PC/LD
ARRET N° 793
N° RG 20/01298
N° Portalis DBV5-V-B7E-GAYQ
[C]
C/
CPAM DE LA VENDEE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 juin 2020 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de LA ROCHE-SUR-YON
APPELANT :
Monsieur [P] [J] [C]
né le 05 Décembre 1951 à [Localité 8] (85)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Delphine TEXIER, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
CPAM DE LA VENDEE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Mme [Z] [K], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 30 mai 2018, la société [5] a renseigné une déclaration au titre d'un accident de travail dont a été victime le 29 mai 2018 à 0h30 l'un de ses salariés, M. [P] [C], chauffeur SPL, sur son lieu de travail habituel (un camion), les circonstances de l'accident étant ainsi décrites : sur la nationale entre [Localité 7] et [Localité 6], la victime conduisait le camion, elle déclare qu'elle s'est sentie fatiguée, elle s'est donc arrêtée sur une aire et a été transportée à l'hôpital d'[Localité 6], l'employeur précisant avoir été avisé de l'accident le 29 mai 2018 à 10 h.
A été joint à cette déclaration un certificat médical initial du service des urgences du C.H.I.C. d'[Localité 6] daté du 29 mai 2018, faisant état d'un malaise par asthénie profonde et décompensation psychique et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 9 juin 2018.
Le 6 juin 2018, le médecin traitant de M. [C] établissait un certificat médical final de guérison apparente, avec possibilité de rechute, ainsi rédigé : asthénie, décompression en conduisant son camion. Bilan urgences [Localité 6] : RAS
La CPAM de Vendée a notifié à M. [C], par LRAR du 17 juillet 2018, sa décision de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
M. [C] a sollicité la prise en charge d'une rechute pour asthénie et décompensation psychique, sur la base d'un certificat médical du 11 septembre 2018.
La caisse lui a notifié, le 30 novembre 2018, un refus de prise en charge au titre de l'accident du travail initial du 28 mai 2018.
Demeurant la contestation de l'assuré, une expertise a été diligentée, à l'issue de laquelle le docteur [O], désigné d'un commun accord entre le médecin traitant et le médecin conseil, a ainsi conclu :
dire s'il existe un lien de causalité direct entre l'accident du travail du 28 mai 2018 et les lésions invoquées sur le certificat de rechute du 1er septembre 2018
NON
dans la négative, dire si l'état de l'assuré est en rapport avec un état pathologique indépendant de l'accident du travail du 28 mai 2018, évoluant pour son propre compte
OUI
Le 18 avril 2019, la commission de recours amiable de la caisse a confirmé la décision de refus de prise en charge.
Par jugement du 23 juin 2010, le pôle social du tribunal judiciaire de La Roche- Sur-Yon a débouté M. [C] de ses demandes relatives à la prise en charge d'une rechute de l'accident du travail du 28 mai 2018 et à l'organisation d'une nouvelle expertise et condamné M. [C] aux dépens, en considérant, en substance :
- sur la demande de nouvelle expertise, au visa des articles L141-2 et R141-1 du code de la sécurité sociale : que M. [C] sollicite la désignation d'un nouvel expert au motif que l'expert désigné n'était pas spécialiste de la pathologie qu'il présente, que cependant, il conteste le refus de prise en charge de la pathologie constatée le 11 septembre 2018 au titre d'une rechute de l'accident du travail du 28 mai 2018, que cette contestation ne porte ni sur le diagnostic, ni sur le traitement mais relève de la causalité entre l'accident du travail initial et l'état de santé de la victime, de sorte qu'aucune obligation de désignation d'un expert spécialiste n'était exigée,
- sur la contestation du refus de prise en charge de la rechute, au visa de l'article L443-2 du code de la sécurité sociale, qu'il n'est pas relevé de contradictions dans le rapport d'expertise, que si l'expert a mentionné l'absence d'antécédents psychiatriques, il ressort clairement du compte-rendu du service des urgences de l'hôpital d'[Localité 6] l'existence d'un épuisement psychique pour raisons socio-professionnelles accumulées depuis plusieurs années avec décompensation le jour de l'accident du travail, qu'ainsi, l'existence d'un lien direct, certain et exclusif entre les lésions constatées et l'accident initial ne peut être établie.
M. [C] a interjeté appel de cette décision par LRAR du 1er juillet 2020.
L'affaire a été fixée à l'audience du 10 octobre 2022 à laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions transmises les 19 septembre 2022 (M. [C]) et 5 septembre 2022 (CPAM de Vendée).
M. [C] demande à la cour, réformant le jugement entrepris, au visa des articles R141-1 et suivants, R142-17-1 du code de la sécurité sociale et L443-1 et suivants du code du travail :
- à titre principal, d'ordonner une expertise,
- à titre subsidiaire, de considérer l'accident du 11 septembre 2018 au titre de la rechute de l'accident du travail du 29 mai 2018,
- de dire que cette rechute sera prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,
- de condamner la CPAM de Vendée à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du C.P.C., outre les entiers dépens.
La CPAM de Vendée conclut à la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions.
MOTIFS
Au soutien de sa demande, M. [C] expose :
- que l'expertise a été réalisée dans des conditions irrégulières au regard de l'article R141-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale dès lors que le docteur [O] est médecin généraliste et non un spécialiste de l'asthénie et de la décompensation psychique,
- que la motivation retenue par l'expert est des plus succinctes alors qu'il devait rédiger un rapport détaillé, clair, précis et non ambigu (article R141-4), qu'il remet en cause l'accident initial, qu'il n'a pas pris connaissance des éléments médicaux apportés par le patient lors de l'examen, qu'il passe sous silence la mention dans le certificat médical final d'une possibilité de rechute ultérieure, qu'il relève que M. [C] n'a aucun antécédent psychiatrique tout en indiquant en totale contradiction que la décompensation psychique est ancienne, résultat d'années de ressentiments tant personnels que professionnels, d'une humeur anxieuse plutôt que dépressive, alors qu'aucun antécédent psychiatrique n'est objectivé,
- que malgré un aménagement de ses conditions de travail en suite de l'accident du travail, sa charge de travail est restée importante ce qui l'a conduit à ressentir les mêmes symptômes en septembre 2018,
- qu'il y a bien eu une aggravation de la lésion initiale, qui l'a obligé à nouveau à interrompre son travail et qu'il existe un lien de causalité entre cette aggravation et l'accident initial, la caisse ayant reconnu comme étant un accident du travail l'asthénie et la décompensation psychique survenues en mai 2018 suite à une surcharge de travail.
La caisse s'oppose à cette demande en soutenant :
- qu'aux termes de l'article R141-2 du code de la sécurité sociale en sa version en vigueur au moment des faits, l'expert proposé devait être choisi parmi les médecins spécialistes ou compétents lorsque la contestation porte sur le diagnostic ou le traitement, qu'a contrario lorsque la contestation porte sur l'état du malade (consolidation, nouvelles lésions, rechute, guérison, stabilisation) aucune condition particulière n'est exigée quant à la qualification de l'expert ,
- qu'en l'espèce, il ne s'agissait nullement de rendre un diagnostic ou un avis sur le traitement de l'assuré de sorte que la désignation d'un expert en pathologie psychiatrique n'était pas obligatoire,
- que l'expert [O] a procédé à une analyse médicale de la situation de l'assuré, que ses conclusions sont dépourvues de toute ambiguïté et contradiction, étant considéré que s'il n'a pas relevé d'éléments démontrant l'existence d'un traitement ou suivi psychiatrique avant l'accident du travail, raison pour laquelle il n'a pas noté d'antécédents psychiatriques dans sa partie consacrée aux constats des documents produits par l'assuré, l'interrogatoire de celui-ci et le compte-rendu du service des urgences démontrent qu'il présentait un épuisement psychique lors de l'accident, lié à des raisons socio-professionnelles accumulées depuis plusieurs années, de sorte que l'expert a pu exactement conclure à une altération de l'état psychique de M. [C] antérieure à l'accident.
Sur ce,
L'article R 141-1 du code de la sécurité sociale en sa rédaction applicable en l'espèce, issue du décret 2010-344 du 31 mars 2010, dispose :
- que les contestations mentionnées à l'article L. 141-1 sont soumises à un médecin expert désigné, d'un commun accord, par le médecin traitant et le médecin conseil ou, à défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter de la contestation, par le directeur général de l'agence régionale de santé ; que celui-ci avise immédiatement la caisse de la désignation de l'expert ; que dans le cas où l'expert est désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé, il ne peut être choisi que parmi les médecins inscrits, sous la rubrique Experts spécialisés en matière de sécurité sociale, sur les listes dressées en application de l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 et de l'article 1er du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatifs aux experts judiciaires,
- que lorsque la contestation porte sur le diagnostic ou le traitement d'une affection relevant de l'une des disciplines mentionnées par le règlement de qualification prévu au 4° de l'article R. 4127-79 du code de la santé publique, l'expert est, dans tous les cas, choisi parmi les médecins spécialistes ou compétents pour l'affection considérée.
En l'espèce, la contestation portait non sur le diagnostic ou le traitement d'une pathologie visée à l'alinéa 2 du texte précité mais sur la caractérisation d'un lien de causalité direct entre l'accident du travail du 28 mai 2018 et les lésions invoquées sur le certificat de rechute du 1er septembre 2018 et, dans la négative, la recherche de l'existence d'un état pathologique indépendant de l'accident du travail du 28 mai 2018, évoluant pour son propre compte.
C'est en conséquence à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'expertise pouvait être confiée à un médecin non spécialement qualifié au titre de la pathologie en cause.
Il doit par ailleurs être constaté que le rapport du docteur [O] est conforme aux exigences formelles de l'article R141-4 en sa version issue du décret 2010-344 du 31 mars 2010 (qui dispose que le rapport du médecin expert comporte le rappel du protocole, l'exposé des constatations qu'il a faites au cours de son examen, la discussion des points qui lui ont été soumis et des conclusions motivées).
En outre, les conclusions expertales ne sont entachées d'aucune contradiction manifeste, étant considéré que l'absence de suivi/traitement n'est pas, à elle seule et en soi, exclusive de l'existence d'une pathologie antérieure à l'accident du travail initial que l'expert a retenue sur la base tant du compte-rendu des urgences hospitalières (psy : épuisement psychique pour raisons socio-professionnelles accumulées depuis des années avec décompensation ce jour) que des propres déclarations de l'assuré qui ont conduit l'expert à conclure que la décompensation psychique survenue en septembre 2018 ne constitue pas un fait nouveau, qu'elle est ancienne, résultat d'années de ressentiments tant personnels que professionnels, d'une humeur anxieuse plutôt que dépressive, caractérisant un état antérieur évoluant pour son propre compte et l'absence de lien de causalité direct et exclusif entre l'accident du travail initial et la 'rechute' de septembre 2018 invoquée par M. [C].
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nouvelle expertise formée par M. [C] et débouté celui-ci de sa demande tendant à voir ordonner la prise en charge de la pathologie mentionnée dans le certificat médical du 11 septembre 2018 au titre d'une rechute de l'accident du travail du 29 mai 2018.
M. [C] qui succombe dans ses prétentions sera débouté de sa demande en application de l'article 700 du C.P.C. et condamné aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon en date du 23 juin 2020,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
- Déboute M. [C] de sa demande en application de l'article 700 du C.P.C.,
- Condamne M. [C] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,