ARRET N°535
N° RG 20/01197 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GAQK
[A]
C/
[N]
[N]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01197 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GAQK
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 juin 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de POITIERS.
APPELANTE :
Madame [U] [A] Appel partiel
née le 21 Mars 1969 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
ayant pour avocat Me Caroline MAISSIN de la SCP DICE AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMES :
Monsieur [K] [N], représenté par sa tutrice Mme [L] [P]
né le 08 Janvier 1929 à [Localité 9]
EHPAD [7]
[Adresse 2]
Mademoiselle [C] [N] venant aux droits de Mme [W] [B] épouse [N]
née le 29 Septembre 1992 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 3]
ayant tous les deux pour avocat Me Ludovic DOUSSET, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
[U] [A], veuve [N] a conservé des liens avec ses beaux-parents, les époux [K] et [W] [N] après le décès de leur fils et de son époux, [S] [N] survenu le 9 mai 2010.
Ils lui ont consenti le 28 septembre 2010 une procuration sur leur compte courant postal, compte ouvert auprès de la Banque Postale (CCP 000 824 X).
Entre les 3 octobre et 23 novembre 2017, 4 retraits de 500 euros chacun, un retrait de 200 euros ont été effectués sur ce compte.
Mme [A] a par ailleurs encaissé deux chèques de 5000 euros datés du 11 mars 2017, chèques signés de [W] [N] désignant Mme [A] comme bénéficiaire.
Les relations des époux [N] et de Mme [A] se sont altérées.
Par courrier du 13 juillet 2018, le conseil de Mme [N] a demandé à Mme [A] de lui restituer la somme de 12 200 euros, des clés, des bijoux.
Il indiquait que les 2 chèques de 5000 euros lui avaient été remis 'à charge, semble-t-il, pour vous d'en faire emploi pour les obsèques des époux [N]'.
Il évoquait des retraits effectués entre le 4 octobre et le 23 novembre 2017 pour 2200 euros.
Par acte du 10 décembre 2018, les époux [N] ont assigné Mme [A] devant le tribunal judiciaire de Poitiers aux fins de condamnation à leur payer la somme de 12 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2018.
Ils estimaient que la somme de 2200 euros , faute de justification de son emploi dans leur intérêt, devait leur être restituée.
Ils soutenaient en outre que la destination des chèques de 5000 euros n'avait pas été respectée.
Une plainte était déposée le 2 octobre 2019 pour 'abus sur personne vulnérable' à l'encontre de Mme [A] par le conseil des époux [N].
Par jugement du 2 juin 2020, le tribunal judiciaire de Poitiers a statué comme suit :
'
-rejette la demande relative à la somme de 2 200,00 €, faute de preuve de l'identité réelle du destinataire des 5 virements ;
-condamne Mme [A] à payer aux époux [N] la somme de 10.000,00€ ;
-condamne Mme [A] à payer aux époux [N] la somme de 2.500,00€ sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens ;
-rejette les autres demandes
-condamne Mme [A] aux dépens
-ordonne l'exécution provisoire.'
Le premier juge a notamment retenu que :
-sur les virements d'un montant de 2200 euros
Les opérations de retrait ont été effectuées selon la banque sur internet à partir de l'espace client.
Les virements ont tous été réalisés au profit de 'M. [A] [U]'.
Les références du compte bancaire bénéficiaire ne sont pas communiquées bien qu'identifiables.
Les demandeurs ne justifient pas de la qualité du bénéficiaire des retraits.
Ils seront donc déboutés en l'état de leur demande.
-sur les deux chèques de 5000 euros chacun
La remise de chèques peut s'analyser en un don manuel constituant une donation entre vifs.
L'intention libérale du donateur est alors nécessaire.
Le possesseur bénéficie d'une présomption sur le fondement de l'article 2276 du code civil.
L'envoi des deux chèques était accompagné d'un courrier ainsi rédigé: 'Chère petite [U], voici les deux chèques de 5000 euros chacun ',ce qui démontre qu'ils avaient été évoqués auparavant.
Il est établi que Mme [A] avait géré des dépenses pour le compte de ses beaux-parents avant le 5 septembre 2017, mais aussi que leurs revenus étaient modestes, sa belle-mère craignant de ne pouvoir faire face aux charges.
L'existence d'une libéralité ne peut être retenue au regard du montant des chèques, montant disproportionné eu égard à la situation financière des donateurs prétendus, de leurs 'angoisses d'argent ', de la remise de deux chèques alors qu'un chèque aurait suffi dans l'hypothèse d'un don manuel.
Il sera donc considéré que les deux chèques ont été remis à charge pour Mme [A] d'effectuer des opérations particulières dans l'intérêt des demandeurs, opérations qui n'ont pas été réalisées.
[K] [N] a été placé sous tutelle le 7 juin 2021.
[W] [B] épouse [N], est décédée le 23 novembre 2021.
L'instance a été reprise par [C] [N], petite-fille de Mme [B].
LA COUR
Vu l'appel en date du 30 juin 2020 interjeté par Mme [A]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 26 août 2022 , Mme [A] a présenté les demandes suivantes :
Vu l'article 893 du code civil, Vu l'article 32 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles 1315 et 1341 du code civil applicables dans leur version antérieure à la réforme du 10 février 2016,
Vu la jurisprudence évoquée,
Vu les éléments produits,
Il est demandé a la Cour de:
- DECLARER irrecevable l'intervention à l'instance de Madame [C] [N] pour défaut de qualité et d'intérêt à agir
- D'INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS en ce qu'il a :
.condamné Madame [A] à payer à Madame et Monsieur [N] la somme de 10 000 €
.condamné Madame [A] à payer à Madame et Monsieur [N] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
.condamné Madame [A] aux entiers dépens,
Et en conséquence,
-CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté les demandes visant à voir condamner Madame [A] a verser la somme de 2200 € aux consorts [N],
-DEBOUTER les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
-CONDAMNER Madame et Monsieur [N] à verser à Madame [A] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrepétibles exposés en première instance,
-CONDAMNER Madame et Monsieur [N] à supporter les entiers dépens exposés en première instance,
-CONDAMNER Madame et Monsieur [N] à verser à Madame [A] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux dépens exposés,
JUGER que conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle Maitre [X] pourra renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat et à conserver les sommes versées par les intimes succombant au titre des frais irrépétibles.
A l'appui de ses prétentions, Mme [A], veuve [N] soutient en substance que :
-L'appel a été enregistré le 2 juillet 2020. A cette date, aucun des intimés n'était sous mesure de protection.
-[C] [N] ne démontre pas avoir qualité à agir. Elle ne produit pas un acte de notoriété.
Elle a manipulé sa grand-mère. Son intervention volontaire est irrecevable.
-Les 2 chèques sont un don.
-Le courrier du 11 mars 2017 qui accompagne les chèques se conclut par 'merci pour tout'.
-Elle les a beaucoup aidés après le décès de leur fils.
-Mme [J] en atteste, a été témoin d'appels incessants, de demandes d'argent en urgence pour régler des frais supplémentaires, décrit le soutien apporté.
-La rédaction de deux chèques distincts peut s'expliquer par le souci de déposer les chèques à des dates différentes.
-Le tribunal a affirmé que la somme de 10 000 euros était trop élevée au regard de leur situation financière alors que cette dernière n'est pas démontrée.
-L'action en justice engagée sanctionne la prise de distance que Mme [A] a dû prendre.
-Un prêt est un acte juridique.
-Une preuve écrite de reconnaissance de dette est nécessaire au regard du montant qui est supérieur à 1500 euros.
-Il n'est pas démontré que Mme [A] s'est obligée à restituer cette somme.
-Il ne ressort aucunement de la correspondance de Mme [N] que la somme de 10 000 euros soit un prêt. S'il s'était agi d'un prêt, il aurait été fait référence à un remboursement.
-L'intention de souscrire une garantie obsèque par les époux [N] n'est pas démontrée.
Il n'est justifié d'aucune garantie obsèque, d'aucune convention préalable, d'aucune assurance-vie.
-Elle a rendu service, conteste toute manipulation.
-Le 12 octobre 2015, Mme [N] avait déposé plainte contre [C] [N] et [T] [F] (sa mère) pour harcèlement d'ordre financier et propos diffamatoires concernant sa belle-fille, Mme [A] [N] [U].
-La procuration portait sur des opérations définies du compte courant, pas sur le livret.
-S'agissant des retraits, l'auteur des retraits est inconnu.
-Mme [N] avait conservé la gestion de ses comptes et réalisait des opérations, faisait des chèques.
-Les virements étaient justifiés par des demandes d'espèces, espèces qu'elle a avancées à charge de remboursement.
-La plainte du 9 janvier 2020 établit que les époux [N] lui ont donné procuration peu après le décès de leur fils.
-La plainte est restée sans suite.
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 18 juin 2022, M. [K] [N] représenté par Mme [P], tutrice et Mme [C] [N] ont présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 1984 et suivants, ensemble les articles 1302,1921 et suivants du code civilensemble les articles 771 et suivants du code de procédure civile
-Déclarer recevable l'appel incident ;
-Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des époux [N] en paiement de la somme de 2 200,00 € au titre des prélèvements opérés sur le compte bancaire sur lequel Mme [A] avait procuration ;
-Condamner Mme [U] [A] à payer à Mme [C] [N], venant aux droits de feue Mme [W] [N] née [B] et à M. [K] [N], représenté par sa tutrice, Mme [P] la somme de 2 200,00€, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2018,
-Confirmer pour le reste le jugement entrepris ;
-Condamner Mme [A] [U] à payer à M. [K] [N] représenté par sa tutrice et Mme [C] [N], venant aux droits de feue Mme [W] [N] 2 500,00 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et d'appel.
A l'appui de leurs prétentions, les consorts [N] soutiennent en substance que :
-Les sommes retirées pour un total de 2200 euros doivent être restituées faute de justification de l'emploi des fonds.
-Ils sont en droit d' obtenir la justification de l'utilisation des sommes retirées.
-Les retraits ont été faits par internet. Mme [N] n'avait pas de connexion internet à son domicile.
-Mme [A] a eu l' idée de dissimuler son identité sous un nom proche du sien afin de brouiller les pistes.
-Il existe une présomption suffisante. L'identité du bénéficiaire est très proche de celle de Mme [A] qui bénéficiait par ailleurs d'une procuration sur le compte débité.
-Mme [A] soutient avoir été harcelée, ce qui prouve que Mme [N] ne pouvait faire des retraits seule, qu'elle dépendait d'elle pour les retraits.
-Elle reconnaît a demi-mot, admet avoir avancé des sommes, qui devaient être remboursées.
-Mme [N] émettait seulement des chèques.
-Les salaires de l'aide ménagère étaient réglés par chèques adressés à l'ADMR, non en espèces.
-L' intention de gratifier est exclue. Les deux chèques ont été établis parce qu'il était convenu qu'ils seraient déposés sur deux garanties obsèques distinctes.
Mme [A] devait consacrer ces sommes à cet usage précis.
-Si cet usage n'est pas prouvé, le versement est réel.
-Rien dans la correspondance détaillée de Mme [N] n'évoque une libéralité.
Chaque euro était compté.
-Lors de son audition le 9 janvier 2020, Mme [N] a déclaré avoir débloqué son assurance-vie en mars 2017, sur l'insistance de Mme [A] et lui avoir remis deux chèques de 5000 euros pour les obsèques de son mari et d'elle.
-C'est Mme [A] qui avait sollicité la remise.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 août 2022 .
SUR CE
-sur l'intervention volontaire de [C] [N]
L'article 730 du code civil dispose que la preuve de la qualité d'héritier s'établit par tous moyens
[C] [N] vient aux droits de sa grand-mère paternelle, Mme [B], épouse [N].
Elle produit un extrait d'acte de naissance qui démontre qu'elle est la fille de [S] [N]. Elle a donc qualité et intérêt à agir aux côtés de [K] [N].
Son intervention volontaire sera déclarée recevable.
-sur l'existence d'une libéralité
L'article 893 du code civil dispose : la libéralité est l'acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou droits au profit d'une autre personne.
Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament.
Selon l'article 894 du même code, la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte.
L'intention libérale doit être caractérisée.
La charge de la preuve de la libéralité incombe à Mme [A].
Elle soutient que les deux chèques lui ont été remis volontairement afin qu'elle les encaisse en remerciement des services qu'elle avait rendus aux époux [N].
Elle se prévaut de la lettre qui accompagnait les chèques et qui se conclut par l'expression 'merci pour tout '.
Elle produit une attestation émanant d'une amie, Mme [J] qui décrit les nombreux services qu'elle a rendus au couple [N].
Les consorts [N] demandent la confirmation du jugement qui a condamné Mme [A] à payer aux époux [N] la somme de 10 000 euros, somme qui avait été remise aux fins d'une utilisation précise qui n'a pas été respectée.
Lors de son audition par les services de police le 9 janvier 2020, Mme [W] [N] a indiqué:
'En mars 2017, sur l'insistance de Mme [A], j'ai débloqué mon assurance et j'ai fait deux chèques de 5000 euros pour les donner à Mme [A] pour les obsèques de mon mari et moi '.
Il résulte de cette déclaration que la remise des deux chèques d'un montant global de 10 000 euros n'était pas destinée à récompenser les services rendus par Mme [N], la somme devant financer les obsèques du couple.
S'il n'est pas démontré que le couple disposait d'une assurance-vie, il est constant que les deux chèques ont été remis à Mme [A] qui ne conteste pas les avoir encaissés.
Le courrier daté du 11 mars 2017 qui accompagne les chèques commence par 'Voilà les deux chèques de 5000 euros '.
Mme [W] [N] informe en outre Mme [A] qu'elle a fait fermer le Codevi de '[K]', avoir eu 11,59 euros, qu'elle a 2044 euros sur son Codevi.
Elle conclut le courrier par 'je t'en souhaite bonne réception. Je t'embrasse bien fort. Merci pour tout.'
Les termes de cette lettre que ce soit 'voila les deux chèques' ou 'merci pour tout' sont équivoques.
Cette dernière expression fait certes référence aux services rendus dans le passé, n'exprime ni n'exclut la volonté d'une gratification.
Elle ne permet absolument pas de savoir quelle était la finalité, la destination convenue des chèques remis.
Elle n'est donc pas en elle-même de nature à établir la libéralité prétendue.
L'attestation rédigée par Mme [M] [J], amie de Mme [A] le 27 janvier 2019 décrit l'aide apportée, le dévouement déployé par Mme [A].
Elle indique en particulier que Mme [W] [N] demandait très régulièrement des espèces pour faire face à des frais supplémentaires, espèces que Mme [A] retirait, puis leur faisait remettre.
Elle n'évoque d'aucune manière la récompense litigieuse.
Le fait que les courriers rédigés par Mme [W] [N] produits par Mme [A] ne font aucune référence à un prêt d'argent, à des conditions de remboursement est logique dès lors qu'il n'est pas soutenu que la somme litigieuse soit un prêt mais une remise de chèques à charge pour la mandataire d'utiliser l'argent ainsi qu'il avait été convenu.
Le courrier du 5 septembre 2017, rédigé quelques mois après l'envoi des deux chèques, fait état ainsi que l'a relevé le tribunal des angoisses de Mme [N] qui indique 'jongler entre le compte courant et le Codevi ', écrit : 'ça m'angoisse d'être toujours en débit comme ça', précise qu'elle a fait 3 chèques, chèque d'un montant modeste (200,150,133,79 euros) et prévu leur encaissement différé.
Ce courrier établit combien la situation financière du couple était précaire, ce qui rend invraisemblable le don allégué à hauteur de 10 000 euros .
Il est enfin surprenant,et inexpliqué que la relation d'aide qui s'était poursuivie sans contrepartie entre 2010 et 2017 ait cessé précisément courant 2017-2018 alors que Mme [A] aurait reçu la somme de 10 000 euros en contrepartie de son dévouement passé.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme [A] à payer aux époux [N] la somme de 10 000 euros, celle-ci ne démontrant pas l'intention libérale prétendue.
-sur les retraits
Les consorts [N] réitèrent leur demande de condamnation de Mme [A] à leur payer la somme de 2200 euros, somme qui a été virée sur un compte ouvert au nom de [A] [I].
Ils font valoir que ces sommes ont été virées sans mandat préalable, à l'insu des époux [N].
Mme [A] demande la confirmation du jugement qui a retenu qu'un doute existait quant à l'identité du bénéficiaire des virements.
Subsidiairement, elle évoque des remboursements opérés en lien avec des avances consenties aux époux [N] qui n'auraient cessé de lui faire des demandes d'espèces.
L'article 1984 du code civil dispose que le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.
Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire.
Selon l'article 1989 du code civil, le mandataire ne peut rien faire au delà de ce qui est porté dans son mandat.
L'article 1993 du code civil dispose que tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant.
Le mandant est en droit d'obtenir la reddition des comptes sans avoir à apporter d'éléments permettant de supposer un dépassement de mandat.
Il incombe donc au mandataire de justifier de l'utilisation des fonds reçus ou prélevés.
Il est constant que le mandat donné à Mme [A] était un mandat spécial et qu'il était limité aux opérations effectuées sur le compte courant.
Il résulte des écritures une série de virements entre le 3 octobre 2017 et le 23 novembre 2017 sur une courte période, soit :
500 euros le 3 octobre 2017
500 euros le 4 octobre 2017,
500 euros le 20 octobre 2017
500 euros le 14 novembre 2017,
200 euros le 23 novembre 2017.
Mme [N] produit copie d' un écrit daté du 30 janvier 2018 adressé à Mme [A].
Elle écrit notamment :
Comment vas-tu ' Tu ne me donnes plus de tes nouvelles.
Je crains pour ta santé mentale.
Après des années où tu t'es bien occupée de [K] et moi (et je t'en ai toujours remerciée ) voilà qu'à l'annonce de ton burn-out, tu fais un geste insensé, tu me dépouilles de mes dernières économies.
A la poste on m'a dit que c'était toi qui avais enlevé les 2.200 (deux mille deux cents euros ) de mon codevi.
Je n'ai plus rien pour me soigner et la banque postale me crie dessus car trop de découvert.
Rends-les moi s'il te plaît ou je suis dans l'obligation d'avertir la gendarmerie.
Mme [W] [N] a effectivement déposé plainte.
Entendue le 9 janvier 2020, elle précisait qu'entre 2010 et 2017, Mme [A] n'avait jamais fait la moindre opération sur ses comptes.
Elle indiquait avoir réalisé fin 2017 qu'elle ne disposait plus que de 13,55 euros sur son 'codevi'.
La Banque Postale a indiqué le 11 septembre 2019 que les virements litigieux avaient été effectués par ' l'espace client', avaient été saisis sur internet, avaient tous été réalisés au au profit de M. [A] [U].
Il n'est pas contesté par Mme [A] que les époux [N] n'ont jamais possédé ni ordinateur ni connexion internet.
Si Mme [N] continuait de faire des opérations (et notamment émettre des chèques), elle n'était pas en capacité de réaliser des opérations sur internet.
Il n'est pas non plus contesté que les virements ont été faits sur le Codevi alors que la procuration était limitée au seul compte courant.
Enfin, Mme [A] indique dans ses conclusions (page 10) : 'la cour ne pourra que constater que s'il y a pu avoir des virements de réalisés, ces derniers étaient justifiés par les demandes en liquides répétées de Mme [N] à Mme [A] veuve [N] pour ses besoins, sommes que Mme [A] veuve [N] fournissait par avance à charge de se faire rembourser par Mme [N].'
Elle ajoute notamment que des espèces ont servi pour payer la femme de ménage, ce qui est contesté par les intimés qui assurent au contraire que la femme de ménage était réglée par chèque.
Mme [J], amie de Mme [A] a évoqué dans son attestation des demandes d'argent des époux [N], des retraits d'espèces sans autre précision.
Il résulte donc des conclusions d'appel que Mme [A] concède l'existence de virements, les explique par des remboursements justifiés.
La cour constate que les virements litigieux se sont produits sur deux mois, que Mme [A] ne justifie pas avoir opéré des retraits sur son compte, avoir remis des sommes aux époux [N] (montant des retraits, date) correspondant aux sommes qui ont été virées du Codevi, éléments de preuve qu'il lui était aisé de produire.
Il est constant que le compte bénéficiaire des virements a été ouvert au nom de [A] [U], que Mme [A] s'appelle [U] [A], élément qui, conjugué à ses explications controuvées démontre qu'elle est l'auteur des virements litigieux.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner Mme [A] à payer aux intimés la somme de 2200 euros.
-sur les autres demandes
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de Mme [A].
Il est équitable de la condamner à payer aux intimés la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort
-dit recevable l'intervention volontaire à l'instance de Mme [C] [N]
-confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande relative à la somme de 2 200,00 €, faute de preuve de l'identité réelle du destinataire des 5 virements
Statuant de nouveau sur le point infirmé :
-condamne Mme [A] à payer à [K] [N] représenté par Mme [P], tutrice et [C] [N] venant aux droits de [W] [B], épouse [N] la somme de 2200 euros
Y ajoutant :
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne Mme [A] aux dépens d'appel
-condamne Mme [A] à payer à [K] [N] représenté par Mme [P], tutrice et [C] [N] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,