ARRÊT N° 508
N° RG 21/00264
N° Portalis DBV5-V-B7F-GFTX
S.A. PRÉVOIR VIE
GROUPE PREVOIR
C/
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
[Y]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 novembre 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire des SABLES D'OLONNE
APPELANTE :
Société d'Assurance PRÉVOIR VIE - GROUPE PRÉVOIR
[Adresse 1]
[Localité 4]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Eric ANDRES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
[Adresse 2]
[Localité 5]
intimée sur intervention forcée
ayant pour avocat postulant Me Gabriel WAGNER de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS
Madame [N] [Z] épouse [Y]
née le 05 Août 1976 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 6]
ayant pour avocat postulant Me François-hugues CIRIER de la SCP CIRIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ :
Les époux [Y] ont souscrit en 2012 auprès du Crédit Mutuel Océan quatre crédits couverts par une assurance contractée en mars 2012 par l'intermédiaire de la société April auprès de la Cie Prévoir Vie couvrant, notamment, les risques 'incapacité de travail' et 'invalidité'.
Mme [N] [Z] épouse [Y] ayant été placée en arrêt de travail début 2017 en raison de paresthésies et dysesthésies des mains et des membres inférieurs, a sollicité la mise en oeuvre des garanties auprès de l'assureur, lequel a en un premier temps mobilisé sa garantie 'incapacité de travail' avant de lui notifier en janvier 2018 au vu des conclusions de l'expert qu'elle avait entre-temps missionné qu'elle lui refusait sa garantie et réclamait le remboursement des sommes réglées au titre de cette garantie au motif que l'assurée lui avait dissimulé lors de la souscription du contrat souffrir depuis 2007 d'une pathologie diagnostiquée et suivie.
Après avoir contesté en vain amiablement cette position, Mme [Y] a fait assigner par acte du 26 juillet 2018 la société April Santé Prévoyance devant le tribunal de grande instance, ensuite devenu tribunal judiciaire, des Sables d'Olonne, pour la voir condamner à régulariser ses versements en ce compris les arriérés depuis le jour où elle a cessé de lui verser ses indemnités, et à continuer de lui servir une indemnité au titre de la garantie 'incapacité de travail' prévue au contrat d'assurance.
La défenderesse a sollicité sa mise hors de cause au motif qu'elle n'était pas l'assureur mais le gestionnaire du dossier par délégation de l'assureur, Prévoir Vie.
La société Prévoir Vie est volontairement intervenue à l'instance. Elle a conclu à titre principal à la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle et au rejet consécutif de toutes les demandes adverses avec remboursement des indemnités versées, et subsidiairement à l'application de la règle de réduction proportionnelle de l'indemnité d'assurance si la fausse déclaration de l'assurée était jugée non intentionnelle. Elle a plus subsidiairement sollicité l'institution d'une expertise judiciaire.
Par jugement du 17 novembre 2020, prononcé sous exécution provisoire, le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne a
* constaté l'intervention volontaire de la société Prévoir Vie
* ordonné la mise hors de cause de la société April Santé Prévoyance
* débouté Prévoir Vie de sa demande principale en nullité du contrat d'assurance
*débouté Prévoir Vie de sa demande subsidiaire en réduction proportionnelle de l'indemnité d'assurance
* débouté Prévoir Vie de sa demande en répétition de l'indu
* rejeté sa demande d'expertise judiciaire
* condamné Prévoir Vie à régulariser ses versements, en ce compris les arriérés depuis le jour de la cessation de ses versements, ainsi qu'à continuer de verser à Mme [Y] une indemnité au titre des garanties 'incapacité de travail' et 'invalidité' prévues au contrat
* donné acte à Mme [Y] de son offre de régularisation des cotisations d'assurance correspondantes, et en tant que de besoin condamné Mme [Y] à régler les cotisations correspondant à l'appel émis par l'assureur en suite de la régularisation impliquée par la remise en vigueur du contrat depuis le 30 septembre 2017
* condamné Prévoir Vie aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.
La SA Prévoir Vie a relevé appel le 22 janvier 2021.
Elle a assigné en intervention forcée la Société Générale par acte signifié le 16 avril 2021 afin que l'arrêt à intervenir lui soit opposable, et pour l'entendre condamner à lui rembourser les sommes qu'elle lui a versées depuis janvier 2021 au titre de la garantie 'invalidité permanente' en vertu de l'exécution provisoire du jugement entrepris, et qui ont pris la forme de lettres-chèques qu'elle lui envoie libellées à l'ordre de cet établissement financier, qui a refinancé en 2016 l'ensemble de leurs crédits bancaires en cours sous forme d'un crédit immobilier assorti d'une délégation de l'assurance à son profit.
La Société Générale a saisi le conseiller de la mise d'un incident tendant à voir déclarer irrecevable cet appel en intervention forcée diligenté à son encontre, au motif qu'elle est bénéficiaire de l'assurance depuis 2016 ; qu'il était loisible à la société Prévoir Vie de l'attraire en cause dès la première instance si elle le jugeait utile ; et que son intervention en cause d'appel ne se justifiait par aucune évolution du litige.
Par ordonnance du 9 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'intervention forcée de la Société Générale par la société Prévoir Vie en cause d'appel.
La Société Générale n'est donc plus partie à l'instance d'appel.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique
* le 10 juin 2022 par la société Prévoir Vie
* le 23 juin 2022 par Mme [Y].
La société Prévoir Vie demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'intervention volontaire de la société Prévoir Vie et ordonné la mise hors de cause de la société April Santé Prévoyance, de l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau :
-principalement : de juger qu'elle oppose à bon droit à Mme [Y] les dispositions de l'article L.113.8 du code des assurances, de dire nul le contrat d'assurance souscrit par M. et Mme [Y], de débouter Mme [Y] de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 6.779,09 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 janvier 2018
-subsidiairement : de juger au visa de l'article L.113-9 du code des assurances que l'indemnité sera réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si le risque avait été complètement et exactement déclaré
-infiniment subsidiairement, en cas de remise en vigueur du contrat d'assurance, de condamner alors Mme [Y] au règlement des cotisations correspondant à l'appel émis par l'assureur en suite de la régularisation impliquée par la remise en vigueur du contrat depuis le 30 septembre 2017, et d'ordonner avant dire droit une expertise aux frais du demandeur à l'effet, notamment, de dire si son état est consolidé, si elle est au sens contractuel en incapacité temporaire totale de travail, en invalidité permanente totale de travail ou en perte totale et irréversible d'autonomie.
À titre reconventionnel, elle demande à la cour de condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 6.779,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2018.
Elle sollicite le rejet de toutes demandes contraires, la condamnation de Mme [Y] aux dépens et à lui payer 5.000 euros d'indemnité de procédure.
Elle soutient que Mme [Y] ne pouvait, comme elle l'a fait, répondre en ne mentionnant qu'une amblyopie de l'oeil droit et un examen lié à une cervicalgie et pour le reste à la négative, aux questions 8 m) demandant si elle souffrait ou avait souffert au cours des dix dernières années d'une maladie hématologique, 7) lui demandant si elle avait réalisé durant les cinq dernières années des examens de laboratoire, notamment sanguin, hors bilan annuel systématique (médecine du travail) et suivi systématique en cas de grossesse, et 10) lui demandant si elle était suivie par un médecin spécialiste, alors qu'elle était suivie pour une thrombopénie depuis 2007 par un professeur en médecine spécialisé en médecine interne qui lui prescrivait des bilans sanguins ; que nombre de ces bilans, réguliers et rapprochés de février 2008 à juin 2011, eurent lieu pendant mais aussi en dehors de ses deux grossesses et ne pouvaient donc pas n'être point déclarés pour ce motif ; que ces examens montraient un état dysimmunitaire nécessitant une surveillance déjà considéré comme une maladie hématologique fût-elle asymptomatique, et même si le diagnostic définitif de la pathologie hématologique, à savoir un purpura thrombopénique idiopathique, ne fut posé qu'en 2017.
Elle récuse les explications de l'intimée selon lesquelles ses bilans sanguins des 18 février et 25 novembre 2008 auraient été simplement destinés à rechercher l'existence d'une maladie auto-immune, et que ceux de juin 2011 avaient été sollicités en raison de cervicalgies, en objectant qu'il s'agissait d'une recherche de numération plaquettaire caractéristique de la surveillance d'une thrombopénie, devant comme telle lui être déclarée, et elle ajoute qu'en tout état de cause, tous les bilans sanguins devaient lui être déclarés quel que fût leur objet
Elle soutient que ses questions étaient posées en termes clairs et précis.
Elle rappelle que l'assuré doit répondre avec exactitude aux questions posées, et que ce n'est pas à lui de déterminer ce qui est constitutif d'un risque ou d'une maladie.
Elle tient pour inopérant que l'arrêt de travail actuel de Mme [Y] ne soit pas en lien avec sa thrombopénie, dès lors que l'article L.113-8 énonce que la nullité du contrat est encourue en cas de fausse déclaration alors même que le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre.
Elle affirme que les réponses ont modifié son appréciation du risque, et qu'elle aurait refusé de couvrir l'ITT et l'ITP et appliqué une majoration de 100% au titre des garanties décès et PTIA.
Elle considère que le caractère intentionnel ne fait pas de doute, en faisant valoir que l'assurée ne pouvait qu'être consciente de dissimuler le suivi dont elle faisait l'objet depuis des années.
Elle sollicite restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire.
Elle évoque subsidiairement l'article L.113-9 et l'application de la réduction proportionnelle qui en résulte alors.
Pour le cas où la cour ne retiendrait pas l'existence d'une fausse déclaration, elle réclame une expertise en faisant valoir que l'inaptitude au travail et l'invalidité au sens du contrat ne sont pas celles de la législation de la sécurité sociale.
Mme [Y] sollicite à titre principal la confirmation du jugement et demande en conséquence à la cour d'ordonner à la société Prévoir Vie d'exécuter la garantie invalidité permanente par la prise en charge des mensualités du prêt et de procéder aux règlements directement entre les mains de la Société Générale, en l'y condamnant en tant que de besoin.
À titre subsidiaire, pour le cas où une mesure d'expertise judiciaire serait ordonnée, elle demande que l'avance des frais en soit mise à la charge exclusive de Prévoir Vie.
À titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la condamnation de la société Prévoir Vie au remboursement des cotisations versées depuis le 1er janvier 2017 au titre des garanties du contrat d'assurance.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de l'assureur aux dépens et à lui payer 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle récuse toute mauvaise foi dans ses réponses au questionnaire, et conteste que ce qui lui est reproché puisse en tout état de cause avoir eu pour conséquence de changer l'objet du risque ou d'en diminuer l'opinion pour l'assureur, au sens requis par l'article L.113-8.
Elle soutient que la thrombopénie n'est pas une maladie, y compris au sens de la définition qu'en donne le contrat d'assurance la liant à Prévoir Vie, et que c'est seulement en février 2017, soit cinq ans après la souscription de
cette police, qu'elle fut informée au vu du bilan immunologique réalisé le 23 de ce mois là , qu'un diagnostic de purpura thrombopénique idiopatique, qui lui est une maladie, était posé. Elle cite le rapport du docteur [M] du
21 février 2017 en ce qu'il énonce que 'l'histoire douloureuse de la maladie a
débuté il y a environ 4 mois' et l'attestation du docteur [I] selon laquelle 'Ã
la lecture du dossier, il n'a jamais été mentionné de thrombopénie idiopatique'. Elle indique n'avoir donc pu dissimuler en 2012 une maladie qui ne lui fut diagnostiquée et dont elle ne fut informée que cinq ans après. Elle nie avoir pu dire au docteur [B] mandaté par l'assureur qu'elle était suivie depuis 2007 pour une telle affection. Elle soutient que les bilans immunologiques qui lui avaient été prescrits à compter de 2007 étaient soit liés à sa grossesse, ce dont le questionnaire médical prévoyait de ne pas tenir compte, soit liés à des cervicalgies qu'elle a bien déclarées à l'assureur, soit enfin de simples contrôles hormonologiques. Elle se prévaut des pièces médicales attestant l'absence de référence à un purpura thrombopénique idiopatique avant 2017. Elle conteste avoir dû faire état de son suivi par le professeur [U] en 2008, en indiquant qu'il s'inscrivait dans le cadre de sa seconde grossesse et n'avait donc pas à être mentionné. Elle affirme avoir découvert les résultats des bilans sanguins de 2008 et 2009 en 2017, lorsqu'ils furent demandés par le docteur [C], qui lui en donna copie, comme l'atteste la mention 'imprimé le 29 mars 2017'.
Elle considère avoir ainsi parfaitement pu répondre par la négative à la question n°8m) du questionnaire puisque la thrombopénie dont elle était atteinte désigne une diminution du nombre de plaquettes sanguines mais n'est pas une maladie, et que son état hématologique était considéré comme normal au vu des résultats.
Elle soutient que l'appelante, qui justifiait sa position par les réponses données à sa questions 7, 8d) et 8m), n'est pas en droit de se référer aujourd'hui à la question 10 au vu des objections formulées.
Elle déclare douter qu'un purpura thrombopénique idiopatique puisse entraîner un refus de garantir l'ITT et l'ITP et une majoration de 100% au titre des garanties décès et PTIA.
Elle indique payer ses cotisations d'assurance, en les déduisant des indemnités que verse Prévoir Vie dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement, et ajoute qu'elles devraient évidemment lui être remboursées, pour 1.098,74 euros TTC, si le jugement était infirmé.
À titre très subsidiaire, si une expertise était ordonnée, elle soutient que ce ne pourrait être qu'aux frais de l'assureur, qui la sollicite.
L'ordonnance de clôture est en date du 27 juin 2022.
À l'audience, la cour a invité Prévoir Vie à indiquer par voie de note contradictoire en délibéré quel serait selon elle le taux applicable en cas de réduction proportionnelle.
L'appelante a adressé le 16 septembre 2022 à la cour une attestation de tarification émanant de son médecin-conseil selon laquelle si les éléments non déclarés lors de son adhésion par Mme [Y] savoir l'existence de suivis biologiques réguliers hors suivi systématique en période de grossesse, suivi par un médecin spécialisé en médecine interne et existence d'une thrombopénie surveillée, avaient été connus de l'assureur, la tarification aurait été une acceptation du risque décès avec une majoration de 100% et un refus du risque ITT et invalidité ce qui peut être assimilé à une majoration de 300%, soit une majoration impliquant, après avis du service indemnisation de la compagnie, une indemnisation divisée par 4.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel ne porte pas sur les chefs de décision du jugement déféré ayant constaté l'intervention volontaire de la société Prévoir Vie et ordonné la mise hors de cause de la société April Santé Prévoyance, qui sont ainsi définitifs.
Selon l'article L.113-2 du code des assurances, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge.
Aux termes de l'article L.113-8, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.
Lors de sa souscription du contrat d'assurance, Mme [Y], ayant coché une case 'oui' sur la déclaration d'état de santé qu'il lui était demandé de remplir, a dû en conséquence comme alors requis du candidat à l'assurance, renseigner le 'Questionnaire de Santé' joint, ce qu'elle a fait en date du 13 février 2012.
Elle a signé ce document, qui comprend en caractères lisibles et apparents à côté du cartouche dévolu à la signature, l'indication 'je certifie exacts les renseignements donnés ci-dessus et déclare accepter la communication de ces informations au médecin-conseil d'April Santé Prévoyance. Je reconnais être informé(e) que toute réticence ou fausse déclaration entraînera la nullité des garanties de l'adhésion, leur résiliation ou leur réduction en application des articles L.113-6 et L.113-9 du code des assurances'.
La compagnie Prévoir Vie invoque en application dudit article L.113-8, ainsi particulièrement et correctement porté à l'attention du souscripteur, la nullité du contrat au motif que Mme [Y] aurait fait intentionnellement une fausse déclaration en répondant NON aux questions 8d), 8m) et 10, et en se bornant à répondre 'cervicalgie ' à la rubrique 'raison' de la rubrique 7 à laquelle elle avait coché 'oui' à la question lui demandant si elle avait réalisé au cours des cinq dernières années des examens de laboratoire.
Mme [Y] dénie à l'assureur la faculté d'invoquer devant la juridiction saisie de sa demande en nullité du contrat d'assurance la réponse à une autre question, en l'occurrence la question 10, que celles dont il s'était prévalu en lui notifiant son refus de garantie, à savoir les questions 7, 8d) et 8m).
Elles n'indique pas le fondement de ce moyen ; ne précise pas s'il est tiré d'une irrecevabilité, telle la prescription ; d'une renonciation qu'elle prêterait à l'assureur à se prévaloir de tout autre motif que ceux invoqués dans sa notification du refus de garantir ; d'une disposition légale tel le code des assurances ; d'une clause du contrat.
La cour ne discerne pas de motif justifiant d'accueillir une telle objection, non articulée, et la société Prévoir Vie doit ainsi être regardée comme habile à arguer, comme elle le fait, d'une fausse déclaration de l'intimée dans ses réponses aux questions 7, 8d), 8m) et 10.
Les questions 8d) et 8m) auxquelles la société Prévoir Vie reproche principalement à Mme [Y] d'avoir répondu faussement sont ainsi libellées :
'Souffrez-vous ou avez-vous souffert au cours des 10 dernières années d'une maladie
.....
d) dermatologique : eczéma, psoriasis, purpura, herpès, kystes, naevus ou toute autre affection dermatologique
...
m) autres maladies : hépatite, paludisme, anémie, troubles de la coagulation ou toute autre maladie infectieuse, virale, parasitaire ou hématologique ''.
Elle fonde son grief de fausse déclaration sur l'affirmation que Mme [Y] souffrait d'une maladie hématologique, la thrombopénie, depuis 2007, et qu'elle a indiqué au médecin-expert commis par la compagnie en 2017 être suivie depuis 2007 pour un purpura thrombopénique idiopathique.
Il est constant aux débats, et établi avec certitude par les productions, que Mme [Y] s'était vu diagnostiquer une thrombopénie en 2007 à l'occasion de sa première grossesse, qu'elle l'a su sur le champ -sa gynécologique l'ayant orientée pour ce motif avant l'accouchement vers un spécialiste en médecine interne, qu'elle a consulté, et un traitement à base de corticoïde lui ayant été prescrit pendant le reste de sa grossesse pour ce motif afin de conjurer les risques d'hémorragie lors de l'accouchement- et qu'elle le savait donc en 2012 lorsqu'elle a renseigné le questionnaire de santé.
Cependant, la thrombopénie n'est pas une maladie, au sens où ce terme est défini comme 'toute altération de la santé constatée par une autorité compétente' en page 49 des conditions générales de l'assurance dans le lexique auquel renvoie la première page desdites conditions générales du contrat d'assurance qui fait la loi des parties.
La thrombopénie, ainsi qu'il ressort des extraits de littérature scientifique et des certificats ou courriers médicaux produits- est un état des plaquettes dans le sang inférieur à un certain taux, ce qui est un facteur de risque pour des pathologies -notamment hémorragiques- mais ne constitue pas, en soi, une maladie.
Il ressort d'ailleurs clairement des productions que le diagnostic de thrombopénie posé en 2007 a impliqué une surveillance médicale de Mme [Y], avec un contrôle périodique de son taux de plaquettes, mais qu'elle n'a présenté à ce titre aucune altération de son état de santé de 2007 à 2017, où elle a souffert d'un purpura thrombopénique idiopathique qui, lui, était symptomatique d'une altération de son état de santé.
L'ensemble des nombreux documents médicaux démontre que ce diagnostic d'un purpura a été posé en 2017 ; seul le rapport du docteur [B], médecin conseil de la compagnie, nourrit l'affirmation d'un purpura diagnostiqué auparavant ; cette affirmation est assise sur une formulation très équivoque de ce rapport, qui énonce 'Depuis 2007, Mme [N] [Y] est suivie pour un purpura thrombopénique idiopathique' sans préciser qu'il s'agirait d'une déclaration faite par l'intéressée, ce que celle-ci conteste catégoriquement, et qui est suivie d'une citation du professeur [U], le spécialiste en médecine interne consulté par Mme [Y] pendant sa grossesse, qui évoque une thrombopénie et nullement un purpura thrombopénique.
Cette mention peut résulter d'une analyse rétrospective, tenue en octobre 2017 par son auteur parce qu'il savait qu'un purpura venait d'être diagnostiqué.
En tout état de cause, elle ne constitue pas une preuve, ni d'ailleurs même véritablement un indice -au demeurant alors isolé, et non corroboré- d'un purpura en 2007 qui ne ressort de rien, et qui est formellement exclu par le praticien qui a suivi Mme [Y] dans le service d'hématologie du Centre hospitalier départemental de [Localité 8], qui certifie par une attestation
du 25 avril 2019 (cf pièce n°25 de l'intimée)que le diagnostic de purpura a été posé dans son service en 2017 et que le dossier de Mme [Y], dont il indique avoir 'pris connaissance globale', ne faisait pas mention du terme PTI (purpura thrombopénique idiopathique).
Mme [Y] est ainsi fondée à récuser toute fausse déclaration au titre de sa réponse aux questions 8d) et 8m), puisqu'elle ne peut avoir dissimulé en 2012 une maladie, le purpura thrombopénique idiopathique, qui n'a été diagnostiquée qu'en 2017, et que la thrombopénie qu'elle savait en 2012 lui
avoir été diagnostiquée en 2007 n'est pas une 'maladie'au sens du contrat, dont elle aurait 'souffert' au sens du questionnaire, et n'avait donc pas à être mentionnée en réponse aux questions telles qu'elles étaient formulées.
S'agissant de la question 7, elle est ainsi formulée :
'Au cours des 5 dernières années, avez-vous réalisé des examens de laboratoire (sanguin, urinaire, de selles, cardiologiques (échographie, électrocardiogramme, doppler) et/ou d'imagerie médicale (échographie, scanner, IRM, endoscopie, coloscopie, radiologie, mammographie), hors bilan annuel systématique (médecine du travail) et suivi systématique en période de grossesse ''
Mme [Y] y a répondu 'OUI' et a indiqué dans la rubrique à renseigner en cas de réponse positive :
'Date : 01/06/2009
Raison : cervicalgie
Résultats : compte-rendu IRM joint'
La question 10 est ainsi formulée :
'Êtes-vous suivie par un médecin spécialiste (hors suivi normal de grossesse) ou un bilan en vue d'un diagnostic est-il en cours ''.
Madame [Y] y a répondu en cochant la case 'NON'.
La compagnie Prévoir Vie est fondée à soutenir que ces réponses sont fausses, la première à la fois par réticence et fausseté, la seconde parce qu'elle est contraire à la réalité.
Il ressort, en effet, clairement des productions qu'à partir du moment où une thrombopénie lui avait été diagnostiquée au début de sa première grossesse, dont le terme était fixé début janvier 2008 (cf sa pièce n°24), Mme [Y] a été spécialement suivie à ce titre par un spécialiste en médecine interne, le professeur [U], qui l'a reçue en consultation le 18 février 2008 soit après l'accouchement, advenu le 11 décembre 2007 (cf idem pièce 24), et sans lien avéré avec les suites de la première grossesse, et lui a prescrit un bilan biologique relatif à cette thrombopénie, pour contrôler son état immunitaire, et a souhaité comme exprimé par courrier du 25 mars 2008 la revoir sous six mois pour un bilan évolutif (cf pièce n°15 de l'intimée).
Il l'a, de fait, revue en consultation le 1er septembre 2008, avec un bilan sanguin.
Mme [Y] se trouvant à nouveau enceinte à cette date, il peut être considéré, même si les productions ne l'établissent pas clairement, que cette consultation et ce bilan sanguin s'inscrivaient dans le cadre des analyses rattachables au suivi d'une grossesse et que, comme tels, ils n'avaient pas à être déclarés dans le questionnaire de santé, qui les en écarte expressément.
Il en va de même pour les bilans sanguins du 25 novembre 2008 et du 25 février 2009 (pièces n°14/2 et 14/3de l'intimée).
Mais il n'en va pas de même des autres consultations en médecine interne et les autres bilans sanguins postérieurs au second accouchement, attestés par les productions : consultation du Pr [U] avec bilan sanguin du
8 octobre 2010 (pièce de l'intimée n°26), bilans sanguins du 22 juin 2011, du 23 février 2012 et du 8 juin 2012 (pièces de l'intimée n°14/4 et 14/5).
Mme [Y] ne rapporte aucun élément, voire indice, à l'appui de son affirmation selon laquelle ces bilans auraient été prescrits en raison de cervicalgies et non dans le cadre du suivi, avéré, dont elle faisait l'objet pour sa
thrombopénie, qui nécessitait des bilans périodiques avec recherche du taux de plaquettes, ce qui est le cas de ces analyses, étant observé que c'est en 2012 qu'elle a été opérée pour des cervicalgies.
En tout état de cause, quel qu'ait été l'objet, le prescripteur et le résultat de ces bilans sanguins, Mme [Y] n'en a pas fait état dans les informations accompagnant sa réponse positive à la question 7, où elle n'a mentionné -et produit- qu'un IRM lié à des cervicalgies, alors que cette question portait également sur l'existence de bilans sanguins au cours des cinq dernières années, soit depuis février 2007, et qu'elle devait donc les mentionner aussi.
Le silence gardé par Mme [Y] sur ces bilans sanguins dans sa réponse à la question 7 constitue de sa part une réticence, au sens de l'article L.113-8 du code des assurances.
Qu'elle ait reçu - ce qui paraît certain, puisque le patient est toujours destinataire des résultats du bilan biologique auquel il se prête- ou non, comme elle le soutient, les résultats de ces analyses de sang, Mme [Y] devait pareillement en faire état dans sa réponse à la question 7, puisqu'il n'a pu lui échapper à tout le moins qu'elle avait subi ces prélèvements en laboratoire en vue de bilans sanguins (cf ses pièces 14).
Et sa mention d'un IRM comme réponse à la question 7) ne tenait évidemment pas lieu de mention de bilans sanguins.
Les questions 7 et 10 étaient claires et précises, et Mme [Y] devait y répondre avec exactitude et sincérité, sans se faire juge de la portée de l'information demandée.
Mme [Y] argue du caractère asymptomatique, et peu grave, de la thrombopénie diagnostiquée, mais elle n'en était pas moins tenue de répondre exactement aux questions posées.
Le caractère intentionnel de ses dissimulation et réticence ne fait pas de doute, car Mme [Y] ne pouvait pas méconnaître avoir fait l'objet d'une surveillance médicale, qui l'avait amenée à consulter à l'hôpital de [Localité 9], où elle n'était pas domiciliée, et qu'elle ne pouvait pas non plus ne pas avoir en mémoire les prélèvements sanguins auxquels elle avait dû se prêter.
Il peut être incidemment observé qu'il ressort des productions (cf pièce de l'appelante n°15 p.2) qu'elle travaillait chez un agent général d'assurances, avec une activité de gestion de sinistres, d'accueil de clientèle et d'établissement de devis, profession qui la disposait particulièrement à comprendre la portée d'un questionnaire de souscription d'assurance.
La société Prévoir Vie est fondée à soutenir que les réponses faites par Mme [Y] aux questions litigieuses ont modifié son appréciation du risque, dès lors que si elle n'est pas une maladie, la thrombopénie que lui auraient révélée des réponses complètes et sincères de Mme [Y] sur son suivi médical et l'existence de bilans sanguins est regardée comme un facteur
de risques pour la santé, comme tel pris en considération par les assureurs dans
l'appréciation d'une demande de souscription, qu'elle était de nature à faire éventuellement assortir d'une exclusion de risques et/ou d'une majoration de primes.
Il est inopérant que l'arrêt de travail actuel de Mme [Y] ne soit pas en lien avec la thrombopénie pour laquelle elle avait été suivie et avait subi des bilans sanguins durant la période considérée par chacune des questions
litigieuses, dès lors que l'article L.113-8 énonce que la nullité du contrat est encourue en cas de fausse déclaration alors même que le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre.
Il y a lieu ainsi, par infirmation du jugement déféré, d'annuler le contrat d'assurance conclu par Mme [Y] en mars 2012 avec la compagnie Prévoir Vie.
Il n'y a, en revanche, pas lieu d'annuler le contrat d'assurance en tant que conclu aussi par monsieur [Y], comme le demande la compagnie, celui-ci n'étant pas dans la cause, aucune réticence ou fausse déclaration intentionnelle ne lui étant imputée, et l'appelante n'indiquant pas le fondement de pareille prétention.
La société Prévoir Vie est fondée à réclamer à Mme [Y] remboursement des sommes, pour un montant non discuté de 6.779,09 euros, qu'elle a versées en exécution du contrat ainsi annulé, l'article L.113-8 impliquant que l'annulation d'un contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré entraîne la restitution, par l'assuré, des indemnités versées par l'assureur en exécution du contrat annulé (cf Cass. Civ. 2° 16.06.2022 P n°20-20745).
Mme [Y] sera donc condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2018, date de la mise en demeure de la restituer qui lui fut délivrée (pièce n°17 de l'appelante).
La compagnie Prévoir Vie est fondée à s'opposer à la prétention subsidiaire de Mme [Y] d'être remboursée des primes versées si le contrat venait à être annulé, dès lors que l'article L.113-8 du code des assurances qu'invoque la compagnie dispose en son deuxième alinéa qu'en cas d'annulation du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle, les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.
Au vu du sens du présent arrêt Mme [Y], qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité justifie de ne pas mettre à sa charge d'indemnité de procédure de première instance ni d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, dans les limites de l'appel
INFIRME le jugement entrepris
statuant à nouveau :
DIT que la société d'assurance Prévoir Vie est fondée à opposer à Mme [N] [Z] épouse [Y] les dispositions de l'article L.113-8 du code des assurances en raison de ses réticence et fausse déclaration intentionnelles lors de la souscription du contrat, ayant changé l'objet du risque ou diminué l'opinion qu'elle s'en faisait
ANNULE le contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par Mme [Y] en mars 2012
CONDAMNE Mme [Y] à payer à la société Prévoir Vie la somme de 6.779,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2018 au titre de la restitution des sommes versées par l'assureur en exécution du contrat ainsi annulé
DÉBOUTE Mme [Y] de sa prétention à voir condamner la société d'assurance Prévoir Vie à lui rembourser une somme de 1.098,74 euros au titre du montant des primes payées
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires
CONDAMNE Mme [Y] aux dépens de première instance et d'appel
DIT n'y avoir lieu à indemnité de procédure de première instance ni d'appel
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,