ARRÊT N°530
N° RG 21/00143
N° Portalis DBV5-V-B7F-GFLG
[X]
C/
[I]
et autres (...)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 novembre 2020 rendu par le Tribunal de proximité de ROCHEFORT
APPELANTE :
Madame [K] [X]
née le 08 Avril 1954 à [Localité 8] (86)
[Adresse 7]
[Localité 2]
ayant pour avocat postulant Me Régis SAINTE MARIE PRICOT de la SELARL ACTE JURIS, avocat au barreau de SAINTES
INTIMÉS :
Monsieur [T] [I]
né le 30 Mai 1935 à [Localité 2] (17)
[Adresse 7]
[Localité 2]
ayant pour avocat postulant Me Dimitri BUISSON de l'AARPI LEX VALORYS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
S.C.E.A. [Adresse 7]
N° SIRET : 400 833 646
[Adresse 7]
[Localité 2]
ayant pour avocat postulant Me Dimitri BUISSON de l'AARPI LEX VALORYS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMMUNE DE [Localité 14]
représentée par son Maire en exercice
[Adresse 11]
[Localité 1]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Aurélie REMY de la SCP LLM SOCIÉTÉ D'AVOCATS LEFEBVRE LAMOUROUX..., avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte d'huissier en date du 16 février 2016, M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] ont fait assigner Mme [K] [X] et la commune de [Localité 12] devant le tribunal d'instance de ROCHEFORT SUR MER aux fins de bornage de leurs propriétés respectives situées commune de [Localité 12] et cadastrées section E n° [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] pour les demandeurs et E [Cadastre 3] pour Mme [K] [X] et le chemin communal dit "[Adresse 7]" appartenant à la commune.
Subsidiairement ils demandaient une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 02 juin 2016, le tribunal d'instance de ROCHEFORT SUR MER a fait droit à cette demande en désignant M. [V] [D] pour y procéder.
L'expert a déposé une note de synthèse dans laquelle il conclut à l'inadaptation de la procédure de bornage au litige existant qui selon lui porte en réalité sur la limite entre l'emprise d'une voie communale et la propriété de Mme [K]
[X].
Par jugement du 08 juin 2017, le tribunal d'instance de ROCHEFORT SUR MER a alors ordonné une nouvelle mesure d'expertise confiée de nouveau à M. [D], lequel a déposé son rapport définitif le 22 octobre 2018.
M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] ont alors sollicité de voir constater que le rocher installé par Mme [K] [X] se trouvait au moins partiellement sur la chaussée, domaine public de la commune, de voir enjoindre à la commune de [Localité 14] de faire part de sa position quant au présent litige et notamment de préciser si une démarche amiable d'enlèvement a été présentée à Mme [K] [X] et de voir condamner Mme [K] [X] à leur verser 2500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Mme [K] [X] concluait au débouté aux motifs que la commune aurait communiqué l'arrêté d'alignement de 2013 au regard duquel l'empiétement du rocher sur la voie publique serait de douze centimètres au maximum ce qui constituerait un empiétement peu important surtout eu égard à la marge d'erreur retenue par l'expert.
Elle réclamait la condamnation solidaire de M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] à lui verser 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La commune de [Localité 14], venant aux droits de la commune de [Localité 12], s'opposait aux demandes présentées à son encontre au motif que le litige serait un litige entre personnes privées dans lequel elle ne souhaiterait pas s'immiscer et qu'elle aurait néanmoins effectuer toutes démarches amiables vis à vis des parties dans le respect du principe de neutralité des personnes publiques.
Elle réclamait la condamnation de toute partie succombante à lui verser 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 05 décembre 2019, le tribunal d'instance a ordonné un transport sur les lieux.
La loi de programmation pour la justice a supprimé le tribunal d'instance et la procédure a été transférée en l'état au tribunal de proximité de ROCHEFORT SUR MER devenu seul compétent pour en connaître.
En raison de la grève des avocats puis du confinement lié à la crise sanitaire, le transport sur les lieux a été renvoyé à plusieurs reprises et s'est finalement déroulé le 09 juillet 2020.
Il a été constaté que le rocher objet du litige avait été déplacé et ne se trouvait pas sur la voie publique mais sur la propriété de Mme [X].
A l'audience du 15 octobre 2020, M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] ont sollicité qu'il soit constaté que le rocher avait été déplacé de façon à leur permettre désormais de circuler normalement, de voir en conséquence débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes et de les voir condamner au paiement de la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [K] [X] sollicitait la condamnation de la commune de [Localité 14] à communiquer la facture de la société ALLIANCE et le justificatif selon lequel cette société aurait interrogé la commune avant de déplacer le rocher et ce sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
Elle réclamait en outre la condamnation de la commune de [Localité 14] à remettre le rocher en place sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ainsi que la condamnation solidaire des autres parties à lui verser 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.
La commune de [Localité 14] s'opposait à l'ensemble des demandes présentées à son encontre et réclame la condamnation de toutes parties succombantes à lui verser 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 19/11/2021, le tribunal de proximité de ROCHEFORT SUR MER a statué comme suit :
'- CONSTATE que le rocher objet du litige n'empiète plus sur la voie publique et se trouve désormais entièrement sur la propriété de Mme [K] [X] à laquelle il appartient,
- DÉBOUTE Mme [K] [X] de l'ensemble de ses demandes y compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- DÉBOUTE la COMMUNE de [Localité 14] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNE in solidum Mme [K] [X] et la COMMUNE de [Localité 14] à verser à M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] la somme de TROIS MILLE EUROS (3000€) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- le litige existant, s'il est né entre M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] et Mme [K] [X], concerne également la commune puisqu'il est noté un empiétement sur la voie publique.
- l'expert a relevé un empiétement minimum de douze centimètres et ce uniquement au vu de l'arrêté d'alignement lequel ne constitue pas un titre de propriété et ne peut établir la propriété du sol.
Relativement aux plans établis par M. [P] en 1980 ou par M. [R] en 2013, l'empiétement serait encore plus important.
- les erreurs relevées par l'expert ne remettent pas en cause les distances constatées par M. [D] et ses conclusions sur l'existence d'un empiétement au minimum de 12 centimètres.
- Maître [U], huissier de justice associé à [Localité 9], a constaté le 17 avril 2015 que certains des engins de M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] ne pouvaient pas passer à côté de ce rocher et ce même en manoeuvrant au mieux.
- M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] avaient intérêt à agir et que leur action est parfaitement recevable.
- il a été constaté lors du transport sur les lieux du 09 juillet 2020 que le rocher avait été déplacé et qu'il se trouvait désormais sur la seule propriété de Mme [K] [X].
Il n'y a plus lieu de statuer sur l'enlèvement du bloc de pierre, mais seulement de constater qu'il n'empiète plus sur la voie publique.
- Mme [K] [X] ne produit strictement aucune pièce de nature à établir que le rocher aurait été déplacé par la commune
- à supposer ce fait avéré, il serait entièrement justifié par l'empiétement de ce bloc de pierre sur la voie publique, empiétement alors établi par le rapport de l'expert basé sur les plans de bornage établis successivement par deux géomètres experts.
- la communication de la facture et de toute information de la part de la société intervenue pour couper les peupliers à la demande de la commune de [Localité 14] est sans intérêt pour la solution du litige.
- il n'y a pas lieu d'ordonner le déplacement du rocher, désormais sur la propriété de Mme [X].
- Mme [X] a volontairement installé un bloc de pierre sur la voie publique sans que cet emplacement ne soit indispensable pour elle ;
Que, avisée de ce que ce rocher gênait son voisin, elle s'est obstinément refusée à le retirer. Lors du transport sur les lieux du tribunal, elle n'a pas comparu démontrant qu'elle ne souhaitait aucun accord amiable
- la commune de [Localité 14] ne justifie pas de démarches amiables antérieures à part à l'égard de M. [I] par un courrier.
Dans cette lettre, le maire prenait position en faveur de Mme [K] [X], contredisant ainsi d'ailleurs sa position de neutralité aujourd'hui affichée dans ses conclusions Mme [K] [X] et la commune de [Localité 14] seront en conséquence condamnés in solidum aux dépens et à verser à M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] la somme de 3000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA COUR
Vu l'appel en date du 14/01/2021 interjeté par Mme [K] [X]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 17/06/2022, Mme [K] [X] a présenté les demandes suivantes :
'Réformer le jugement du tribunal de proximité de Rochefort-sur-Mer en date du 19 novembre 2020 en ce qu'il a :
Débouté Mme [K] [X] de l'ensemble de ses demandes, y compris celle fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamné in solidum Mme [K] [X] et la commune de [Localité 14] à verser à M. [T] [I] et à la SCEA [Adresse 7] la somme de trois mille euros (3000 €) en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamné in solidum Mme [K] [X] et la commune de [Localité 14] aux entiers dépens en ce compris les frais de l'expertise judiciaire.
Rejeté la demande de Mme [K] [X] tendant à voir la demande en bornage formée par M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] irrecevable, ses propriétés n'étant pas contiguës avec celle de Mme [K] [X].
Rejeté la demande de Mme [K] [X] tendant à voir débouter M. [I] et la SCEA [Adresse 7] de l'intégralité de leurs demandes et les renvoyer à mieux se pourvoir.
Rejeté la demande de Mme [K] [X] tendant à voir condamner la commune de [Localité 14] à repositionner le rocher propriété de [K] [X], déplacé par sa mandataire la société ALLIANCE FORÊTS BOIS sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de la décision devenue définitive.
Rejeté la demande de Mme [K] [X] tendant à voir condamner M. [T] [I] et à la SCEA [Adresse 7] et la commune de [Localité 14] solidairement à lui régler la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejeté la demande de Mme [K] [X] tendant à voir condamner les mêmes solidairement aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de l'expertise judiciaire.
Statuant à nouveau
Déclarer la demande en bornage formée par M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] irrecevable, ses propriétés n'étant pas contiguës avec celle de Mme [K] [X].
Débouter M. [I] et la SCEA [Adresse 7] de l'intégralité de leurs demandes et les renvoyer à mieux se pourvoir.
Condamner la commune de [Localité 14] à produire la facture de la société ALLIANCE et le justificatif qu'elle a interrogée sur l'éventuel enlèvement litigieux, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.
En tant que de besoin, ordonner l'audition du dirigeant de la société ALLIANCE.
Condamner la commune la commune de [Localité 14] à repositionner sur le fonds de Mme [X] le rocher, déplacé en limite de la voie communale, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir
Condamner in solidum M. [I] la SCEA [Adresse 7] et la commune de [Localité 14] au paiement de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et aux entiers dépens de première instance en ce compris ceux des expertises judiciaires.
Condamner in solidum M. [I] la SCEA [Adresse 7] et la commune de [Localité 14] au paiement de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, outre aux entiers dépens d'appel, par application de l'article 699 du même code'.
A l'appui de ses prétentions, Mme [K] [X] soutient notamment que :
- par jugement avant dire droit, du 8 juin 2017, et donc sans se prononcer au fond sur les demandes des parties, dont il restait saisi, le tribunal ordonnait une mesure d'expertise confiée de nouveau à M. [D]. Par un nouveau jugement avant dire droit du 5 décembre 2019, il ordonnait un transport sur les lieux.
Postérieurement, Mme [K] [X] demandait que la demande en bornage formée par M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] soit déclarée irrecevable, ses propriétés n'étant pas contiguës à la sienne et complétait ses demandes, seuls les propriétaires des parcelles concernées ayant qualité pour agir en bornage.
L'action principale était d'autant plus vouée à l'échec que M. [I] a reconnu les limites de propriétés en régularisant un procès-verbal de bornage le 24 avril 2013
- la demande de M. [I] et la SCEA [Adresse 7] tendait bien au bornage de la propriété cadastrée N° E [Cadastre 3] ainsi que du chemin communal « [Adresse 10] » puisqu'il était sollicité que soient délimitées « la propriété cadastrée section E [Cadastre 3] et le [Adresse 7] ».
- les demandeurs faisaient l'aveu qu'ils ont saisi la juridiction car Mme [X] aurait délibérément positionné un rocher sur la voie communale pour empêcher le passage des engins agricoles utilisés par la SCEA [Adresse 7].
- le rocher n'a pas simplement été déplacé, il l'a été contre le mur de l'enceinte de la propriété ce qui constitue une atteinte à son droit de propriété, de sorte qu'il ne protège plus l'aire de stationnement de son véhicule, qui a été une fois abîmé par ses voisins qui ont refusé d'établir un constat.
- il n'a pas été statué sur l'action en bornage.
- au regard de la proportion prise par la procédure, Mme [X], qui souhaitait surtout mettre un terme au litige n'a pas entendu plaider à titre principal l'incompétence matérielle de la juridiction du premier degré.
- il y a omission de statuer sur l'absence de gène du fait du rocher, le tracteur pouvant passer au vu des photographies produites. Au cours de l'expertise judiciaire, M. [D] n'a relevé aucune trace d'éraflure sur le rocher
- sur l'absence d'empiétement, lorsque l'expert conclut à l'existence d'un léger empiétement d'environ 12 cm au maximum en considération de l'arrêté d'alignement délivré par la mairie en 2013, cet éventuel empiétement ne peut qu'être considéré comme peu notable, d'autant que l'expert en page 11 de son rapport a relevé une marge d'erreur importante.
- le rapport d'expertise ne pouvait permettre au tribunal, pour condamner l'appelante à une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de se prononcer comme il l'a fait, sur un empiétement certain sur la voie publique.
La gène provoquée par le rocher n'a pas été établie, alors que l'huissier n'a rien constaté lui-même et qu'un ensemble routier camion et sa remorque chargée de billes de bois, n'a pas connu de gène.
- la seule conséquence de la présence du rocher est de ralentir la vitesse de passage des tracteurs à l'effet de protéger le véhicule de Mme [X] qu'elle peut garer le long du mur.
- le déplacement du rocher a été reconnu par la commune par courrier de son avocat.
En sa qualité de mandant de l'entreprise ALLIANCE FORÊTS BOIS, la commune doit répondre des fautes commises par elle.
Il y a lieu de condamner la commune de [Localité 14] d'une part à produire la facture de la société ALLIANCE dont le dirigeant pourra être auditionné, et le justificatif de ce qu'elle l'a interrogée sur l'éventuel enlèvement litigieux, sous astreinte de 50 € par jour de retard, d'autre part à repositionner sur le fonds de Mme [X] le rocher déplacé, en limite de voie communale, cela sous astreinte.
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 21/06/2021, la société SCEA [Adresse 7] et M. [T] [I] ont présenté les demandes suivantes :
'Vu les articles 696 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de Proximité de ROCHEFORT le 19 Novembre 2020,
CONFIRMER en son intégralité le jugement du tribunal de proximité de ROCHEFORT rendu le 19 Novembre 2020,
EN CONSÉQUENCE :
DÉBOUTER Mme [X] de l'ensemble de ses demandes tendant à voir réformer le jugement dont appel,
DÉBOUTER Mme [X] de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens'.
A l'appui de leurs prétentions, la société SCEA [Adresse 7] et M. [T] [I] soutiennent notamment que :
- Mme [X] a entendu mettre un terme au passage de tout engin en faisant installer un énorme rocher sur le chemin desservant les différentes parcelles.
Mme [X] estime en effet qu'une partie de ce chemin lui appartient et qu'elle est donc en droit de poser ce rocher là où elle l'entend.
Ce rocher n'a donc aucune utilité sauf celle d'empêcher l'exploitant agricole d'accéder à une partie de son exploitation.
- M. [I], en sa qualité de propriétaire des parcelles adjacentes à celle de Mme [X] et la SCEA [Adresse 7], en sa qualité d'exploitant de ces mêmes parcelles, ont décidé de saisir le tribunal d'instance de ROCHEFORT aux fins de déterminer les limites de propriété de la parcelle section E n°[Cadastre 3].
Un rapport d'expertise était déposé le 22 octobre 2018, lequel était sans équivoque quant à l'existence d'un empiétement quand bien même celui-ci n'était que de quelques centimètres.
- Mme [X] n'a pas daigné être présente lors du transport sur les lieux, ce qui ne l'a pas empêchée de déplacer le rocher (elle ou la commune).
- l'action n'a pas été détournée mais les fondements ont évolué au gré de l'avancement de la procédure. Aucune demande de bornage ou afférente à un empiétement n'a été in fine présentée devant le tribunal de proximité.
- Il n'y avait donc pas lieu de statuer sur une demande inexistante tandis que Mme [X] ne s'est pas portée demanderesse reconventionnelle.
- le tribunal a statué sur la gène causé par le rocher en constatant que Mme [X] avait, certes, à nouveau déplacé le rocher faisant ainsi cesser l'empiétement, mais qu'en tout état de cause la gêne occasionnée avait été avérée sur la foi des pièces produites au débat.
- sur la prétendue absence d'empiétement du rocher M. [D], expert, a réuni les parties à plusieurs reprises sur les lieux sans que jamais il ne soit possible de converser avec Mme [X]. Il en ressort un empiétement et une gène.
- le rocher a été déplacé, tel que constaté lors du transport sur les lieux, tandis que l'expert avait bien noté un léger empiétement.
- au terme d'un courrier en date du 9 juillet 2020 le conseil de la commune avait informé les parties et leurs conseils que l'entreprise ALLIANCE FORET BOIS avait enlevé le rocher pour passer, sans en informer la commune au préalable.
Cet état de fait était logique puisque l'entreprise était mandatée pour couper les peupliers et qu'à cet égard elle se devait de déplacer le rocher.
Le déplacement du rocher est bien de la responsabilité de la commune.
- si les intimés peuvent aujourd'hui emprunter le chemin, c'est uniquement en raison de son déplacement avant le transport sur les lieux.
- ils ont à maintes reprises tenté de trouver un arrangement amiable, proposant même lors des audiences, la mise en place d'une médiation.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 30/07/2021, la commune DE SAINT-PIERRE-LA-NOUE a présenté les demandes suivantes :
'A TITRE PRINCIPAL :
- REJETER les demandes de Mme [X] comme étant infondées,
- DÉBOUTER Mme [X] de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- CONDAMNER Mme [X] à verser à la commune la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de la procédure,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- DÉBOUTER Mme [X] sur l'ensemble des moyens soulevés dans son assignation,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
- DÉCLARER la juridiction judiciaire comme étant incompétente pour statuer sur les demandes de Mme [X]
STATUER ce que de droit sur les dépens de la procédure'.
A l'appui de ses prétentions, la commune de SAINT-PIERRE-LA-NOUE soutient notamment que :
- la commune a mandaté l'entreprise ALLIANCE FORETS BOIS située à [Localité 13] pour couper les peupliers dont la commune est propriétaire sur l'une des parcelles située à l'arrière de la ferme de M. [I].
Dès lors, cette entreprise, en voulant passer par le chemin écureuils, a très certainement déplacé le rocher qui devait la gêner.
La commune réitère ses déclarations en ce qu'elle n'a absolument pas mandaté l'entreprise pour déplacer le rocher de Mme [X] ni donné son accord.
- la commune ne saurait se voir enjoindre de produire le justificatif de la demande d'enlèvement du rocher étant donné que ce n'est pas la mission qui a été confiée à l'entreprise ALLIANCE, mais celle de la coupe de peupliers.
- le tribunal a statué sur la question de la gène du fait du rocher, tenant compte du procès-verbal de constat d'huissier de justice de Maître [U] qui a constaté, le 17 avril 2015, que certains des engins de M. [T] [I] et la SCEA LES ANGES ne pouvaient pas passer à côté de ce rocher.
- à titre infiniment subsidiaire, lorsqu'il existe un empiétement sur le domaine public, c'est au juge administratif de se prononcer sur les atteintes et les troubles observés.
Le [Adresse 7] est un chemin communal qui appartient à la commune.
Si la cour ne déboute Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, elle pourrait se déclarer incompétente pour en connaître puisqu'il s'agit là d'un empiétement sur le domaine public communal dont la requérante, elle-même, en était à l'origine.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 27/06/2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en bornage :
Par actes d'huissier en date du 16 février 2016, M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7] ont fait assigner Mme [K] [X] et la commune de [Localité 12] devant le tribunal d'instance de ROCHEFORT SUR MER aux fins de bornage de leurs propriétés respectives situées commune de [Localité 12] et cadastrées section E n° [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] pour les demandeurs et E [Cadastre 3] pour Mme [K] [X] et le chemin communal dit "[Adresse 7]" appartenant à la commune.
Toutefois, et après jugements en date du 02 juin 2016, puis le 08 juin 2017, par lesquelles le tribunal d'instance de ROCHEFORT SUR MER a alors ordonné une mesure d'expertise avant dire droit confiée à M. [D] qui a déposé son rapport définitif le 22 octobre 2018, le tribunal d'instance, par jugement du 05 décembre 2019, a ordonné un transport sur les lieux, réalisé le 9 juillet 2020, il y a lieu de constater que la demande en bornage n'est plus poursuivie par M. [I] et la SCEA.
Dans les suites de la procédure, la demande en bornage n'a plus été poursuivie par M. [I] et la SCEA.
De même, ni Mme [X], ni la commune de SAINT-PIERRE-LA-NOUE ne poursuivent à titre reconventionnel une demande de bornage.
Faute de demande poursuivie sur ce point par M. [T] [I] et la SCEA [Adresse 7], il ne peut être relevé d'omission de statuer de la part du tribunal de proximité, qui n'était plus saisi d'une telle demande.
Sur la gène constitué par la présence du rocher et son empiétement :
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que M. [D] a précisément relevé :
'Position du bloc de pierre installé par Mme [X] :
Par rapport à l'alignement délivré par la mairie en 2013, le rocher installé par Mme [X] empiète légèrement sur l'emprise de la voie, soit 12 cms (voir plan d'expertise n°2).
Par rapport au plan établi par le cabinet [P] en 1980 le rocher posé par Mme [X] se trouve sur la chaussée (voir plan d'expertise n°4)
Par rapport au plan établi par le cabinet [R] en 2013, le rocher posé par Mme [X] se trouve entièrement sur la chaussée (voir plan d'expertise n°2)."
Si un arrêté d'alignement ne confère pas de droit acquis, il ressort des plans précédemment établis par deux géomètres que le rocher positionné par Mme [X] se trouvait en situation d'empiétement, même mesuré et en tenant compte d'une marge d'erreur, sur le chemin communal.
En outre, et en dépit des photographies versées aux débats, il ressort du constat d'huissier de justice dressé par Maître [U] le 17 avril 2015, que certains des engins de M. [T] [I] et la SCEA LES ANGES ne pouvaient passer à côté de ce rocher et ce même en manoeuvrant au mieux, s'agissant en l'espèce d'un tracteur agricole auquel un engin est attelé, cas de figure habituel, le tracteur devant repartir en marche arrière selon le constat effectué.
Ainsi, la présence du rocher constituait une gène effective au passage de véhicules , même si ceux-ci, doivent être maîtrisés et et leur allure adaptée par leurs conducteurs à la configuration des lieux.
Le tribunal a ainsi retenu à bon droit l'existence d'un empiétement originel d'au minimum 12 cm sur la voie publique, tout en considérant la modification de la situation après que le rocher litigieux avait été déplacé, mettant fin à la situation d'empiétement et le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté 'que le rocher objet du litige n'empiète plus sur la voie publique et se trouve désormais entièrement sur la propriété de Mme [K] [X] à laquelle il appartient'.
Sur la demande de replacement du rocher :
Il est établi que la commune a mandaté l'entreprise ALLIANCE FORETS BOIS située à [Localité 13] pour couper les peupliers dont la commune est propriétaire sur l'une des parcelles située à l'arrière de la ferme de M. [I].
La commune intimée déclare supposer que cette entreprise, en voulant passer par le [Adresse 7], a très certainement déplacé le rocher qui devait la gêner, tout en soutenant qu'elle n'a absolument pas mandaté l'entreprise pour déplacer le rocher de Mme [X] ni donné son accord pour ce faire.
Elle assure n'avoir jamais demandé à l'entreprise de déplacer le rocher, et donc ne pouvoir produire de document qui contiendrait une telle instruction.
Cette affirmation, non suspecte, n'est pas contredite, fût-ce par un indice.
Il n'est pas dans ces circonstances justifié de faire droit à la demande de Mme [X] tendant à la condamnation de la commune de [Localité 14] à produire la facture de la société ALLIANCE et le justificatif qu'elle l'aurait interrogée sur l'éventuel enlèvement litigieux
Il n'est pas dans ces circonstances justifié de faire droit à la demande de Mme [X] tendant à la condamnation de la commune de [Localité 14] à produire la facture de la société ALLIANCE et le justificatif qu'elle l'aurait interrogée sur l'éventuel enlèvement litigieux.
Par contre, dès lors qu'a été établi l'empiétement du rocher, même mesuré, sur le chemin communal, ainsi que la gène produite du fait de sa présence, Mme [X] ne saurait légitimement prétendre à sa remise en place.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de déplacement à la charge de la commune de [Localité 14].
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de Mme [K] [X], appelante déboutée.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable en cause d'appel de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais non répétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La somme allouée au titre des frais de première instance a été justement appréciée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE Mme [K] [X] aux dépens d'appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,