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11/10/2022 | FRANCE | N°21/00081

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 11 octobre 2022, 21/00081


ARRET N°476



N° RG 21/00081 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GFGO















[T]



C/



[O]

[J]

[S]

[S]

[S]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2022







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00081 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GF

GO



Décision déférée à la Cour : jugement du 04 décembre 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHE SUR YON.







APPELANTE :



Madame [V] [T] épouse [S], représentée par M. [M] [S] et Mme [B] [S] selon jugement d'habilitation familiale du juge des tutelles du trib...

ARRET N°476

N° RG 21/00081 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GFGO

[T]

C/

[O]

[J]

[S]

[S]

[S]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00081 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GFGO

Décision déférée à la Cour : jugement du 04 décembre 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

Madame [V] [T] épouse [S], représentée par M. [M] [S] et Mme [B] [S] selon jugement d'habilitation familiale du juge des tutelles du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon née le 14 Juin 1940 à [Localité 8] (85)

[Adresse 7]

[Localité 11]

ayant pour avocat postulant Me Florence DENIZEAU de la SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT & ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Olivier BICHON, avocat au barreau de NANTES

INTIMES :

Monsieur [G] [O]

né le 21 Août 1952 à [Localité 11] (85)

[Adresse 6]

[Localité 11]

Madame [D] [J] épouse [O]

née le 17 Octobre 1954 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 11]

ayant tous les deux pour avocat Me Pascal TESSIER de la SELARL ATLANTIC JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

PARTIES INTERVENANTES

Monsieur [M] [S], ayant droit de M. [S] [A]

né le 14 Octobre 1965 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Assigné en intervention forcée

Madame [B] [S] ayant droit de M. [S] [A]

[Adresse 4]

[Localité 5]

assignée en intervention forcée

ayant tous les deux pour avocat postulant Me Florence DENIZEAU de la SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT & ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Olivier BICHON, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte sous-seing-privé en date du 9 avril 2019, les époux [A] [S] et [V] [T] se sont engagés à vendre aux époux [G] [O] et [D] [J] deux parcelles de terre situées sur le territoire de la commune [Localité 11] (Vendée), l'une cadastrée section ZE numéro [Cadastre 3] d'une contenance de 11 ha 30 a, l'autre cadastrée section ZH numéro [Cadastre 2] d'une contenance de 86 a et 20 centiares. Le prix convenu était de 3.000 € l'hectare. Il a été consigné entre les mains du notaire devant instrumenter.

Une pénalité de 3.650 € à titre de dommages-intérêts a été stipulée à charge de la partie qui ne régulariserait pas l'acte authentique de vente, l'autre partie pouvant poursuivre l'exécution de la vente.

La réitération de la vente par acte authentique a été fixée au 30 juin 2019. Les vendeurs ont fait défaut. Une sommation du 26 septembre 2019 d'avoir à se présenter le 15 octobre 2019 en l'étude du notaire chargé de recevoir la vente est demeurée infructueuse.

Par acte du 16 décembre 2019, les époux [G] [O] et [D] [J] ont fait assigner les époux [A] [S] et [V] [T] devant le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon. Ils ont demandé de dire la vente parfaite et de condamner les vendeurs au paiement de la somme de 3.650 € en application de la clause pénale. Les défendeurs n'ont pas constitué avocat.

Par jugement du 4 décembre 2020, le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a statué en ces termes :

'Constate le caractère parfait de la vente intervenue entre les époux [S] et les époux [O] des parcelles de terres référencées dans l'acte sous-seing-privé du 9 avril 2019 cadastrées section ZE numéro [Cadastre 3] pour une surface de 11 ha 30 centiares et section ZH numéro [Cadastre 2] pour une surface de 86 a 20 centiares soit 12 ha 16 a 20 centiares le tout situé sur la commune [Localité 11] en Vendée,

Condamne les époux [S] à payer aux époux [O] la somme de 3650 € en application de la clause pénale,

Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2019,

Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts à compter de cette date,

Ordonne l'exécution provisoire,

Condamne les époux [S] à payer aux époux [O] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les époux [S] aux dépens dont distraction au profit de la SELARL ATLANTIC JURIS représentée par son associé Maître Pascal Tessier en application de l'article 699 du code de procédure civile'.

Il a considéré que la vente était parfaite et que la défaillance des vendeurs fondait la mise en oeuvre de la clause pénale stipulée.

Par déclaration reçue au greffe le 8 janvier 2021, [B] et [M] [S], habilités à représenter [V] [T] leur mère par jugement du 28 mai 2020 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon, ont interjeté appel de ce jugement.

[A] [S] est décédé le 26 avril 2021.

Par ordonnance du 6 mai 2021, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance, laquelle serait reprise sur justification de la mise en cause des héritiers de [A] [S].

[B] et [M] [S] sont intervenus volontairement à l'instance en leur qualité d'héritiers de ce dernier.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2022, [V] [T] représentée par [B] et [M] [S] et ceux-ci ont demandé de :

'Vue les articles 1103, 1104, 1128 du Code civil

Vu l'article 414-1 du Code civil,

Vu l'article 464 du Code civil,

Rejeter l'ensemble des demandes des consorts [O], fins et conclusions

Recevoir Madame [V] [S], appelante à titre principale, Monsieur [M] [S] et Madame [B] [S], intervenants forcés et héritiers de Monsieur [A] [S], en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de la ROCHE SUR YON le 4 décembre 2020, en ce qu'il a :

- constaté le caractère parfait de la vente intervenue entre les époux [S] et les époux [O] sur les parcelles de terres référencées dans l'acte sous seing privé du 9 avril 2019, cadastrées section ZE n°[Cadastre 3], pour une surface de 11 ha 30ca et section ZH n°[Cadastre 2] pour une surface de 86a 20ca, soit 12ha 16a 20ca, situées sur la commune [Localité 10] (85) ;

- Condamné les époux [S] à payer aux époux [O] la somme de 3.650 € en application de la clause pénale,

- Assorti cette somme d'intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2019, avec capitalisation de ces intérêts à compter de cette date,

- Condamné les époux [S] à payer aux consorts [O] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- Condamné les consorts [S] aux entiers dépens,

Et par conséquent :

Annuler la promesse de vente conclue le 9 avril 2019 par Madame [V] [S] et Monsieur [A] [S] sur les parcelles cadastrées section ZE n°[Cadastre 3] et ZH n°[Cadastre 2], sises [Localité 10] (85) au profit des consorts [O] ;

A titre subsidiaire :

Réduire l'indemnité due par les consorts [S] au titre de la clause pénale à 500 €, sans possibilité de capitaliser annuellement les intérêts ;

En tout état de cause :

Condamner Les consorts [O] à verser à Madame [V] [S], Monsieur [M] [S] et Madame [B] [S] la somme de 6.600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner les consorts [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel'.

Ils ont soutenu recevable la demande de nullité du compromis de vente, s'agissant d'une part d'une défense au fond, ayant d'autre part été autorisés à agir par ordonnance du juge des tutelles du 10 mai 2022, la demande ayant enfin été formée moins de deux années après la publication du jugement d'habilitation familiale.

Ils ont exposé que le consentement de leur mère était altéré à la date de conclusion du compromis de vente par l'effet d'une maladie dégénérative dont les premiers signes avaient été constatés le 23 avril 2018 par le médecin l'ayant examinée lors de son hospitalisation. Selon eux, cette altération des facultés mentales était établie par les attestations produites et la signature irrégulière, tremblante et hésitante apposée sur les pages du compromis. Ils ont ajouté que le diagnostic de la maladie d'Alzheimer avait été postérieurement posé.

Ils ont sollicité la nullité de la vente sur le fondement des articles 464 et 494-9 du code civil. Selon eux, cette vente portait préjudice à leur mère en ce qu'elle réduisait son patrimoine dont elle n'avait pas intérêt à se départir puisque lui rapportant quelques revenus, peu important le prix convenu. Ils ont soutenu que les acquéreurs avaient eu connaissance de l'altération des facultés mentales de leur mère, [G] [O] en sa qualité de maire de la commune ayant nécessairement eu connaissance des difficultés qu'elle rencontrait.

Ils ont ajouté que la vente d'un bien de communauté par un seul des époux était nulle par application de l'article 1424 alinéa 1er du code civil.

Ils ont subsidiairement conclu au rejet de la demande en paiement fondée sur la clause pénale.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 avril 2022, les époux [G] [O] et [D] [J] ont demandé de :

'Vu les articles 414-1, 464, 1217, 1582 et 1583 du Code civil,

Rejeter comme irrecevable la demande nouvelle formulée par Madame [V] [S] en nullité de la vente intervenue le 9 avril 2019.

Sur l'appel interjeté contre la décision du 4 décembre 2020,

Débouter Madame [V] [S] de ses demandes,

Confirmer le jugement du 4 décembre 2020 en toutes ses dispositions en ce qu'il a :

- constaté le caractère parfait de la vente intervenue entre les époux [S] et les époux [O] des parcelles de terres référencées dans l'acte sous seing privé du 9 avril 2019 cadastrées section ZE n°[Cadastre 3] pour une surface de 11 ha 30 centiares et section ZH n°[Cadastre 2] pour une surface de 86 a 20 centiares, soit 12 ha 16 a 20 centiares, le tout situé sur la commune [Localité 11] en Vendée,

- condamné les époux [S] à payer aux époux [O] une somme de 3650 euros en application de la clause pénale,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal a compter du 16/12/2019,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter cette date,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné les époux [S] à payer aux époux [O] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700du code de procédure civile,

- condamné les époux [S] aux dépens.

Dire et juger que les sommes précitées porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation, et ce jusqu'à parfait paiement.

Ordonner la capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date du présent exploit, conformément à l'article 1154 du Code Civil,

Condamner Madame [V] [S] au paiement d'une indemnité de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner Madame [V] [S] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL ATLANTIC JURIS représentée par son associé Maître Pascal TESSIER qui sollicite l'application de l'article 699 du Code de procédure civile'.

Ils ont soutenu irrecevable la demande de nullité du compromis de vente, selon eux nouvelle en cause d'appel.

Au fond, ils ont exposé que la preuve de l'altération des facultés mentales de la venderesse à la date de signature du compromis de vente n'était pas rapportée, aucun certificat du médecin traitant n'ayant été produit et les documents médicaux ayant mentionné une maladie d'Alzheimer étant bien postérieurs. Selon eux, les attestations produites aux débats n'étaient pas probantes. Ils ont rappelé que le compromis de vente avait été conclu avec l'assistance du notaire.

Ils ont ajouté que le litige avait pour cause le refus de vente des enfants de [V] [T], [M] [S] ayant à plusieurs reprises été menaçant au point d'en référer aux forces de l'ordre.

Ils ont précisé que le prix de vente des terres était près de deux fois supérieur à leur valeur vénale, correspondait à 23 années de fermage et que dès lors la cession préservait les intérêts des vendeurs.

Ils ont indiqué que les dispositions de l'article 464 du code civil ne trouvaient pas application en matière d'habilitation familiale, que la date de publication du jugement d'habilitation familiale n'était pas connue de telle sorte que le délai de deux années ne pouvait pas être calculé, que la nullité demeurait facultative, que l'altération des facultés mentales de la venderesse dont il n'avaient pas eu connaissance n'avait pas été de notoriété publique.

Ils ont pour ces motifs maintenu leurs demandes de constat judiciaire de la vente et de paiement de l'indemnité stipulée à titre de clause pénale.

L'ordonnance de clôture est du 12 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE DE NULLITE DU COMPROMIS DE VENTE

L'article 567 du code de procédure civile dispose que : 'Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel'.

Les défendeurs n'avaient pas constitué avocat devant le tribunal. Ces derniers, appelants, sollicitent pour faire échec aux prétentions des intimés que soit prononcée la nullité du compromis de vente. Cette demande reconventionnelle est par application des dispositions précitées recevable.

SUR LA NULLITE

L'article 414-1 du code civil rappelle que :'Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte'.

L'article 494-9 du code civil dispose que : 'Les obligations résultant des actes accomplis par une personne à l'égard de qui une mesure d'habilitation familiale a été prononcée moins de deux ans avant le jugement délivrant l'habilitation peuvent être réduits ou annulés dans les conditions prévues à l'article 464".

Aux termes de l'article 464 du code civil :

'Les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés.

Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée.

Par dérogation à l'article 2252, l'action doit être introduite dans les cinq ans de la date du jugement d'ouverture de la mesure'.

Le jugement d'habilitation familiale du juge des tutelles du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon est du 28 mai 2020. La mention au répertoire civil est du 16 juillet 2020. Le compromis de vente est en date du 9 avril 2019. Il a été conclu moins de deux années avant la mesure de publicité du jugement d'habilitation familiale.

[P] [C], voisine demeurant [Localité 10], a attesté le 28 décembre 2020 : 'avoir relevé Mme [S] à plusieurs reprises suite à des chutes et avoir participée à des recherches à cause des fugues dues à la maladie d'Alzeimer depuis fin mars 2018", que : 'Son mari Mr [S] [A] est aussi handicapé' et que : 'Il ne peut en aucun cas gérer la situation alarmante de son épouse'.

[Z] [F], voisine demeurant [Localité 10], a dans une attestation non datée, non signée, à laquelle était jointe la photocopie de sa carte d'identité et dont la validité n'a pas été contestée, déclaré que : 'Depuis 2 ans, [V] qui à la maladie alzermeur fait des fuges (fugues)' et que : 'elle est tombé dans le faussé près de chez moi'. Cette attestation a été produite aux débats par les intimés avec leurs conclusions notifiées le 7 avril 2021. Elle a au plus tard été communiquée et donc établie à cette date. Cette attestation viserait donc des faits de l'année 2019.

[R] [E], voisin demeurant [Localité 10], a dans une attestation non datée, non signée, à laquelle était jointe la photocopie de sa carte d'identité et dont la validité n'a pas été contestée, déclaré : 'avoir participé à plusieurs reprises aux recherches de Mme [S] perdue suite à sa maladie' et que: 'Son mari ne peut pas s'occuper d'elle au moins depuis fin 2018".

[X] [S], petite-fille de [V] [T], a dans une attestation non datée, non signée, à laquelle était jointe la photocopie de sa carte d'identité et dont la validité n'a pas été contestée, déclaré que :

'Mme [S] [V], ma grand-mère a un état de santé qui se dégrade depuis 2018.Nous allons la voir plusieurs fois par semaine avec mes enfants et nous constatons qu'elle est de plus en plus en difficultés, surtout sur le plan psychiques, cognitifs. Elle n'est plus en capacité à ce jour de prendre des décisions. Elle se met régulièrement en danger dans sa maison, mais également à l'extérieur'.

Un document mentionnant en en-tête 'espace pro l'Assurance Maladie', intitulé 'protocole de soins électronique' et mentionnant en pied de page 'documents CNAMTS - Tous droits réservés - 20 avril 2021" comporte les indications suivantes :

- pathologie : démence d'Alzheimer ;

- Libellé : maladie d'Alzheimer et autres démences ;

- date de début : 10/01/2018.

Un compte-rendu en date du 23 mars 2018 adressé au docteur [I] [W] par le docteur [U] [K] et [N] [L], interne, comporte les indications suivantes :

'HISTOIRE DE LA MALADIE

Syndrome confusionnel depuis le 11 mars au matin avec ralentissement ideomoteur. Fièvre sans frisson. Pas de point d'appel franc infectieux.

[...]

A L'ARRIVEE DANS LE SERVICE

[...]

Sur le plan neurologique :

Troubles cognitifs probablement anciens aggravés par l'hospitalisation et le sepsis.

[...]

Avis gériatrique (Docteur [Y]) : confusion suite à un épisode aigu sur terrain cognitif possiblement fragile avant, perte d'autonomie'.

La synthèse pluridisciplinaire en date du 24 octobre 2019 établie par le service gériatrie du centre hospitalier départemental de la Vendée indique concernant [V] [T] épouse [S] que :

'AU TOTAL

Troubles des fonctions supérieures sévères, d'origine mixte, au stade apraxo aphaso agnosie.

[...]

PROPOSITIONS DE PLAN DE SOINS ET D'AIDES

[...]

Information sur la nécessité d'une mesure de protection'.

La 'Grille AGGIR' annexée à cette synthèse indique une date d'évaluation au 24 octobre 2019. Il est mentionné que [V] [S] : 'ne fait pas' :

'16- Orientation dans le temps

Dans l'espace

17- Cohérence communication

Comportement'

Les paraphes et signature de [V] [T] épouse [S] apposés sur le compromis de vente sont par ailleurs d'une écriture irrégulière, hésitante et tremblante, confirmant un état de santé dégradé.

Il résulte de ces développements qu'à la date de signature le 9 avril 2019, [V] [T] épouse [S] était atteinte d'une maladie neurologique diagnostiquée dès l'année 2018, la maladie d'Alzheimer, ayant durablement altéré ses facultés mentales. Le consentement qu'elle a exprimé à cet acte n'était dès lors ni libre, ni éclairé. Aucun élément des débats n'établit qu'à la date de signature de cet acte, elle était dans un intervalle de lucidité.

Le compromis de vente en date du 9 avril 2019 conclu entre les époux [V] [T] et [A] [S] d'une part, ce dernier ne pouvant de plus par application de l'article 1424 du code civil pas disposer seul d'un bien commun, les époux [G] [O] et [D] [J] d'autre part, doit pour ces motifs et par application des dispositions précitées être annulé.

Par voie de conséquence, les intimés ne sont pas fondés à solliciter paiement de la clause pénale stipulée à cet acte.

Le jugement sera dès lors infirmé.

SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits des appelants de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.

SUR LES DEPENS

La charge des dépens de première instance et d'appel incombe aux intimés.

PAR CES MOTIFS

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

RECOIT [M] [S] et [B] [S] en leur intervention volontaire à l'instance en leur qualité d'héritiers de [A] [S], décédé le 26 avril 2021 ;

INFIRME le jugement du 4 décembre 2020 du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon ;

et statuant à nouveau,

DECLARE recevable la demande reconventionnelle des appelants de prononcer la nullité de l'acte sous seing privé en date du 9 avril 2019 ;

ANNULE l'acte sous-seing-privé en date du 9 avril 2019 par lequel les époux [A] [S] et [V] [T] ont convenu de la vente aux époux [G] [O] et [D] [J] de deux parcelles de terre situées sur le territoire de la commune [Localité 11] (Vendée), l'une cadastrée section ZE numéro [Cadastre 3] d'une contenance de 11 ha 30 a, l'autre cadastrée section ZH numéro [Cadastre 2] d'une contenance de 86 a et 20 centiares ;

DEBOUTE les époux [G] [O] et [D] [J] de l'ensemble de leurs demandes ;

CONDAMNE in solidum les époux [G] [O] et [D] [J] à payer à [V] [T] veuve [S], [M] [S] et [B] [S] la somme de 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum les époux [G] [O] et [D] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00081
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;21.00081 ?
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