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25/10/2022 | FRANCE | N°20/01419

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 25 octobre 2022, 20/01419


ARRET N°501



N° RG 20/01419 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GBCZ













S.A.R.L. 2MSE



C/



S.A.R.L. DUOMETAL



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01419 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GBCZ



Décision déférÃ

©e à la Cour : jugement du 01 octobre 2019 rendu par le Tribunal de Commerce de NIORT.





APPELANTE :



S.A.R.L. 2MSE

[Adresse 1]

[Localité 2]



ayant pour avocat postulant Me Stéphanie DELHUMEAU-DIDELOT de la SCP BRUNET - DELHUMEAU, avocat au barreau de POITIERS et p...

ARRET N°501

N° RG 20/01419 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GBCZ

S.A.R.L. 2MSE

C/

S.A.R.L. DUOMETAL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01419 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GBCZ

Décision déférée à la Cour : jugement du 01 octobre 2019 rendu par le Tribunal de Commerce de NIORT.

APPELANTE :

S.A.R.L. 2MSE

[Adresse 1]

[Localité 2]

ayant pour avocat postulant Me Stéphanie DELHUMEAU-DIDELOT de la SCP BRUNET - DELHUMEAU, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Stéphanie BERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

S.A.R.L. DUOMETAL

[Adresse 3]

[Localité 4]

ayant pour avocat Me James GAILLARD de la SCP MONTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller qui a présenté son rapport

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

[J] et [R] [P], associés de la société Duométal, ont constitué le 21 avril 2014 une société 2MSE avec [E] [V]. Ce dernier en était le gérant. A l'origine, le siège social de cette nouvelle société a été fixé dans les locaux de la société Duométal. Elle n'employait alors pas de salarié. Le secrétariat comptable était assuré par le préposé de la société Duométal. Les deux sociétés avaient le même cabinet d'expertise comptable.

Cette association avait pour finalité d'établir un partenariat entre l'activité de chaudronnerie industrielle de la société Duométal et celle d'ingénierie exercée par [E] [V]. [J] et [R] [P] ont cédé le 6 octobre 2017 leurs parts à leur associé.

Sur appel d'offre de la société Electricité de France, les sociétés 2MSE et Duométal se sont vu confier la rénovation du système de protection incendie de la centrale électrique de Vazzio (Corse). Le marché (n° C4425C3540) est en date des 18 novembre et 4 décembre 2015, pour un montant global et forfaitaire hors taxes de 890.000 €. Il a été signé de [E] [V] pour le compte de la société 2MSE et de [J] [P] pour le compte de la société Duométal.

La société 2MSE devait assurer les études techniques et la maîtrise d'oeuvre, la société Duométal divers travaux décrits à un devis en date du 2 novembre 2015 établi à l'intention de la société 2MSE pour un montant de 225.000 € hors taxes.

La société Duométal a facturé à la société 2MSE les travaux selon elle réalisés pour un montant hors taxes de 273.919 €. La société 2MSE a, après les avoir inscrites en comptabilité, contesté les factures de travaux émises par la société Duométal. Cette dernière a par courrier en date du 28 janvier 2018 mis en demeure la société 2MSE de lui payer la somme hors taxes de 80.010 € restant alors due, correspondant aux factures :

- n° 6535 en date du 31 octobre 2016 d'un montant de 30.510 € ;

- n° 6593 en date du 23 décembre 2016 d'un montant de 24.500 € ;

- n° 6646 en date du 29 février 2017 d'un montant de 25.000 €.

Par acte du 19 décembre 2018, la société 2MSE a fait citer la société Duométal devant le tribunal de commerce de Niort. Elle a à titre principal demandé de :

- dire que la défenderesse avait manqué à ses obligations contractuelles en ayant fait inscrire dans sa comptabilité des factures injustifiées et en ayant livré des travaux affectés de désordres ;

- la condamner sous astreinte à lui délivrer un avoir d'un montant hors taxes de 80.010 € annulant les 3 factures précitées ;

- la condamner à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 30.000€ en réparation du préjudice d'image financière subi et celle de 20.131,75 € en réparation des préjudices financiers occasionnés ;

- lui donner acte de ce qu'elle se reconnaissait débitrice de la somme hors taxes de 52.334,20  €, à l'exclusion de toute autre somme.

Elle a exposé n'avoir pris connaissance de ces factures que fin juin 2017, après qu'elles aient été inscrites dans sa comptabilité à l'initiative de la société Duométal, que ces sommes n'étaient pas dues en raison des désordres qui avaient affecté les travaux réalisés par la société Duométal et que cette inscription avait eu pour conséquence un résultat négatif ayant dégradé son image auprès des établissements financiers.

La société Duométal a soutenu que les réductions de prix avaient été consenties par [E] [V] seul, qu'elle avait été sous-traitante de la société 2MSE et qu'elle était fondée à demander paiement des travaux supplémentaires de montage du bâtiment 'Paf' (protection anti-incendie) réalisés à la demande de cette dernière et non compris dans le devis initial. Elle a contesté avoir frauduleusement fait inscrire les factures litigieuses dans la comptabilité de la demanderesse, laquelle ne les avait pas rejetées lors de l'arrêt des comptes. Selon elle, cette inscription valait reconnaissance de dette. Elle a à titre principal demandé de condamner la société 2MSE à lui payer les sommes de :

- 162.148,70 € (montant toutes taxes comprises), solde selon elle restant dû, outre les intérêts de retard et les pénalités de retard ;

- 30.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi.

Par jugement du 1er octobre 2019, le tribunal de commerce de Niort a statué en ces termes :

'Déboute la société 2MSE de 1'intégralité de ses demandes. fins et prétentions.

Condamne la société 2MSE à régler a la société DUOMETAL. la somme de 160.651,44€ TTC (dont 26.775,24€ de TVA a 20%) et dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement et jusqu'à complet règlement.

Déboute la société DUOMETAL du surplus de ses demandes et de ses conclusions contraires, différentes ou plus amples.

Dit qu'i1 n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Condamne la société 2MSE aux entiers dépens dont frais de Greffe liquides pour 63.36 Euros TTC'.

Il a considéré que la société Duométal, dont le réprésentant avait signé le marché conclu avec la société Electricité de France, n'avait pas été sous-traitante de la société 2MSE mais cocontractante et que les termes de ce marché étaient dès lors opposables aux deux sociétés. Il a constaté que le devis de la société Duométal, initialement de 239.384 € avait été remisé à 225.000 € (montants hors taxes) et que cette société avait admis ne pas avoir réalisé certains travaux pour un montant de 25.956 € (montant hors taxes). Il a considéré que les travaux de pose de vanne dans le local 'PAF PTA' devaient être retenus, mais non le coût de transvasement de l'émulseur. Il a fait application du taux de remise résultant du devis, aucune condition n'ayant été posée pour son application. Il a ainsi chiffré le montant rectifié des devis de la société Duométal à 195.977 € hors taxes (225.000 - 25.956 - 1.500 - 1.667).

Il a considéré que :

- l'inscription dans la comptabilité de la société 2MSE des factures litigieuses correspondant à des travaux complémentaires de la société Duométal, ne valait pas reconnaissance de dette, le dirigeant de la demanderesse ayant pu demeurer dans leur ignorance en raison du secrétariat-comptable commun et l'expert-comptable des sociétés ne pouvant annuler les écritures réalisées dans les livres des deux sociétés ;

- les travaux d'édification du 'bâtiment PAF principal' initialement confiés à la société Créatec avaient en partie été réalisés par la société Duométal sur la demande de la société 2MSE qui n'avait pas sollicité l'établissement préalable d'un devis ;

- le coût actualisé des travaux qui devaient être réalisés par la société Createc était de 79.980 € hors taxes ;

- la société Duométal avait facturé des travaux pour un montant total de 273.919 € hors taxes n'excédant pas le montant de 275.857 € du devis initial;

- la société 2MSE ayant réglé la somme de 140.042,80 €, restait due la somme de 133.876,20 € hors taxes (soit 160.651,44 € toutes taxes comprises).

Il a rejeté les demandes de la société 2MSE d'indemnisation d'une part des désordres qui affectaient selon elle les travaux réalisés, non établis, d'autre part d'un préjudice d'image, la perte de l'exercice clôturé au 31 mars 2017 n'étant pas imputable à la société Duométal.

Il a rejeté la demande de la société Duométal d'indemnisation d'un préjudice financier, en l'absence de preuve d'un préjudice indépendant du retard de paiement que viennent réparer les intérêts de retard.

Par déclaration reçue au greffe le 7 novembre 2019 enrôlée sous le numéro 19/3591, la société 2MSE a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 12 mai 2020, le conseiller de la mise en état a sur la demande de la société Duométal ordonné la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution du jugement déféré et dit qu'elle serait réinscrite au rôle des affaires en cours sur justification de l'exécution de la décision.

L'affaire a postérieurement été réenrôlée, sous le numéro 20/141.

Par ordonnance du 26 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a sur la demande de la société Duométal enjoint sous astreinte à la société 2MSE de communiquer le compte détaillé des recettes et dépenses justifiées, certifié par son expert-comptable, du marché de la centrale EDF du Vazzio, avec tous les justificatifs requis notamment devis, factures et paiements le concernant, ainsi que les extraits de son Grand Livre comptable y étant relatifs.

Par ordonnance du 9 novembre 2021, il a rejeté le demande de liquidation de l'astreinte formée par la société Duométal, la société 2MSE ayant communiqué les documents mentionnés à l'ordonnance. Il a par ailleurs enjoint sous astreinte à cette dernière de communiquer le devis DES 040915 du 4 novembre 2015.

Par ordonnance du 12 avril 2022, il a notamment constaté que la société 2MSE affirmait qu'il n'existait pas et n'avait jamais existé de devis DES 040915 et rejeté la demande de liquidation de la seconde astreinte.

Par conclusion notifiées le 16 juin 2022, la société 2MSE a demandé de :

'Réformer le jugement rendu en date du 1er octobre 2019 par le Tribunal de Commerce de NIORT en ce qu'il a :

' débouté la Société 2MSE de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

' condamné la société 2MSE à régler à la Société DUOMETAL, la somme de 160.651,44 € TTC (dont 26.775,24 € de TVA à 20%) et dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la date du jugement et jusqu'à complet paiement.

Statuant de nouveau,

En application des articles 1134 et 1147 anciens du Code civil,

Dire et juger que la Société DUOMETAL a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la Société 2MSE en procédant à l'inscription en comptabilité de factures injustifiées révélatrice d'un état de surfacturation manifeste et en livrant des travaux affectés de désordres.

En conséquence,

Fixer le montant total de la créance de la Société DUOMETAL à la somme de 52.334,20 € HT à l'exclusion de toute autre somme.

Condamner la Société DUOMETAL à délivrer à la Société 2MSE un avoir portant annulation de ses trois factures des 31 octobre 2016, 23 décembre 2016 et 28 février 2017 injustifiées pour

un montant total de 80.010 € HT, et ce, sous astreinte journalière de 800 € à compter du huitième suivant la signification de l'arrêt à intervenir.

Condamner la Société DUOMETAL à payer à la Société 2MSE une indemnité de 30.000 € à titre de dommages et intérêts et pour le préjudice d'image financière occasionné.

Condamner la Société DUOMETAL à payer à la Société 2MSE la somme de 20.131,75 €, à titre de dommages et intérêts et en indemnisation des préjudices financiers occasionnés.

Débouter la Société DUOMETAL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Ordonner la compensation des créances réciproques des parties.

Constater que la Société 2MSE s'est acquittée de la somme totale de 160.651,48 €

En conséquence,

Condamner la Société DUOMETAL à restituer à la Société 2MSE la somme de 147.982,19 €.

Condamner la Société DUOMETAL à payer à la Société 2MSE la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la Société DUOMETAL aux entiers dépens d'instance et d'appel'.

Elle a exposé que :

- la société Duométal qui avait émis trois devis d'un montant total de 225.000 € hors taxes qui la liaient, avait surfacturé ses prestations ;

- certains travaux n'avaient pas été exécutés sur la demande du maître de l'ouvrage et que d'autres n'avaient pas été réalisés par la société Duométal qui les avait toutefois facturés (transvasement de l'émulseur, épreuve dans ses ateliers) ;

- le prix du marché était ainsi de 192.377 € hors taxes (225.000 - 32.623).

Elle a soutenu que :

- la société Duométal avait surfacturé une somme de 82.285,50 €, alors même que le marché avait selon elle été global et forfaitaire, qu'aucune difficulté n'avait été signalée en cours de chantier et qu'aucun devis de travaux supplémentaires n'avait été accepté ;

- cette société n'avait que monté les structures en acier fournies par la société Createc qui devait initialement y procéder ;

- le prix de cette prestation, de 30.000 € hors taxes, avait été réglé ;

- la société Duométal avait refacturé au prix de 25.000 € cette prestation qui n'avait pas fait l'objet d'un devis, puis fait déloyalement inscrire cette facture dans sa comptabilité, de même que les autres factures litigieuses ;

- cette facture litigieuse avait été payée à une date où le plafond du marché confié à la société Duométal n'avait pas encore été atteint ;

- le solde restant dû à la société Duométal était au plus de 52.334 € hors taxes (225.000 - 32.623 - 140.042,80 €).

Elle a pour ces motifs maintenu sa demande d'établissement d'un avoir de 80.010 €

Elle a en outre sollicité l'indemnisation :

- de la perte financière selon elle subie au motif que les agissements de la société Duométal avaient obéré son résultat devenu déficitaire et affecté son crédit auprès des organismes financiers ;

- des frais (déplacements, temps passé) liés à la reprise des désordres ayant affecté les travaux réalisés par la société Duométal, qui s'en était désintéressée.

Elle a enfin demandé que soit ordonnée la compensation des créances entre elles et que la société Duométal soit condamnée à lui payer la somme de 147.982,19 € toutes taxes comprises incluant la créance de la société Duométal après compensation (somme versée en exécution du jugement : 160.651,48 € - créance Duométal : 12.669,29 €).

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2022, la société Duométal a demandé de :

'Vu les articles 1134 et 1147 anciens du Code civil, et 56 du Code de Procédure Civile

Vu le marché de travaux EDF dont les parties sont toutes deux co-titulaires,

Vu le jugement dont appel,

Vu les ordonnances de Monsieur le Conseiller de la mise en état,

Vu l'article L 123-23 du Code de Commerce,

RECEVOIR la société DUOMETAL en ses conclusions l'y déclarant bien fondée

DECLARER la société 2MSE mal fondée en son appel et l'en débouter totalement

DECLARER la comptabilité du chantier EDF finalement présentée par 2MSE irrégulière et non opposable à DUOMETAL

CONFIRMER le jugement entrepris

ET y ajoutant

DEBOUTER totalement la société 2MSE de ses demandes et compensations

DIRE ET JUGER que les factures de DUOMETAL inscrites comptablement dans les comptes publiés de la société 2MSE valent acceptation pour une créance établie contradictoirement à 162.148,70 € T.T.C. suite à réception des travaux par EDF et entier paiement du chantier commun à 2MSE

DIRE ET JUGER que la société 2MSE a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société DUOMETAL en refusant de régler les sommes dues et justifiées selon factures établies en exécution du marché EDF dont les deux entreprises sont co-titulaires,

DIRE ET JUGER que la créance de la société DUOMETAL sur la société 2MSE s'établit à un solde de 135.123,92 € HT outre la T.V.A au taux de 20% pour 27.024,78 €, soit un total de 162.148,70 €

INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté l'intimée de ses autres demandes maintenues devant la Cour par appel incident,

En conséquence,

CONDAMNER la société 2MSE à verser à la société DUOMETAL la somme de 162.148,70 € TTC., outre l'intérêt légal et les pénalités de retard depuis la mise en demeure de payer adressée le 29 janvier 2018 (Pièce adverse 25)

CONDAMNER la société 2MSE à verser à la société DUOMETAL la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts et pour le préjudice financier occasionné et le défaut de communication persistant des comptes justifiés du chantier commun EDF

CONDAMNER la société 2MSE à verser à la société DUOMETAL la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la société 2MSE aux entiers dépens'.

Elle a rappelé que le marché conclu avec la société Electricité de France et dont elle était cotitulaire n'avait pas précisé la répartition du coût des travaux entre la société 2MSE et elle-même. Selon elle, les factures émises correspondaient aux travaux réalisés en accord avec la société 2MSE qui avait perçu du maître de l'ouvrage le prix des travaux objet du marché.

Elle a soutenu qu'en application de l'article 56 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, l'irrecevabilité des demandes devait être soulevée d'office à défaut pour l'appelante d'avoir précisé dans l'assignation les tentatives de règlement amiable mises en oeuvre.

Selon elle, la passation en comptabilité des factures litigieuses constituait pour le moins un commencement de preuve par écrit, les écritures comptables étant réputées exactes et probantes. Elle a contesté avoir fait déloyalement procéder à cette inscription.

Elle a exposé que le maître de l'ouvrage avait exigé qu'elle soit cotitulaire du marché et non comme initialement envisagé sous traitante de la société 2MSE, les premiers devis ayant été établis en cette qualité. Dès lors, ceux-ci ne pouvaient plus être acceptés par la société 2MSE qui ne les a en conséquences pas signés. Elle a contesté que le prix de son intervention fût limité à 225.000 €.

Selon elle, la remise initialement consentie ne pouvait recevoir application, l'intégralité des travaux décrits aux devis n'ayant pas été réalisée. Elle a chiffré à 213.438 € hors taxes le coût des travaux réalisés objet du devis (225.000 + 14.384 [remise] - 25.596 [non réalisé]). Elle a rappelé que seul [E] [V] avait négocié les baisses de prix avec le maître de l'ouvrage.

Elle a soutenu avoir exécuté des travaux supplémentaires nécessaires, non décrits aux devis initiaux non acceptés, à savoir :

- la mise en conformité sur la demande de l'appelante de l'installation afin de pouvoir procéder au transvasement de l'émulseur ;

- le montage du 'bâtiment PAF principal' qui était initialement confié à la société Créatec, ainsi que des travaux supplémentaires de plomberie.

Elle a chiffré par une attestation de son expert-comptable un solde lui restant dû de 162.148,70 € (montant toutes taxes comprises).

Elle a conclu au rejet de la demande de dommages et intérêts de la société 2MSE, la preuve du préjudice allégué n'étant pas rapportée et les travaux réalisés n'ayant pas été surfacturés.

Elle a contesté tout désordre les affectant, la preuve n'en étant pas rapportée.

Elle a maintenu sa demande de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier selon elle subi en raison du défaut de paiement de la société.

Elle a enfin soutenu que les éléments de comptabilité produits partiellement par l'appelante dont l'expert-comptable avait lui-même attesté du caractère incomplet, étaient sans valeur probante, les comptes présentés par l'appelante n'étant ni définitifs, ni complets, ni sincères, ni fiables.

L'ordonnance de clôture est du 27 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - SUR LA NULLITE DE L'ASSIGNATION

L'intimée a en page 8 de ses dernières conclusions soutenu que l'assignation qui lui avait été délivrée était nulle à défaut d'avoir mentionné les tentatives de règlement amiable du litige.

L'article 56 du code de procédure civile auquel renvoyait l'article 855 du même code, dans sa version applicable au litige, imposait la mention dans l'assignation de la tentative de résolution amiable du litige. Aucune sanction n'était toutefois attachée à cette prescription. Ce défaut de mention ne pouvait dès lors être relevé d'office.

L'intimée n'a pas indiqué dans le dispositif de ces écritures qu'elle sollicitait la nullité de l'acte introductif d'instance. La cour n'est par application de l'article 954 du code de procédure civile dès lors pas saisie d'une demande de nullité de l'assignation.

B - SUR LES RELATIONS CONTRACTUELLES

Le marché conclu avec la société EDF stipule en première page que la société 2MSE est le 'mandataire du groupement' d'entreprises. En page 3, le marché a été signé du représentant de la société 2MSE et de celui de la société Duométal. Il a été précisé en même page que : 'Chacune des entreprises soussignées est responsable de l'exécution de son propre lot, s'il en est défini un, mais aussi de l'exécution de la totalité du marché'. Il en résulte que les sociétés 2MSE et Duométal étaient cotitulaires du marché conclu avec la société Edf. La société Duométal ne le conteste plus.

La société Duométal avait établi plusieurs devis à l'intention de la société 2MSE :

- n° JM 110/0845 en date du 27 août 2015 d'un montant hors taxes de 75.333€;

- n° JM 109/0815 en date du 27 août 2015 d'un montant hors taxes de 138.095 € ;

- n° JM 111/0815 en date du 27 août 2015 d'un montant hors taxes de 7.128 €;

- n° 164/115 € en date du 2 novembre 2015 récapitulant les précédents devis, le dernier actualisé à 25.956 €, d'un montant de 225.000 € hors taxes après remise de 14.384 €.

Chacun de ces devis était valable 3 mois à compter de sa date d'émission. Aucun d'entre eux n'a été expressément accepté par la société 2SME. Ils ne lient dès lors pas autrement que moralement la société Duométal envers la société 2MSE. Il ne peut par ailleurs pas être retenu que la société Duométal s'était engagée à forfait envers la société 2MSE.

La société Duométal a établi les factures de travaux à l'intention de la société 2MSE, mandataire du groupement ayant perçu de la société Edf l'intégralité du prix du marché. Leur montant (hors facture n° 6770 en date du 31 juillet 2017 hors litige) est de 274.678,50 € hors taxes. Ces factures sont en date des 31 mai, 30 juin, 29 juillet, 31 août, 30 septembre, 31 octobre, 30 novembre et 23 décembre 2016, 31 janvier et 28 février 2017.

C - SUR LA CREANCE DE LA SOCIETE DUOMETAL

1 - 'local PAF PTA'.

La société Créatec a établi à l'intention de la société Duomtétal 3 dévis relatifs à l'édification d'un local :

- n° 51109 en date du 19 octobre 2015 d'un montant hors taxes de 44.140 € ;

- n° 51110 en date du même jour d'un montant hors taxes de 3.400 € ;

- n° 53971 en date du 15 mars 2016 d'un montant hors taxes de 79.980 €.

Ces devis avaient pour objet la fourniture des matériaux d'édification du 'local PAF' (ossature, toiture, bardage, etc.). Le bon de commande établi par la société 2MSE à l'intention de la société Créatec est en date du 18 mars 2016. Il est d'un montant hors taxes de 79.980 €. La société Créatec y a été qualifiée de fournisseur. L'adresse de livraison figurant à cette commande est celle de la société Duométal ([Adresse 6]). La prestation acceptée par la société 2MSE est la livraison des matériaux, mais non l'édification du local. Par courriel en date du 31 août 2016, la société Créatec (14@créatec.fr) a adressé 'un croquis pour le mode opératoire du montage PAF TAC' tant à la société Duométal (sarlduometal@gmail.com) qu'à la société 2MSE ([Courriel 7]). Il n'est pas contesté que la société Duométal y a procédé, en sus des travaux décrits à ses devis en date du 27 août 2015. Elle est dès lors fondée à demander paiement du coût de cette prestation supplémentaire.

La société Duométal a émis deux factures de travaux dont la société 2MSE conteste la pertinence :

- n° 6627 en date du 31 janvier 2017 d'un montant hors taxes de 30.000 € ;

- n° 6646 en date du 28 février 2017 d'un montant hors taxes de 25.000 € ;

au motif qu'aurait été facturée deux fois la même prestation.

La facture n° 6627 renvoie à un devis n° JM272/0716 non produit. Elle décrit comme suit les travaux réalisés au 30 juillet 2016 :

'REALISATION TRAVAUX SUR PAF PRINCIPAL

MONTAGE BATIMENT PAF PRINCIPAL

LOCATION GRUE ET NACELLE

TRAVAUX INDUSTRIE

SUIVANR DEVIS'.

Celle n° 6646 mentionne le même devis. Elle vise une situation au 28 février 2017 et décrit les travaux suiavnts :

'TRAVAUX SUPPLEMENTAIRES SUR TUYAUTERIE (DIAPHRAGMES, ASPIRATION, ERREURS PLANS)

TRAVAUX SUR BATIMENT

LOCATION GRUE ET NACELLE

TRAVAUX INDUSTRIE

SUIVANR DEVIS'.

Il résulte de ces libellés que les travaux objet de ces factures, executés, ne sont pas identiques. La société 2MSE n'est dès lors pas fondée à soutenir que la société Duométal aurait procédé à une double facturation.

2 - travaux inexécutés sur la demande de la société Edf

La société Duométal ne conteste pas l'inexécution sur la demande de la société Edf des travaux décrits au devis n° JM 111/0815 actualisé d'un montant hors taxes de 25.956 €.

En regard du devis en date du 2 novembre 2015 et compte tenu des travaux d'édification du local 'Paf', le coût total des travaux réalisés par la société Duométal devait être de 280.000 € hors taxes (225.000 + 30.000 + 25.000). La société Duométal a facturé à la société 2MSE un total de 274.678,50 €. Il s'en déduit que ces travaux inexécutés ont toutefois été facturés par la société Duométal à la société 2MSE. Cette somme est dès lors à déduire du montant facturé.

3 - sur des travaux facturés mais non réalisés

La société Duométal admet ne pas avoir procédé au 'transvasement de l'émulseur' mentionné au devis n° JM 109/815. Ce transvasement n'apparaît pas sur les factures de travaux. Il ne peut dès lors être considéré qu'il a été indûment facturé.

4 - sur un préjudice financier

L'article 1231-6 du code civil dispose que :

'Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire'

La société Duométal ne justifie pas d'un préjudice subi indépendant du retard de paiement que viennent réparer les intérêts moratoires. Sa demande de dommages et intérêts présentée sur le fondement des dispositions précitées n'est pour ces motifs pas fondée.

Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

5 - récapitulatif

La société Duométal a facturé des travaux pour un montant hors taxes de 274.678,50 €. Sont à déduire les sommes de 25.956 € correspondant aux travaux facturés mais non réalisés et de 140.042,80 € correspondant aux paiements réalisés par la société 2MSE. Reste donc due la somme de 108.679,70 € hors taxes (274.678,50 - 25.956 - 140.042,80), soit 130.415,64 € toutes taxes comprises (tva : 20 %). Les intérêts de retard sont dus au taux légal à compter de la date du jugement.

Le jugement sera pour ces motifs réformé en ce qu'il a retenu une créance toutes taxes comprises de 160.641,44 € et confirmé du chef des intérêts de retard.

C - SUR LA CREANCE DE LA SOCIETE 2MSE

1 - sur un avoir

Il résulte des développements précédents que la société 2MSE n'est pas fondée à solliciter l'établissement par la société Duométal d'un avoir d'un montant hors taxes de 80.010 €. Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

2 - sur les demandes de dommages et intérêts

a - sur la déloyauté de la société Duométal

La société 2MSE soutient que la société Duométal aurait fait déloyalement inscrire dans sa comptabilité les factures litigieuses, le service comptable étant commun aux deux sociétés.

Par courriel en date du 28 juin 2017, [E] [V] a confirmé au service comptabilité ([Courriel 5]) que : 'Effectivement à dater de la semaine prochaine je souhaite séparer la compta 2MSE de la compta DUOMETAL (Cela m'évitera de me retrouver avec des factures non validé par le gérant 2MSE dans la compta 2MSE !!....)'. Le courrier recommandé de contestation de partie de ces factures et de demande d'édition d'un avoir est en date du 8 août 2017. Il s'est ainsi écoulé environ 5 mois entre la date de la dernière facture de la société Duométal (20 février 2017), période pendant laquelle le gérant de la société 2MSE n'aurait pas vérifié sa comptabilité.

Il ne se déduit pas d'une prise de connaissance tardive de ces factures par la société 2MSE, sans personnel autre que son gérant, une déloyauté de la société Duométal dont la preuve n'est pas rapportée autrement que par affirmation. Au surplus, une telle attitude, à la supposer établie, serait sans incidence sur la régularité des factures et leurs montants dès lors que les travaux ont été exécutés.

Une faute de ce chef de la société Duométal ne peut dès lors pas être retenue.

b - sur un préjudice d'image financière

La société 2MSE ne justifie d'aucune faute de la société Duométal dont elle demeure débitrice, ni du préjudice allégué. Elle n'a en effet pas produit de documents comptables à l'appui de ses prétentions. Dans un courriel en date du 7 août 2018 adressé par un courtier d'assurance à la société Axa, il apparaît que le résultat de la société 2MSE était de 100.000 € sur l'exercice 2015/2016 et de - 100.000 € sur celui 2016/2017. Aucun document notamment comptable ne permet d'imputer ce résultat négatif au marché conclu avec la société Edf et à des manquements de la société Duométal. Le jugement sera pour ces motif confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

c -sur un préjudice financier

Ce préjudice n'est pas prouvé. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

d - sur des malfaçons affectant les travaux

La société 2MSE soutient avoir dû intervenir pour remédier aux désordres affectant les travaux réalisés par la société Duométal.

La société Edf a réceptionné sans réserves les travaux objet du marché dont elle a payé le prix entre les mains de la société 2MSE.

Pour justifier des désordres allégués, la société 2MSE a produit deux rapports d'intervention qu'elle a établis, faisant mention de fuites sur des vannes en février et mars 2018. Ces rapports, outre qu'ils ont été établis par l'appelante et constituent une preuve à soi-même, ne permettent pas d'imputer ces fuites à la société Duométal.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la société 2MSE à raison de désordres qu'elle impute à la société Duométal.

D - SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié n'y avoir lieu de faire application de ces dispositions.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire application de ces dispositions en cause d'appel.

E - SUR LES DEPENS

Ces mêmes circonstances justifient que chacune des parties supporte la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONSTATE que la cour n'a pas été saisie d'une demande de nullité de l'assignation ;

CONFIRME le jugement du 1er octobre 2019 du tribunal de commerce de Niort sauf en ce qu'il :

'Condamne la société 2MSE à régler a la société DUOMETAL. la somme de 160.651,44€ TTC (dont 26.775,24€ de TVA a 20%)' ;

et statuant à nouveau de ce chef d'infirmation,

CONDAMNE la société 2MSE à payer à la société Duométal la somme de 130.415,64 €, montant toutes taxes comprises ;

REJETTE les demandes présentées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties supportera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01419
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.01419 ?
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