MHD/LD
ARRET N° 805
N° RG 20/01266
N° Portalis DBV5-V-B7E-GAWB
[D]
C/
URSSAF DU LIMOUSIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 juin 2020 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de TULLE
APPELANT :
Monsieur [O] [D]
né le 19 Février 1944 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Ekoué Didier AKAKPOVIE, avocat au barreau de TULLE, substitué par Me Kangni Angelo de la SELARL EKOUE AVOCAT, avocat au barreau de POITIERS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/4586 du 27/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)
INTIMÉE :
URSSAF DU LIMOUSIN
[Adresse 2]
[Localité 4]
et dont l'adresse de correspondance est :
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentée par Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Auto-entrepreneur - professionnel libéral, Monsieur [O] [D] a été immatriculé du 1er août 2009 au 1er août 2018 auprès de l'URSSAF du Limousin en qualité de conseil en parapsychologie ' voyance par téléphone.
Par courrier du 11 décembre 2018, l'URSSAF l'a avisé qu'un contrôle comptable d'assiette sur pièces portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 débuterait à compter du 7 janvier 2019 et lui a demandé de lui adresser les documents nécessaires à la vérification au plus tard pour le 4 janvier 2019.
Par courrier du 26 mars 2019, reçu le 28 mars 2019, elle lui a adressé une lettre d'observations lui notifiant une régularisation de 4 502,00 € au motif qu'il avait minoré les déclarations de son chiffre d'affaires pour les années 2016 et 2017.
Le cotisant n'a formulé aucune contestation en réponse à la lettre d'observations.
Le 27 mai 2019, à l'issue de la période contradictoire et à la suite de la mise en recouvrement des sommes faisant l'objet du redressement, l'URSSAF lui a adressé une mise en demeure de payer la somme de 4 919.00 € - dont 417.00 € au titre des majorations de retard.
Monsieur [D] a saisi :
- le 22 juin 2019, d'une demande d'annulation du redressement, la commission de recours amiable, laquelle a confirmé, par décision du 26 septembre 2019, notifiée le 27 septembre suivant, le redressement opéré et a validé la mise en demeure du 27 mai 2019,
- le 20 novembre 2019, d'une contestation de la décision de la commission de recours amiable, le pôle social du tribunal de grande instance de Tulle, lequel devenu pôle social du tribunal judiciaire de Tulle, a - par jugement du 03 juin 2020 - :
° débouté Monsieur [O] [D] de l'intégralité de ses demandes ;
° validé la mise en demeure émise par l'URSSAF du Limousin le 27 mai 2019 à l'encontre de Monsieur [O] [D] d'un montant de 4 919, 000 € au titre de cotisations et majorations de retard dues au titre des années 2016 et 2017 ;
- condamné Monsieur [O] [D] à verser à l'URSSAF du Limousin la somme de 4919€,
au titre de cotisations et majorations de retard dues au titre des années 2016 et 2017 ;
- condamné Monsieur [O] [D] au paiement des dépens.
Par courrier recommandée avec accusé de réception du 26 juin 2020, Monsieur [O] [D] a interjeté appel de cette décision.
PRETENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions en date du 18 juillet 2022 reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, Monsieur [D] demande à la cour de :
- sur la forme,
- annuler la procédure de recouvrement pour abus de droit,
- à tout le moins,
- annuler la mise en demeure du 27 mai 2019,
- le mettre hors de cause,
- sur le fond,
- juger que la créance réclamée par l'URSSAF dans la présente procédure n'est pas fondée, ni en son principe, ni en son montant,
- le mettre hors de cause,
- condamner, l'URSSAF au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- juger que cette somme sera payée directement à Maître [F], sous réserve de la renonciation à l'aide juridictionnelle.
Par conclusions en date du 21 juin 2021 reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, l'URSSAF du Limousin demande à la cour de :
- déclarer mal fondé l'appel de Monsieur [O] [D],
- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions.
SUR QUOI,
I - SUR L'ABUS DE DROIT :
Monsieur [D] soutient qu'il a fait l'objet d'un contrôle fiscal, pour la simple raison qu'un contrôleur, n'aimant pas les ' médium' ( sic), voulait délibérément faire du tort, à un médium.
Il prétend :
- qu'il a fait l'objet d'un contrôle discriminatoire,
- que si les contrôleurs de l'URSSAF disposent légalement du droit ou du pouvoir de contrôler toutes les activités susceptibles de rentrer dans le cadre des contributions sociales, ledit contrôle doit être exempt d'abus ou de discrimination alors qu'en l'espèce, le contrôle litigieux a été initié à partir d'un abus de droit,
- que de ce fait, fondées sur un abus de droit et une position discriminante, les opérations sont d'une nullité certaine,
- qu'ainsi, il doit être mis hors de cause.
Il verse pour étayer ses propos l'attestation de Madame [W], salariée de l'une de ses clientes -la SARL [6] qui a été la première à faire l'objet d'un contrôle fiscal en région parisienne et qui a déclaré : ' ... Pour ses prestations, Monsieur [D] lui établissait des factures. La contrôleuse a dit devant moi que ca ne lui plaisait pas le rôle de Mr [D] en tant que consultant, car il était médium et qu'elle allait faire le nécessaire auprès de ses collègues de [Localité 7]. Et quelques mois après Monsieur [D] [O] a fait à son tour l'objet d'une contrôle fiscal'
***
Cela étant, Monsieur [D] n'établit l'existence ni d'une discrimination ni d'un abus de droit dans le contrôle dont il a fait l'objet.
En effet, le seul témoignage de Madame [W] est insuffisant pour le démontrer dans la mesure où Madame [W] travaille dans une société qui a fait elle-même l'objet d'un contrôle et qui - de ce fait - n'est pas nécessairement exempt de partialité.
En tout état de cause, il n'est conforté par aucun autre élément alors qu'il résulte des pièces versées au dossier que le principe du contradictoire prévu à l'article R 243-59 III 2° du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable en l'espèce ' qui prévoyait en substance que la période contradictoire prévue à l'article L. 243-7-1 A est engagée à compter de la réception de la lettre d'observations par la personne contrôlée qui dispose d'un délai de trente jours pour y répondre ' a été respecté dans la mesure :
- où Monsieur [O] [D] a réceptionné le 28 mars 2019 la lettre d'observations qui lui avait été adressée le 26 mars 2019,
- où celle-ci comportait toutes les mentions exigées,
-où il n'a formulé aucune observation dans le délai légal de trente jours fixé par l'article R 243-59 III 2° précité,
- et où la mise en demeure est intervenue 60 jours après la réception de la lettre d'observations.
En conséquence, il convient de débouter Monsieur [D] de toutes ses demandes formées des chefs d' abus de droit et d'annulation de la mise en demeure.
II - SUR LE FOND :
En application des articles :
* L.123-28 du code de commerce, les auto-entrepreneurs dispensés de l'établissement de comptes annuels, doivent obligatoirement tenir un livre mentionnant chronologiquement le montant et l'origine des recettes qu'ils perçoivent au titre de leur activité professionnelle,
* L.133-6-8-4 du code de la sécurité sociale, les auto-entrepreneurs sont tenus d'avoir un compte dans un établissement de crédit ou dans un bureau de chèques postaux dédié à l'exercice de l'ensemble des transactions financières liées à leur activité professionnelle.
***
En l'espèce, Monsieur [D] soutient que le compte bancaire contrôlé par l'URSSAF est tout à la fois un compte professionnel et personnel et que l'URSSAF n'établit pas que les sommes encaissées sur ce compte correspondent à des sommes perçues au titre de son activité professionnelle et non au titre de vente de biens mobiliers lui appartenant.
En réponse, l'URSSAF fait valoir :
- que l'inspecteur a relevé des encaissements sur le compte bancaire du cotisant supérieurs aux sommes déclarées,
- que dans son audition libre, le cotisant a présenté ces encaissements comme provenant d'une part de la vente de biens mobiliers et d'autre part du soutien que lui ont apporté des personnes en contrepartie des services qu'il leur a rendus il y fort longtemps,
- que de ce fait, ces sommes ne peuvent pas être dissociées de son activité professionnelle.
Elle en conclut que le redressement est bien fondé.
***
Cela étant, contrairement à ce que prétend Monsieur [D], il devait exclusivement dédier un compte bancaire en qualité d'auto entrepreneur à l'ensemble des transactions financières liées à son activité professionnelle.
De ce fait, toutes les sommes figurant sur son compte bancaire sont présumées être liées à son activité.
Aussi, lorsqu'après avoir relevé :
- que les montants figurant sur les relevés bancaires dudit compte sont supérieurs à ceux des chiffres d'affaires qu'il a déclarés sur les années 2016 et 2017 ' à savoir en 2016, chiffre d'affaires déclaré de 1260 € pour des encaissements bancaires de 19 395 € ; en 2017, chiffre d'affaires de 890 € pour des encaissements bancaires de 11180 € '
- et que le cotisant explique cette différence par la vente de biens mobiliers (tableaux, collections d'objet, meubles ), par le paiement de certains clients qui ne voulaient pas de factures pour éviter de montrer qu'ils avaient recours aux services d' un voyant et par le soutien que lui apportaient certains clients en contrepartie des services qu'il leur avait rendus ', l'organisme social est fondé à en déduire que ces chèques encaissés en 2016 et 2017 ne peuvent être dissociés de son activité professionnelle et auraient dû être soumis à cotisations sociales alors que de surcroît, le cotisant n'a jamais rapporté en première instance et ne rapporte toujours pas en appel que les sommes litigieuses n'étaient pas liées à son activité professionnelle.
C'est donc à bon droit que l'URSSAF, sur le fondement de la liste des chèques encaissés au titre des années 2016 et 2017, a établi le montant du rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale dû par le cotisant que le cotisant se borne à contester sans rapporter d'élément probant.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a validé la mise en demeure émise par l'URSSAF du Limousin et a condamné Monsieur [O] [D] à verser à dernière la somme de 4 919 € dont 417 € au titre des majorations de retard.
III - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens doivent être supportés par Monsieur [D].
Il n'y pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 03 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Tulle,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [D] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,