supervisée par le directeur du pôle hébergement et accueil et de sa directrice adjointe,

- l'attestation de Monsieur [G], directeur général de l'ADAPEI 79 qui explique : 'En Deux-Sèvres à mon arrivée, j'ai constaté une pratique de sur activité non conforme sur plusieurs établissements, c'est-à-dire dans l'accueil de personnes au-delà du nombre de places autorisées.

Sur un établissement, pour des personnes dont le domicile est en Charente-Maritime, l'ADAPEI 79 n'a pas été réglée pour plusieurs séjours s'étalant sur plusieurs années et cela représente un impayé d'environ 400 000 euros qu'il ne sera pas possible de recouvrir...'

***

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en raison de la délégation de pouvoir qui lui avait été accordée, il incombait à Monsieur [C] de gérer les accueils surcapacitaires.

Les pièces versées par son employeur établissent que finalement c'est le directeur général lui-même qui non seulement a pris attache avec le conseil départemental mais a finalement transmis à ce dernier les renseignements complémentaires qu'il demandait alors que c'était Monsieur [C] qui était chargé de les envoyer au conseil départemental.

Soutenir pour Monsieur [C] qu'il a agi conformément aux instructions qu'il avait reçues mais qu'il ne peut pas en justifier car il n'en a pas conservé la preuve est inopérant dans la mesure où il se borne à affirmer sans en rapporter la preuve.

De même prétendre encore pour Monsieur [C] que l'association connaissait depuis mai 2017 la nécessité de l'accueil de Madame [M] en surcapacité et qu'il appartenait à un autre directeur de gérer la situation est inopérant dans la mesure où ce n'est pas le principe de l'accueil en surcapacité qui lui est reproché mais le fait de ne pas avoir mis en place la procédure de validation de l'accueil en surcapacité de l'intéressée par le conseil départemental alors qu'il était chargé du traitement du volet administratif de cet accueil compte tenu de la subdélégation de pouvoir qu'il avait reçue.

Aussi, le fait que l'accueil litigieux ait pu être validé par le conseil de direction de l'association ne fait pas disparaître la faute qu'il a commise.

En conséquence, la faute est établie quoi qu'il puisse soutenir.

2 ) - l'insubordination et la violation des procédures internes par Monsieur [C] ainsi décrites :

'...Comme vous le savez, les frais que vous engagez doivent être liés à votre activité professionnelle et doivent être justifiés.

Vous avez de nouveau été alerté mensuellement sur ces obligations.

Force est de constater que cette difficulté vous importe peu puisqu'à ce jour : vous n'aveztoujours pas justifié pour 800 € de frais professionnels...'

* Sur la prescription :

Monsieur [C] soutient que les faits sont prescrits car son employeur était informé depuis au moins le mois d'août 2018 de la situation dans la mesure où il était en copie des mails échangés entre le service comptable et lui à ce propos.

Cela étant, la non justification des frais professionnels s'est poursuivie dans le temps et même si l'employeur avait connaissance au moins depuis le mois d'août 2018 de la réticence de Monsieur [C] à justifier de ses frais, ce point a toujours été en discussion entre les services comptables et lui, au fur et à mesure que les frais augmentaient au cours de l'année 2018, la date finale pour en justifier étant le 31 décembre 2018.

En conséquence, comme le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans un délai antérieur de plus de deux mois à l'engagement des poursuites disciplinaires, les fautes qui lui sont reprochées ne sont pas prescrites.

* Sur la faute :

L'employeur explique que Monsieur [C] n'avait pas encore produit au 22 janvier 2019 l'intégralité des justificatifs de ses frais professionnels pour l'année 2018 alors qu'il devait les produire avant la fin du mois de décembre 2018 et qu'il avait été mis en demeure à plusieurs reprises de le faire.

Pour étayer ce grief, il verse :

- les courriels de relance pour obtenir les justificatifs au titre de l'année 2018,

- le courriel par lequel Monsieur [C] a assuré le service comptable le 22 janvier 2019 qu'il allait dès le lendemain transmettre l'ensemble des justificatifs demandés.

En réponse, Monsieur [C] soutient qu'il a produit le 23 janvier 2018 tous les justificatifs comme il s'y était engagé par mail la veille.

Cependant, il n'en rapporte pas la preuve.

En conséquence, cette faute qui se caractérise par de la désinvolture tout à la fois vis-à-vis de son employeur et des obligations découlant de l'article 14 de son contrat de travail qui précise :'Les frais professionnels, engagés dans le cadre de la fonction, sont remboursés conformément aux règles en vigueur au sein de l'Association et sur présentation impérative de justificatifs' est établie.

3 ) - le management portant atteinte à la sécurité des salariés ainsi décrit :

'Par courrier du 22 novembre 2018, nous avons été alertés par les chefs de service de votre management défaillant et toxique à l'égard des salariés du Pôle.

A leur demande, ils ont été rencontrés par les membres du bureau le 4 décembre 2018.

Lors de cette rencontre, de nouveaux faits d'une particulière gravité ont été portés à notre connaissance. (')

Contrairement à vos affirmations, la situation n'est aujourd'hui pas réglée puisque ces mêmes chefs de service informés de la procédure envisagée à votre encontre nous ont fait part de leur soulagement.

L'un d'entre eux nous a notamment indiqué :'Aujourd'hui, je retrouve la confiance et une certaine fierté de travailler au sein de l'Unapei 17.

Je souhaite me tourner vers l'avenir avec une confiance restaurée et l'envie d'accompagner les changements en toute sérénité'.

De même, lors d'une réunion qui s'est tenue le 8 janvier 2019, nous avons de nouveau été alertés par les représentants du personnel de votre comportement, portant gravement atteinte aux conditions de travail des salariés du Pôle et donc à leur sécurité.

En effet, ils relatent : 'Une absence de pilotage, salariés ne se sentant pas encadrés par leur Directeur, des changements itératifs de programme, une absence de lisibilité des actions, deux appels à projets perdus,des changements d'affectation non concertés et brutaux, chefs de service en situation de mal-être et de souffrance'.

Votre comportement qui porte gravement atteinte non seulement à la sécurité des salariés mais également à celle des résidents que nous accueillons, porte gravement atteinte au bon fonctionnement du Pôle et de l'Association...'.

L'employeur explique :

- que de nombreux salariés de l'Association ont révélé des faits graves en matière de management imputables à Monsieur [C],

- qu'ils visaient expressément ce dernier dans le cadre de leurs lettres de plainte adressées à la Direction.

Pour étayer ce grief, il verse :

- l'attestation de Madame [O] qui déclare : 'J'atteste que tous les documents, rapports que j'ai transmis et mon témoignage sont avérés. Je réitère aujourd'hui que pendant sa direction à l'UNAPEI 17, Monsieur [C] [I] a volontairement et autoritairement profité de mon absence suite à un burn-out, pour octroyer définitivement mon poste en SAVS à un autre salarié et de fait m'imposer une mutation alors que j'étais encore en arrêt maladie.

Arrêt débutant le 27/10/17 mon poste est occupé par un autre salarié 1/01/18 de façon définitive.

Je reprendrai le travail le 27/04 en mi-temps thérapeutique en FOH. Cette mutation, je cite 'non négociable' orchestré par Monsieur [C] a eu pour incidence une réorganisation totale de ma vie personnelle au vu du changement complet de rythme. Passage à des horaires de journée en semaine, à un travail en horaires décalées au rythme irrégulier jour/nuit et week-end.

Un éloignement de mon domicile avec frais supplémentaires. Arrivée dans un établissement où je n'étais pas 'attendu' car les chefs de service et la directrice n'étaient que partiellement informés de cette mutation tout du moins des motivations de Monsieur [C]. Encore fragilisée par le burn-out, j'ai dû reprendre le travail en ayant perdu tout repère.

M'intégrer à une nouvelle équipe, occuper de nouvelles fonctions qui m'étaient jusqu'ici inconnues'.

- le courrier adressé le 22 novembre 2018 par les chefs de service du Pôle habitat et accompagnement faisant état 'd'une situation préoccupantes au regard des valeurs et fonctionnement jusque là véhiculées par l'association',

- le compte-rendu rédigé par l'UNAPEI de la réunion du 10 décembre 2018 qu'elle avait organisée avec les chefs de service ' à la suite du courrier collectif qu'ils lui avaient adressé le 22 novembre 2018 ' qui relève notamment :

' Un recadrage des fonctions et l'organisation des services sont effectués dans un contexte difficile sans accompagnement des équipes et sans concertation. Ils sont exercés de façon arbitraire par Monsieur [C]... la hiérarchie directe est défaillante et remet en cause toutes les valeurs : des dossiers de demande de subvention pour des projets ont été transmis à Monsieur [C] selon la procédure (extension SAVS Asperger, job coaching, parentalité'), les dossiers ne sont jamais arrivés à la Fondation de France.

Les équipes avaient beaucoup d'enthousiasme et sont aujourd'hui essoufflées...Vous êtes toujours en attente des réponses claires de votre Directeur sur l'évolution du service SAVS et des besoins... Problème d'un management subi : changement de planning sans respect du délai de prévenance... le directeur n'est pas là... l'écoute du terrain.

[N] [S] a appris l'élargissement de son périmètre au FH de [Localité 4] en septembre en rentrant de congés, sans concertation, sans prévenance... Management toxique, phrases dévalorisantes : il est arrivé à [Z] [T] de recevoir un message de Monsieur [C] à 22 heures demandant de la rigueur... [B] [L] est en arrêt de travail. Elle est en déconstruction complète. (') ...Problèmes de relations de la direction, les relations et les décisions sont unilatérales en absence de concertation. Climat directif et fait d'injonctions... les décisions sont annoncées en réunion avec des changements sans concertation (convention avec la pharmacie de Rompsay. L'organisation réfléchie et cohérente est absente (')'.

- l'attestation de Madame [R] qui écrit : '... Le 22 novembre 2018, avec mes collègues chefs de service, nous avons sollicité notre Présidente en rédigeant un courrier commun dans lequel nous avons relaté les difficultés auxquelles nous étions confrontées face au management défaillant de notre Directeur de Pôle [I] [C]. Cela générait des tensions et entravait le bon fonctionnement des établissements. Il y avait un problème de communication et un manque de réactivité. Le 10 décembre 2018, nous avons rencontré le conseil d'administration de l'association pour évoquer de vive voix nos récriminations à l'égard du mode de management de Monsieur [C]'.

- le courriel de Monsieur [T] du 14 novembre 2018 transmis avant son entretien annuel et de suivi du forfait annuel en jours qui indique : ' Entretien insupportable et irrespectueux au cours duquel Monsieur [C] a réussi à me pousser à bout avec des phrases méprisantes telles que :

'Arrête de te plaindre l'ADAPEI ne te donnera pas de croix',

'C'est de ta faute tu dois mieux t'organiser et déléguer davantage !'

Et lorsque je lui ai demandé davantage de bienveillance à mon égard : 'Qu'est-ce que tu veux ' Tu veux que je te fasse un bisou tous les matins ''

- l'attestation de Monsieur [T] venant compléter le compte-rendu de son entretien annuel et de suivi du forfait annuel en jours qui précise :

« Au cours des années 2017/2018, mes collègues chefs de services et moi-même avons souffert d'un management toxique porté par notre directeur de Pôle, Monsieur [I] [C].

Le 22 novembre 2018, après deux années de collaboration extrêmement difficiles, nous avions rédigé un courrier à l'attention de notre présidente.

Dans cet écrit, nous faisions état de nos difficulté réelles et sérieuses à exercer sereinement notre profession.

Nous révélions ainsi l'ensemble des manquements professionnels de notre directeur (personnel sous pression, climat social dégradé, déplacements de professionnels non concertés, communication défaillante voir absente, manipulations).

Le 10 décembre 2018, le Conseil d'Administration de notre association nous avait donc reçu pour écouter nos doléances et prendre la mesure du malaise institutionnel.

De plus, je tiens à confirmer que Monsieur [C] a exercé à mon encontre desviolences psychologiques destructrices conduisant à un surmenage et à plusieurs mois d'arrêt maladie.

J'ai pu évoquer cette souffrance professionnelle à ma directrice adjointe dans le cadre d'un entretien annuel d'évaluation le 9 novembre 2018...'

- le compte-rendu rédigé à la suite de la rencontre entre les représentants du personnel et le directeur général en date du 8 janvier 2019 qui précise :

' - pôle habitat et accompagnement ' Problèmes en lien avec la Direction et le pilotage.

- une absence de pilotage,' on ne se sent pas encadré par notre directeur' ;

- changements itératifs d'organigramme en peu de mois ;

On se demande comment la pratique de chacun est portée par le directeur de pôle.

Deux appels à projets ' Fondation de France' ont été perdus, non transmis par le directeur du Pôle Enfance ' On n'a jamais su.

Le mal-être des chefs de service est perceptible et ils ont rédigé un courrier à la Présidente pour s'en ouvrir et l'ont rencontré en décembre.

Des changements de poste non concertés et brutaux ont été mis en place du jour au lendemain.

Décisions non concertées et abruptes du directeur du pôle.

On note des cadres en souffrance et malmenés.

'On vous le dit, Monsieur [H], on était aux portes de déposer un préavis de grève'.

Il résulte de l'ensemble de ces documents, tous de nature différentes ' courrier collectif des chefs de service, subordonnés de Monsieur [C], réunion des représentants du personnel avec la direction, attestations des salariés placés sous l'autorité directe de Monsieur [C] ' rédigés en des termes très précis, différents et concordants qui relatent chacun des faits de nature identique ' que Monsieur [C] avait des habitudes de management qui génèraient des relations professionnelles salariés / supérieur hiérarchique très difficiles et conflictuelles qui dépassaient le cadre des simples remontrances professionnelles qu'un supérieur hiérarchique peut légitimement faire à ses subordonnés sur la qualité imparfaite de leur travail pour pénétrer dans la sphère personnelle et intime de ceux-ci et les dévaloriser régulièrement tout en les démotivant au niveau de leur engagement professionnel.

Soutenir pour Monsieur [C] pour s'exonérer de toute responsabilité qu'il a servi de fusible pour tenter d'apaiser les tensions existant dans l'association depuis de nombreuses années ou encore et qu'en réalité, son exclusion n'a strictement rien changé puisqu'en 4 ans, la structure a connu 4 directeurs généraux, 5 DRH et de nombreux arrêts maladies est inopérant dans la mesure :

- où d'une part, il se borne à alléguer sans rapporter aucun élément pour appuyer ses dires,

- où d'autre part, tous les témoignages et documents le visent expressément et reprennent les propos qu'il a tenus à ses subordonnés qui sont au mieux désagréables au pire très souvent très dévalorisants et dénigrants,

- où enfin s'il se bornait à appliquer les décisions prises par la direction générale, il n'était pas obligé de le faire de façon brutale et d'accompagner son action de propos excessifs et déplacés.

Prétendre encore pour Monsieur [C] que le management 'défaillant' s'explique en premier lieu par l'absence de personnel nécessaire est tout aussi inopérant dans la mesure où il ne justifie pas avoir alerté son employeur au moins une fois - de façon officielle - de la situation humaine difficile que connaissait le pôle qu'il dirigeait.

Faire valoir pour lui que les faits dénoncés par Madame [O] sont prescrits pour avoir été commis en novembre 2018 alors que la procédure de licenciement a été engagée plus de deux mois après, est inopérant dans la mesure où l'employeur, à la réception de cette attestation et des déclarations de Monsieur [T] lors de son entretien annuel professionnel - a dû nécessairement procéder à quelques investigations pour évaluer ou pas le sérieux et la fiabilité des déclarations des deux salariés et où l'employeur a expliqué ceci dans la lettre de licenciement.

Cette faute est donc établie quoiqu'en dise le salarié.

3 - En conclusion :

Même si effectivement les deux premiers griefs - à savoir la violation des autorisations médico-sociales délivrées par les autoritésde tarification outre la violation des procédures internes et l'insubordination - pouvaient ne constituer que des fautes simples relevant d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison :

- de la nature des faits reprochés au salarié,

- de l'absence de toute sanction disciplinaire prononcée à son encontre jusqu'à sa mise à pied conservatoire et son licenciement,

il n'en demeure pas moins que le troisième grief reproché revêt le caractère d'une faute grave pour un directeur de pôle qui de part ses fonctions devait non seulement diriger une équipe ' comptant 192 salariés 'équivalents temps plein' et près de 500 personnes accompagnées, répartie en 14 établissements et services ' qui attendait de son supérieur des directives claires et précises données dans le respect de leur intégrité morale mais également donner l'exemple par un comportement professionnel et personnel irréprochable.

Cette faute ' dont Monsieur [C] ne peut s'exonérer comme il vient d'être exposé ci-dessus ' a rendu nécessaire la rupture immédiate de son contrat de travail et sa mise à pied conservatoire.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave du salarié en licenciement pour cause réelle et sérieuse et de débouter Monsieur [C] de toutes ses prétentions formées de ce chef ou du chef d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

II - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les dépens doivent être supportés par Monsieur [C] qui succombe dans l'intégralité de ses prétentions.

***

Il n'est pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 2 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Rochefort-Sur-Mer,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [C] est fondé,

En conséquence,

Déboute Monsieur [C] de ses demandes en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en versement d'indemnités subséquentes, en versement de sommes au titre d'heures de recherche d'emploi et en remise de documents de fin de contrat sous astreinte,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,

Condamne Monsieur [C] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02756
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;20.02756 ?
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