La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2022 | FRANCE | N°21/00044

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 11 octobre 2022, 21/00044


ARRET N°474



N° RG 21/00044 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GFDR















[A]



C/



[U] VEUVE [D]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00044 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GFDR



Décision déférée à

la Cour : jugement du 10 juillet 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINTES.







APPELANTE :



Madame [I] [A]

née le 26 Août 1960 à [Localité 6]

[Adresse 9]

[Localité 1]



ayant pour avocat Me Jean paul ROSIER de la SELARL E-LITIS SOCIETE D'AVOCATS, ...

ARRET N°474

N° RG 21/00044 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GFDR

[A]

C/

[U] VEUVE [D]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00044 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GFDR

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 juillet 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINTES.

APPELANTE :

Madame [I] [A]

née le 26 Août 1960 à [Localité 6]

[Adresse 9]

[Localité 1]

ayant pour avocat Me Jean paul ROSIER de la SELARL E-LITIS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES

INTIMEE :

Madame [G], [L] [U] veuve [D]

née le 19 Avril 1958 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 7]

ayant pour avocat Me François MIDY de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte du 22 janvier 2010, [I] [A] a acquis de [N] [D] une maison à usage d'habitation située [Adresse 2]), cadastrée section AZ n° [Cadastre 4] pour une contenance de 5 a 04 ca .

Ce fonds est contigu à celui situé [Adresse 3] et cadastré section AZ n° [Cadastre 5], désormais propriété de [G] [U] veuve [O] [D], ce dernier étant le frère de l'auteur de [I] [A],

Ces deux parcelles proviennent de la division d'une plus grande parcelle ayant appartenu au grand-père des deux frères [D].

Par acte du 12 octobre 2018, [I] [A] a fait assigner [O] [D] devant le tribunal de grande instance de Saintes. Elle a demandé à titre principal de le condamner sous astreinte à procéder à l'enlèvement d'une annexe selon elle non conforme aux règles d'urbanisme et inesthétique ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

[O] [D] est décédé le 26 décembre 2018. [G] [U] sa veuve est intervenue volontairement à l'instance. Elle a à titre principal soutenu que l'action était irrecevable car prescrite. Au fond, elle a exposé que le trouble anormal de voisinage allégué n'était pas établi.

Par jugement du 10 juillet 2020, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de Saintes a statué en ces termes :

'REÇOIT l'intervention volontaire de madame [G] [U] veuve [D],

DÉBOUTE madame [I] [A] de ses demandes,

CONDAMNE madame [I] [A] aux dépens de l'instance,

CONDAMNE madame [I] [A] à payer à madame [G] [U] veuve [D] la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2.500 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile'.

Il a considéré d'une part l'action recevable, la défenderesse n'ayant pas justifié de la prescription de l'action, d'autre part au fond que la preuve du trouble allégué excédant les inconvénients normaux du voisinage n'était pas rapportée.

Par déclaration reçue au greffe le 6 janvier 2021, [I] [A] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2022, elle a demandé de :

'Vu les articles 544 et 651 du Code civil, les pièces 1 à 23,

Réformer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de SAINTES du 10 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Madame [A] de ses demandes et l'a condamnée au paiement de la somme de 2500 € en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens,

Condamner Madame [D] à procéder à l'enlèvement de l'annexe édifiée sur la parcelle cadastrée section AZ n° [Cadastre 5] lieu-dit [Adresse 3] dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 100 € par jour de retard,

À titre subsidiaire et sous la même astreinte, condamner Madame [D] à procéder aux travaux de réfection de l'annexe par la mise en place de matériaux tels que prévu au PLU,

Condamner Madame [D] au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi par Madame [A],

Condamner la même condamner au paiement de la somme de 4000 € en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens'.

Elle a maintenu que l'annexe contrevenait aux règles actuelles d'urbanisme, que son inesthétisme constituait un trouble anormal de voisinage auquel elle n'était pas en mesure de remédier en raison de la configuration des lieux. Elle a précisé que malgré ses demandes, ses voisins n'avaient rien entrepris pour le réduire.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 avril 2022, [G] [U] veuve [D] a demandé de :

'Vu les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile ;

Vu les dispositions de l'article 651 du code civil ;

Vu les dispositions de l'article 2224 du code civil ;

Dire et juger Madame [I] [A] irrecevable en son action ainsi qu'en ses demandes comme étant prescrites ;

En conséquence, l'en débouter ;

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Débouter Madame [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Condamner Madame [I] [A] à verser à Madame [G] [U] veuve [D] la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Madame [I] [A] aux entiers dépens'.

Elle a maintenu prescrite l'action de l'appelante, celle-ci ayant dans ses écritures indiqué avoir subi le trouble allégué dès l'acquisition du bien en 2010 et l'action ayant été engagée après expiration du délai de l'article 2224 du code civil.

Au fond, elle a soutenu que le juge judiciaire n'avait pas compétence pour apprécier la régularité de la construction par rapport aux règles d'urbanisme, que le trouble de voisinage allégué n'était pas établi, l'annexe étant peu visible, en bon état et l'appelante pouvant la dissimuler par de la végétation sur son fonds.

L'ordonnance de clôture est du 25 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA PRESCRIPTION

L'article 122 du code de procédure civile dispose que 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.

L'article 2224 du code civil dispose que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

En matière de trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, le délai de prescription de l'article 2224 précité court à compter de la date d'apparition du trouble.

La charge de la preuve de l'expiration de ce délai pèse sur l'intimée qui s'en prévaut.

La date de construction de l'annexe litigieuse n'est pas connue. L'appelante a produit des photographies horodatées établissant qu'au 26 août 2015, l'annexe existait. Les photographies annexées au procès-verbal de constat dressé sur la requête de l'appelante le 8 avril 2022 par Maître [C] [H], huissier de justice associé à [Localité 7], font apparaître que cette annexe n'est pas récente. Elles ne permettent toutefois pas de déterminer son âge et la date même approximative de sa construction.

L'intimée tire argument des termes de l'assignation délivrée le 12 octobre 2018 par l'appelante pour fonder la prescription opposée. L'appelante, en exposant que : 'Depuis son acquisition, Madame [A] déplore des nuisances, notamment visuelles, constituées d'une annexe accolée à la façade de la maison de son voisin, et composée de tôle ondulée en matière synthétique translucide', aurait selon elle admis que le trouble existait depuis l'année 2010. Cette formulation est toutefois insuffisance à établir que le trouble existait dès l'acquisition du bien.

Ce trouble est apparu lorsque la haie séparative des fonds qui masquait la construction a été réduite par [I] [A]. Sur les photographies horodatées précitées, l'annexe disparaissait derrière la haie qui n'avait pas été réduite au 26 août 2015.

Le trouble allégué étant ainsi postérieur au 26 août 2015, l'assignation du 12 octobre 2018 a été délivrée avant expiration du délai de prescription de l'article 22224 du code civil.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de [I] [A] non prescrite et par voie de conséquence recevable.

SUR LE TROUBLE

L'article 544 du code civil sur lequel la demanderesse fonde ses prétentions dispose que 'la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements'. Le propriétaire d'un fonds ne peut toutefois imposer à celui d'un fonds voisin des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage. Il appartient à celui qui s'en prévaut de démontrer le trouble subi.

En août 2015, l'annexe litigieuse, dissimulée derrière la haie séparative des fonds était tout juste décelable de celui de l'appelante. La nuisance visuelle alléguée a pour cause la réduction de la haie implantée sur son fonds qu'a fait réaliser [I] [A].

Celle-ci a produit aux débats les dispositions du plan local d'urbanisme applicable à la zone UH dans laquelle serait située la parcelle cadastrée section AZ n° [Cadastre 5]. Il n'est pas établi que ce plan local d'urbanisme issu d'une modification n° 3 était applicable à la date d'édification de l'annexe et que les règles d'urbanisme alors applicables la prohibaient. Aucune infraction en cette matière n'a été relevée par les services compétents.

Le trouble allégué n'est qu'esthétique. Les photographies produites aux débats par l'appelante établissent que, selon l'angle de vue, l'annexe demeure partiellement masquée par la végétation située en limite de propriété. Elle n'est que faiblement visible de la fenêtre d'une pièce en rez-de-chaussée présentée être une chambre. Située dans un renfoncement, elle n'est que peu visible de la terrasse en bois de la maison d'habitation. Ainsi que relevé par le premier juge, aucune autre pièce de l'habitation de l'appelante n'a vue sur l'annexe.

Ces éléments sont insuffisants à caractériser un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a débouté [I] [A] de ses demandes.

SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelante.

Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimé de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.

SUR LES DEPENS

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.

PAR CES MOTIFS

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 10 juillet 2020 du tribunal judiciaire de Saintes;

CONDAMNE [I] [A] à payer en cause d'appel à [G] [U] veuve [D] la somme de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [I] [A] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00044
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;21.00044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award