ASB/SH
ARRÊT N° 589
N° RG 20/02241
N° Portalis DBV5-V-B7E-GC7I
[K]
C/
S.A.S. OTI FRANCE SERVICES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 septembre 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE SUR YON
APPELANT :
Monsieur [B] [K]
né le 7 octobre 1959 à [Localité 4] (GHANA)
[Adresse 1]
[Localité 6]
Ayant pour avocat Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMÉE :
S.A.S. OTI FRANCE SERVICES
N° SIRET : B 490 657 376
[Adresse 2]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Laurent GERVAIS de la SELAS BARTHÉLÉMY Avocats, avocat au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Madame Valérie COLLET, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, que l'arrêt serait rendu le 15 septembre 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé au 22 septembre 2022.
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
A compter du 7 novembre 2016, la société OTI France Services, société de services spécialisée dans la prestation de service dans le domaine de l'énergie, a embauché M. [B] [K] en qualité de technicien dans le cadre d'un contrat de travail à temps complet et à durée indéterminée de chantier, d'une durée prévisible de 58 mois. M. [K] était chargé de la dépose d'anciens compteurs électriques et de la pose de compteurs Linky.
M. [K] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 11 juillet au 10 août 2018.
Par lettre du 27 juillet 2018, la société OTI France Services a notifié à M. [K] une mise à pied disciplinaire de 5 jours, lui reprochant un non respect des horaires de travail, son absence à une réunion d'équipe obligatoire, des cadences de pose insuffisantes, le manque de propreté de son véhicule de service.
M. [K] a contesté cette sanction par courriel le 17 août 2018.
Cette sanction a été exécutée du mercredi 29 août au mardi 4 septembre inclus.
M. [K] a de nouveau été placé en arrêt de travail pour maladie du 3 septembre au 5 octobre 2018.
A la suite d'une visite médicale du 23 octobre 2018, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude définitive de M. [K] à son poste.
Par lettre du 8 janvier 2019, la société OTI France Services a notifié à M. [K] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 19 avril 2019, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de La Roche sur Yon, qui par jugement du 21 septembre 2020 a :
- dit et jugé que la société OTI France Services n'a pas manqué à son obligation de sécurité,
En conséquence,
- rejeté la demande inhérente de dommages et intérêts au titre de la violation de ses obligations découlant de l'article L. 4121-1 du code du travail,
- débouté M. [K] de sa demande de paiement d'heures et les congés payés afférents,
- rejeté la demande en paiement de prime,
- débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,
- annulé la mise à pied disciplinaire,
En conséquence,
- condamne la société OTI France Services à verser à M. [K] les sommes de':
* 392,25 euros au titre du paiement du salaire, outre 39,23 euros au titre des congés payés afférents,
* 600 euros «'au titre de la réparation des dommages et intérêts'»,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes de M. [K],
- rejeté la demande reconventionnelle de la société OTI France Services au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société OTI France Services aux dépens, y compris les frais éventuels de recouvrement de la présente décision.
Par déclaration du 15 octobre 2020, M. [K] a formé appel à l'encontre de ce jugement, en ce qu'il a':
- dit et jugé que la société OTI France Services n'a pas manqué à son obligation de sécurité,
En conséquence,
- rejeté la demande inhérente de dommages et intérêts au titre de la violation de ses obligations découlant de l'article L. 4121-1 du code du travail,
- débouté M. [K] de sa demande de paiement d'heures et les congés payés afférents,
- rejeté la demande en paiement de prime,
- débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,
- condamné la société OTI France Services à verser à M. [K] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes de M. [K],
Par ordonnance du 4 mai 2022, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure au même jour et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 1er juin 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':
Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 4 août 2021, M. [K] demande à la cour de réformer le jugement, dans les termes de la déclaration d'appel, et statuant à nouveau, de':
- débouter la société OTI France Services de ses demandes,
- dire que la société OTI France Services a manqué à son obligation de sécurité,
- condamner la société OTI France Services à lui payer la somme de 60.000 euros net de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- faire sommation à la société OTI France Services de communiquer les règles objectives de détermination du paiement de la prime de productivité,
- condamner la société OTI France Services à lui payer la somme de 631,77 euros brut à titre de rappel de salaire des primes du 2ème trimestre 2017 et 1er trimestre 2018, outre la somme de 63,18 euros brut au titre du rappel de salaire y afférent,
- dire que la société OTI France Services a manqué à ses obligations en matière de paiement des temps de trajet,
- condamner en conséquence la société OTI France Services à lui payer la somme de 4.393,73 euros brut à titre de rappel des temps de trajet pour la période de novembre 2016 à janvier 2019, outre la somme de 439,37 euros brut au titre des congés payés afférents,
- condamner la société OTI France Services à lui verser la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, et de 3.000 euros pour la procédure d'appel,
- condamner la société OTI France Services aux dépens de l'instance.
Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 28 mars 2022, la société OTI France Services demande à la cour de :
$gt; à titre principal':
- constater l'absence de chef critiqué du jugement dans la déclaration d'appel et le renvoi à une annexe sans que cela ne soit justifié par une contrainte technique,
- par conséquent, juger l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel adverse,
- juger l'absence de saisine de la cour des chefs critiqués par M. [K],
$gt; à titre subsidiaire':
- juger que la mise à pied disciplinaire est justifiée'; par conséquent, infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [K] les sommes de 392,25 euros au titre du salaire, de 39,23 euros au titre des congés payés afférents et de 600 euros à titre de dommages et intérêts,
- juger qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité'; par conséquent, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,
- juger que les heures de trajet pour se rendre sur les chantiers ne constituent pas du temps de travail effectif'; par conséquent, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de paiement des heures et congés payés afférents,
- juger que M. [K] ne justifie pas de sa demande de paiement de la prime collective'; par conséquent, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande en paiement,
- juger que le licenciement de M. [K] a été notifié par une personne habilitée'; par conséquent, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,
$gt; à titre plus subsidiaire':
- réduire la demande de dommages et intérêts pour mise à pied disciplinaire injustifiée à de plus justes proportions,
- réduire la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité à de plus justes proportions,
- réduire la demande de rappel de salaire à titre de prime collective à la moyenne des années 2017 et 2018, soit 315,88 euros,
$gt; en tout état de cause':
- débouter M. [K] de sa demande de fixation des sommes en net'; par conséquent, dire et juger que les éventuelles condamnations seront fixées en brut,
- débouter M. [K] de ses demandes plus amples,
- débouter M. [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [K] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la saisine de la cour
Au 15 octobre 2020, jour de la déclaration d'appel, l'article 901 du code de procédure civile énonçait que la déclaration d'appel était faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 57, et à peine de nullité [...] les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Ainsi que le souligne la société OTI France Services, il a été admis sur le fondement de ce texte que lorsque la déclaration d'appel par voie électronique n'énonce pas les chefs critiqués du jugement, et que l'appelant se borne à joindre un document contenant les motifs de celle-ci sans alléguer d'empêchement technique à renseigner la déclaration, ce document ne vaut pas déclaration d'appel (Soc, 13 janvier 2022, n° 20-17.516).
Le décret du 25 février 2022 a cependant modifié l'article 901, 4 , du code de procédure civile en tant qu'il prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, en ajoutant dans ce texte, après les mots : « faite par acte », les mots : « , comportant le cas échéant une annexe, ».
L'article 6 du décret précise que cette disposition est applicable aux instances en cours.
En outre, l'arrêté du 25 février 2022 a modifié celui du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel. L'article 3 de ce texte prévoit qu'il entre en vigueur le lendemain de sa publication et qu'il est applicable aux instances en cours.
Si ces textes réglementaires ne peuvent remettre en cause des actes régulièrement accomplis sous l'empire de textes antérieurs, ils peuvent, en revanche, conférer validité à des actes antérieurs, pour autant qu'ils n'ont pas, à la suite d'une exception de nullité, été annulés par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.
Il en résulte que les nouvelles dispositions régissent, dans les instances en cours, les déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur et qu'elles ont pour effet de conférer validité aux déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.
En outre, au regard de l'ajout, opéré par le décret n 2022-245 du 25 février 2022 à l'article 901 du code de procédure civile, des termes : « comportant le cas échéant une annexe » après la phrase : « la déclaration d'appel est faite par acte », il y a lieu de considérer qu'une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement technique.
Il en résulte que la déclaration d'appel litigieuse, qui indique en objet': «'Appel partiel': veuillez trouver ci-joint mon acte de déclaration d'appel'» et à laquelle est joint un document intitulé «'déclaration d'appel'» énonçant expressément les chefs critiqués du jugement, a régulièrement dévolu à la cour ces chefs de décision.
Sur le caractère irrégulier de la procédure de licenciement
La cour relève que M. [K] a formé appel à l'encontre du chef de décision l'ayant débouté de sa demande indemnitaire. Pour autant, il ne formule dans ses conclusions aucune demande d'infirmation du jugement et de condamnation à paiement.
La cour ne peut donc que confirmer le jugement de ce chef.
Sur la mise à pied disciplinaire
En vertu de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Sur ce fondement, aucune des parties ne supporte directement la charge de la preuve, mais il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments retenus pour prononcer la sanction contestée.
Sur le fondement de l'article L. 1333-2, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
En l'espèce, il a été reproché à M. [K] quatre types de faits':
- le non respect des horaires':
M. [K] était tenu de poser des compteurs Linky de 8h à 16h ou de 12h à 20h, étant précisé qu'il bénéficiait d'une heure de pause. Il ne conteste pas qu'à dix reprises, il a entamé son activité tardivement du fait qu'il prenait un café avec ses collègues dans une boulangerie, ce qui a été constaté personnellement par son chef d'équipe le 4 juin 2018. Le fait que les neuf autres dates aient pu être retenues à partir de l'analyse du logiciel servant à planifier l'activité des salariés ne permet pas en soi de les exclure.
Par ailleurs, il ne conteste pas quelques autres libertés prises avec les horaires fixés, que ce soit à l'occasion de pauses en journée ou de fin prématurée de la journée de travail.
- l'absence à la réunion du 25 mai 2018 et la réaction véhémente de M. [K] vis-à-vis de son supérieur hiérarchique':
Il est constant qu'une réunion d'équipe se tenait ce jour-là, et que M. [K] ne s'y est pas rendu. L'employeur, qui ne conteste pas les allégations de M. [K] selon lesquelles il a pu être absent à d'autres réunions sans être inquiété, ne rapporte pas la preuve du caractère obligatoire de celle-ci. Il ressort en outre des pièces produites que M. [K] a travaillé ce jour-là, posant huit compteurs.
L'absence de M. [K] ne peut donc être considérée comme fautive.
M. [K] a adressé quelques jours plus tard un courriel vif à son responsable M. [Z] («'['] n'ayant pu participer à la réunion d'équipe du vendredi 25 mai 2018, étant de 12h/20h, je te demanderai, stp, de bien vouloir m'en expliquer les raisons. [...]'»), ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas. Pour autant, il n'est pas établi que M. [K] aurait porté des accusations mensongères à l'encontre de M. [Z].
- les cadences de pose insuffisantes des compteurs':
L'employeur ne conteste pas qu'à partir du 18 mai 2018 il a été demandé aux salariés de faire du porte à porte, outre les rendez-vous programmés, ce qui a réduit la cadence.
Pour autant, alors que tous les salariés étaient concernés par cette nouvelle méthode, les éléments produits mettent en évidence un décrochage du nombre de compteurs posés par M. [K] par rapport à la moyenne de son équipe, à partir du mois de mai 2018, alors que ses résultats s'inscrivaient dans la moyenne jusqu'alors.
Ce décrochage est concomitant avec les démarrages tardifs et pauses excessives reprochés à M. [K].
Le reproche fait à M. [K] est donc justifié.
- l'absence de nettoyage de la voiture':
La photo versée aux débats établit suffisamment l'état de saleté du véhicule de M. [K] (mots tracés avec un doigt dans la poussière recouvrant le véhicule': «'non au linky'», «'moche'», ')
Or le contrat de travail impose à M. [K] d'assurer l'entretien régulier de son véhicule.
Le reproche est donc justifié.
Bien que trois des quatre reproches faits à M. [K] soient justifiés, la cour considère qu'ils ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifiaient la sanction importante de 5 jours de mise à pied disciplinaire.
Cette disproportion justifie l'annulation de la sanction. Le jugement est confirmé en ce sens et en ce qu'il a accordé à M. [N] 392,25 euros à titre de rappel de salaire outre 39,23 euros au titre des congés payés afférents, et 600 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent, notamment, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
En application de l'article 1217 nouveau du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Ainsi, en application de ces textes et des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie avoir subi une atteinte à sa santé ou sa sécurité, ou qui justifie avoir été exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité et avoir personnellement subi un préjudice en résultant, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
S'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur ne méconnaît pas son obligation légale d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
En l'espèce, M. [K] estime que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est caractérisé par le fait qu'il a été victime de propos racistes de la part d'un chef d'équipe et qu'il a subi la pression et une cadence de travail infernale de la part de son employeur, ces faits ayant entraîné une dégradation considérable de son état de santé.
S'agissant des propos à connotation raciste tenus par son chef d'équipe, la cour retient que M. [K] les a signalés à la hiérarchie par courriel du 9 juillet 2018 à 7h24 et que Mme [H], gestionnaire ressources humaines, a réagi dans la matinée même en contactant l'auteur des paroles dénoncées et M. [Z] ainsi qu'en préconisant diverses mesures à ses interlocuteurs pour que les faits ne se reproduisent pas. M. [K] admet par ailleurs que l'employeur lui a annoncé que M. [E], auteur des faits, avait fait l'objet d'une remontrance et qu'il saisissait le CHSCT. Il a ainsi été soutenu par son employeur, qui n'a commis aucun manquement à cet égard.
S'agissant de la pression et de la cadence de travail, les attestations produites par le salarié démontrent le malaise de trois de ses collègues eu égard à l'organisation du travail et au rythme de pose des compteurs. M. [K] produit en outre une pétition du 20 novembre 2017 signée de 11 salariés portant d'une part sur «'les plannings démentiels imposés 10 rdv/jour, ou plus, sans considération aucune pour notre pause-déjeuner'», d'autre part sur le «'sort réservé à l'un d'entre nous'». Mais la cour relève aussi qu'en réaction à cette pétition, le responsable d'activité Linky s'est entretenu avec l'ensemble des techniciens signataires, et que seuls deux techniciens, dont M. [K], ont confirmé être en accord avec l'expression de «'planning démentiel imposé'». Enfin, il est établi que M. [K] a pu s'accorder un temps de travail plus réduit, générant nécessairement plus de pression pour parvenir aux objectifs fixés.
Par ailleurs, le CHSCT a procédé à une enquête en novembre 2018 qui a mis en évidence que les relations entre M. [K] et sa hiérarchie s'étaient détériorées à raison de la non perception de primes, d'un excès de contrôle qualité et d'un accompagnement, dans les tournées, mal vécu selon M. [K], ainsi que d'une mauvaise entente avec son responsable M. [Y] depuis la promotion de ce dernier comme chef d'équipe.
Dès lors, s'il est avéré par les certificats médicaux et l'avis d'inaptitude final que l'état de santé de M. [K] s'est dégradé, il n'est pas établi que cela résulterait d'une pression et d'une cadence excessive imposée par l'employeur.
La cour confirme donc le jugement en ce qu'il a retenu qu'il n'y avait pas eu de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Sur les demandes relatives à la prime
Il est constant que la prime revendiquée par M. [K] ne repose ni sur un accord collectif ni sur le contrat de travail.
M. [K] se prévalant d'un usage, il est rappelé que l'existence d'un usage suppose que soient caractérisés sa généralité, sa constance et sa fixité, ces caractères faisant naître dans l'esprit des salariés une légitime croyance dans son maintien.
En l'occurrence, les pièces produites établissent que M. [K], comme ses collègues, a perçu une prime en mai 2017, une autre en novembre 2017 et une autre en février 2018, mais non en août 2017 ou en mai 2018. Ces éléments caractérisent les critères de généralité et de constance (prime trimestrielle). Sa fixité est établie par les allégations non contestées du salarié selon lesquelles la prime était liée à la productivité, par l'attestation ' non contestée en sa teneur ' selon laquelle la réalisation des objectifs fixés donnait droit à des primes collectives, et par l'attestation de M. [C], produite par l'employeur lui-même, selon laquelle il a expliqué lors de la réunion du 25 mai 2018 «'les raisons du non versement de primes correspondant à l'activité du premier trimestre 2018 à savoir que le coût de l'emploi d'interimaire avait conduit la direction à réviser l'objectif de CA à la hausse'», ce qui a conduit à ce que «'la plupart des techniciens présents ont manifesté leur mécontentement'».
En outre, le compte rendu du comité d'entreprise du 26 juin 2018 porte notamment sur des «'informations détaillées du nouveau système de prime mis en place par activité'», ce qui laisse entendre qu'un système de prime préexistait à cette date. Enfin, l'employeur ne conteste aucunement dans ses conclusions l'existence d'un usage. Il se contente de reprocher à M. [K] son absence à la réunion au cours de laquelle le responsable d'activité Linky «'a expliqué les raisons du non versement de primes correspondant à l'activité du premier trimestre 2018'», et d'indiquer que «'l'ensemble des salariés de l'agence était concerné par le non versement des primes'» de sorte que M. [K] ne saurait se plaindre d'une discrimination. Ces arguments ne peuvent cependant justifier le non versement de la prime attendue dans le cadre d'un usage caractérisé.
Il n'y a pas lieu de faire sommation à la société OTI France Services de justifier du mode de calcul de cette prime. La société OTI France Services pouvait en effet produire cette information dans le cadre de la mise en état du dossier et, ne l'ayant pas fait, doit assumer son refus.
Il convient donc de faire droit à la demande de M. [K], étant précisé que la somme réclamée correspond à deux primes trimestrielles dont le montant unitaire correspond à la moyenne des trois primes trimestrielles versées, outre les congés payés afférents.
Le jugement est infirmé en ce sens.
Sur la demande en paiement relative au temps de trajet
En vertu de l'article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière.
En l'espèce, le contrat de travail de M. [K] prévoit son embauche pour l'exécution du chantier suivant': «'Pays de la Loire LOT 9 ' 85 / LA [Localité 6] Les Sables'», et l'article 7 «'lieu de travail'» précise que M. [K] «'exercera ses fonctions sur le périmètre géographique déterminé par le chantier déterminé à l'article 2 [...]'». Son lieu de travail habituel était ainsi défini.
Il est par ailleurs constant que M. [K] devait se rendre deux fois par semaine à l' «'entrepôt'» d'[Localité 5] pour y déposer les anciens compteurs et récupérer des compteurs Linky à poser. Il n'est pas allégué ni prouvé qu'[Localité 5] se situerait en dehors du périmètre d'activité de M. [K].
M. [K] n'établit donc pas qu'il était amené à effectuer des trajets domicile-travail excédant le temps normal de trajet défini par l'espace entre son domicile choisi et son lieu de travail contractuellement défini.
En outre, le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif, de sorte qu'il ne peut donner lieu au paiement d'un salaire et à des congés payés afférents.
M. [K] est donc débouté de sa demande. Le jugement est confirmé en ce sens.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [K] voyant aboutir une partie de ses demandes, il y a lieu de condamner la société OTI France Services aux dépens de première instance et d'appel.
Par suite, la société OTI France Services est condamnée à payer à M. [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en supplément de la somme allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
Dit que la déclaration d'appel a bien produit son effet dévolutif concernant les chefs de jugement énoncés dans le document annexé à la déclaration électronique,
Confirme le jugement rendu le 21 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de La Roche sur Yon, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de prime,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société OTI France Services à payer à M. [K] la somme de 631,77 euros brut à titre de rappel de primes, outre la somme de 63,18 euros brut au titre des congés payés afférents,
Et y ajoutant,
Condamne la société OTI France Services à payer à M. [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,
Condamne la société OTI France Services aux dépens, tant de première instance que d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,