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18/10/2022 | FRANCE | N°20/03110

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 20/03110


ARRET N°490



N° RG 20/03110 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GE5J















[I]

[E]



C/



[F]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03110 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GE5J



Décision défÃ

©rée à la Cour : jugement du 15 octobre 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINTES.







APPELANTS :



Monsieur [K] [I]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 10] (Italie)

[Adresse 2]

[Localité 9]



Madame [O] [E] épouse [I]

née le [Date naissance 5] 1953 à...

ARRET N°490

N° RG 20/03110 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GE5J

[I]

[E]

C/

[F]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03110 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GE5J

Décision déférée à la Cour : jugement du 15 octobre 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINTES.

APPELANTS :

Monsieur [K] [I]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 10] (Italie)

[Adresse 2]

[Localité 9]

Madame [O] [E] épouse [I]

née le [Date naissance 5] 1953 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 9]

ayant tous les deux pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Vincent HUBERDEAU, avocat au barreau de SAINTES

INTIME :

Monsieur [N] [F]

né le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 11] (17)

[Adresse 3]

[Localité 9]

ayant pour avocat Me Emmanuelle MONTERAGIONI-LAMBERT de la SCP ELIGE LA ROCHELLE-ROCHEFORT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT substituée par Me Marie LAMARQUE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. et Mme [I] sont propriétaires à [Localité 9] de deux parcelles contiguës à une parcelle appartenant à M. [N] [F] plantée en céréales.

Cette parcelle a été moissonnée le 27 juin 2018 et la paille broyée a occasionné l'intrusion dans la maison, la piscine, un bateau et une caravane en stationnement de M. et Mme [I], de très nombreuses poussières et de débris de brindilles de paille.

M. et Mme [I] n'ayant pu faire cesser le moissonnage de la parcelle ont demandé par courrier le 29/06/2018 l'indemnisation de leur préjudice à M. [F] et ont saisi leur assurance qui s'est retournée vers celle de ce dernier.

Ils estiment, en effet, que les dommages causés à l'occasion de l'activité professionnelle de M. [F] sont de nature à engager sa responsabilité civile et ont saisit le tribunal judiciaire de SAINTES aux fins d'être dédommagés par M. [F] du nettoyage de la piscine et de l'abri pour un montant de 1860,40 euros, du remplacement de l'électrolyseur qui a été détérioré soit 795 €, du nettoyage de la maison, de la caravane et du bateau pour un montant de 500 € ainsi que 3000 € de dommages et intérêts outre 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

De son côté, M. [F] estimait que les époux [I] ne démontraient pas de faute de sa part sur le fondement de l'article 1242 code civil et sollicitait leur débouté et leur condamnation à lui payer 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 15/10/2020, le tribunal judiciaire de SAINTES a statué comme suit :

'REJETTE toutes les demandes de M. et Mme [I] ainsi que les demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE solidairement les époux [I] à payer à M. [N] [F] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1500 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement les époux [I] aux entiers dépens de l'instance ;

DIT que l'exécution provisoire est de droit'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- les travaux professionnels agricoles dont les récoltes sont assimilées à des interventions urgentes et donc tolérées dans la mesure où ils respectent la réglementation relative au bruit.

- l'article L 112 - 16 du code de la construction et de l'habitation prévoit que les dommages causés aux occupants d'une habitation par des nuisances dues à une activité agricole n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent à l'habitation a été demandé alors que l'activité agricole existait.

- l'activité agricole est préexistante à la construction de la maison des époux [I].

- le législateur a défini la notion d'urgence, parallèlement à la règle de droit qu'il fixe dans « les circonstances normales », comme règle applicable en cas d'urgence que le Conseil Constitutionnel a défini comme «n'étant pas synonyme d'exception » comme tel est le cas des moissons

- les moissons « constituent le cadre normal de l'action » en l'espèce, d'un agriculteur céréalier. La récolte est un moment déterminant dans le cadre de l'exploitation agricole et constitue une « intervention urgente » au risque d'être perdue, ce que ne peut ignorer le voisinage, d'autant plus qu'en l'espèce, le maire est intervenu pour les prévenir et il appartenait donc à M. et Mme [I] de se préserver et de préserver leurs biens durant l'époque des moissons.

- M. [F] n'a commis aucune faute et les époux [I] avaient, en retour de cette information, la responsabilité de se protéger et de protéger leurs biens.

LA COUR

Vu l'appel en date du 28/12/2020 interjeté par M. [K] [I] et Mme [O] [E] épouse [I]

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 02/03/2022, M. [K] [I] et Mme [O] [E] épouse [I] ontprésenté les demandes suivantes :

'Déclarer recevable et bien fondé l'appel formé par les époux [I] - [E].

Vu les dispositions des articles L112-16 du Code de la Construction et de l'Habitation et 1240 du code civil.

Vu les éléments du dossier,

En conséquence et statuant à nouveau,

Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de SAINTES le 15 octobre 2020 en ce qu'il a :

- Rejeté toutes les demandes de M. et Mme [I] ainsi que les

demandes plus amples ou contraires,

- Condamné solidairement les époux [I] à payer à M. [N]

[N] [F] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné solidairement les époux [I] aux entiers dépens de l'instance,

Condamner M. [N] [F] à verser aux époux [I] - [E], pris comme une seule et même partie, les sommes ci-après :

- Nettoyage de la piscine et de l'abri de piscine 1.861,40 €

- Remplacement de l'électrolyseur hors service 795,00 €

- Forfait nettoyage maison/caravane/bateau 500,00 €

- Dommages et intérêts 3.000,00 €

Débouter M. [N] [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner M. [N] [F] à verser aux époux [I]-[E] pris comme une seule et même partie la somme complémentaire de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de leurs prétentions, M. [K] [I] et Mme [O] [E] épouse [I] soutiennent notamment que :

- la parcelle Section F N°[Cadastre 8] a été moissonnée et la paille broyée le 27 juin 2018.

A cette occasion de très nombreuses poussières et débris de brindilles de paille sont rentrés dans la maison leur appartenant, dans leur piscine ainsi que dans un bateau et une caravane qui étaient stationnés à l'extérieur.

- s'ils ont obtenu un permis de construire dès le 10 mars 1987, il n'en reste pas moins que la parcelle cadastrée section F n° [Cadastre 8] n'appartenait pas, à l'époque, à M. [N] [F] et n'était pas plantée en céréales. Il s'agissait d'une parcelle de vignes, qui ne pouvait générer les nuisances auxquelles ils ont été confrontés.

- la moindre modification de l'exploitation peut faire perdre le bénéfice de la préoccupation.

- le droit de jouir normalement de son bien est en principe un droit général lequel doit primer sur l'utilisation particulière donnée par tel ou tel à une parcelle.

- M. [F] en est conscient puisqu'un sinistre antérieur a été indemnisé à hauteur de 1.486,40 € par une lettre-chèque en date du 11 mars 2016.

- M. [F] a cherché à prévenir les époux [I] - [E] de son intervention le 27 juin 2018 mais il l'a fait tardivement en contactant téléphoniquement l'après midi même la mairie qui a cherché à joindre les concluants malheureusement sans succès. Ils n'ont donc pas été prévenus dans des délais suffisants.

- l'attestation de la mairie versée aux débats témoigne d'un appel du défendeur le jour même du moissonnage à 16 h 45 pour 'prévenir de son arrivée'.

La secrétaire de mairie a laissé un message sur le répondeur des époux [I]-[E] et n'a pas pu joindre ces derniers qui pouvaient, tout à fait légitimement, soit être absents de leur domicile à ce moment, soit ne pas avoir entendu le téléphone.

- les opérations de moissonnage et broyage (car c'est le broyage qui cause la poussière et le plus de nuisances) ont été réalisées sans difficulté et sans préjudice au titre des années culturales 2017 et 2020, sans vent d'Ouest comme en 2019.

- en 2020, la personne chargée du moissonnage et du broyage s'est déplacée, rencontrant les appelants et convenant d'une date pour que les opérations de moissonnage et de broyage se fassent dans des conditions de vent favorable.

C'est ce qui aurait dû être fait depuis le début.

- sauf à moissonner dans de bonnes conditions atmosphériques, il appartient à l'exploitant agricole de mettre en oeuvre les dispositifs de protection qui s'imposent (exemple : filet)

mais il est clair que la haie largement ajourée évoquée par M. [F] n'est pas de nature à empêcher le passage des poussières de paille, les photos produites n'étant pas probantes.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 10/03/2022, M. [N] [F] a présenté les demandes suivantes:

'Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation

Vu les pièces produites,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de SAINTES le 15 octobre 2020,

En conséquence,

Débouter M. [K] [I] et Mme [O] [I] de

l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.

Condamner M. [K] [I] et Mme [O] [I] à

verser à M. [N] [F] une indemnité de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.

Les condamner aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP CABINET FLICHE-BLANCHÉ & ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

Condamner M. [K] [I] et Mme [O] [I] à

verser à M. [N] [F] une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Les condamner aux entiers dépens d'appel dont distraction est requise au profit de la SCP ELIGE LA ROCHELLE-ROCHEFORT conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, M. [N] [F] soutient notamment que :

- il ne saurait être reproché à M. [F] un quelconque manquement.

En effet, M. [F] ayant déjà indemnisé les époux [I] à ce titre, et ne souhaitant pas que cela se reproduise a, dès 2009, pris l'initiative de planter des haies afin de limiter les désagréments de ses voisins lors de l'utilisation de sa moissonneuse.

- concernant la récolte du 27 juin 2018, M. [F] a pris toutes les dispositions qui s'imposaient.

- les conditions climatiques étaient parfaitement réunies ce jour-là et comme l'attestent les prévisions météorologiques versées au débat, aucune rafale de vent n'était annoncée (vitesse moyenne du vent de 15 km/h).

Elles s'annonçaient moins favorables les jours suivants et une récolte tardive auraient pu être gravement préjudiciable à l'activité agricole de M. [F].

- M. [F] a tenté de joindre les époux [I] afin de les avertir de la récolte à venir.

N'y parvenant pas, M. [F] a alors contacté la mairie de la commune de [Localité 9], laquelle a averti les époux [I] de la récolte à venir.

- il ne saurait être reproché à M. [F] de ne pas les avoir prévenus dans des délais suffisants, ni l'absence de réponse des époux [I] lors de l'appel de la mairie, lesquels étaient nécessairement présents à leur domicile dans la mesure où toutes les portes et fenêtres de leur habitation étaient ouvertes.

- la moisson sur la parcelle de M. [F] supposait une prévision météo, de telle sorte que cette activité ne pouvait être anticipée longtemps à l'avance.

- M. [F] a pris toutes les précautions qui s'imposaient avant de procéder à la récolte.

En ne prenant ainsi aucune disposition, les époux [I] sont responsables de leurs propres préjudices, s'ils sont en lien avec l'intervention de M. [F].

- en fixant leur résidence en zone rurale, à proximité immédiate d'un champ qu'ils savaient cultivé, les époux [I] ne pouvaient ignorer les contraintes, au demeurant très ponctuelles, liées au moissonnage et ont accepté les risques inhérents aux activités agricoles.

- la récolte est un moment déterminant dans le cadre de l'exploitation agricole et constitue une « intervention urgente » au risque d'être perdue

- M. [F] a informé les époux [I] de sorte qu'il leur appartenait de protéger leurs biens.

- les dommages causés aux occupants d'une maison d'habitation n'entraînent pas droit à réparation dès lors que l'activité agricole est préexistante à la construction de la maison, et il s'agit bien de parcelles de terre agricole.

- l'acte de vente ne mentionne aucunement des parcelles de vignes, et les attestations et photographies versées ne sont pas probantes quant à la présence de vignes.

M. [F] n'a pas modifié l'activité agricole qui préexistait à l'achat de la parcelle.

Les époux [I] se sont installés dans une zone campagnarde en ayant parfaitement connaissance de la présence voisine de l'exploitation agricole.

L'antériorité est dès lors établie et ils ont accepté le risque de nuisances occasionnées par cette activité.

- à titre subsidiaire, les demandes indemnitaires des époux [I] sont tout aussi excessives qu'injustifiées, alors que notamment ils ont omis de bâcher leur piscine et de fermer la porte de l'électrolyseur.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 02/05/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le fond du litige :

L'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation dispose que: 'les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques,

n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions'.

En outre, il est rappelé que la récolte est un moment déterminant dans le cadre de l'exploitation agricole et constitue une « intervention urgente » au risque d'être perdue.

En l'espèce, les époux [I] - [E] ont fait l'acquisition des parcelles dont ils sont propriétaires par un acte notarié reçu le 8 janvier 1987 et ont obtenu un permis de construire dès le 10 mars 1987.

C'est par un acte postérieur en date du 20 juillet 2004 que M. [F] a acquis du GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE « LES VALLONS DE L'ESTUAIRE » la parcelle F n°[Cadastre 4] lieudit « les Deux journaux » pour une contenance de 88 ares et 71 centiares, cette parcelle faisant l'objet d'une division en deux parcelles F n°[Cadastre 7] d'une contenance de 9 ares et 60 centiares et F n°[Cadastre 8] d'une contenance de 79 ares 11 centiares.

Il résulte de l'acte d'échange du 11 mai 2020 que la parcelle F n°[Cadastre 7] a été cédée tandis que M. [F] a conservé la parcelle F n°[Cadastre 8].

M. et Mme [I] établissent, par examen des photographies versées aux débats, corroborées par les attestations de Mme [T] [L] épouse [I] et de M. [R] [I], qu'à l'époque de la construction de la maison de M. Et Mme [I], la parcelle voisine était une vigne et non en terre plantée nécessitant sa récolte.

M. [F] ne peut alors prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation dès lors que l'activité agricole existant lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé aux nuisances a été demandé ne s'est pas poursuivie dans les même conditions.

En effet, si une activité viticole implique ses propres contraintes, celles que génère une récolte céréalière sont d'une importance très supérieure, du fait de l'emploi d'une moissonneuse-batteuse impliquant une action de broyage de paille, comme en l'espèce, avec forte dissémination de poussières de paille.

Il en résulte que M. et Mme [I] bénéficient d'un droit à réparation, dans les conditions d'application de l'article 1240 du code civil qui dispose que 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

L'article 1241 du code civil précise en outre que 'chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence'.

En l'espèce, il appartenait à M. [F] - qui poursuit légitimement son activité agricole à travers ses récoltes - de prendre néanmoins toutes précautions utiles pour éviter de troubler anormalement son voisinage.

Or, si M. [F] a veillé à l'implantation d'une haie en 2009 après un premier sinistre selon ses écritures, il ressort des photographies versées que cette haie est largement ajourée et n'est donc pas de nature à empêcher le passage des poussières de paille.

En outre, M. [F] indique avoir pris toutes dispositions pour avertir M. et Mme [I] de son intention de récolter, notamment en avertissant la mairie, mais il ne justifie nullement de cet avertissement dans un délai suffisant, puisque selon attestation de la secrétaire de mairie en date du 13 janvier 2021, M. [F] n'a prévenu la mairie que le jour même du moissonnage à 16 h 45 pour 'prévenir de l'arrivée de la machine à moissonner'.

Même si l'effectivité de la moisson est conditionnée aux conditions climatiques, il y a lieu de considérer qu'en l'espèce, M. [F] a prévenu ses voisins particulièrement tardivement, sans leur permettre de disposer d'un délai suffisant pour gérer le passage des engins agricoles.

Il ne pouvait en outre, faute de temps, gérer leur éventuelle absence, mais n'a pas différé son intervention.

Il est au demeurant à considérer que M. et Mme [I] évoquent l'évolution de la pratique de M. [F] depuis les faits litigieux, puisque notamment en 2020, la personne chargée du moissonnage et du broyage s'est déplacée, rencontrant les concluants et convenant d'une date pour que les opérations de moissonnage et de broyage se fassent dans des conditions de vent favorables.

Il convient au regard de ces éléments de retenir, par infirmation du jugement rendu, l'engagement de la responsabilité de M. [F], faute de précautions suffisantes dans le cadre de son activité agricole, aucun reproche ne pouvant être fait à M. et Mme [I], non prévenus dans un délai suffisant pour pouvoir eux-même réagir utilement.

Sur le montant des réparations :

Le coût du nettoyage de la piscine et de son abri est justifié par facture PISCINES ATLANTIQUE en date du 30 juin 2018 pour un montant de 1861,40 €.

Il est de même suffisamment justifié du changement de l'électrolyseur selon facture en date du 29 juin 2018 pour un montant de 795 € (compte tenu de l'encrassement de la cellule par des débris de paille).

M. [F] sera condamné au paiement de ces sommes, aucune participation des appelants à leur dommage ne pouvant être retenue.

En outre, M. [F] sera condamné au paiement d'une somme de 500 € au titre du nettoyage de la maison, de la caravane et du bateau.

Enfin, M. et Mme [I] justifie dans les conditions du litige d'un préjudice moral né d'une situation de défaut de précaution et du trouble important qui en est résulté.

Une somme de 500 € leur sera accordée à ce titre, soit au total une somme de 3656,40 €.

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge de M. [N] [F].

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner M. [N] [F] à payer à M. [K] [I] et Mme [O] [E] épouse [I] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris.

Statuant à nouveau,

CONDAMNE M. [N] [F] à payer à M. [K] [I] et Mme [O] [E] épouse [I] la somme de 3656,40 € au titre de l'indemnisation de leurs préjudices matériels et de leur préjudice moral, avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE M. [N] [F] à payer à M. [K] [I] et Mme [O] [E] épouse [I] la somme de 2300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

CONDAMNE M. [N] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/03110
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;20.03110 ?
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