ARRÊT N°449
N° RG 21/00269
N° Portalis DBV5-V-B7F-GFUI
S.A.R.L. [H] TP
C/
SASU ACEC GECO ZENITH
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 décembre 2020 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE
APPELANTE :
S.A.R.L. [H] TP
N° SIRET : 503 884 447
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Laurence RICOU, avocat au barreau de SAINTES
INTIMÉE :
SASU ACEC GECO ZENITH
N° SIRET : 433 762 606
[Adresse 1]
[Localité 2]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Frédéric MADY de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PÉTILLION, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller qui a présenté son rapport
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société S.A.R.L. [H] TP a une activité de travaux publics.
La comptabilité de cette entreprise est confiée à l'origine (depuis 2008) à la société ZENITH, expert-comptable et s'est poursuivie avec la société ACEC GECO ZENITH.
Dans le courant du mois d'août 2018, les salariés de la société [H] TP se sont plaints que le montant de leurs congés payés était inférieur à ce qu'il était auparavant.
Le 18 septembre 2018, la société ACEC GECO ZENITH transmettait par courriel une note d'information sur les congés payés précisant les éléments à inclure ou à exclure du salaire total brut.
Le 30 septembre 2018, la société [H] TP renouvellait la mission comptable de la société ACEC GECO ZENITH, en signant un contrat de mission d'assistance en matière sociale pour l'année 2018.
En 2018, la société ACEC GECO ZENITH a changé son logiciel pour passer du logiciel KOALA à un logiciel dénommé RRH IBIZA.
Ce nouveau logiciel paramètré par défaut, ne retient dans la base de calcul des indemnités de congés payés que la base minimale, c'est-à-dire uniquement les sommes ayant le caractère de salaires et, dès lors, excluait les indemnités de trajet et la prime de transport.
Le 15 septembre 2019, la société [H] TP soutenait par courrier, que la société ACEC GECO ZENITH avait intégré les indemnités de trajet et les primes de transport dans la base de calcul des indemnités de congés payés des salariés et que suite à cette erreur le préjudice à supporter par la société [H] TP s'élèverait à un montant d'environ de 60 000 € pour l'ensemble des déclarations sur la période 2008 à 2017 et que par conséquent, elle allait engager la responsabilité de la société ACEC GECO ZENITH.
Après de nombreux échanges, la société [H] TP mettait en demeure, par courrier avec AR en date du 2 décembre 2019, la société ACEC GECO ZENITH, d'avoir à régler la somme de 59 997,99 € pour l'ensemble des déclarations sur la période 2008 à 2017 suite à sa défaillance contractuelle pour le traitement des congés payés.
Faute d'accord, et par acte d'huissier en date du 3 février 2020, la société S.A.R.L. [H] TP a assigné devant le tribunal de commerce de LA ROCHELLE la société SAS ACEC GECO ZENITH aux fins de, selon ses dernières écritures :
Vu l'article 1231-1 du code civil, l'article 514 du code de procédure civile
' Faire droit à l'action en responsabilité contractuelle de la société [H] TP ;
' Déclarer la société ACEC GECO ZENITH entièrement responsable du préjudice subi par la société [H] TP ;
En conséquence,
' Condamner la société ACEC GECO ZENITH à la somme de 59 997,99 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi découlant des cotisations sociales indûment versées à la CNETP consécutivement à l'erreur commise par la société ACEC GECO ZENITH sur l'assiette desdites cotisations ;
' Condamner la société ACEC GECO ZENITH à une somme supplémentaire de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers complémentaires ;
' Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel;
' Condamner la société ACEC GECO ZENITH à une indemnité de 4 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En défense la société ACEC GECO ZENITH demandait au tribunal de :
' Dire et juger que la société ACEC GECO ZENITH n'a pas engagé sa responsabilité civile professionnelle envers la société [H] TP ;
En conséquence,
' Débouter la société [H] TP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société ACEC GECO ZENITH ;
À titre subsidiaire,
' Dire n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir;
En toute hypothèse,
' Condamner la société [H] TP à payer à la société ACEC GECO ZENITH la somme de 4 800 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' La condamner enfin en tous les frais et dépens de l'instance.
Par jugement contradictoire en date du 18 décembre 2020, le tribunal de commerce de LA ROCHELLE a statué comme suit :
'Vu les articles 1103 du code civil,
Dit recevable, mais mal fondée l'action en responsabilité civile contractuelle de la société [H] TP,
Dit que la société ACEC GECO ZENITH n'a pas engagé sa responsabilité civile professionnelle envers la société [H] TP,
Déboute la société [H] TP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société ACEC GECO ZENITH,
Condamne la société [H] TP à payer à la société ACEC GECO ZENITH, la somme justement appréciée de 1 500 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne, conformément à ce qu'indique l'article 696 du code de procédure civile, la société [H] TP au paiement des entiers dépens de l'instance comprenant les frais du greffe s'élevant à la somme de soixante-trois euros et trente-six centimes T.T.C.'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- la société ACEC GECO ZENITH réalise depuis l'origine de la société [H] TP, les déclarations auprès de la CNETP (Caisse National des Entrepreneurs de Travaux Publics) qui gère notamment le calcul et le versement des congés payés.
- de 2008 à 2018, les indemnités de congés payés calculées par la société ACEC GECO ZENITH puis déclarées auprès de la CNETP, ont intégré dans la base de calcul des congés payés, les indemnités de trajet ainsi que la prime de transport.
- la société [H] TP conteste l'affirmation de la société ACEC GECO ZENITH selon laquelle la décision d'intégrer les indemnités de trajet ainsi que la prime de transport résulterait d'un choix de gestion du fondateur de la société [H] TP, M. [S] [H], ayant voulu avantager ses salariés.
- le contrôle de la part de la CNETP concernant la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2019 n'a pas donné lieu à redressement.
- de 2008 à 2018, le calcul des congés payés intégrant les indemnités de trajet ainsi que la prime de transport n'a été remis en cause ni par la société [H] TP, ni n'a entraîné un redressement par la CNETP.
- c'est à la suite du passage en 2018 au logiciel dénommé RRH IBIZA que le calcul des congés payés a changé. Ce nouveau logiciel paramètré par défaut, ne retenait dans la base de calcul des indemnités de congés payés que la base minimale, c'est-à-dire sans les indemnités de trajet et la prime de transport, les indemnités de congés payés versées aux salariés étant ainsi d'un montant moindre.
- le 18 septembre 2018, la société ACEC GECO ZENITH transmet par courriel une note d'information sur les congés payés précisant les éléments à inclure ou à exclure du salaire total brut.
- sur la base de cette information, la société [H] TP démontre qu'elle a bien décidé le changement du mode de calcul des indemnités de congés payés de ses salariés sur la base des informations de la société ACEC GECO ZENITH.
- la société [H] TP ne démontre pas une faute de la société ACEC GECO ZENITH, celle-ci ayant réalisé sa mission, confirmée par son renouvellement le 30 septembre 2018 et ceci en respectant les directives de la société [H] TP. Elle n'a pas engagé sa responsabilité professionnelle.
LA COUR
Vu l'appel en date du 22/01/2021 interjeté par la société S.A.R.L. [H] TP
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 13/04/2021, la société S.A.R.L. [H] TP a présenté les demandes suivantes :
'Dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société [H] TP
Y faisant droit, réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuer à nouveau
Vu l'article 1231-1 du code civil
Juger que la société ACEC GECO ZENITH a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société [H] TP
En conséquence, condamner la Société ACEC GECO ZENITH à payer à la société [H] TP, à titre de dommages-intérêts, les sommes suivantes :
- 59 997,99 € en réparation du préjudice subi découlant de l'excédent des cotisations sociales versées à la CNETP consécutivement à la faute commise par la Société ACEC GECO ZENITH sur l'assiette desdites cotisations,
- 5000 € en réparation des préjudices financiers complémentaires.
Condamner la Société ACEC GECO ZENITH à une indemnité de 4800 € en application de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel'.
A l'appui de ses prétentions, la société S.A.R.L. [H] TP soutient notamment que :
- la Société ACEC GECO ZENITH a reconnu avoir commis une erreur en incluant pendant des années dans l'assiette de calcul des congés payés les indemnités accordées en remboursement de frais ainsi que les indemnités de transport. Elle s'est déplacée au sein de la société [H] TP pour expliquer aux salariés l'erreur commise.
- le service social de la société ACEC GECO ZENITH, sur la base des éléments réunis par la société S.A.R.L. [H] TP, a établi un tableau récapitulatif sur la période d'avril 2008 à 2017 estimant à la somme de 59 997,99 € l'excédent de cotisations sociales réglé.
- après avoir indiqué qu'elle relançait son assureur, la société ACEC GECO ZENITH revenait sur sa position initiale, considérant que sa responsabilité ne pouvait être engagée « de façon certaine ».
- chargé d'une mission sociale complète, la société ACEC GECO ZENITH a réalisé les déclarations sociales auprès de la CNETP qui gère notamment le calcul et le versement des congés payés.
Sont à exclure du salaire total brut, pour le calcul des congés payés, notamment:
* les indemnités accordées en remboursement de frais tels que petits et grands déplacements, outillage, paniers, travaux salissants...
* le montant de l'indemnité transport remboursé par l'employeur.
- la décision d'intégrer les indemnités de trajet et la prime de transport dans la base de calcul des congés payés ne résulte pas d'un choix de gestion du fondateur de la société, M. [S] [H], mais de l'initiative de la société ACEC GECO ZENITH, sans en informer expressément la société S.A.R.L. [H] TP.
- le troisième logiciel RRH IBIZA a été paramètré différemment car il retient dans la base de calcul des indemnités de congés payés uniquement les sommes ayant le caractère de salaire, excluant ainsi les indemnités de trajet et la prime de transport, mais c'est l'expert-comptable qui a la maîtrise des logiciels qu'il utilise.
- à aucun moment, la société ACEC GECO ZENITH n'a informé la société [H] TP que ses logiciels (jusqu'en 2018) incluaient dans l'assiette des cotisations des congés payés les primes en cause, puis ne les incluaient plus.
- c'est au moment ou les salariés ont remarqué la baisse des sommes payées que l'information a été donnée.
- l'expert-comptable est tenu à une obligation de renseignement et de conseil et la société ACEC GECO ZENITH ne démontre pas y avoir satisfait.
- l'absence de redressement est inopérante et la question n'est pas en effet celle de savoir s'il est interdit ou non d'inclure dans la base des congés payés les indemnités de trajet et la prime de transport, bien qu'habituellement, ces éléments sont exclus : la société ACEC GECO ZENITH l'a rappelé dans son mail à la société [H] TP du 18 septembre 2018.
Les Caisses de congés payés du bâtiment le précisent également dans leur guide pratique
- en l'espèce, la société [H] TP n'a jamais décidé d'inclure ces sommes
dans l'assiette des éléments à déclarer.
- elle n'a pas remis en cause le calcul car elle n'était pas informée de cette situation.
- la société ACEC GECO ZENITH a chiffré le préjudice découlant de son erreur, le tableau réalisé équivalent à une reconnaissance de faute.
- la société [H] TP continue de subir les erreurs de la société ACEC GECO ZENITH : le 8 février 2020, M. [D], salarié de la société [H] TP informait son employeur que la grille des salaires n'était pas respectée depuis le 1er janvier 2018.
- sur l'indemnisation de son préjudice, la société ACEC GECO ZENITH soutient que lorsque la victime d'une faute tire un avantage d'une situation selon
elle dommageable, cet avantage doit être déduit du préjudice indemnisable. Tel
n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'elle a versé des sommes qu'elle ne devait
pas régler. Elle n'a pas fait en outre d'économie d'impôts puisqu'elle a eu un résultat déficitaire, notamment en 2009, 2010, 2013, 2016, 2017.
- une indemnisation supplémentaire de 5000 € est sollicitée par la Société [H] TP, justifiée au regard notamment du temps de recherche passé pour déterminer le montant de son préjudice.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 13/07/2021, la société SAS ACEC GECO ZENITH a présenté les demandes suivantes :
'Vu le bordereau pièces annexé aux présentes conclusions fondant les prétentions de la société ACEC GECO ZENITH par application de l'article 954 du code procédure civile.
Déclarer mal fondé l'appel interjeté par la Société [H] TP à l'encontre du jugement rendu le 18 décembre 2020 par le tribunal de commerce de LA ROCHELLE.
Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Dire et juger que la société ACEC GECO ZENITH n'a pas engagé sa responsabilité civile professionnelle envers la S.A.R.L. [H] TP.
En conséquence, débouter la S.A.R.L. [H] TP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société ACEC GECO ZENITH.
Y ajoutant,
Condamner la S.A.R.L. [H] TP. à payer à la société ACEC GECO ZENITH la somme de 4800 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
La condamner enfin en tous les frais et dépens tant de première instance que d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PETILLION, avocat qui sera autorisée à les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile'.
A l'appui de ses prétentions, la société SAS ACEC GECO ZENITH soutient notamment que :
- sa mission comptable comportait, depuis l'origine il y a 40 ans, la réalisation des travaux comptables, l'établissement des comptes annuels, les déclarations fiscales, une mission sociale comportant l'établissement des bulletins de paie, des bordereaux de charges sociales et des déclarations annuelles.
- depuis l'origine, les indemnités de congés payés calculées par la société SAS ACEC GECO ZENITH puis déclarées auprès de la CNETP ont intégré, dans la base de calcul des congés payés, les indemnités de trajet, ainsi que la prime de transport.
Il s'agit d'un choix de gestion de M. [S] [H], ayant décidé de favoriser ses employés en leur accordant, par ce biais, des droits à congés payés supérieurs aux droits minimaux.
- à l'origine, ces calculs se réalisaient avec un logiciel dénommé CCMX et intégraient les mêmes données.
La société SAS ACEC GECO ZENITH a ensuite changé de logiciel pour adopter le logiciel dénommé KOALA, avec très exactement le même paramétrage de données, intégrant dans la base de calcul des congés payés des indemnités de trajet, ainsi que de la prime de transport
Elle a enfin changé son logiciel pour RRH IBIZA, utilisé à partir de l'année 2018, et paramètré différemment par défaut. Les indemnités de congés payés étaient alors calculées que la base minimale, c'est-à-dire uniquement les sommes ayant le caractère de salaires et, dès lors, exclut les indemnités de trajet et la prime de transport, et les indemnités de congés payés versées aux salariés se sont élevées à un montant moindre.
- après recherches entreprises à la demande du dirigeant de la société [H] TP, il est apparu que dans le cadre de l'utilisation des deux précédents logiciels, depuis toujours, la base de calcul retenue pour les congés
payés était la base minimale augmentée des indemnités de transport et des primes de trajet.
- l'un des gestionnaires du dossier de la société SAS ACEC GECO ZENITH a expliqué la situation aux salariés de la S.A.R.L. [H] TP. Elle a ensuite établi un tableau récapitulant la différence de calcul en termes de charges payées auprès de la CNETP.
- à la suite d'un contrôle de la CNETP, la société SAS ACEC GECO ZENITH a considéré que sa responsabilité civile professionnelle n'était pas engagée.
- la société SAS ACEC GECO ZENITH n'a pas commis de faute.
La preuve de l'obligation d'information ou de conseil est un fait juridique pouvant, en tant que tel, être prouvé par tout moyen.
- en l'espèce, les choix opérés par l'ancien dirigeant qui a voulu avantager ses salariés apparaissaient clairement sur les fiches de paye remises tant à l'employeur qu'aux salariés et ils n'ont pas été contestés pendant plus de 10 ans.
- le paramétrage des deux premiers logiciels utilisés a évidemment été fait en accord avec l'ancien dirigeant, qui avait une conception différente des relations de travail, s'agissant d'un accord interne à l'entreprise.
- la S.A.R.L. [H] TP avait connaissance des cotisations qu'elle payait auprès de la CNETP at aucune remarque n'a été formulée jusqu'à ce que, à la faveur d'un changement de logiciel ne retenant que la base minimale, les salariés ne s'en émeuvent.
- tant la S.A.R.L. [H] TP que les salariés en cause avaient conscience de l'avantage social qui leur était conféré par leur employeur.
- la S.A.R.L. [H] TP ne peut faire valoir qu'elle n'aurait pas été informée de l'avantage social conféré aux salariés, sauf à ce qu'elle ose venir soutenir qu'en tant qu'employeur elle ne lisait pas les fiches de paye de ses propres salariés.
- le courriel en date du 18 septembre 2018, fournissant des informations complémentaires vis-à-vis des congés payés, a été transmis à la demande de la S.A.R.L. [H] TP.
- la société SAS ACEC GECO ZENITH n'a pas reconnu avoir commis une faute, alors que le dossier était bien tenu selon la CNETP.
Le tableau établit à la demande de la S.A.R.L. [H] TP n'équivaut pas à une reconnaissance de faute, ni sa présence à une réunion d'explication.
- les attestations versées, d'un contenu quasi identique et rédigée sous la dictée, ne peuvent faire preuve de son aveu de responsabilité.
La société SAS ACEC GECO ZENITH a seulement expliqué la différence existant entre les deux précédents logiciels et le troisième paramétrant par défaut des modalités de comptabilisation différentes, et le contenu des attestations révélerait une mauvaise compréhension par les salariés et leur employeur des informations données.
- il est sans intérêt pour la S.A.R.L. [H] TP d'évoquer un rappel de salaire dû à l'un de ses salariés, sans relation avec le litige.
- c'est en toute connaissance de cause que la S.A.R.L. [H] TP a choisi d'intégrer à la base minimale des congés payés de ses salariés l'indemnité de trajet et la prime de transport.
- outre l'absence de faute, la société SAS ACEC GECO ZENITH soutient que dans l'hypothèse ou la S.A.R.L. [H] TP aurait entendu remettre en cause l'avantage conféré à ses salariés après une ou quelques années d'application de celui-ci, les salariés auraient également réclamé le maintien de l'avantage interne à l'entreprise en considérant qu'il s'agissait d'un droit acquis, et son attitude est sans lien de causalité.
- il n'y a pas en l'espèce de préjudice indemnisable, dès lors que lorsque la prétendue victime d'une faute tire un avantage d'une situation selon elle dommageable, cet avantage doit être déduit du préjudice indemnisable.
Les sommes payées chaque année sont des charges déductibles de son résultat imposable, et donc de l'impôt sur les sociétés et son imposition a été moindre.
La S.A.R.L. [H] TP soutient avoir été déficitaire notamment en 2009, 2010, 2013, 2016 et 2017, mais la période concernée s'étend de l'exercice 2008-2009 à l'exercice 2016-2017.
En outre, les résultats déficitaires pouvaient être comptabilisés en 'report à nouveau'.
- il n'y a pas lieu d'indemniser un préjudice financier complémentaire non justifié.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 14/04/2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'engagement de la responsabilité de la société SAS ACEC GECO ZENITH :
L'article 1134 ancien du code civil dispose que :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ' les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,' et 1104 du code civil 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi'.
L'engagement de la responsabilité contractuelle trouve son fondement dans l'article 1231-1 du code civil (1147 ancien) qui dispose que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, à paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.
L'article 1353 du même code dispose que 'celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.
En l'espèce, la S.A.R.L. [H] TP a confié depuis 2008 à la société ZENITH, puis à la société ACEC GECO ZENITH la comptabilité de son entreprise, dans le cadre d'une mission complète incluant la réalisation des travaux comptables, l'établissement des comptes annuels, les déclarations fiscales, une mission sociale comportant l'établissement des bulletins de paie, des bordereaux de charges sociales et des déclarations annuelles, cela depuis le début de son activité.
Sa mission a au demeurant été renouvelée selon lettre en date du 30 septembre 2018.
Depuis l'origine, les indemnités de congés payés calculées par la société SAS ACEC GECO ZENITH puis déclarées auprès de la CNETP ont intégré, dans la base de calcul des congés payés, les indemnités de trajet, ainsi que la prime de transport.
A l'origine, ces calculs se réalisaient avec un logiciel dénommé CCMX qui intégrait ces mêmes données.
La société SAS ACEC GECO ZENITH a ensuite changé de logiciel pour adopter le logiciel dénommé KOALA, avec très exactement le même paramétrage de données, intégrant dans la base de calcul des congés payés des indemnités de trajet, ainsi que de la prime de transport.
Enfin, la société SAS ACEC GECO ZENITH a changé son logiciel pour RRH IBIZA, utilisé à partir de l'année 2018, et paramètré différemment par défaut. Les indemnités de congés payés étaient alors calculées que la base minimale, uniquement les sommes ayant le caractère de salaires et, dès lors, excluaient les indemnités de trajet et la prime de transport.
Les indemnités de congés payés versées aux salariés se sont à partir de ce moment élevées à un montant moindre, et les salariés se sont manifestés.
La S.A.R.L. [H] TP soutient l'engagement de la responsabilité de la société SAS ACEC GECO ZENITH par défaut d'information et de conseil, du fait de l'erreur commise, indiquant le 15 septembre 2019 que 'selon les dispositions applicables en la matière... 'les indemnités de trajet et les primes de transport 'doivent être exclues de la base de calcul des indemnités de congés payés'.
Elle indique que ce choix aurait été celui de la société SAS ACEC GECO ZENITH et non du dirigeant de l'entreprise, celle-ci n'étant pas informée de cette décision ni conseillée par son comptable qui aurait ainsi engagé sa responsabilité, ce qui aurait été reconnu dans le cadre des échanges des deux sociétés et à l'occasion d'une réunion d'information des salariés à laquelle participait la société SAS ACEC GECO ZENITH.
La société SAS ACEC GECO ZENITH retient que la preuve de l'exécution de son obligation d'information est libre, soutenant que le choix de la méthode de calcul appliquée depuis 2008 était celui de l'ancien dirigeant de la S.A.R.L. [H] TP qui entendait faire bénéficier ses salariés d'un dispositif plus favorable.
Toutefois, la société intimée ne verse aux débats aucun élément probant de nature à démontrer cette position de M. [H].
Si elle soutient que l'entreprise ne pouvait ignorer le mode de calcul des congés payés au regard des bulletins de salaire, elle ne verse pas aux débats ces bulletins qu'elle avait elle-même charge d'éditer, et ne démontre pas la connaissance qu'avait selon elle la S.A.R.L. [H] TP du calcul adopté à la lecture des bulletins de paye.
Elle ne produit aucun élément d'information donné à la S.A.R.L. [H] TP du calcul résultant des deux anciens logiciels, cela même si le calcul utilisé n'était pas interdit, étant relevé que le contrôle effectué le 20/11/2019 par le CNETP concernant la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2019 où étaient intégrées dans les congés payés la base minimale, l'indemnité de trajet et la prime de transport, n'a pas remis en cause ce calcul, aucun redressement n'étant prononcé à l'encontre de la S.A.R.L. [H] TP.
C'est au contraire à partir de l'usage du nouveau logiciel en 2018 que la société SAS ACEC GECO ZENITH a procédé à l'information complète de la S.A.R.L. [H] TP par sa note du 18 septembre 2018 faisant référence au guide pratique de la caisse de congés payés intempéries BTP, selon laquelle l'indemnité de trajet et la prime de transport n'étaient pas à inclure dans le calcul.
La société SAS ACEC GECO ZENITH ne peut prétendre avoir exécuté jusqu'en 2018 une consigne de la direction de la S.A.R.L. [H] TP dont elle ne justifie pas, et avoir ensuite cessé de respecter cette consigne, sans
établir le revirement de l'employeur et ses consignes nouvelles contraires, alors que la modification coïncidait avec l'emploi d'un nouveau logiciel dont elle avait seule assuré le paramétrage.
S'il ne peut être déduit du signalement d'un litige à son assureur comme indiqué le 24 octobre 2019 la reconnaissance par la société SAS ACEC GECO ZENITH de l'engagement de sa responsabilité, ni de son courrier en date du 24 février 2020, où elle indiquait :'j'ai refait le point global de votre dossier et les remontées du contrôle de la CNETP auxquelles vous faites référence ne semblent pas indiquer de façon certaine que la responsabilité du cabinet soit engagée dans votre dossier et même plutôt le contraire dans la mesure où le contrôleur a indiqué que le dossier était bien tenu.
Il semblerait par contre qu'une option avait été prise par le passé auprès de la caisse afin de garantir à vos salariés une meilleure couverture lors des prises de congés (nous sommes disposés à étudier avec vous la possibilité de maintenir cet avantage afin de ne pas prendre le risque de remise en cause d'un avantage sans formalités)', la société intimée a par contre participé à une réunion d'information le 2 octobre 2018.
Il ressort de diverses attestations de salariées de la S.A.R.L. [H] TP présent à cette réunion que 'M. [K] a évoqué une erreur du cabinet comptable sur le mode de calcul des cotisations des congés payés de la CNETP qui perdurait depuis 2008" (attestations [N] [O], [Z] [C], [U] [A], [L] [W], [X] [B] ou 'une erreur sur le mode de calcul due à une mauvaise méthode qu'ils employaient depuis toutes ces années. M. [K] a reconnu et confirmé leur erreur devant tout le personnel de l'entreprise [H] TP cette journée là' (attestation [T] [R]).
Ces déclarations, suffisamment précises et concordantes, et dont la sincérité n'est pas suspecte , même si elles émanent de salariés de la société appelante, permettent de rapporter la preuve qu'une erreur de fait avait été commise dans l'application des logiciels utilisés antérieurement à 2018, soit depuis 2008, par la société SAS ACEC GECO ZENITH .
Il doit être retenu au vu de ces éléments que la société SAS ACEC GECO ZENITH ne rapporte pas la preuve d'avoir satisfait correctement à sa mission d'établir les bulletins ni à son obligation de conseil et d'information envers sa cliente, d'autant qu'elle reconnaissait devant les salariés réunis pour information avoir commis une erreur dans l'application de ses propres logiciels.
Elle ne démontre pas en outre que la S.A.R.L. [H] TP aurait accepté en connaissance de cause depuis 2008 un calcul de la rémunération versée à ses salariés, faisant état de sa volonté d'appliquer les exclusions préconisées par le CNETP à partir de son information transmise le 18 septembre 2018 des possibilités de non-inclusion de l'indemnité de trajet et la prime de transport.
La faute de la société SAS ACEC GECO ZENITH doit être retenue, s'agissant tant de son défaut d'information ayant permis l'usage de paramètres erronés de ses logiciels d'application que de l'usage de ceux-ci.
Il ya lieu en conséquence de retenir l'engagement de la responsabilité de la société SAS ACEC GECO ZENITH, par infirmation du jugement rendu.
S'agissant du préjudice subi, il y a lieu de retenir qu'à la demande de la S.A.R.L. [H] TP, la société SAS ACEC GECO ZENITH a pu elle-même établir, par compilation des données comptables qui lui étaient transmises, le calcul de la différence d'écart entre des cotisations fondées sur la base minimale, et celui comportant les indemnités de trajet et des primes de transport, pour un montant de 59 997,99 € au total entre 2008 et 2017.
Il ne s'agit pas d'un préjudice éventuel, mais de l'ensemble des sommes qui ont été versées par la S.A.R.L. [H] TP au titre de l'erreur commise, en lien direct avec elle et faute de son information par le comptable professionnel.
En outre, il ne peut être soutenu que ces versements auraient été effectivement compensés par une moindre imposition, d'autant que la S.A.R.L. [H] TP justifie de résultats déficitaires au titre des années 2009, 2010, 2013, 2016, 2017.
La société SAS ACEC GECO ZENITH sera en conséquence condamnée à verser à la S.A.R.L. [H] TP la somme de 59 997,99 € au titre de l'indemnisation de son préjudice financier, sa demande d'indemnisation de préjudices financiers supplémentaires n'étant pas justifiée par les pièces et éléments versés aux débats et devant être écartée.
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge la société SAS ACEC GECO ZENITH .
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner la société SAS ACEC GECO ZENITH à payer à la S.A.R.L. [H] TP la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société SAS ACEC GECO ZENITH à verser à la société S.A.R.L. [H] TP la somme de 59 997,99 € au titre de l'indemnisation de son préjudice financier.
DÉBOUTE la société S.A.R.L. [H] TP de sa demande d'indemnité complémentaire.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE la société SAS ACEC GECO ZENITH à verser à la société S.A.R.L. [H] TP la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.
CONDAMNE la société SAS ACEC GECO ZENITH aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,