JMA/LD
ARRET N° 672
N° RG 21/00229
N° Portalis DBV5-V-B7F-GFQH
[D] [S]
C/
S.E.L.A.R.L. MJO
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 2]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 décembre 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS
APPELANT :
Monsieur [M] [D] [S]
né le 01 Octobre 1982 au PORTUGAL
[Adresse 1]
[Localité 5]
Ayant pour avocat plaidant Me Malika MENARD, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. MJO prise en la personne de Maître [W] [V] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL [K] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me Pierre LEMAIRE de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 2]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Après l'avoir employé dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée courant 2005 et 2006, la société [K] [Y] a employé M. [M] [D] [S] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 21 juillet 2006, en qualité d'ouvrier d'exécution.
Le 30 avril 2014, M. [M] [D] [S] a été victime d'un accident du travail.
Le 19 janvier 2015, à l'issue d'une visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [M] [D] [S] apte à son poste de travail avec limitations.
Le 2 novembre 2016, M. [M] [D] [S] a fait l'objet d'une rechute d'accident du travail.
A l'issue de deux visites de reprises des 5 décembre 2016 et 3 janvier 2017, le médecin du travail a déclaré M. [M] [D] [S] inapte à son poste de travail, précisant que ce dernier pourrait avoir une activité hors chantier, sans marche dans des dénivelés et sur terrain sans obstacle, sans effort de manutention ou effort de poussée/traction, sans travail à genoux ni accroupis.
Le 6 février 2017, la société [K] [Y] a convoqué M. [M] [D] [S] à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cet entretien a eu lieu le 15 février suivant.
Le 22 février 2017, la société [K] [Y] a notifié à M. [M] [D] [S] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 21 septembre 2018, M. [M] [D] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Poitiers aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir et en l'état de ses dernières prétentions, de voir :
- condamner la société [K] [Y] à lui payer les sommes suivantes :
- 36 900 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité ;
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonner à la société [K] [Y] de lui remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée.
Par jugement en date du 16 juillet 2020, le tribunal de commerce de Poitiers a prononcé la liquidation judiciaire de la société [K] [Y] et désigné la Selarl MJO en qualité de liquidateur de cette société.
Par jugement en date du 16 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Poitiers a :
- dit que le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur n'était pas fondé ;
- dit que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de reclassement ;
- dit que le licenciement de M. [M] [D] [S] était fondé ;
- débouté M. [M] [D] [S] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la société [K] [Y] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné M. [M] [D] [S] aux entiers dépens.
Le 19 janvier 2021, M. [M] [D] [S] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il :
- avait dit que le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur n'était pas fondé ;
- avait dit que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de reclassement ;
- avait dit que son licenciement était fondé ;
- l'avait débouté de l'ensemble de ses demandes ;
- l'avait condamné aux entiers dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 14 avril 2021, M. [M] [D] [S] demande à la cour :
- de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
- de juger qu'il a fait l'objet d'un licenciement abusif, faute pour l'employeur d'avoir respecté son obligation de reclassement ;
- en conséquence, de fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société [K] [Y] à la somme de 36 900 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- de juger que le non-respect de l'obligation de sécurité par la société [K] [Y] a dégradé son état de santé ;
- en conséquence, de fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société [K] [Y] à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- en tout état de cause, de fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la société [K] [Y] à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel ;
- de dire le 'jugement' à intervenir commun et opposable au CGEA de [Localité 2] qui devra garantie pour le tout ;
- d'ordonner à la liquidation judiciaire de la société [K] [Y] de lui remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée.
Par conclusions reçues au greffe le 9 juillet 2021, la Selarl MJO es qualité sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [M] [D] [S] de l'intégralité de ses demandes, l'infirme en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et condamne M. [M] [D] [S] à lui verser es qualité la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Enfin par conclusions reçues au greffe le 9 juillet 2021, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 2], ci-dessous dénommée le CGEA de [Localité 2], demande à la cour de :
- de confirmer le jugement entrepris ;
- en conséquence, de débouter M. [M] [D] [S] de l'ensemble de ses demandes et subsidiairement de réduire les sommes éventuellement allouées à ce dernier à de plus justes proportions ;
- de dire qu'il ne pourra consentir d'avances au représentant des créanciers que dans la mesure où la demande entre bien dans le cadre des dispositions des articles L 3253-6 et suivants du Code du travail ;
- de juger que sa garantie ne pourra s'exercer que dans les limites fixées par les articles L 3253-17 et suivants et D 3253-5 du Code du travail ;
- de juger que la déclaration de jugement commun ne peut rendre la décision opposable à l'AGS que dans les limites des conditions légales d'intervention de celle-ci ;
- de dire que la somme éventuellement allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ne relève pas de sa garantie.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 5 septembre 2022 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 3 octobre 2022 à 14 heures pour y être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur la demande formée par M. [M] [D] [S] tendant au paiement de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité :
Au soutien de son appel, M. [M] [D] [S] expose en substance :
- que l'employeur est tenu, en vertu des dispositions de l'article L 4121-1 du Code du travail, d'assurer la sécurité de ses salariés, et son obligation en la matière est une obligation de résultat ;
- que l'accident du travail dont il a été victime le 30 avril 2014 est survenu alors qu'il travaillait sur un chantier sans que les protections élémentaires n'aient été assurées ;
- que plus précisément, la pompe à béton qu'il utilisait alors a touché un câble électrique et il a été électrocuté et a perdu connaissance ;
- que la société [K] [Y] avait laissé ses salariés travailler trop près d'une ligne à haute tension et sans s'assurer que le matériel nécessaire pouvait être utilisé sans danger ;
- qu'à la suite de cet accident du travail il a subi de lourdes séquelles ;
- que lorsqu'il a repris son poste de travail, ses conditions de travail et le non-respect par l'employeur des limitations fixées par le médecin du travail ont été la cause de sa rechute en 2016 laquelle a entraîné son inaptitude définitive ;
- qu'il verse aux débats des attestations qui corroborent ses dires et qui rendent compte de ce qu'aucun aménagement de poste n'a été accepté par l'employeur lorsqu'il a repris ses fonctions.
En réponse, la Selarl MJO es qualité objecte pour l'essentiel :
- que M. [M] [D] [S] qui supporte la charge de la preuve en la matière, ne produit aux débats aucun élément justificatif tenant au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
- que les quelques témoignages versés aux débats par M. [M] [D] [S] sur ce plan sont imprécis et ne permettent pas d'établir qu'une violation d'une quelconque règle de sécurité aurait été à l'origine de son accident du travail ;
- que M. [M] [D] [S] ne rapporte pas davantage la preuve de ce que ce sont ses conditions de travail à la suite de la reprise de ses activités dans l'entreprise qui auraient été la cause de son licenciement ni de ce que l'employeur n'avait pas respecté les préconisations du médecin du travail à cette époque.
Le CGEA de [Localité 2] fait valoir :
- que M. [M] [D] [S] n'a pas précisé devant les premiers
juges ni en cause d'appel, les obligations légales ou réglementaires dont la méconnaissance aurait été à l'origine de son accident ;
- que de même il ne démontre pas que les limitations prescrites par le médecin du travail n'auraient pas été respectées.
L'article L 4121-1 du Code du travail énonce :
'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
- Des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité du travail ;
- Des actions d'information et de formation ;
- La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes'.
Aussi l'employeur doit-il assurer aux salariés une protection effective de leur sécurité et tout mettre en oeuvre à cette fin avant que ne survienne l'événement qui portera atteinte à leur intégrité, la protection qui lui incombe devant s'entendre comme portant sur tous risques pouvant affecter la sécurité des salariés.
En l'espèce, dans le but de démontrer que l'employeur avait manqué à son égard à son obligation de sécurité, M. [M] [D] [S] verse aux débats :
- sa pièce n°8 : il s'agit de la déclaration d'accident du travail que la société [K] [Y] a adressée à la CPAM compétente à la suite de l'accident du travail dont M. [M] [D] [S] avait été victime le 30 avril 2014 et dans laquelle la société [K] [Y] indiquait, sans réserve, qu'au moment de l'accident M. [M] [D] [S] utilisait une pompe à béton puis que cette 'pompe à béton avait touché de l'électricité' et que M. [M] [D] [S] avait 'été électrocuté, puis était tombé sans connaissance dans la fosse où était versé le béton'
- sa pièce n°13 : il s'agit d'une attestation établie par M. [P] [B], ancien collègue de M. [M] [D] [S] dans l'entreprise, qui y déclare en substance qu'il a été témoin des faits du 30 avril 2014, que le chantier où lui et M. [M] [D] [S] travaillaient était situé au-dessous d'une ligne de haute tension et que, lors des opérations de roulage des 'semelles' de béton, 'le bras de la pompe' était 'passé trop près des lignes' ce qui avait créé un arc électrique ;
- sa pièce n°14 : il s'agit d'une attestation établie par M. [J] [C] qui y déclare avoir été témoin et victime de l'accident du 30 avril 2014 mais n'apporte aucune précision sur les causes précises de celui-ci.
Ces pièces établissent clairement que le chantier sur lequel M. [M] [D] [S] était affecté le 30 avril 2014 et où il a été victime d'un grave accident du travail par électrocution, se trouvait implanté sous une ligne électrique à haute tension.
Or alors même que la présence de cette ligne de haute tension au-dessus du chantier en question était de nature à faire courir un risque grave d'accident pour les salariés de la société [K] [Y] qui s'y trouvaient affectés, il n'est pas démontré ni même soutenu que celle-ci avait, préalablement à l'ouverture de ce chantier ou au cours de celui-ci et avant que ne survienne l'accident dont M. [M] [D] [S] été victime, donné à ce dernier des consignes de sécurité ou mis en place une action quelconque destinée à prévenir cet accident ou à en empêcher la survenance.
En omettant de prendre toute disposition à ces fins, la société [K] [Y] avait manqué à l'égard de M. [M] [D] [S] à ses obligations en matière de sécurité au travail.
La gravité de ce manquement et celle des conséquences de l'accident du 30 avril 2014 sur la santé de M. [M] [D] [S] et son avenir professionnel, lesquelles sont démontrées par les pièces que celui-ci verse aux débats, justifie de fixer sa créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] [Y] à hauteur de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
- Sur les demandes formées par M. [M] [D] [S] au titre du licenciement :
Au soutien de son appel, M. [M] [D] [S] expose en substance :
- que son inaptitude a été reconnue d'origine professionnelle et était exclusivement due au non-respect par la société [K] [Y] de son obligation de sécurité et au défaut d'application des limitations que le médecin du travail avaient spécifiées lors de sa reprise en 2015 ;
- que la société [K] [Y] était tenue à son égard d'une obligation de reclassement ;
- qu'en outre sur ce plan, son inaptitude étant d'origine professionnelle, la société [K] [Y] était tenue de consulter les représentants du personnel ce dont elle s'est abstenue ;
- que la société [K] [Y] devait procéder à une recherche active de reclassement à son profit mais s'est en réalité contentée de prétendre qu'il n'existait aucun poste disponible en son sein ;
- que compte-tenu des précisions apportées par le médecin du travail, la société [K] [Y] aurait pu lui proposer un poste de chef de chantier ou de conducteur de travaux voire un poste de commercial, postes qu'il était parfaitement apte à tenir ;
- que son licenciement devra donc être déclaré abusif et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devra lui être allouée.
En réponse, la Selarl MJO es qualité objecte pour l'essentiel :
- que la thèse de M. [M] [D] [S] selon laquelle la cause de son inaptitude serait imputable à l'employeur est totalement infondée ;
- que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyen et que cette obligation cesse en l'absence de poste disponible permettant le reclassement du salarié déclaré inapte ;
- qu'il n'existait au sein de l'entreprise aucun poste répondant aux préconisations du médecin du travail, ainsi que cela ressort du registre du personnel qu'elle communique ;
- que les postes de reclassement évoqués par M. [M] [D] [S] n'étaient pas disponibles et en outre supposaient des qualifications dont ce dernier ne disposait pas ;
- que par ailleurs il ne peut être fait grief à l'employeur de ne pas avoir consulté les représentants du personnel au sujet du reclassement de M. [M] [D] [S] puisque cette entreprise ne disposait pas d'institutions représentatives du personnel, ce que prouve le procès verbal de carence des candidatures lors de l'organisation du dernier scrutin qu'elle produit aux débats.
Le CGEA de [Localité 2] fait valoir :
- que le jugement entrepris n'encourt aucune critique et doit être confirmé de ce chef, étant ajouté que la demande indemnitaire de M. [M] [D] [S] est manifestement excessive.
Il est acquis que lorsque le licenciement d'un salarié est prononcé au motif de son inaptitude et que cette inaptitude est la conséquence d'un manquement de l'employeur à ses obligations en matière de sécurité au travail, le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, d'une part il ressort clairement de l'avis d'inaptitude définitif rendu à l'égard de M. [M] [D] [S] par le médecin du travail le 3 janvier 2017 que cette inaptitude s'inscrit dans la suite de l'accident du travail dont le salarié avait été victime le 30 avril 2014, étant rappelé que la cour a d'ores et déjà exposé que cet accident avait été la conséquence de manquements de l'employeur à ses obligations en matière de sécurité au travail.
En outre l'avis rendu par le médecin du travail le 28 septembre 2015 (pièce de M. [M] [D] [S] n°18) à l'occasion de la visite de reprise dont le salarié avait bénéficié à la suite des arrêts de travail qui lui avaient été prescrits consécutivement à son accident du travail du 30 avril 2014, mentionnait que ce dernier devait éviter 'les dénivelés très fréquents (ouverture de selles, sols instables ....)'.
Or il ressort des pièces produites par M. [M] [D] [S], qu'après la reprise par celui-ci de son poste de travail en 2015, la société [K] [Y] a continué de l'affecter sur des chantiers aux sols non nivelés ou accidentés (ses pièces n°15, 21 et 24), n'a pris aucune disposition tenant compte de ses problèmes de santé (ses pièces n°21 et 23) et encore que M. [M] [D] [S] avait été amené à travailler sur des fondations, des vides sanitaires et des soubassements où le travail à plat était impossible (sa pièce n° 23).
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments, à l'encontre desquels les intimés n'opposent aucune pièce de nature à remettre en cause leur fiabilité ou leur exactitude, que l'inaptitude au motif de laquelle M. [M] [D] [S] a été licencié a été la conséquence des manquements de la société [K] [Y].
En conséquence la cour retient que le licenciement de M. [M] [D] [S] se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse et, tenant compte des éléments communiqués par ce dernier en lien avec les conséquences de la rupture de son contrat de travail, des circonstances de cette rupture, du montant de sa rémunération, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, fixe sa créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société De Oliveira [Y] à hauteur de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La cour ordonne à la Selarl MJO es qualité de remettre à M. [M] [D] [S] une attestation Pôle Emploi rectifiée tenant compte du présent arrêt.
- Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
M. [M] [D] [S] ayant obtenu gain de cause pour une large partie de ses demandes, les dépens tant de première instance que d'appel seront réputés frais privilégiés de la procédure collective ouverte à l'égard de la société [K] [Y].
En outre il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [M] [D] [S] les frais par lui exposés et non compris dans les dépens. Aussi sa créance au titre des frais irrépétibles sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] [Y] à la somme de 2 500 euros, la cour infirmant le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [M] [D] [S] de sa demande formée sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société [K] [Y] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Et, statuant à nouveau :
- Dit que le licenciement de M. [M] [D] [S] s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- Fixe la créance de M. [M] [D] [S] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société [K] [Y] comme suit :
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité au travail ;
- 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles ;
- Ordonne à la Selarl MJO es qualité de remettre à M. [M] [D] [S] une attestation Pôle emploi rectifiée tenant compte du présent arrêt ;
- Déclare le présent arrêt opposable au CGEA de [Localité 2] ;
- Rappelle que :
- la garantie de l'AGS est subsidiaire et que donc la présente décision est opposable au CGEA de [Localité 2] dans la seule mesure d'une insuffisance de disponibilités entre les mains du liquidateur judiciaire ;
- l'AGS ne garantit pas l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du Code du travail que dans les limites et conditions posées par les articles L 3253-17 et suivants et D 3253-5 du même code ;
- l'obligation du CGEA de faire l'avance des créances garanties compte-tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le liquidateur judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
- Dit que les dépens de première instance et d'appel seront réputés frais privilégiés de la procédure collective.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,