ARRÊT N°574
N° RG 21/01033
N° Portalis DBV5-V-B7F-GHNS
SMACL
C/
[P]
[M]
VITALIS
et autres (...)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 février 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS
APPELANTE :
SMACL ASSURANCES
N° SIRET
[Adresse 3]
ayant pour avocat postulant Me Kévin GOMEZ de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Julie PECHIER, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉS :
Madame [A] [P] épouse [M]
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 11] (16)
[Adresse 5]
Monsieur [W] [M]
né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 13] (16)
[Adresse 5]
Mademoiselle [N] [M]
née le [Date naissance 7] 1995 à [Localité 15] (86)
[Adresse 5]
Mademoiselle [S] [M]
née le [Date naissance 2] 1998 à [Localité 15] (86)
[Adresse 5]
ayant tous pour avocat postulant et plaidant Me Caroline MAISSIN de la SCP DICE AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
RÉGIE DES TRANSPORTS POITEVINS 'VITALIS'
Etablissement Public Industriel et Commercial
[Adresse 10]
[Localité 15]
ayant pour avocat postulant Me Kévin GOMEZ de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Julie PECHIER, avocat au barreau de POITIERS
DÉPARTEMENT DE LA VIENNE
N° SIRET : 228 600 011
[Adresse 14]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Lidwine REIGNE, avocat au barreau de POITIERS
CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
[Adresse 9]
ayant pour avocat postulant Me Philippe BROTTIER de la SCP PHILIPPE BROTTIER-THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
qui a présenté son rapport
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ :
[A] [P] épouse [M], salariée du département de la Vienne, a été blessée le [Date décès 6] 2010 dans un accident de la circulation quand le véhicule automobile qu'elle conduisait est entré en collision dans une
courbe avec un bus de la régie des transports poitevins 'Vitalis'qui roulait en sens opposé, à la limite des communes de [Localité 15] et [Localité 17].
Au vu des conclusions de l'enquête de gendarmerie selon lesquelles elle aurait circulé à une vitesse excessive et pourrait à ce titre être regardée comme responsable de l'accident, Mme [M] a saisi le juge des référés pour voir instituer une expertise. Après rejet de cette action et sur appel de l'intéressée, la cour d'appel de Poitiers a par arrêt infirmatif du 17 juin 2015 fait droit à cette demande et désigné l'accidentologue [L] [O], qui a déposé son rapport définitif en date du 16 décembre 2016.
Estimant au vu des conclusions de l'expertise pouvoir être indemnisée de ses préjudices, [A] [M] a alors sollicité du juge des référés l'institution d'une expertise médicale de sa personne qui a été ordonnée le 22 février 2017 au contradictoire de Vitalis et la SMACL.
L'expert commis, le docteur [G], a déposé en date du 26 avril 2018 son rapport définitif concluant à une consolidation au 18 septembre 2017.
[A] [M], son époux [W] [M] et leurs filles majeures [N] et [S] [M] ont fait assigner par actes des 29 mars, 2 et 7 avril 2019 la régie des transports poitevins, son assureur la SMACL, le département de la Vienne et la Caisse des Dépôts et Consignations (la CDC) pour voir fixer l'indemnisation de leurs préjudices respectifs.
La régie des transports poitevins 'RTP Vitalis' et la SMACL ont conclu à titre principal au rejet de cette action en soutenant que la conductrice avait commis une faute par excès de vitesse qui la privait de tout droit à réparation, et elles ont subsidiairement indiqué à quel montant il convenait de chiffrer selon elles les préjudices indemnisables, s'opposant à la demande en remboursement de débours de la CDC au motif qu'elle ne pouvait se faire de preuve à elle-même.
Le département de la Vienne a demandé que la régie et son assureur soient condamnés à lui payer une somme totale de 176.014 euros correspondant pour 81.577 euros au montant des salaires maintenus à Mme [M] durant ses arrêts de travail, pour 54.929 euros aux dépenses de soins et pour 40.508 euros aux frais d'hospitalisation par lui pris en charge.
La CDC a demandé que la régie et la SMACL soient condamnées à lui payer 216.112,57 euros au titre du capital représentatif au 1er mai 2019 des avantages servis à la victime.
Par jugement du 2 février 2021, le tribunal judiciaire de Poitiers a :
* dit que la faute commise par Mme [M] était de nature à diminuer son droit à indemnisation et celui des victimes indirectes à hauteur de 20%
* condamné solidairement la régie des transports poitevins et la SMACL à payer :
.à [A] [M] : 744.742,19 euros avec intérêts au double du taux légal
.à [W] [M] : 29.490,72 euros
.à [N] [M] : 8.800 euros
.à [S] [M] : 8.800 euros
.à la Caisse des dépôts et consignations : 140.160 euros
.au département de la Vienne : 140.841,53 euros
outre 3.000 euros d'indemnité de procédure aux consorts [M].
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu, en substance,
* qu'indépendamment de la question de savoir si la vitesse était ou non limitée à 50 Km/h à cet endroit en limite de sortie d'agglomération, la vitesse de 61 km/h à laquelle conduisait Mme [M] n'était pas adaptée à la
configuration des lieux et que si cette vitesse n'était pas à l'origine de l'accident, elle avait contribué à l'importance du préjudice de la victime dès lors que le choc avait été d'une extrême violence, ce qui justifiait de réduire de 20% le droit à indemnisation de la blessée
* que le préjudice d'[A] [M] se décomposait ainsi
¿ préjudices patrimoniaux
° avant consolidation
.dépenses de santé exposées par le département de la Vienne
-soins : (54.929,10 x 80%) = 43.943,28 euros
-hospitalisations : ( 40.508 x 80%) = 32.406,40 euros
.assistance temporaire tierce personne : (109.740 x 80%)
= 87.792 euros
.perte de gains professionnels actuels
-pas de perte avérée pour Mme [M]
-rejet de la demande de la CDC faute de pouvoir calculer sa créance
-maintien du salaire par le département : (52.202,38x 80%)
= 41.761,90 euros
° après consolidation
.dépenses de santé futures : (61.585 x 80%) = 49.268 euros
.frais de logement adapté : (132.030,91 x 80%) = 105.624,72 euros
.frais de véhicule adapté : (44.276,91 x 80%) = 35.421,52 euros
.aide permanente tierce personne : (21.973 + 446.987,04 x 80%) = 375.168,03 euros
.perte de gains professionnels futurs :
-rejet de la demande de Mme [M]
-indemnités du département en2018/2019 : (28.374,94 x80%) = 22.699,95 euros
.incidence professionnelle : rejet
¿ préjudices extra-patrimoniaux
° avant consolidation
.déficit fonctionnel temporaire (DFT ) : (6.480+46.702,50 x80%) = 43.842 euros
.souffrances endurées : (35.000 x 80%) = 28.000 euros
.préjudice esthétique temporaire : (3.000 x 80%) = 2.400 euros
° après consolidation
.déficit fonctionnel permanent (DFP): (175.200 x 80%)
= 140.160euros à la CDC
.préjudice esthétique permanent : (7.000 x 80%) = 5.600 euros .préjudice d'agrément : (2.000 x 80%) = 1.600 euros
.préjudice sexuel : (3.000 x 80%) = 2.400 euros.
* que le doublement du taux de l'intérêt était encouru en vertu de l'article L.211-13 du code des assurances faute pour l'assureur d'avoir formulé d'offre provisionnelle dans les huit mois de l'accident
* qu'[W] [M] justifiait avoir sollicité la réduction à 80% de son temps de travail à compter du mois de mars 2010 jusqu'au mois de janvier 2018 afin de s'occuper de son épouse, et justifiait d'une perte de salaire et d'une perte de droits à la retraite constituant un préjudice qui ne faisait nullement double emploi avec le poste d'assistance par une tierce personne; qu'il justifiait également d'un préjudice d'affection, d'un préjudice sexuel et d'un préjudice moral
* que les filles de la victime, respectivement âgées de 14 et 10 ans au jour de l'accident, avaient subi un préjudice d'affection et un trouble dans leurs conditions d'existence.
La société SMACL Assurances a relevé appel le 29 mars 2021.
Les consorts [M] ont relevé appel le 14 avril 2021.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 novembre 2021.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique
* le 24 août 2022 par la SMACL et la régie des transports poitevins
* le 26 août 2022 par le département de la Vienne
* le 28 septembre 2021 par les consorts [M]
* le 27 septembre 2021 par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).
La SMACL et la RTP 'Vitalis' demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter les consorts [M] de tous leurs chefs de prétentions.
À titre subsidiaire, elles s'opposent à l'homologation du rapport d'expertise judiciaire établi par madame [Y] et demandent à la cour de désigner un nouvel expert inscrit sur la liste des experts judiciaires à la rubrique E.08.03 transport terrestre avec mission de déterminer le déroulement de l'accident et de donner son avis sur les causes de la collision et sur les responsabilités.
À titre surabondant, elles demandent qu'il leur soit donné acte de leurs offres d'indemnisation qu'elles formulent ainsi sous réserve du partage de responsabilité
¿ quant à [A] [M] : à hauteur de 44.962,95 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux et 409.108,95 euros pour les postes de préjudices patrimoniaux, soit :
¿ préjudices patrimoniaux
° avant consolidation
.pas de dépenses de santé actuelles exposées par la victime
.assistance temporaire tierce personne : 71.376,50 euros (infirmation)
.perte de gains professionnels actuels : rejet (confirmation)
° après consolidation
.dépenses de santé futures : 61.585 euros (confirmation)
.frais de logement adapté : 3.532,40 euros (infirmation)
.frais de véhicule adapté : rejet (infirmation)
.aide permanente tierce personne : 288.577,90 euros (infirmation)
.perte de gains professionnels futurs : rejet (confirmation)
.incidence professionnelle : rejet (confirmation)
¿ préjudices extra-patrimoniaux
° avant consolidation
.déficit fonctionnel temporaire (DFT ) : 15.962,95 euros (infirmation)
.souffrances endurées : 20.000 euros (infirmation)
.préjudice esthétique temporaire : 3.000 euros (confirmation)
° après consolidation
.déficit fonctionnel permanent (DFP):
-138.000 euros
-somme absorbée par la créance CDC de 216.112,57euros déjà réglée
.préjudice esthétique permanent : 4.000 euros (infirmation)
.préjudice d'agrément : rejet (infirmation)
.préjudice sexuel : 2.000 euros (infirmation)
¿ quant à M. [M] : à 4.000 euros pour le préjudice d'affection, les troubles dans les conditions d'existence et la perte de gains professionnels
¿ quant à [N] et [S] [M] : à 4.000 euros chacune pour le préjudice d'affection et les troubles dans les conditions d'existence
Elles demandent à voir statuer ce que de droit sur les créances des organismes sociaux.
Elles maintiennent que l'accident est survenu en agglomération.
Elles contestent les conclusions de l'expert judiciaire au vu de leur réfutation par MM. [B] et [I], qu'elle a mandatés pour analyser le rapport de Mme [Y] -l'un d'eux ayant participé aux opérations judiciaires- et qui indiquent que les mesures réalisées pour calculer la cinétique de l'accident sont erronées ; que des erreurs et omissions factuelles discréditent son sérieux ; qu'il fallait faire une reconstruction assistée par ordinateur.
Elles maintiennent que l'accident a pour unique cause les fautes de la conductrice, qui roulait à une vitesse excessive et n'est pas restée dans son couloir de circulation. Elles estiment que ces fautes, commises par une personne qui connaissait parfaitement les lieux, ont joué un rôle causal exclusif, ce qui justifie d'écarter tout droit de la victime à réparation, ou très subsidiairement de le réduire dans une proportion non inférieure à 80%.
Subsidiairement, elles sollicitent l'institution d'une contre-expertise, ce en quoi elles disent être recevables, en application de l'article 563 du code de procédure civile
Le département de la Vienne demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que le droit à réparation de Mme [M] est entier et de condamner solidairement la RTP Vitalis et la SMACL à lui verser les sommes de :
.93.640,18 euros à parfaire au titre des dépenses de santé actuelles
.47.271,28 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels
.93.469,28 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs
outre 3.000 euros d'indemnité de procédure, en les déboutant de tous leurs chefs de prétentions.
Il se prévaut des conclusions selon lui pertinentes de l'expert judiciaire pour soutenir que l'accident a eu lieu hors agglomération ; que les 61km/h auxquels l'expert a reconstitué la vitesse de la conductrice n'étaient pas excessifs ; que le conducteur du bus a commis une faute seule à l'origine de l'accident en ne se garant pas dans la courbe pour laisser passer l'automobile; que Mme [M] a droit à pleine indemnisation ; et que sa propre créance n'a donc pas à être réduite, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.
La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) demande à la cour de condamner in solidum le tiers responsable et son assureur à lui rembourser avec intérêts à compter du jugement le capital représentatif de sa créance soit la somme de 216.112,57 euros en limitant ce remboursement à l'évaluation du préjudice patrimonial et extrapatrimonial soumis au recours de l'ATIACL calculé en droit commun à savoir les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent.
Elle sollicite 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [M] demandent à la cour :
* de dire irrecevables les demandes nouvelles en appel de la SMACL et Vitalis
-sollicitant que la limitation de leur droit à réparation ne soit pas inférieure à 80%
-sollicitant subsidiairement une nouvelle expertise en accidentologie
* d'infirmer le jugement et statuant à nouveau
-de juger que leur droit à indemnisation est intégral
-de condamner la RTP Vitalis et la SMACL à payer à [A] [M] la somme d'1.570.076,41 euros ou à titre subsidiaire celle d'1.530.201,78 euros ainsi décomposée
¿ préjudices patrimoniaux
° avant consolidation
.pas de dépenses de santé actuelles exposées par la victime
.assistance temporaire tierce personne : 141.650 euros
.perte de gains professionnels actuels
-à titre principal : 37.239,86 euros
-subsidiairement : 26.599,90 euros
° après consolidation
.dépenses de santé futures : 91.315,24 euros
.frais de logement adapté : 141.563,31 euros
.frais de véhicule adapté : 47.434,57 euros
.aide permanente tierce personne : 698.994,60 euros
.perte de gains professionnels futurs :
-à titre principal : 102.321,33 euros
-à titre subsidiaire : 73.086,66 euros
.incidence professionnelle : 11.000 euros
¿ préjudices extra-patrimoniaux
° avant consolidation
.déficit fonctionnel temporaire (DFT ) : 64.357,50 euros
.souffrances endurées : 35.000 euros
.préjudice esthétique temporaire : 8.000 euros
° après consolidation
.déficit fonctionnel permanent (DFP): 175.200 euros
.préjudice esthétique permanent : 8.000 euros
.préjudice d'agrément : 3.000 euros
.préjudice sexuel : 5.000 euros
-de condamner la RTP Vitalis et la SMACL à payer à [W] [M]
.perte de gains professionnels : 29.698,65 euros
.préjudice d'affection : 10.000 euros
.préjudice sexuel : 5.000 euros
.préjudice d'agrément : 20.000 euros
-de condamner la RTP Vitalis et la SMACL à payer à [N] et à [S] [M]
.préjudice d'affection : 5.000 euros chacune
.préjudice d'agrément : 12.000 euros chacune
* de juger que les condamnations prononcées contre la SMACL auront produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour du jugement devenu définitif et en tout état de cause
* de juger que les condamnations prononcées porteront intérêts légaux à compter du 17 juin 2015 date de l'arrêt ordonnant l'expertise en accidentologie
* de condamner solidairement la RTP Vitalis et la SMACL aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 5.000 euros.
Ils réfutent toute faute de la conductrice en indiquant que l'enquête de gendarmerie a été conduite sans pouvoir l'entendre ; que l'expert accidentologue a catégoriquement retenu que le bus empiétait sur la voie de
circulation du véhicule automobile ; que les dires du chauffeur n'étaient pas conformes à la réalité ; que le rapport critique [I] est partial, et dénature les faits, ainsi en affirmant que le bus était à l'arrêt alors qu'il roulait; qu'aucun panneau réglementaire ne permettant d'identifier le lieu de l'accident comme situé en agglomération, ainsi que la mairie l'a confirmé, nulle limitation de vitesse à 50 km/h ne s'y appliquait donc ; que Mme [M] était restée constamment maîtresse de sa vitesse ; que les 61 km/h reconstitués par l'expert judiciaire n'avaient rien d'excessif ; que le facteur déterminant pour expliquer la violence du choc tient à la différence d'énergie cinétique respective des véhicules en cause.
Ils détaillent poste par poste les indemnisations qu'ils sollicitent en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture est en date du 5 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* sur la recevabilité des demandes de la SMACL et Vitalis sollicitant que la limitation de leur droit à réparation ne soit pas inférieure à 80% et sollicitant subsidiairement une nouvelle expertise en accidentologie
La SMACL et la RTP Vitalis sont défenderesses à l'action en indemnisation de préjudice engagée par les consorts [M].
Les demandes arguées d'irrecevabilité tendent à proposer à la juridiction d'appel une nouvelle preuve et à faire écarter les prétentions adverses et comme telles sont recevables par application des articles 563 et 564 du code de procédure civile, étant ajouté qu'à les considérer comme reconventionnelles, elles seraient recevables en application de l'article 567.
* sur le droit à indemnisation de la victime
Selon l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.
Selon l'article 6 de ce texte légal, le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages.
Pour limiter ou exclure son droit à indemnisation, la faute commise par le conducteur blessé doit avoir joué un rôle causal dans la réalisation de son dommage.
L'accident litigieux est survenu le [Date décès 6] 2010 à 13h22, rue des Rataudes, sur le territoire de la commune de [Localité 17] par choc frontal entre un bus Renault de la RTP Vitalis conduit par M. [U] et le véhicule automobile Opel 'Agila' conduit par Mme [M].
L'expert judiciaire [L] [Y] a personnellement constaté lors de son déplacement sur le site dans le cadre de ses opérations contradictoires que la [Adresse 16] où s'est produite la collision peut être assimilée à une route hors agglomération, dès lors qu'aucun panneau réglementaire ne permettait de l'identifier et qu'elle se situe entre les agglomérations de [Localité 15] et [Localité 12]. Elle note :
'Effectivement, sans panneau réglementaire et avec la seule signalisation de panneau de danger indiquant un virage comme en l'espèce, cette route nous semble constituer un point singulier sur le plan de la signalisation, ce qui ne permet pas de l'identifier comme une rue d'agglomération ni comme une zone à caractère urbain' (cf rapport p.28).
Les photographies des lieux, notamment annexés au rapport, qui montrent que l'accident s'est déroulé en pleine forêt (cf clichés 11, 16, 17), confirment totalement cette description.
Mme [Y] conclut (cf p.15, 16 et 39) au vu de la ligne de choc visible sur les clichés photographiques de l'automobile et du bus qu'il s'agit d'un choc frontal pratiquement tangentiel, ce qui est de nature à démontrer que préalablement au choc la voiture n'avait pas fait d'embardée, contrairement à ce qu'a déclaré un passager du bus entendu par les gendarmes après coup et par téléphone (cf feuillet 2/7).
Elle a mesuré la route sur les lieux-mêmes de l'accident à 4,98 mètres, alors que les pièces de gendarmerie lui attribuent une largeur de 5,50 ou 5,60 mètres.
Elle réfute le dire selon lequel la largeur de la chaussée se serait réduite depuis l'accident (page 2 des observations en réponse au dire de la SMACL fondé sur un rapport critique).
Elle a mesuré la largeur du bus à 2,50 mètres alors que le rapport de gendarmerie la désigne de 2,40 mètres, et celle de l'Opel à 1,62 m alors que les enquêteurs mentionnent 1,50m.
Elle en infère que la différence de ces mesures est de l'ordre de 70 centimètres, ce qui est important sur les conditions de croisement des deux véhicules au moment des faits (cf rapport p.18) sur cette petite voie bordée de végétaux.
Elle assure que ce que le rapport de gendarmerie consigne comme le relevé de traces de freinage de l'autobus pour identifier la zone de choc n'est pas des traces de freinage mais des traces de ripage qui résultent du refoulement de la roue avant gauche de l'automobile (véhicule A) qui a été arraché par le bus au cours du choc jusqu'à son point d'immobilisation, en expliquant d'une part, qu'au vu de la longueur du bus soit 11,99 mètres et de la circonférence de chaque tour de roue, il faudrait, pour laisser ces traces, que le freinage ait commencé 6 mètres en amont et dans le prolongement de celui-ci, ce qui impliquerait que le bus circulait entièrement dans la voie de gauche, ce que rien n'accrédite et que personne n'a jamais soutenu (cf rapport p. 32), et d'autre part que la trace B11 ne peut être comme prétendu une trace de freinage dès lors que l'autobus possède à l'arrière des roues jumelées parallèles et solidaires l'une de l'autre alors qu'il existe 50 cm entre les traces B10 et B11 sur le schéma des enquêteurs, et en réponse au dire de l'assureur SMACL fondé sur les critiques de l'expert qu'il avait missionné, elle indique que celui-ci méconnaît pour les besoins de sa démonstration les principes de tribologie et assimile freinage et ripage, qu'on ne peut confondre (cf rapport p.33, 34 et 38).
Elle a procédé à la reconstitution cinématique de l'accident selon la méthode utilisée dans le rapport n°21 de l'institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS), établissement public à caractère scientifique et technologique.
Elle a reconstitué le choc et le calcul des vitesses respectives des deux véhicules impliqués selon les équations de la conservation de la quantité de mouvement et de la conservation de l'énergie cinétique (pages 21 à 26).
Elle a constaté que les équations déterminant les vitesses respectives étaient équilibrées à moins d'1%, ce qui validait les deux vitesses au moment du choc chiffrées à 6,4 m/s soit 23 km/h pour l'autobus et 17m/s soit 61 km/h pour la voiture.
Elle a dégagé un angle pré-choc de l'axe longitudinal du bus à 10° par rapport à l'axe médian de la chaussée, et à un axe post-choc du bus à 15°, ce qui correspond à la trajectoire des traces constatées sur la chaussée après l'accident (rapport p. 26).
Elle en a conclu que le bus ne pouvait que dépasser l'axe médian de la chaussée compte-tenu des angles formés par son axe longitudinal avec l'axe de la chaussée.
En réponse à un dire, elle précise :
'Lorsqu'on se trouve hors agglomération, les dispositions du code de la route (R.414-2) prévoient que les conducteurs des véhicules dont le gabarit dépasse 2 m ou 7m de longueur doivent, si nécessaire, laisser le passage aux véhicules de dimensions inférieures.
Quoiqu'il en soit, si l'autobus n'avait pas dépassé l'axe médian de la chaussée lors du croisement avec le véhicule (A), l'accident ne se serait pas produit, la vitesse du véhicule (A) n'étant pas le facteur à l'origine de l'accident' (cf rapport p.28).
Suite à un dire de Vitalis contestant ses mesures, Mme [Y] a répondu les avoir prises contradictoirement avec les parties et en référence aux mesures mentionnées sur le relevé des côtes de la gendarmerie soit deux deux points fixes -des poteaux électriques en béton, inchangés donc depuis l'accident- mentionnés dans le rapport d'enquête (rapport p. 29).
Elle récuse toute erreur de prise de mesure due à la présence de végétation et à l'incidence d'affaissements partiels de la chaussée dus au passage de poids-lourds, en indiquant qu'elles peuvent induire au plus une variation de 5 cm à certains endroits, et en ajoutant que ce n'est pas la légère variation de la largeur de la route qui est prise en compte pour la reconstitution cinématique mais les longueurs des trajectoires d'échappement et de ripage des deux véhicules, établies à partir des points fixes et mesures indiqués par le gendarmerie (cf rapport p.30).
Elle explique que la démonstration de l'expert mandaté par l'assurance critiquant ses mesures repose sur le postulat erroné selon lequel l'autobus ne posséderait pas des roues jumelées, en indiquant que l'engin possède deux essieux avec deux roues sur l'essieu avant et quatre roues sur l'essieu arrière et donc nécessairement deux fois deux roues jumelées (p.30).
Elle réfute (cf p30) comme contraires aux constatations des gendarmes les critiques de l'expert mandaté par la SMACL sur la position du bus parfaitement horizontale avant l'accident.
Elle réfute la position du point de choc avancée par l'expert mandaté par l'assureur, en indiquant qu'elle repose sur un schéma inexact puisque ne situant pas le bus dans le prolongement où il s'est retrouvé à l'issue du choc ; qu'elle ne se fonde sur aucune étude cinématique ; et qu'elle est incompatible avec l'absence avérée de trace de ripage juste à l'avant du bus où il devrait nécessairement s'en trouver selon la thèse de cet expert.
Elle conclut (cf p. 35, 36) que le bus n'était pas à l'arrêt lors du choc, et que son conducteur a nécessairement donné un coup de volant lors du choc, la masse de 1.036 kg de l'auto n'ayant pas le pouvoir à elle seule d'avoir fait varier la trajectoire du bus dont la masse est de 12.480 kg.
Elle conclut en définitive (p 40 à 43) que les usagers circulant sur la [Adresse 16] peuvent effectivement considérer qu'ils circulent hors agglomération et que lors d'un croisement difficile, les véhicules de grands gabarits doivent s'arrêter ou se garer pour faciliter le passage aux véhicules de dimension inférieure conformément aux dispositions de l'article R.414-2 du code de la route; qu'au moment du choc, la voiture roulait à 61 km/h et le bus à 23 km/h ; que la voiture n'a pas fait d'embardée ; que même en considérant une variation de 5 à 10 centimètres à certains endroits de la largeur de la route, l'avant du bus était d'au moins 20 à 30 centimètres dans la voie de circulation de l'automobile ; que les déclarations du chauffeur du bus ne sont pas conformes à la réalité lorsqu'il affirme avoir été 'bien à droite','à l'arrêt' ou 'presque à l'arrêt'.
Elle redit que la vitesse du véhicule (A) ne lui semble pas être le facteur à l'origine de l'accident.
Ces mesures, analyses et conclusions sont circonstanciées et argumentées ; elles ne sont pas contredites par les critiques des experts mandatés par la SMACL, y compris en cause d'appel, s'agissant des mêmes arguments que ceux auxquels Mme [Y] a minutieusement répondu dans son rapport et en les réfutant sur cinq pages d'observations sur dépôt de dire, y compris le rapport critique de l'expert [B] qui repose sur une reconstruction de l'accident par ordinateur fondée sur les données et schémas du rapport d'enquête dont l'expert judiciaire a démontré sans être démentie l'inexactitude.
Il en résulte qu'aucune faute, y compris de circulation à une vitesse excessive ou inadaptée, en relation causale avec l'accident, n'est démontrée avoir été commise par [A] [P] épouse [M], dont le droit à indemnisation est donc entier, le jugement étant infirmé en ce qu'il a retenu qu'elle avait commis une faute réduisant son droit à réparation.
* sur la liquidation du préjudice d'[A] [M]
[A] [M] qui est née le [Date naissance 8] 1965, était âgée de 44 ans à l'époque de l'accident, où elle était fonctionnaire administratif au Conseil général de la Vienne.
Le docteur [G], désigné par le juge des référés, a conclu en ces termes dans son rapport en date du 26 avril 2018, qui n'est ni contredit ni réfuté:
.consolidation au 18.09.2017
.hospitalisations
-du 26.02 au 31.03.2010
-du 31.03 au 10.08.2010 suivie de 40 jours d'hospitalisations de jour
-du 29.03 au 03.04.2017
-du 03.04 au 12.05 2017 puis 11 jours en hôpital de jour
.déficit fonctionnel temporaire (DFT) :
-total pendant les hospitalisations
-25% jusqu'à la consolidation hors les périodes d'hospitalisation
.assistance temporaire par tierce personne :
-2h30/jour du 11.082010 au 30.04.2011
-1h/jour à/c du 01.05.2011 hors hospitalisation complète ou de jour
-plus 1h/jour d'aide ménagère tant en pré qu'en post consolidation
.arrêt d'activité professionnelle
-complet du 26.02.2010 au 12.09.2012
-reprise à mi-temps thérapeutique avec aménagement
.pas de nécessité de l'aménagement du véhicule personnel
.aménagement du logement : la dégradation de l'état physique nécessite un aménagement du domicile pour son accessibilité selon les critères actuels pour un fauteuil roulant, il faut un WC rehaussé avec barres, une douche à effet de sol avec siège de douche et barres, une porte automatisée pour le garage
.activités professionnelles : nécessité d'un mi-temps thérapeutique qui, en rapport avec les séquelles actuelles, serait de nouveau valide en rapport certain, direct, certain et exclusif avec l'accident à partir de la date de la consolidation
.dépenses de santé futures :
-une séance de rééducation hebdomadaire de façon viagère
-nette majoration des traitements myorelaxants et nécessité de traitements antalgiques de palier I et III
-cannes anglaises et fauteuil roulant étaient déjà nécessités par l'état de Mme [M] avant l'accident, actuellement ce sont des cannes anglaises ergodynamiques, et rappelons que l'évolution du fait des troubles neurologiques aurait été inéluctable vers une dégradation orthopédique
.souffrances endurées : 5,5/7
.préjudice esthétique temporaire : 2/7
-déficit fonctionnel permanent (DFP) : 60% en tenant compte de l'étant antérieur
.préjudice esthétique permanent : 3,5/7
.préjudice sexuel : certain
.préjudice d'agrément : non.
Le préjudice de Mme [M], âgée de 52 ans lors de la consolidation, sera évalué comme suit, dans la limite des appels, au regard de ces conclusions et des autres éléments contenus dans ce rapport, ainsi que des productions et explications des parties.
1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX
1.1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES
(avant consolidation) .
1.1.1. : dépenses de santé actuelles
Il n'existe pas de discussion sur ce poste, au titre duquel Mme [M] ne fait état ni ne justifie d'aucuns frais de soins restés à sa charge, et pour lequel le département, son employeur, justifie quant à lui pièces à l'appui avoir supporté au titre des frais médicaux, chirurgicaux, d'hospitalisation et pharmaceutiques une somme totale de (31.118 + 40.508) = 71.626 euros.
1.1.2. : frais d'assistance temporaire par une tierce personne
L'expert judiciaire retient qu'en dehors de ses périodes d'hospitalisation, y compris de jour, [A] [M] avait besoin
.du 11 août 2010 au 30 avril 2011 : 3h30/jour, soit
-2h30 par jour d'une aide pour le lever, la toilette, l'habillage
-1heure par jour (et non 1h30 comme elle l'indique) d'aide pour le ménage, le jardinage et les déplacements
.du 1er mai 2011 à la consolidation du 18 septembre 2017 : d'1 heure pour lever toilette et habillage et 1h d'aide ménagère, soit 2h/jour.
Mme [M] n'est pas fondée à prétendre être indemnisée à ce titre pendant qu'elle était hospitalisée, car elle n'avait pas alors besoin d'assistance, y compris pour les tâches ménagères, que son mari a prises en charge parce qu'elles lui incombaient autant qu'à elle.
L'indemnisation au titre de cette aide se fera sur la base de 20 euros de l'heure, sans distinguer entre les deux types, ni requérir de justificatifs de débours, et elle s'établit à
-sur la première période, de 262 jours soit pour 917 heures :
18.340 euros
-sur la seconde, de 2.332 jours moins 101 d'hospitalisation
soit 2231 jours : 89.240 euros
soit 107.580 euros.
1.1.3. : perte de gains professionnels actuels
Madame [M] indique n'avoir subi aucune perte de salaire durant son arrêt de travail, du [Date décès 6] 2010 au 12 septembre 2012 compte-tenu de la prise en charge intégrale par son employeur, lequel lui a aussi maintenu ensuite son salaire lorsqu'elle a réintégré son poste à mi-temps thérapeutique.
Elle réclame toutefois -en considérant que la créance de la Caisse des Dépôts et Consignations au titre de la rente versée depuis le 13 septembre 2012 n'a pas à s'imputer sur ces sommes puisqu'elle n'a pas été indemnisée de ces pertes- une indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi
.à hauteur de 3.445 euros en soldant ses congés disponibles sur son compte épargne-temps pour bénéficier d'un temps partiel effectif compte-tenu des difficultés rencontrées lors de sa reprise à mi-temps thérapeutique, exposant qu'elle aurait pu monétiser ces 53 jours disponibles sur la base de 65 euros bruts
.à hauteur de 37.239,86 euros, ou subsidiairement de 26.599,90 euros, en raison de la perte de revenus professionnels qu'elle a subie pour avoir dû demander à ne plus travailler qu'à 50% à compter du 1er septembre 2014, selon elle directement du fait de l'accident, en raison duquel elle avait été reconnue travailleur handicapé.
La RTP Vitalis et son assureur la SMACL concluent au rejet de ces demandes, selon elles mal fondées.
L'expert judiciaire a retenu, dans ses conclusions définitives sur dire du conseil de Mme [M], qu'à la date de sa consolidation, 18 septembre 2017, 'strictement en rapport avec cet accident, seul un mi-temps serait validable'.
Madame [M] indique n'avoir, de fait, pas réussi à sa reprise à travailler plus qu'à mi-temps du fait de ses séquelles de l'accident, et elle a sollicité en 2015 son placement en position de travail à temps partiel à 50% d'un temps plein, qui a été acceptée à effet du 1er septembre 2014 par arrêté du 14 septembre 2015.
Il échet dans ces conditions de retenir un lien de causalité entre l'accident et la réduction de son temps de travail.
Madame [M] travaillait à 80% avant l'accident.
Au vu du salaire cumulé net de 17.903,62 euros qu'elle avait perçu en 2010, elle justifie par ses pièces n°10 à 13 et selon un calcul pertinent avoir subi une perte de salaire du 1er septembre 2014 au 18 septembre 2017 de (37.239,86 x 2 x 6/7) - 37.239,86 euros = 26.599,90 euros.
Quant à la mobilisation de jours de congés crédités sur son compte épargne temps, elle ne constitue pas un poste de préjudice financier avéré.
Ce poste de préjudice s'établit ainsi à 26.599,90 euros.
1.2. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS
L'expert judiciaire expose d'abord en pages 2 et 3 de sa réponse au dire du conseil de la victime que si le neurologue qui suivait Mme [M] avant l'accident pour une pathologie 'non étiquetée' indique que 'cette maladie neurologique était stable', les conséquences de cette maladie, elles, ne pouvaient pas l'être, et que l'évolution aurait été de toute manière inéluctable vers une dégradation liée aux conséquences de cette maladie, pour laquelle la patiente présentait avant l'accident des troubles importants avec un syndrome pyramidal et des contraintes musculo-squelettiques qui auraient empêché que ces conséquences soient stabilisées.
Il distingue '..l'état antérieur et l'état actuel suite à la détérioration effectivement nette et brutale des suites de l'accident, avec des conséquences mixtes, propres aux séquelles traumatiques et propres à l'aggravation de par les séquelles sur l'évolution secondaire aux troubles de la maladie neurologique'.
Il indique certes que 'l'évolution aurait été de toute manière inéluctable vers une dégradation liée aux conséquences de la maladie neurologique', mais aussi que 'l'utilisation des cannes anglaises et du fauteuil roulant, déjà utilisés avant l'accident, est effectivement devenue beaucoup plus intensive, les cannes anglaises étant actuellement des cannes ergodynamiques', et qu''il est évident que la nécessité de déplacement à l'intérieur avec des cannes anglaises et parfois un fauteuil roulant, de la sortie du lieu de vie avec le fauteuil roulant, nécessitent des aménagements domotiques conformes aux réglementations d'accessibilité pour les personnes handicapées...'.
Il avait déjà noté dans le pré-rapport qu'il lui était demandé par ce dire de clarifier, que 'des suites de l'accident, il y a eu une aggravation des difficultés à la marche, avec nécessité de chaussures orthopédiques permanentes, marche difficile, à pas très lents, utilisation de cannes ou d'un fauteuil roulant en extérieur' .
Il écrit dans son rapport définitif que 'la victime possédait avant l'accident deux cannes anglaises utilisées pour l'extérieur', et qu'elle 'possédait un fauteuil roulant même si cela était nettement moins fréquent qu'actuellement', avant d'indiquer : 'actuellement, il est bien certain que l'utilisation de deux cannes se fait même en intérieur et que le fauteuil roulant est nécessité pour les déplacements extérieurs'.
Il en ressort que l'accident a aggravé un état qui était stabilisé, et dont l'expert indique ne pas pouvoir dire quand et dans quelles proportions il se serait aggravé sans l'accident.
L'aggravation due à l'accident s'est traduite après la consolidation par une marche devenue difficile, à pas très lents, et par une utilisation des cannes anglaises et du fauteuil roulant qui, de ponctuelle, épisodique et à l'extérieur, est devenue bien plus fréquente.
Mme [M] est fondée à soutenir dans ces conditions que la réparation du préjudice que lui cause l'accident doit porter sur les conséquences de cette aggravation.
1.2.1. : Dépenses de santé futures
L'expert judiciaire retient comme conséquences de l'accident après la consolidation (cf page 3 de sa réponse au dire constituant son rapport définitif)
-la nécessité viagère d'une séance de rééducation hebdomadaire
-une nette majoration des traitements myorelaxants et la nécessité de traitements antalgiques de palier I et III
-la nécessité d'utiliser des cannes anglaises ergodynamiques, le fauteuil roulant en intérieur, et la nécessité viagère d'un lit médicalisé, d'un siège de douche et d'un WC rehaussé.
La RTP Vitalis et la SMACL contestent le poste du matériel en se fondant sur des considérations contenues dans le pré-rapport de l'expert qu'il a ensuite précisées, et leurs offres d'indemnisation sur ce poste ne tiennent pas compte du préjudice d'aggravation en lien avec l'accident.
Au vu des pièces produites, la demanderesse est fondée à solliciter au vu du barème de capitalisation publié en 2020 par la Gazette du Palais, qui constitue un outil pertinent :
-au titre de l'indemnisation par voie de capitalisation du renouvellement du fauteuil roulant (d'un prix de 4.237 euros : pièce n°33) et de l'achat et du renouvellement d'un lit médicalisé, d'un prix de 4.211,21 euros (pièce n°34) ainsi que de leur coût annuel respectif, la somme de (4.211,21 + [847 + 842,24] x 28,799) = 52.859,63 euros
-au titre de l'achat (pour 39,50 euros) et du renouvellement annuel de cannes anglaises, et de l'achat (pour 1.251 euros) et du renouvellement quinquennal d'un siège de douche : (39,50 + 1.251) + (39,50 + 1.251 x 28,799) = 38.455,61 euros.
Mme [M] recevra ainsi comme elle le demande
(52.859,63 + 38.455,61) = 91.315,24 euros.
1.2.2. : Frais d'assistance permanente par une tierce personne
L'expert indique dans son rapport définitif qu'après sa consolidation, Mme [M] a besoin d'une aide d'1 heure par jour pour sa personne et d'1h par jour l'aide ménagère.
Sur la base pertinente de 20 euros, il lui sera alloué
* de la consolidation au 11 août 2022 : (1.788 jours x 2h x 20)
= 71.520 euros
* à titre viager pour une femme de 57 ans, et sur la base de 412 jours pour tenir compte des jours fériés soit 16.480 euros par an : (16.480 x 29,691) = 489.307,68 euros.
Mme [M] recevra ainsi au total 560.827,68 euros.
1.2.3. : Frais d'adaptation du logement
L'expert judiciaire écrit dans son rapport définitif qu'il 'est évident que la nécessité de déplacement à l'intérieur avec des cannes anglaises et parfois un fauteuil roulant, de la sortie du lieu de vie avec le fauteuil roulant, nécessitent des aménagements domotiques conformes aux réglementations d'habitabilité pour les personnes handicapées, avec notamment largeurs de portes adéquates, douche à effet de sol, WC rehaussé, siège de douche, barres d'aide au relevage, et une porte automatisée pour le garage apparaissent nécessaires'.
C'est l'aggravation de l'état antérieur de Mme [M] due à l'accident qui les rend nécessaires, alors que l'état antérieur, stabilisé, ne les requérait pas.
Mme [M] démontre par ses pièces n°14 et 15 que le coût
.d'installation de toilettes surélevées est de 682,40 euros
.d'installation d'une porte automatisée de garage est de 2.850 euros
.d'aménagement de l'allée extérieure pour permettre la liaison du domicile en cannes anglaises ou fauteuil roulant avec la voie publique ou un véhicule est selon devis de 6.000 euros.
Elle est fondée à réclamer ainsi 9.532,40 euros.
Un architecte a chiffré de façon convaincante et non contredite par une étude complète le coût des aménagements de la maison à 132.030,91 euros TTC (pièce n°16).
Il sera ainsi alloué à [A] [M] 141.563,31 euros.
1.2.4. : Frais d'adaptation du véhicule
L'expert judiciaire écrit dans son rapport définitif : 'concernant l'aménagement d'un véhicule, il serait bénéfique qu'il présente un seuil de chargement lui permettant un chargement et un déchargement aisé du fauteuil roulant'.
Vitalis et la SMACL ne sont ainsi pas fondées à refuser l'indemnisation de ce poste motif pris de l'état antérieur de la victime.
Il est fourni (pièce n°17) un devis convaincant et non contredit pour 9.758,75 euros TTC.
Le premier achat est intervenu en 2018, et Mme [M] est fondée à soutenir que la dépense devra être renouvelée tous les 7 ans.
Elle aura 60 ans au premier renouvellement.
Au vu de la nature de la dépense, il n'y a pas lieu à capitalisation sur une base viagère, mais sur celle d'un ultime renouvellement à 67 ans, âge après lequel l'utilisation d'un véhicule automobile commence à devenir moindre et où son remplacement ne s'impose plus pareillement, ce qui justifie par application du barème de capitalisation publié en 2020 par la Gazette du Palais l'allocation d'une somme de 9.758,75 + (1.394,11 x 6,861) = 19.323,73 euros.
1.2.5. : perte de gains professionnels futurs
Ce poste a pour objet d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus professionnels consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.
Ainsi qu'il a été dit, et contrairement à ce que soutiennent les intimées, l'expert judiciaire impute à l'accident la nécessité pour Mme [M] de ne plus travailler qu'à 50% d'un temps plein.
Son bulletin de paie pour décembre 2017 est, pour un mi-temps, de 11.085,86 euros.
La perte de salaires est donc de 11.085,86 euros soit 30,80 euros par jour.
Sur cette base, la perte de Mme [M] par rapport à un temps plein serait de
* de la consolidation au 11 août 2022 : (30,80 x 1.788 jours)
= 55.070,40 euros
* pour la période à échoir, où Mme [M] est dans sa 57 ème année, et pour un âge de départ à la retraite de 62 ans, elle percevra au vu du barème 2020 publié par la Gazette du Palais (11.085,86 x 4,941) = 54.775,23 euros soit 109.845,63 euros.
Mme [M] travaillant à 80% avant l'accident, sur la base du ratio qu'elle invoque à juste titre, défini par l'article 60 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984, sa perte de gains professionnels futurs s'établit à (109.845,63 x 2 x 6/7) - 109.845,63 = 78.461,16 euros.
1.2.6. : Incidence professionnelle
L'incidence professionnelle correspond au préjudice que subit la victime en raison de la plus grande pénibilité de l'exercice d'une activité professionnelle du fait des séquelles de l'accident, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de la nécessité de subir un reclassement; il peut recouvrir aussi la perte de chance d'obtenir un emploi ou une promotion ou de réaliser un projet professionnel.
Il ressort de sa pièce n°19 qu'[A] [M], qui était adjoint administratif territorial principal 2ème classe, avait été proposée à la fin de l'année 2016 au grade d'adjoint administratif territorial principal 1ère classe, mais que cette proposition n'a pas été renouvelée au motif explicite qu'elle 'n'avait malheureusement pas pu travailler en 2017'.
L'accident lui a ainsi fait perdre une chance de promotion.
Au vu de l'importance moyenne de la chance perdue, eu égard à l'incertitude d'une réalisation effective de la proposition, et du différentiel des revenus considérés, ce préjudice, avéré, sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 10.000 euros.
2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
2.1. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES
2.1.1. Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste indemnise la gêne temporaire subie par la victime jusqu'à sa consolidation, ainsi que la privation temporaire de la qualité de vie.
Eu égard aux formes qu'il a prises, il sera indemnisé sur la base de 25 euros par jour.
Le déficit temporaire total a duré 349 jours, en comptant la période entre le 19 mars et le 21 avril 2015 que l'expert judiciaire n'avait pas retenue faute de justificatifs que l'appelante fournit en cause d'appel (sa pièce n°43 : compte-rendu d'hospitalisation), soit (349 jours x 25) = 8.725 euros.
Le déficit partiel a été fixé par l'expert judiciaire à la proportion de 25% que Mme [M] conteste au motif, inopérant, qu'il est inférieur au taux du DFP.
Sur cette base, et pour le nombre de jours considérés soit (193 + 365
+ 1.551 + 321) = 2.430 jours, le préjudice s'établit à (2.430 x 25) x 25% soit 15,187,50 euros.
Mme [M] recevra ainsi (8.725 + 15.187,50) = 23.912,50 euros.
2.1.2. Souffrances endurées
Sur la base non contestée et convaincante de 5,5/7 retenue par l'expert au vu des douleurs lors du choc initial et de la convalescence, de l'intervention chirurgicale, des hospitalisations, du traitement héparinique et du traitement antalgique, des très nombreuses séances de rééducation astreignante, ce poste sera réparé par l'allocation d'une somme de 30.000 euros.
2.1.3. Préjudice esthétique temporaire
L'expert judiciaire indique que le préjudice esthétique a été temporaire du fait de la majoration des difficultés à la marche et des difficultés de gestuelle des membres supérieurs, et il l'évalue à 2/7.
Ce poste sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 3.000 euros, comme le proposent les obligés à réparation.
2.2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS
2.2.1. Déficit fonctionnel permanent
L'expert retient sans contestation et de façon convaincante en tenant compte de l'état antérieur un taux de DFP de 60% en raison de des limitations importantes au-dessous de l'horizontale de l'épaule gauche, des limitations en distalité de ce membre supérieur, des limitations articulaires traumatiques des membres inférieurs, le tout à l'origine de majoration des difficultés aux déplacements et aux transferts.
Mme [M] était âgée de 52 ans à la consolidation.
La SMACL propose 2.300 euros du point.
Sur la base plus pertinente d'une valeur du point de 2.920 euros que propose [A] [M], celle-ci recevra (2.920 x 60) = 175.200 euros.
2.2.2. Préjudice esthétique permanent
Sur la base de 3,5/7 retenue par l'expert en raison d'une importante inclinaison thoracique vers la droite, des désaxations avec valgus jambier bilatéral surtout droit, une déformation des pieds et des orteils, outre des cicatrices opératoires, ce poste sera pleinement réparé par l'allocation d'une indemnité de 6.000 euros.
2.2.3. préjudice sexuel
L'expert judiciaire retient l'existence d'un préjudice sexuel consécutif aux séquelles de l'accident, en consignant que Mme [M] fait état d'une perte de la libido.
Il indique que par ailleurs, la majoration des problématiques orthopédiques est un facteur largement défavorisant vis à vis d'une vie sexuelle épanouie.
Une indemnité de 4.000 euros réparera ce préjudice.
2.2.4. préjudice d'agrément
Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité, pour la victime, de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.
L'expert judiciaire n'en retient aucun.
La SMACL et la régie Vitalis concluent au rejet de la demande à ce titre.
Mme [M] indique qu'elle avait l'habitude d'accompagner ses deux filles à la natation et qu'elle ne peut plus le faire depuis l'accident, mais il ne s'agit pas là d'une activité sportive spécifique personnelle, et cette impossibilité est déjà prise en compte par ailleurs.
Ce chef de demande sera rejeté.
* sur le doublement des intérêts
Mme [M] sollicite le bénéfice du doublement des intérêts prévu par l'article L.211-13 du code des assurances au motif qu'elle n'a pas reçu d'offre d'indemnisation dans le délai prévu à l'article L.211-9.
La régie Vitalis et la SMACL s'y opposent en faisant valoir qu'elles contestaient le principe même de leur obligation d'indemnisation au vu de la faute de la conductrice, et que celle-ci n'a fait l'objet d'une expertise médicale seule à même de permettre de formuler ensuite des offres d'indemnisation qu'en 2018, sur décision de justice.
Cette objection est fondée, en ce qu'elles n'ont en effet eu connaissance que le 7 mai 2018, date de dépôt du rapport définitif d'expertise médicale judiciaire, de la date de consolidation de Mme [M], qui n'avait fait l'objet d'aucun examen médical auparavant.
Mais il incombait alors à la SMACL nonobstant sa contestation de formuler une offre dans les cinq mois de cette date, ce qu'elle ne prouve ni ne prétend avoir fait.
Conformément à ce que prévoit l'article L.211-13 du code des assurances, le montant de l'indemnité allouée à Mme [M] portera donc intérêt au double du taux de l'intérêt légal à compter du 7 octobre 2018 jusqu'à la date -qui ne ressort pas du dossier ni des écritures et productions- de transmission de ses premières conclusions devant le tribunal contenant, fût-ce à titre subsidiaire, un chiffrage des sommes qu'elle offrait.
* sur les créances des tiers payeurs
Les états de débours produits par le département de la Vienne et par la CDC sont détaillés et ventilés.
Ils sont probants.
Selon l'article 31 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices personnels.
Pour procéder à l'imputation, il convient de rechercher quels postes de préjudice indemnisent chacune des différentes catégories de prestations servies par les tiers payeurs.
Le département de la Vienne justifie (sa pièce n°12) avoir versé à Mme [M]
.93.640,18 euros au titre des dépenses de santé actuelles
.47.271,28 euros à titre de maintien de salaire jusqu'à la date de la consolidation
.93.469,28 euros à titre de maintien de salaire après la date de la consolidation.
Sa créance au titre des dépenses de santé actuelles ne vient pas en concours et lui sera entièrement payée par la SMACL.
Sa créance au titre du salaire maintenu vient en concours avec celle de Mme [M] fixée à26.599,90euros pour le poste des pertes de gains professionnels actuels, puisque la victime n'a été indemnisée qu'en partie et qu'en vertu de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, elle peut exercer ses droits contre le responsable pour ce qui lui reste dû par priorité au tiers payeur.
Mme [M] recevra donc 26.599,90 euros, et le département (47.271,28 + 93.469,28 - 26.599,90) = 114.140,66 euros.
La CDC justifie avoir versé à [A] [M] via l'ATIACL qu'elle gère une allocation temporaire d'invalidité à compter du 13 septembre 2012.
Sa créance s'établit au total à 216.112,57 euros en tenant compte du capital représentatif de la rente servie, dont elle est fondée en vertu de l'ordonnance du 7 janvier 1959 à exiger le versement représentatif des arrérages à échoir.
Elle demande à bon droit à la cour de dire que le remboursement de ses débours sera limité à l'évaluation du préjudice patrimonial soumis au recours de l'ATIACL, calculé en droit commun, savoir les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent.
Mme [M], indemnisée seulement en partie, recevra au titre de ces trois postes (78.461,16 + 10.000 + 175.200) = 263.661,16 euros prélevés sur l'indemnité à la charge du responsable par priorité sur la CDC, à laquelle il ne revient donc rien.
La RTP Vitalis et la SMACL verseront ainsi solidairement :
* à Mme [M] : (107.580 + 26.599,90 + 91.315,24 + 560.827,68 + 141.563,31 + 19.323,73 + 78.461,16 + 10.000 + 23.912,50 + 30.000 + 3.000 + 175.200 + 6.000 + 4.000) = 1.277.783,52 euros
* au département de la Vienne : (93.640,18 + 114.140,66)
= 207.780,84 euros.
* sur l'indemnisation du préjudice des victimes par ricochet
¿ les demandes indemnitaires d'[W] [M]
1) la perte de gains professionnels
[W] [M], ingénieur à la DREAL Nouvelle Aquitaine, justifie être passé à temps partiel -à 80%- sitôt l'accident survenu, pour assister son épouse, alors qu'il travaillait auparavant à temps plein.
Cette aide est en lien de causalité directe avec l'accident.
Contrairement à ce que soutiennent les intimées, elle ne recoupe pas nécessairement le poste déjà indemnisé de l'assistance temporaire d'une tierce personne (cf Cass. 2° civ. 14.04.2016 P n°15-16697).
Monsieur [M] justifie, en effet, avoir été obligé d'abandonner un exercice à temps plein pour s'occuper comme il le fallait des enfants du couple, pendant les mois d'hospitalisation de leur mère.
Il ne demande au demeurant pas réparation de la perte de salaire et de droits à la retraite relative aux 20% de travail auxquels il a provisoirement renoncé, indiquant expressément que l'indemnisation de l'assistance temporaire
par une tierce personne y pourvoit, mais de la perte de revenus complémentaires et de droits afférents à la retraite au titre des fonctions d'encadrement qu'il exerçait depuis 1997 et auxquelles il a renoncé.
Il est fondé en cette demande.
Il justifie par un tableau ventilé non contredit (sa pièce n°31) que les gains complémentaires liés aux astreintes inhérentes à ces fonctions lui procuraient une rémunération annuelle moyenne de 1.435,33 euros durant les cinq années précédant l'accident, soit 119,61 euros par mois.
L'accident l'a privé de cette somme de mars 2010 à janvier 2018 soit pendant 106 mois.
Il en résulte un préjudice de (119,61 x 106) = 12.678,74 euros.
Il justifie aussi que sa pension de retraite s'en trouvera diminuée de 809,35 euros par an, ce qui induit un préjudice qui, chiffré par capitalisation au vu de la valeur du point d'un homme à l'âge de 62 ans, âge de son départ à la retraite, du barème 2020 publié par la Gazette du Palais, détermine un préjudice de (809,35 x 21,018) = 17.010,91 euros.
Ce poste de préjudice s'établit ainsi à (12.678,74 + 17.010,91)
= 29.689,65 euros.
2) le préjudice d'affection
[W] [M] fait valoir qu'il lui a été difficile de voir son épouse diminuée par l'accident.
La SMACL et Vitalis reconnaissent le principe d'un tel préjudice qui, de fait, est avéré.
Il n'est pas justifié d'un retentissement pathologique objectivé.
Ce poste sera réparé par l'allocation d'une somme de 2.500 euros.
3) le préjudice sexuel
Le préjudice sexuel de l'épouse, tel qu'il vient d'être reconnu, n'a pu que causer au mari un préjudice sexuel induit, du fait de la perte de libido de Mme [M] et de facteurs péjoratifs pour une vie sexuelle épanouie.
Il recevra en indemnisation de ce préjudice une somme de 2.000 euros.
4) le préjudice d'agrément
[W] [M] ne justifie pas que l'accident de son épouse l'ait empêché de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure, et cette demande sera rejeté.
¿ les demandes indemnitaires de [N] et [S] [M]
1) le préjudice d'affection
[N] et [S] [M] étaient âgées de 14 et 10 ans à l'époque de l'accident.
Elles ont nécessairement été peinées par les souffrances physiques et morales de leur mère.
La régie Vitalis et la SMACL admettent le principe de ce préjudice.
La consolidation de la victime a été longue, et compliquée. Ses séquelles sont lourdes.
Ce poste sera réparé par l'allocation à chacune d'une indemnité de 4.000 euros.
2) le trouble dans les conditions d'existence
L'accident a nécessairement perturbé fortement leurs conditions matérielles et morales d'existence, au vu de leurs âge et situation lorsqu'il est survenu.
La régie Vitalis et la SMACL admettent le principe de ce préjudice.
Ce poste sera réparé par l'allocation à chacune d'une indemnité de 7.000 euros.
* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le tribunal a mis à bon droit les dépens à la charge de la régie Vitalis et de son assureur la SMACL, et les a condamnées à raison solidairement à verser une indemnité de procédure aux consorts [M].
Il sera précisé que les dépens de première instance incluent les dépens de référé, et le coût de l'expertise judiciaire.
Devant la cour, Vitalis et la SMACL succombent en leur position et supporteront donc les dépens d'appel.
Elles verseront une indemnité de procédure aux consorts [M] ensemble et au département de la Vienne.
Il n'y a pas lieu à indemnité de procédure au profit de la CDC, qui ne reçoit rien.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il condamne la régie RTP Vitalis et la compagnie SMACL aux dépens et à verser une indemnité de procédure aux consorts [M]
DIT que le droit d'[A] [P] épouse [M] et des victimes indirectes à être indemnisées des conséquences de l'accident du [Date décès 6] 2010 est entier
DIT la régie des transports poitevins Vitalis et son assureur la SMACL tenues solidairement de réparer l'intégralité de ces conséquences
FIXE ainsi le préjudice subi par [A] [P] épouse [M] consécutivement à l'accident du [Date décès 6] 2010 :
1 : PRÉJUDICES PATRIMONIAUX
PRÉJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES
* assistance temporaire tierce personne : 107.580 euros
* perte de gains professionnels actuels supportée par la victime : 26.599,90 euros
PRÉJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS
* dépenses de santé futures : 91.315,24 euros
* assistance permanente tierce personne : 560.827,68 euros
* frais d'adaptation du logement :141.563,31 euros
* frais d'adaptation du véhicule : 19.323,73 euros
* perte de gains professionnels futurs : 78.461,16 euros
* incidence professionnelle : 10.000 euros
2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES
* déficit fonctionnel temporaire (DFT ) : 23.912,50 euros
* souffrances endurées : 30.000 euros
* préjudice esthétique temporaire : 3.000 euros
PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS
* déficit fonctionnel permanent : (DFP) : 175.200 euros
* préjudice esthétique permanent : 6.000 euros
* préjudice sexuel : 4.000 euros
CONDAMNE solidairement la régie des transports poitevins Vitalis et la SMACL à payer 1.277.783,52 euros à [A] [P] épouse [M]
DIT que cette somme portera intérêt en vertu de l'article L.211-13 du code des assurances au double du taux de l'intérêt légal à compter du 7 octobre 2018 jusqu'à la date de transmission des premières conclusions devant le tribunal de la SMACL contenant, fût-ce à titre subsidiaire, un chiffrage des sommes qu'elle offrait
CONDAMNE solidairement la régie des transports poitevins Vitalis et la SMACL à payer en deniers ou quittances 207.780,84 euros au département de la Vienne
DIT que compte-tenu de l'exercice des droits de la victime par priorité au tiers payeur en vertu de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, il ne revient aucune somme à la Caisse des Dépôts et Consignations
CONDAMNE solidairement la régie des transports poitevins Vitalis et la SMACL à payer à [W] [M] la somme de 34.189,65 euros
CONDAMNE solidairement la régie des transports poitevins Vitalis et la SMACL à payer à [N] [M] 11.000 euros
CONDAMNE solidairement la régie des transports poitevins Vitalis et la SMACL à payer à [S] [M] 11.000 euros
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires
PRÉCISE que les dépens de première instance incluent les dépens de référé, et le coût de l'expertise judiciaire
CONDAMNE in solidum la régie des transports poitevins Vitalis et la SMACL aux dépens d'appel
CONDAMNE in solidum la régie des transports poitevins Vitalis et la SMACL à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile
* 5.000 euros aux consorts [M], ensemble
* 3.000 euros au département de la Vienne
ACCORDE à la SCP Dicé, avocat, le bénéfice de la faculté prévue à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,