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08/11/2022 | FRANCE | N°21/03573

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 08 novembre 2022, 21/03573


ARRET N°522



N° RG 21/03573 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GN3Q















Organisme CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE



C/



[S] ÉPOUSE [Y]

[Y]

S.A.S. PIVETEAU BOIS



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022





Numéro d'inscripti

on au répertoire général : N° RG 21/03573 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GN3Q



Décision déférée à la Cour : ordonnance du 25 novembre 2021 rendue par le Juge de la mise en état de SAINTES.





APPELANTE :



CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE...

ARRET N°522

N° RG 21/03573 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GN3Q

Organisme CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE

C/

[S] ÉPOUSE [Y]

[Y]

S.A.S. PIVETEAU BOIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03573 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GN3Q

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 25 novembre 2021 rendue par le Juge de la mise en état de SAINTES.

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE GROUPAMA ès qualité d'assureur de Monsieur [P] exerçant sous l'enseigne UNIVERS PARC ET JARDIN

[Adresse 1]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Philippe MINIER de la SCP LLM SOCIÉTÉ D'AVOCATS LEFEBVRE LAMOUROUX MINIER MEYRAND REMY ROUX-MICHOT, avocat au barreau de SAINTES

INTIMES :

Madame [K] [S] épouse [Y]

née le 26 Mars 1954 à [Localité 8] (17)

[Adresse 5]

[Localité 2]

Monsieur [Z] [Y]

né le 09 Mars 1950 à [Localité 9] (33)

[Adresse 5]

[Localité 2]

ayant tous les deux pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Jérôme GARDACH, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

S.A.S. PIVETEAU BOIS

[Adresse 7]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Thierry BURAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Courant 2010, les époux [K] [S] et [Z] [Y] ont confié à l'entreprise Univers Parc et Jardin, paysagiste, assurée auprès de la société Groupama Centre Atlantique, la réalisation d'une terrasse en bois sur leur terrain situé à [Localité 6] (Charente-Maritime), au prix de 18.454,99 €. La facture de travaux, en date du 24 avril 2010, a été réglée.

Les lames composites de la terrasse ont été vendues par la société Piveteau Bois. Leur pose a été réalisée le 24 avril 2010. Les époux [K] [S] et [Z] [Y] ont fait dresser le 7 septembre 2017 le constat du gondolement et de la rétractation de ces lames.

Les époux [K] [S] et [Z] [Y] ont assigné l'entreprise Univers Parc et Jardin, le commissaire à l'exécution de son plan de redressement et la société Piveteau Bois devant le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle. Par ordonnance du 27 février 2018, [M] [V] a été commis en qualité d'expert. La société Piveteau Bois a été mise hors de cause. Les opérations d'expertise ont été étendues à la compagnie Groupama Centre Atlantique par ordonnance du 3 juillet 2018. Par ordonnance du 27 novembre 2018, elles ont été étendues à la société Piveteau Bois. Le rapport d'expertise est en date du 19 août 2020.

Par acte des 25 février et 5 mars 2021, les époux [K] [S] et [Z] [Y] ont assigné devant le tribunal judiciaire de La Rochelle la société Groupama Centre Atlantique et la société Piveteau Bois. Ils ont fondé leur action à l'encontre de la société Groupama Centre Atlantique sur la responsabilité contractuelle et la garantie du poseur, sur la responsabilité du fait des produits défectueux ou délictuelle de la société Piveteau Bois compte tenu de la rédaction insuffisante du guide de pose.

Sur incident, la société Groupama Centre Atlantique a soulevé la prescription de l'action au motif que le délai de prescription était de cinq ans à compter de la livraison de la marchandise et non celui de la garantie décennale, dès lors que les lames avaient été ajoutées à un ouvrage préexistant.

La société Piveteau Bois a également soulevé la prescription de l'action, soutenant que le contrat qui la liait à l'entreprise Rullier, fournisseur intermédiaire, était un contrat de vente relevant du droit commun et non de la garantie décennale, les lames n'ayant pas été intégrées à un ouvrage mais y ayant seulement été ajoutées. Elle a exclu le recours à la responsabilité délictuelle pour contourner les conditions de la garantie contractuelle, seule la garantie des vices cachés pouvant selon elle être recherchée. Elle a ajouté que le point de départ de cette dernière action courait à compter de la livraison.

Les époux [K] [S] et [Z] [Y] ont soutenu que :

- l'action à l'encontre de la société Piveteau Bois était fondée d'une part sur la responsabilité du fait des produits défectueux, d'autre part sur la responsabilité délictuelle à raison d'un guide de pose techniquement incomplet remis à l'entreprise Univers Parc et Jardin et que le délai pour agir n'avait commencé à courir qu'à compter de la connaissance du défaut, soit le 19 août 2020, date du rapport d'expertise ;

- l'action à l'encontre de la compagnie Groupama Centre Atlantique n'était pas prescrite, le point de départ de la prescription n'étant pas la vente ou la livraison mais le jour de la découverte du vice, soit également le 19 août 2020.

Par ordonnance du 25 novembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La Rochelle a statué en ces termes :

'DÉCLARONS prescrite l'action de M. et Madame [Y] à l'encontre de la SAS PIVETEAU BOIS ;

REJETONS la fin de non recevoir tirée de la prescription à l'égard (de) l'action intentée à l'encontre de la compagnie Groupania Centre Atlantique ;

DÉCLARONS Madame [K] [S] épouse [Y] et M. [Z] [Y] recevables en leur action à l'encontre de la compagnie Groupama Centre Atlantique ;

CONDAMNONS la compagnie Groupama Centre Atlantique à verser à Madame [K] [S] épouse [Y] et M. [Z] [Y] la somme de 1500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code Civil au bénéfice de la SAS PIVETEAU BOIS ;

CONDAMNONS la compagnie Groupama Centre Atlantique aux dépens de l'incident ;

RENVOYONS l'affaire à l'audience du juge de la mise en état du Jeudi 16 DECEMBRE 2021 à 9h pour les conclusions de Maître LAMOUROUX'.

Il a considéré que :

- l'action exercée à l'encontre de l'assureur sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'entreprise Univers Parc et Jardin n'était pas prescrite, le délai de prescription n'ayant commencé à courir qu'à compter de la généralisation des désordres, de 2015 à 2017 ;

- ce délai, qui avait commencé à courir à compter du 1er janvier 2015 avait été interrompu par l'assignation en référé expertise ;

- l'action à l'encontre du fabricant des lames devait être exercée dans le délai de 5 années à compter de la livraison par application de l'article L 110-4 du code de commerce.

Par déclaration reçue au greffe le 20 décembre 2021 et enrôlée sous le numéro 21/3573, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Centre Atlantique (Groupama Centre Atlantique) a interjeté appel de cette ordonnance.

Par déclaration reçue au greffe le 30 décembre 2021 et enrôlée sous le numéro 21/3689, les époux [K] [S] et [Z] [Y] ont interjeté appel de cette ordonnance, intimant la seule société Piveteau Bois.

Par ordonnance du 27 janvier 2022, le président de chambre a joint ces procédures.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2022, Groupama Centre Atlantique a demandé de :

'Vu l'article 122 du CPC ;

Vu les articles 2224 et suivants du Code civil,

[...]

REFORMER l'ordonnance du juge de la mise en état du 25 novembre 2021 du Tribunal judiciaire de Saintes sur les chefs critiqués dans la déclaration d'appel et statuant à nouveau ;

ACCUEILLIR la fin de non-recevoir soulevée par CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE GROUPAMA tirée de la prescription de l'action des consorts [Y] à son endroit,

METTRE HORS de cause CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE GROUPAMA,

DEBOUTER les consorts [Y] de toutes leurs demandes,

CONDAMNER les consorts [Y] de la somme de 5.000 € d'article 700 du CPC,

CONDAMNER les consorts [Y] aux entiers dépens de l'instance,

DEBOUTER toutes les parties de leurs demandes dirigées à l'endroit de la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE ATLANTIQUE GROUPAMA'.

Elle a soutenu que le délai de prescription avait commencé à courir à compter de la date de manifestation du dommage courant 2011, les maîtres de l'ouvrage ayant à cette époque fixé des lames qui s'étaient soulevées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2022, la société Piveteau Bois a demandé de :

'Vu l'Article 1641 et suivants du Code Civil,

Vu l'Article L110-4 du Code de Commerce,

Vu les articles 1245-1 et suivants du Code Civil,

Vu les articles 1240 et 1241 du Code Civil,

Vu les articles 2224 et suivants du Code Civil,

CONSTATER que seule l'action contractuelle peut être engagée par les époux [Y] à l'encontre de la société PIVETEAU et il en est de même pour les membres de la chaîne contractuelle y compris l'assureur GROUPAMA.

CONSTATER que l'action contractuelle a pour point de départ la vente ou la livraison des lames défectueuses, c'est-à-dire Mars 2010.

Qu'en conséquence l'action est prescrite depuis mars 2015.

CONSTATER que sur le fondement de l'article 19 de la loi du 19 Mai 1998 l'action est prescrite.

CONFIRMER le principe retenu par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de la Rochelle en ce qu'il a retenu que l'action des époux [Y] à l'encontre de PIVETEAU BOIS était prescrite.

DEBOUTER les époux [Y] de l'ensemble de leurs demandes dont au surplus l'appréciation n'est pas de la compétence du conseiller de la mise en état à raison, de la contestation soulevée par la société PIVETEAU BOIS.

CONDAMNER les époux [Y] à la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile et en tous les dépens distraits au profit de la SCP TAPON'.

Elle a soutenu que l'action des maîtres de l'ouvrage, nécessairement de nature contractuelle et liée à la transmission de la chose, était prescrite, le délai de prescription ayant commencé à courir à compter de la vente ou de la livraison et ayant expiré en mars 2015.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2022, les époux [K] [S] et [Z] [Y] ont demandé de :

'Vu les articles 1245-1 et suivants du code civil,

Vu les articles 1000 240 241 du Code civil

Vu les articles 2224, 2231, 2239 et 2241 du Code civil,

Statuant sur l'appel formé par la Société GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

-DECLARER la société GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE mal-fondée en son appel,

-CONFIRMER, par substitution de motifs, l'ordonnance rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE le 25 novembre 2021 en ce qu'il a déclaré recevable l'action engagée par les époux [Y] à l'encontre de la société GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

Statuant sur l'appel formé par les époux [Y]

- JUGER les époux [Y] recevables et bien-fondés en leur appel

-INFIRMER l'ordonnance rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE le 25 novembre 2021 en ce qu'elle a déclaré prescrite l'action engagée par les époux [Y] à l'encontre de la société PIVETEAU BOIS

Statuant à nouveau,

- JUGER recevables les deux actions engagées par les époux [Y] à l'encontre de la société PIVETEAU BOIS

-DEBOUTER toutes parties de toutes demandes contraires aux présentes conclusions

-CONDAMNER toute partie succombant au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens'.

Ils ont maintenu que le délai de prescription de l'action exercée contre l'assureur avait commencé à compter de la date de découverte des faits, non de la date de la vente ou de la livraison et qu'il avait été interrompu par l'assignation en référé expertise.

S'agissant de l'action exercée à l'encontre de la société Piveteau Bois, ils ont exposé que la jurisprudence récente faisait désormais courir le délai de l'action en garantie des vices cachés exercée à l'encontre du vendeur initial à compter de la date de l'assignation du constructeur. Le délai de l'article L 110-4 du code de commerce se trouverait ainsi suspendu jusqu'à assignation de l'entreprise Univers Parc et Jardin ou son assureur, le constructeur disposant alors d'un délai de 5 années pour agir à l'encontre de son vendeur.

Ils ont rappelé avoir fondé leur action sur la responsabilité du fait des produits défectueux et qu'en cette matière, le délai de prescription de trois années avait commencé à courir à compter de la connaissance du défaut et de l'identité du constructeur, soit à compter du dépôt du rapport d'expertise le 19 août 2020. Ils ont ajouté que l'assignation avait été délivrée à cette société avant expiration du délai de prescription. Ils ont précisé que le manuel de pose des lames ne leur était pas destiné et que dès lors, ils n'avaient pas pu avoir connaissance de son insuffisance qui constituait une faute de nature délictuelle à leur encontre.

L'ordonnance de clôture est du 4 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION A L'ENCONTRE DE L'ASSUREUR

L'article 122 du code de procédure civile dispose que : 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.

L'article 2224 du code civil dispose que : 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

Les époux [K] [S] et [Z] [Y] exercent une action à l'encontre de la société Groupama Centre Atlantique, assureur de l'entreprise Univers Parc et Jardin dont ils soutiennent engagée la responsabilité contractuelle. Selon eux, cette entreprise n'aurait pas laissé un jeu suffisant entre les lames.

Pour déterminer le point de départ du délai quinquennal de prescription, il convient de rechercher à quelle date les époux [K] [S] et [Z] [Y] ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant d'agir. Cette date n'est pas celle du paiement de la facture des travaux.

L'expert judiciaire a en page 10 de son rapport fait en ces termes un 'historique de la situation' :

'' Les époux [Y] ont fait réaliser une terrasse extérieure autour de leur maison selon devis de l'entreprise UNIVERS ET JARDIN du 15 janvier 2010 pour un montant de 16 431 € 53 ;

' Les travaux ont été réalisés et ont fait l'objet d'une facture de l'entreprise UNIVERS ET JARDIN le 24 avril 2010;

' Selon facture les lames constituant la terrasse sont en composites et ces lames sont posées sur des chevrons classe 4 de dimensions 45 mm x90 mm ;

' Les époux [Y] ont constatés que les lames de la terrasse ont commencé à se gondoler, de se fissurer, se briser par endroits et de dilater entrainant la désolidarisation de certaines lames et des différences de niveau ;

' Le 2 septembre 2017, un procès~verbal de constat est réalisé par Maitre [I]'.

Ce procès-verbal de constat n'a pas été produit aux débats.

L'expert a ajouté en page 10 que : 'les parties me précisent :

- Les premiers désordres sont apparus quelques mois après la pose'.

En page 34, il a précisé que : 'Ces désordres étaient existants selon le procès-verbal de Maître [I] le 7 septembre 2017".

Il se déduit de ces développements que si des déformations mineures des lames de la terrasse avaient été constatées peu après la pose, les désordres litigieux n'ont été constatés dans leur ampleur et leurs conséquences (déformation voire rupture des lames de la terrasse) qu'au plus tôt à la date du procès-verbal de constat précité. Aucun élément des débats ne permet de retenir que cette connaissance était acquise antérieurement à l'établissement de ce procès-verbal. Le délai de l'article 2224 précité a dès lors commencé à courir au plus tôt à compter de cette date.

L'assignation en référé délivrée le 2 novembre 2017 à [M] [P] exerçant sous l'enseigne l'entreprise Univers Parc et Jardin a interrompu le délai de prescription à l'encontre de cette entreprise. La société Groupama Centre Atlantique a été assignée à l'initiative des maîtres de l'ouvrage par acte du 11 avril 2018. Ces assignations ont interrompu le délai de prescription conformément à l'article 2241 du code civil. Le délai a été suspendu le temps des opérations d'expertise et n'a recommencé à courir par application de l'article 2239 du code civil que 6 mois après le dépôt par l'expert de son rapport, soit au plus tôt le 19 février 2021 (date du rapport : 19 août 2020 + 6 mois).

A la date de l'assignation au fond, du 25 février 2021, le délai de prescription qui avait recommencé à courir n'était pas expiré. Les époux [K] [S] et [Z] [Y] sont pour ces motifs et indépendamment de son bien fondé recevables en leur action exercée à l'encontre de la société Groupama Centre Atlantique.

L'ordonnance sera pour ces motifs confirmée.

B - SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION A L'ENCONTRE DE LA SOCIETE PIVETEAU BOIS

Les époux [K] [S] et [Z] [Y] fondent leurs demandes à l'encontre de la société Piveteau Bois d'une part sur la responsabilité du fait des produits défectueux, d'autre part sur la faute contractuelle de cette société à l'égard de l'entreprise Univers Parc et Jardin constituant à leur égard une faute de nature délictuelle et enfin nouvellement, sur la garantie par le fabricant des vices cachés..

1 - sur la responsabilité du fait d'un produit défectueux

L'article 1386-16 du code civil dans sa version applicable au litige (1245-15 nouveau) dispose que : 'Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent titre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice'.

L'article 1386-17 du code civil dans sa version applicable au litige (1245-16 nouveau) dispose que : 'L'action en réparation fondée sur les dispositions du présent titre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur'.

L'article 1386-5 (1245-4) rappelle que : 'Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement'.

La société Piveteau Bois est le fabricant des lames de terrasse litigieuses. La date de mise en circulation de ces lames n'a été précisée ni par les parties, ni par l'expert judiciaire.

Le guide de pose auquel l'entreprise Univers Parc et Jardin s'est référée est du mois de février 2009 (page 16 du rapport d'expertise). L'expert a relevé dans son rapport qu'il avait été par la suite remédié aux insuffisances de cette notice. Il s'en déduit à défaut d'élément de preuve contraire que cette notice était celle établie lors de la mise en circulation du produit, en février 2009.

L'ordonnance du 21 février 2018 du juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle précise en page 2 que la société Piveteau Bois a été mise en cause par [M] [P] (Univers Parc et Jardin). Celle du 27 novembre 2018 rappelle en page 2 que la société Piveteau Bois a été appelée aux opérations d'expertise à l'initiative de la société Rullier Bois qui était le vendeur intermédiaire des lames litigieuses.

L'assignation au fond délivrée à l'initiative des maîtres de l'ouvrage est du 25 février 2020. A cette date, était expiré le délai de l'article 1386-16 précité que les maîtres de l'ouvrage n'avaient pas interrompu.

Les époux [K] [S] et [Z] [Y] sont dès lors irrecevables en leur action dirigée à l'encontre de la société Piveteau Bois sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

2 - sur la responsabilité délictuelle à raison d'une faute contractuelle de la société Piveteau Bois

L'article L 110-4 du code de commerce dispose que : 'I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes'.

L'expert judiciaire a en page 34 de son rapport indiqué que : 'Le guide version 2009 de pose des lames WEX fabriquées par l'entreprise PIVETEAU, distribuées par l'entreprise RULLIER et posées par Mr [M] [P] était insuffisant techniquement et incomplet pour permettre une pose sans désordres- déformations irréversibles - et pérenne des lames composites WEX'.

L'insuffisance du guide de pose, à la supposer établie, est susceptible de constituer un manquement contractuel de la société Piveteau Bois à l'égard de la société Rullier Bois vendeur intermédiaire et une faute délictuelle à l'égard des maîtres de l'ouvrage.

L'action engagée sur ce fondement par les maîtres de l'ouvrage doit être introduite dans la délai de l'article L 110-4 précité qui court à compter de la vente initiale. La jurisprudence citée par les époux [K] [S] et [Z] [Y] n'est pas venue modifier cette règle, le contexte juridique étant différent.

La facture de la société Piveteau Bois à la société Rullier Bois a été mentionnée en page 14 du rapport. Sa date n'a pas été précisée. L'expert a indiqué qu'elle était annexée à son rapport. Les annexes de celui-ci n'ont toutefois pas été produites aux débats. Le premier juge a en page 4 de l'ordonnance non contestée sur ce point indiqué que cette facture était du 31 mars 2010.

A la date de l'acte introductif d'instance, le délai de prescription que n'avaient pas interrompu les maîtres de l'ouvrage pour les motifs précédemment exposés était expiré.

Les époux [K] [S] et [Z] [Y] sont dès lors irrecevables en leur action dirigée à l'encontre de la société Piveteau Bois sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit commun.

3 - sur l'action en garantie des vices cachés

Les époux [K] [S] et [Z] [Y] ont dans leurs dernières écritures indiquer fonder leurs prétentions sur la garantie des vices cachés du fabricant des lames de terrasse, l'action leur ayant été transmise par l'effet translatif de la vente.

L'article 1648 alinéa 1er du code civil dispose que : 'L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice'.

Il résulte de la combinaison de cet article et de l'article L 110-4 précité du code de commerce que dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, l'acquéreur final ne peut agir en garantie des vices cachés contre le vendeur initial, en l'espèce la société Piveteau Bois, que dans le délai de 5 années ayant commencé à courir à compter de la date de la première vente.

Ce délai était pour les motifs précédemment exposés expiré à la date de l'assignation délivrée par les époux [K] [S] et [Z] [Y] à cette société.

L'ordonnance sera pour ces motifs confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable car prescrite l'action exercée par époux [K] [S] et [Z] [Y] à l'encontre de la société Piveteau Bois.

C - SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par la société Groupama.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire application de ces dispositions en cause d'appel.

D - SUR LES DEPENS

Ces mêmes circonstances justifient que chacune des parties conserve la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME l'ordonnance du 25 novembre 2021 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La Rochelle ;

REJETTE les demandes présentées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/03573
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;21.03573 ?
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