ARRÊT N°565
N° RG 21/00323
N° Portalis DBV5-V-B7F-GFYK
S.A.R.L. SARL AMBIANCE VALMOND
C/
[G]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 octobre 2020 rendu par le Tribunal de Proximité de JONZAC
APPELANTE :
S.A.R.L. AMBIANCE VALMOND
[Adresse 9]
[Adresse 1]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Dorothée DIETZ de la SELARL SELARL FLEUROUX AVOCAT, avocat au barreau de SAINTES et pour avocat plaidant Me Rebecca RÉMOND, avocat au barreau de SAINTES
INTIMÉS :
Monsieur [R] [G]
19 avril 1984 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Madame [K] [G]
née le 12 octobre 1985 à [Localité 4]
[Adresse 5]
[Localité 2]
ayant tous deux pour avocat postulant Me Ludovic PAIRAUD de la SELARL PAIRAUD AVOCAT, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les époux [K] et [R] [G] ont convenu avec la société Ambiance Valmond (enseigne Cuisinella) de la fourniture d'une cuisine à installer dans une maison en construction à [Localité 7] (Charente-Maritime). Le bon de commande est en date du 19 novembre 2016, au prix de 6 745,20 €. Un premier acompte de 200 € a été versé à la commande, un second de 2.360 € le 10 décembre 2016.
En raison d'un retard du chantier de construction, les époux [K] et [R] [G] ont sollicité un report de livraison de la cuisine. Les éléments de cette cuisine sont entreposés depuis le 12 novembre 2018 dans les locaux de la société de transport Sintex, pour un coût hebdomadaire de 120 €.
Par acte du 9 mars 2020, la société Ambiance Valmond Cuisinella a assigné les époux [K] et [R] [G] devant le tribunal de proximité de Jonzac pour obtenir paiement en principal de la somme de 4.185,20 € restant due sur la commande et de celle de 2 000 € à titre de dommages et intérêts. Les défendeurs ont exposé que le retard de livraison avait pour cause les vols commis sur le chantier de construction l'ayant retardé, puis les mesures sanitaires liées à l'épidémie de covid 19.
Par jugement du 28 octobre 2020, le juge du contentieux de la protection du tribunal de proximité de Jonzac a statué en ces termes :
'DEBOUTE la SARL AMBIANCE VALMOND CUISINELLA de l'ensemble de ses demandes ;
SUSPEND l'exécution du contrat de vente passé avec la SARL AMBIANCE VALMOND CUISINELLA le 19 novembre 2016 jusqu'à l'achèvement des travaux permettant la pose de la cuisine achetée ;
SUSPEND le paiement du solde de 4 185,20 € qui interviendra à l'achèvement des travaux permettant la pose de la cuisine achetée ;
DIT qu'aucun frais de stockage ne pourra être mis à la charge des époux [G];
LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires'.
Il a considéré que les multiples vols survenus sur le chantier et l'ayant retardé avaient constitué au sens de l'article 1218 du code civil un cas de force majeure fondant le rejet de la demande en paiement et la suspension de l'exécution de leurs obligations par les défendeurs.
Par déclaration reçue au greffe le 28 janvier 2021, la société Ambiance Valmond a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 juillet 2022, elle a demandé de :
' Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1218, 1231 et suivants du Code Civil,
Vu l'article 564 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le jugement du Tribunal de Proximité de JONZAC en date du 28 octobre 2020.
DECLARER la demande formée par les époux [G] tendant à voir jugé l'article 7 des conditions générales de vente en une clause abusive au sens de l'article R 212-1 du code de la consommation, irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.
DEBOUTER les époux [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
DECLARER la SARL AMBIANCE VALMOND CUISINELLA recevable et bien fondé en son appel.
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Proximité de JONZAC le 28 octobre 2020 en ce qu'il a :
- Débouté la SARL AMBIANCE VALMOND CUISINELLA de l'ensemble de ses demandes.
- Suspendu l'exécution du contrat de vente ainsi que le paiement du solde de 4 185,20 euros à l'achèvement des travaux permettant la pose de la cuisine achetée.
- Dit qu'aucun frais de stockage ne pourra être mis à la charge des époux [G].
- Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
- Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Et statuant à nouveau,
CONSTATER que Madame [K] [G] et Monsieur [R] [G] n'ont pas procédé au règlement de la somme de 4.185,20 euros correspondant au solde restant dû suivant le bon de commande régularisé le 19 novembre 2016 avec la SARL AMBIANCE VALMOND CUISINELLA.
CONDAMNER solidairement Madame [K] [G] et Monsieur [R] [G] à verser à la SARL AMBIANCE VALMOND CUISINELLA la somme de 4.185,20 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure soit le 20 novembre 2018.
CONDAMNER solidairement Madame [K] [G] et Monsieur [R] [G] à verser à la SARL AMBIANCE VALMOND CUISINELLA la somme de 5.628 € au titre du remboursement des frais de stockage entre le 20 novembre 2018 et le 14 février 2020, somme à parfaire au jour de l'arrêt qui sera rendu suivant un montant forfaitaire de 120 € par semaine.
CONDAMNER solidairement Madame [K] [G] et Monsieur [R] [G] à verser à la SARL AMBIANCE VALMOND CUISINELLA la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.
CONDAMNER solidairement Madame [K] [G] et Monsieur [R] [G] à verser à la SARL AMBIANCE VALMOND CUISINELLA la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER solidairement Madame [K] [G] et Monsieur [R] [G] aux entiers dépens de l'instance d'appel et de première instance'.
Elle a exposé que ses demandes de convenir d'une date de livraison étaient demeurées sans suite, que la mise en demeure adressée le 17 mai 2019 par son conseil était demeurée sans réponse.
Elle a maintenu l'irrespect par les intimés de leurs engagements contractuels et s'est prévalue des stipulations de l'article 7 des conditions générales de vente du contrat relatif aux retards de livraison. Elle a soutenu que ses cocontractants ne justifiaient pas du motif du retard de livraison, les vols survenus sur le chantier ne lui ayant pas été opposés, seules l'incompétence du maître d'oeuvre et l'absence d'espace de stockage ayant été évoquées. Elle ajouté que [K] [G] avait demandé de lancer la fabrication de la cuisine le 10 septembre 2018.
Elle a en outre demandé réparation du préjudice subi étant résulté de la résistance abusive des intimés.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 août 2021, les époux [K] et [R] [G] ont demandé de :
'Vu les articles 1104, 1218, 1231, 1231-1 et 1171 du code civil,
Vu les articles R212-1 et L241-1 du code de la consommation,
Vu le jugement du Tribunal de Proximité de JONZAC,
Vu la déclaration d'appel enregistrée le 28 janvier 2021,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal :
- JUGER que les vols ainsi que leurs effets caractérisaient des événements de force majeure que Monsieur et Madame [G] ne pouvaient prévoir raisonnablement au moment de la conclusion du contrat avec la S.A.R.L. AMBIANCE VALMOND CUISINELLA,
- ORDONNER la résolution du contrat et la libération des époux [G] de leurs obligations contractuelles.
A titre subsidiaire :
- JUGER que l'article 7 des conditions générales de vente constitue une clause abusive au sens de l'article R212-1 du code de la consommation.
- SUSPENDRE le paiement des 4 185,20 € jusqu'à la réalisation des travaux permettant l'installation de la cuisine.
En tout état de cause :
- DEBOUTER la S.A.R.L. AMBIANCE VALMOND CUISINELLA de sa demande de paiement solidaire de la somme de 4 185€,20.
- DEBOUTER en conséquence la S.A.R.L. AMBIANCE VALMOND CUISINELLA de sa demande de remboursement des frais de stockage.
- DEBOUTER en conséquence la S.A.R.L. AMBIANCE VALMOND CUISINELLA de sa demande de condamnation aux frais irrépétibles et aux dépens.
- CONDAMNER la S.A.R.L. AMBIANCE VALMOND CUISINELLA au paiement de la somme de 2 938 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER la S.A.R.L. AMBIANCE VALMOND CUISINELLA aux entiers dépens'.
Ils ont soutenu que les vols survenus sur le chantier et l'ayant retardé avaient constitué un cas de force majeure au sens de l'article 1218 du code civil et que l'impossibilité d'exécuter en étant découlé fondait par application de l'article 1351 du même code qu'ils soient libérés de leurs obligations contractuelles. Ils ont ajouté que leur situation financière ne cessait de se dégrader.
Subsidiairement, ils ont soutenu abusive au sens de l'article R 212-1 du code de la consommation l'article 7 des conditions générales de vente imposant le paiement du prix sans que l'appelante n'ait exécuté son obligation de délivrance. Selon eux, le cuisiniste n'avait remis la cuisine à la société Sintex qu'afin d'en solliciter le paiement.
Ils ont conclu au rejet de la demande indemnitaire de l'appelante en l'absence de préjudice subi.
Par délibération du 5 avril 2022 notifiée par courrier en date du 6 avril suivant, la commission de surendettement des particuliers de la Charente-Maritime a déclaré les époux [K] et [R] [G] recevables en leur demande de bénéficier d'une procédure de surendettement. Il leur a été précisé que leur dossier était orienté vers une phase d e conciliation.
L'ordonnance de clôture est du 5 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A-RAPPEL DES RELATIONS ET STIPULATIONS CONTRACTUELLES
L'article 1103 du code civil dispose que : 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait'.
Le bon de commande en date du 8 novembre 2016 liant les parties stipule en page 2 d'une part la date de : 'Livraison ou enlèvement. Semaine du 18/12/2017", d'autre part que : 'le client s'engage à :
' Effectuer le règlement correspondant au montant prévu dans l'échéancier du bon de commande.
' En cas de décalage de la date de livraison ou d'enlèvement du fait du client, le client devra régler les frais occasionnés'.
En page 4, les modalités de règlement ont été précisées : versement d'une acompte de 200 € le 19 novembre 2016 à la commande, versement d'un second acompte de 2.360 € le 22 novembre 2016, versement du solde de 4.185 € à la livraison le18 décembre 2017.
L'article 7 'livraison' du bon de commande stipule notamment que :
'Pour tout retard dans l'exécution de travaux d'installation émanant de corps de métiers qui ne sont pas placés sous la responsabilité du concessionnaire et rendant la livraison des produits impossible à la date limite convenue au contrat de vente, le client est tenu d'en informer le concessionnaire par lettre recommandée avec accusé de réception .
Les parties conviennent alors, d'un commun accord, d'une nouvelle date de livraison par un avenant écrit au contrat établi au magasin.
À défaut, le concessionnaire livre à la date convenue. Si le client ne peut pas prendre livraison, il devra alors supporter, après sommation, tous les frais exposés par le concessionnaire ainsi que les frais de stockage des produits commandés.
En cas de report supérieur à une semaine de la date de livraison du fait du client, le concessionnaire peut réclamer le versement du solde des produits à la date de livraison initialement convenue.
Le client se verra également facturer toutes sommes dont le magasin se verrait redevable en raison du déplacement in extremis de la date de livraison (Facturation poseur, livreurs, etc)'.
Les parties ont postérieurement convenu de reporter la livraison à fin octobre 2018.
Par courriers en date du 20 novembre 2018, la société Ambiance Valmond a mis en demeure les intimés de lui payer la somme de 4.184,20 €. Elle leur a précisé que le coût hebdomadaire de stockage de la cuisine était depuis le 12 novembre précédent de 120 €. Cette mise en demeure a été renouvelée par courrier recommandé en date du 17 mai 2019 du conseil de l'appelante.
Par courriel en date du 22 novembre 2018, [K] [G] avait indiqué à sa cocontractante que :
'Désolé du temps passé pour la cuisine mais nous rencontrons toujours des problème avec mca surtout avec notre maître d'oeuvre incompétent Nous venons de changer de maître d'oeuvre depuis peu espérons que les choses aillent mieux. Pour la cuisine nous sommes conscient de devoir rajouter du temps pour la livraison car au jour d'aujourd'hui nous n'avons pas encore de place pour la stocker car nous avons déjà tous nos meubles de stocker car nous sommes en caravane et nous avons ailleurs tous nos matériaux que nous avions acheté pour nos travaux à nous (carrelage, salle de bain etc...) Donc nous n'avons aucuns endroits pour la mettre. Nous essayons de trouver une solution du mieux que l'on peut. Nous reviendrons vers vous quand la solution sera trouvé et sommes bien conscient des coûts supplémentaires mais nous n'avons pas le choix. Merci à MCA car tout ça est de leur faute. Cordialement Mme [G]'
La société Sintex, transporteur, a établi à l'intention de la société Cuisinella Ambiance Valmond une facture en date du 14 février 2020 relative aux frais de stockage depuis la semaine 43/2018 des éléments de cuisine, d'un montant de 5.628 € toutes taxes comprises.
B - SUR LA FORCE MAJEURE
L'article 1218 du code civil dispose que :
'Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1".
[R] [G] a été entendu le 7 janvier 2018 par un militaire de la brigade de gendarmerie de [Localité 6]. Il a déclaré que les entrées de la maison en construction avaient été forcées, que la porte d'entrée avait été volée et que diverses dégradations avaient été constatées.
Par courrier recommandé en date du 23 mai 2018, la société Mca, maître d'oeuvre, a rappelé aux maîtres de l'ouvrage que : 'vous avez opté pour des travaux à exécuter par vous-même ou à faire exécuter par des artisans de votre choix et sous votre responsabilité avec des matériaux que vous fournissez' et que : 'La construction étant parvenue à un stade de réalisation qui en permet la réalisation...nous suspendons le délai contractuel à compter du 02/05/2018 et jusqu'à la complète réalisation par vos soins des travaux précités'.
Par courrier en 10 août 2018, le conseil des intimés avait indiqué à la société Mca que :
'A ce jour le chantier n'est toujours pas achevé et mes clients ont dû donner congés de leur bail d`habitation, ce qui les contraint actuellement à vivre en caravane dans l`attente de pouvoir prendre possession de la maison.
Ils ont eu à déplorer deux cambriolages sur leur chantier alors sous votre responsabilité dont le dernier survenu en avril 2018 à conduit au vol du compteur électrique et de l'ensemble des prises électriques qui avaient été posées dans la maison.
Depuis vous n'avez toujours pas remplacé le compteur ni repositionner les prises, ce qui empêche l'alimentation de la maison. le distributeur ne pouvant délivrer le Consuel ni raccorder l'immeuble au réseau en l'absence de compteur électrique !
[...]
Il reste en outre à réaliser principalement l'isolation des combles, la pose des volets et des menuiseries intérieures, la pose de le pompe à chaleur, la pose d'une grille sur une fenêtre, la pose des plinthes dans la salle de bain.
En outre lors du cambriolage la baie vitrée a été détériorée et doit être remplacée.
Par la présente, vous êtes mis en demeure de procéder sans délais à l'achèvement du chantier et à ,permettre le raccordement de l'immeuble au réseau EDF en reposant le compteur électrique'.
La livraison de la cuisine, reportée d'un commun accord à octobre 2018, n'a pas été réalisée, les intimés ne disposant pas de la place pour la stocker. [K] [G] a dans son courriel en date du 22 novembre 2018 fait mention de l'incompétence du maître d'oeuvre et de son remplacement. Celle-ci a par courrier en date du 4 juillet 2019 indiqué aux maîtres de l'ouvrage que :
'Nous vous avions informé par courrier recommandé du 02/05/2018 de l'arrêt de délai chantier pour la réalisation des travaux à votre charge.
Nous vous informons à présent que nous avons repris les travaux sous notre responsabilité à compter du 03/07/2019".
La persistance des difficultés rencontrées par les intimés avec la société Mca, maître d'oeuvre, n'est pas établie postérieurement à cette reprise du chantier de construction.
Il résulte de ces développements d'une part que le chantier a été interrompu pour permettre aux maîtres de l'ouvrage d'exécuter certains travaux qu'ils s'étaient réservés, d'autre part que les vols survenus sur le chantier n'ont pas fait obstacle à la reprise des travaux par le constructeur. L'incidence des vols sur la durée du chantier n'a par ailleurs pas été précisée.
Il ne peut dès lors être retenu que ce retard, indéterminé, et ses causes présentent les caractères, d'imprévibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité nécessaires à caractériser la force majeure. Les dispositions de l'article 1218 du code civil relatives à la suspension de l'exécution ne peuvent dès lors pas trouver application.
Le jugement sera pour ces motifs infirmé de ce chef.
Les intimés fondent par ailleurs leur demande de résolution du contrat non sur les dispositions de l'article 1217 du code civil mais sur celles de l'article 1218 alinéa 2 du code civil relatives à l'empêchement d'exécuter étant résulté de la force majeure. En l'absence de force majeure, cette demande ne peut aboutir. Elle sera pour ces motifs rejetée.
C - SUR UNE CLAUSE ABUSIVE
1 - sur une demande nouvelle
L'article L 212-1 du code de la consommation dispose notamment que:
'Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible'.
L'article L 212-3 du code de la consommation dans sa version applicable au litige rappelle, s'agissant des clauses abusives, que : 'Les dispositions du présent chapitre sont d'ordre public'.
Aux termes de l'article L 241-1 du code de la consommation : 'Les clauses abusives sont réputées non écrites'.
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à 'peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'. L'article 563 précise que : 'Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves', l'article 565 que 'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent' et l'article 566 que 'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.
La demande des appelants de voir déclarer abusif l'article 7 du bon de commande n'a d'autre finalité que d'obtenir le rejet des prétentions de l'appelante, demande formulée devant le premier juge. L'invocation des dispositions d'ordre public du code de la consommation relève dès lors non d'une demande nouvelle, mais d'un moyen nouveau admissible en appel.
La demande de l'appelante de voir ce moyen déclaré irrecevable sera pour ces motifs rejetée.
2 - sur le caractère abusif
Aux termes de l'article R 212-1 du même code :
'Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
1° Constater l'adhésion du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion ;
2° Restreindre l'obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses préposés ou ses mandataires ;
3° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre ;
4° Accorder au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat ou lui conférer le droit exclusif d'interpréter une quelconque clause du contrat ;
5° Contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service ;
6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ;
7° Interdire au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d'inexécution par le professionnel de ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou de son obligation de fourniture d'un service ;
8° Reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au consommateur ;
9° Permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non réalisées par lui, lorsque celui-ci résilie lui-même discrétionnairement le contrat ;
10° Soumettre, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation à un délai de préavis plus long pour le consommateur que pour le professionnel ;
11° Subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d'une indemnité au profit du professionnel ;
12° Imposer au consommateur la charge de la preuve, qui, en application du droit applicable, devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat'.
L'article R 212-2 précise que :
'Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
1° Prévoir un engagement ferme du consommateur, alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;
2° Autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d'arrhes au sens de l'article L. 214-1, si c'est le professionnel qui renonce ;
3° Imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné ;
4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable ;
5° Permettre au professionnel de procéder à la cession de son contrat sans l'accord du consommateur et lorsque cette cession est susceptible d'engendrer une diminution des droits du consommateur ;
6° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives aux droits et obligations des parties, autres que celles prévues au 3° de l'article R. 212-1 ;
7° Stipuler une date indicative d'exécution du contrat, hors les cas où la loi l'autorise ;
8° Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel ;
9° Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ;
10° Supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges'.
L'article 7 du bon de commande qui permet à la société Ambiance Valmond de percevoir le solde du prix dès lors que le bien n'est pas livré à la date convenue du fait de son contractant et non du sien, n'est pas abusif au sens des dispositions précitées.
La demande présentée sur ce fondement par les intimées sera pour ces motifs rejetée.
C - SUR LES DEMANDES EN PAIEMENT
1 - du solde du prix
L'appelante a mis les éléments de cuisine en livraison courant novembre 2018, soit près d'une année après la date de livraison initialement convenue et un mois après celle convenue en suite d'un échange de courriels desquels ils résulte que les intimés n'étaient au surplus pas joignables téléphoniquement.
Elle est dès lors fondée à solliciter paiement du solde du prix, soit 4.185,20 €. Les intérêts de retard sont dus au taux légal à compter du 17 mai 2019, date de la mise en demeure de payer.
Le jugement sera pour ces motifs infirmé en ce qu'il a dit que ce solde ne serait dû qu'au jour de l'achèvement des travaux permettant la pose de la cuisine.
2 - des frais de stockage
a - recevabilité
L'article 566 du code de procédure civile dispose que : 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.
L'article 7 du bon de commande stipule que : 'Si le client ne peut pas prendre livraison, il devra alors supporter, après sommation, tous les frais exposés par le concessionnaire ainsi que les frais de stockage des produits commandés'.
L'appelante n'avait pas sollicité paiement des frais de stockage des éléments de cuisine devant le premier juge. L'irrecevabilité de cette demande en paiement n'a pas été soulevée devant la cour.
Cette demande, qui résulte des stipulations de l'article précité relatif à l'exécution par les intimés de leurs obligations, notamment de prendre livraison des biens et d'en payer le prix, est l'accessoire et le complément nécessaire de la prétention initiale. Il n'y a dès lors pas lieu de faire application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et de soulever d'office l'irrecevabilité de cette demande en paiement.
b - sur la demande en paiement
Par courriel en date du 23 octobre 2018, [K] [G] a sollicité de l'appelante qu'elle décale de 15 jours la livraison de la cuisine. Par courriel en date du 7 novembre 2018, [F] [D] de la société Ambiance Valmond Cuisinella a indiqué aux intimés que :
'Je n'arrive pas à vous joindre sur votre numéro de portable un message de numéro non attribué tourne en boucle. Merci de bien vouloir prendre contact avec nous d'urgence pour nous fournir un numéro valide.
Il est aussi urgent et important de contacter le plus rapidement possible la société de livraison pour votre cuisine au 05 47 94 90 44.
Pour rappel suite au mail du 2 novembre 2018, un montant forfaitaire de 120 euros vous sera facturé par semaine de stockage de votre cuisine'.
Il a été rappelé par l'appelante dans ses courriers de mise en demeure en date du 20 novembre 2018 que :
'Suite à votre demande par mail du 23 octobre 2018 dans lequel vous demandiez le report de votre livraison de votre cuisine de 15 jour, j'ai bien pris en considération votre demande.
Depuis, je reste sans nouvelle de votre part, je n'arrive pas à vous joindre sur votre numéro de portable, un message de « numéro non attribué » tourne en boucle.
Suite aux mails du 02 novembre 2018, 07 novembre 2018 et du 20 novembre 2018 de la part de notre service après-vente client nous sommes toujours en attente d'une réponse.
Pour rappel un montant forfaitaire de 120€ est facturé depuis le 12 novembre par semaine de stockage de votre cuisine.
Il est urgent de contacter le plus rapidement possible la société de livraison Sintex au 05.47.94.90.44".
Ces correspondances sont demeurées sans suite.
Il résulte de ces développements que :
- l'appelante a, tenant compte des souhaits de ses clients, retardé la livraison de cuisine au mois de novembre 2018 ;
- les intimés, qui avaient accepté au bon de commande de supporter les frais de stockage des éléments de cuisine, ont eu connaissance de leur montant ;
- les époux [K] et [R] [G] n'ont pas donné suite aux sollicitations de l'appelante.
Par courrier en date du 18 mars 2020, la société Sintex-Tps, transporteur, a adressé à la société Ambiance Valmond sa facture n° NFV200032 en date du 14 février 2020, d'un montant toutes taxes comprises de 5.628 € relative aux 'Frais de stockage marchandises [G] depuis la semaine 43/2018" (70 € hors taxes x 67).
Par application des stipulations contractuelles, l'appelante est fondée à solliciter paiement des frais de stockage facturés par la société Sintex, au surplus d'un montant moindre que ceux annoncés.
Les intérêts de retard sont dus au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
3 - dommages et intérêts
L'article 1231-6 du code civil dispose que :
'Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire'.
L'appelante ne justifie pas d'un préjudice subi indépendant du retard de paiement que viennent réparer les intérêts moratoires. Sa demande présentée sur le fondement de l'article 1231-6 précité n'est pour ces motifs pas fondée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de l'appelante.
D - SUR L'INCIDENCE DE LA PROCÉDURE DE SURENDETTEMENT
L'article L 722-2 du code de la consommation dispose que : 'La recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu'alimentaires'.
L'article L 722-3 du même code précise que : 'Les procédures et les cessions de rémunération sont suspendues ou interdites, selon les cas, jusqu'à l'approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1, jusqu'à la décision imposant les mesures prévues aux articles L. 733-1, L.733-4, L. 733-7 et L. 741-1, jusqu'au jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou jusqu'au jugement d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire' et que : 'Cette suspension et cette interdiction ne peuvent excéder deux ans'.
Par délibération du 5 avril 2022, la commission de surendettement des particuliers de la Charente-Maritime a déclaré les époux [K] et [R] [G] recevables en leur déclaration de surendettement et orienté leur dossier vers une phase de conciliation. Les dispositions ci-dessus trouvent dès lors application.
E - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié n'y avoir lieu de faire droit aux demandes présentées sur ce fondement.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire application de ces dispositions en cause d'appel.
F - SUR LES DÉPENS
La charge des dépens de première instance et d'appel incombe aux intimés.
PAR CES MOTIFS,
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du 28 octobre 2020 du juge du contentieux de la protection du tribunal de proximité de Jonzac ;
et statuant à nouveau,
CONDAMNE in solidum les époux [K] et [R] [G] à payer à la société Ambiance Valmond les sommes de :
- 4.185,20 € avec intérêts de retard au taux légal à compter du 17 mai 2019 ;
- 5.628 € avec intérêts de retard à compter de la date du présent arrêt ;
CONSTATE que par délibération du 5 avril 2022, la commission de surendettement des particuliers de la Charente-Maritime a déclaré les époux [K] et [R] [G] recevables en leur déclaration de surendettement ;
RAPPELLE que cette décision de recevabilité emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens des débiteurs ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts de la société Ambiance Valmond ;
REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE in solidum les époux [K] et [R] [G] aux dépens de première instance de d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,