ASB/PR
ARRÊT N°
N° RG 20/01418
N° Portalis DBV5-V-B7E-GBCU
[F]
C/
[P]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 juin 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE
APPELANT :
Monsieur [E] [F]
Agent général d'assurance - Allianz
N° SIRET : 442 807 137
[Adresse 4]
[Localité 1]
Ayant pour avocat Me Jérôme BIEN de la SELAS ACTY, avocat au barreau des DEUX-SEVRES
INTIMEE :
Madame [G] [P] née [I]
née le 17 septembre 1969 à [Localité 5] (16)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me François MUSEREAU de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
Et pour avocat plaidant Me Pascale RAMOS, avocat au barreau de la ROCHELLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Madame Valérie COLLET, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
A compter du 2 janvier 2007, M. [R], agent général des assurances générales de France, a embauché Mme [G] [P] (née [I]).
La convention collective applicable est la convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances.
M. [R] ayant cessé ses fonctions au 1er juillet 2016, la gestion de l'agence et le traitement de Mme [P] ont été assurés par Allianz Agences jusqu'au 1er avril 2017, date à laquelle le portefeuille a été repris par M. [E] [F], agent général, qui est alors devenu son nouvel employeur.
Le 5 mars 2018, M. [F] a adressé à Mme [P] une lettre de recadrage.
Par lettre du 18 juillet 2018, M. [F] a notifié à Mme [P] son licenciement pour faute, lui reprochant essentiellement un refus délibéré d'exécuter ses missions contractuelles.
'
Le 1er mars 2019, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle, qui par jugement du 29 juin 2020 a :
- dit que le licenciement de Mme [P] est sans cause réelle et sérieuse,
- condamné M. [F] à verser à Mme [P] la somme de 12.567,36 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné M. [F] à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné M. [F] aux dépens.
Par déclaration au greffe le 22 juillet 2020, M. [F] a formé appel à l'encontre de ce jugement, en en visant toutes les dispositions.
M. [F] a fait signifier sa déclaration d'appel à Mme [P] le 1er septembre 2020.
Par ordonnance du 4 mai 2022, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure au même jour et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 1er juin 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':
Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 30 mars 2021, M. [F] demande à la cour d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau de débouter Mme [P] de ses demandes ainsi que de la condamner reconventionnellement à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, communiquées le 2 mai 2022, Mme [P] demande à la cour de':
$gt; à titre principal, confirmer le jugement, à l'exception du montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera fixé à la somme de 20.945, 60 euros correspondant à 10 mois de salaire brut,
$gt; à titre subsidiaire, confirmer le jugement,
$gt; en tout état de cause, rejeter les demandes de M. [F] et le condamner à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur le licenciement et les demandes pécuniaires afférentes
Sur le fondement de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture. Il appartient néanmoins au juge de qualifier les faits invoqués.
En outre, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, il incombe au juge de rechercher la véritable cause de licenciement.
Sur le fondement de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Si un doute subsiste, il profite au salarié, en vertu de l'article L. 1235-1 précité, in fine.
En l'espèce, M. [F] a licencié Mme [P] en ces termes':
«'['] à aucun moment vous n'avez cherché à nier durant cet entretien, les différents faits qui vous étaient reprochés, confirmant même la position que vous adoptez depuis plusieurs mois maintenant, consistant purement et simplement à refuser de suivre nos directives et consignes de travail, et par là même, d'exécuter normalement les missions qui sont les vôtres.
Nous avons décidé de vous notifier, par la présente, votre licenciement, lequel repose sur les motifs suivants':
Vous êtes employée en qualité de collaborateur d'agence, Niveau 4 de la Convention collective nationale des Assurances (agences générales), et ce depuis le 2 janvier 2007.
Compte tenu de la taille de notre structure, cet emploi de collaborateur d'agence englobe aussi bien des missions à dominante gestionnaire que commerciale.
Vous intervenez dans le cadre de vos fonctions sur le secteur du particulier (Auto, Santé, MRH, Vie, Prévoyance et Pro TPE)'; vous êtes la seule au sein de l'agence à intervenir sur ce secteur, qui est le c'ur même de notre métier.
Au-delà du critère de technicité propre à votre emploi et votre qualification (Niveau 4), vos missions appellent une large autonomie dans l'organisation de votre travail et des moyens à mettre en 'uvre, avec des objectifs, régulièrement précisés et contrôlés. Votre qualification et vos missions appellent une relation commerciale orientée vers la vente.
Nous avons repris l'agence à compter du 1er avril 2017.
Après une profonde analyse des éléments chiffrés de ce portefeuille, nous avons constaté une faible activité sur le marché des particuliers au sein de l'agence.
Un de nos principaux objectifs dans cette reprise a été de vous accompagner ou de vous redynamiser. Vous êtes en effet la seule collaboratrice à être en charge de cette clientèle des particuliers. Il était impératif que nous amenions l'agence à un niveau d'activité au moins équivalent à celui de nos collègues situés dans des configurations similaires de notre département.
Or, dès le début de notre collaboration, vous m'avez fait part de deux freins qui selon vous, expliquaient ce manque de production : «le très mauvais positionnement tarifaire d'Allianz» et un portefeuille clients soi-disant «totalement hermétique aux nouvelles offres ... »
Afin néanmoins d'enrayer cette activité insuffisante et votre manque flagrant de volonté d'y remédier, nous vous avons proposé d'ajouter à votre rémunération fixe une rémunération variable basée sur l'atteinte d'objectifs raisonnables sur les produits de votre marché, comme cela se pratique dans beaucoup d'agences d'assurance.
Vous avez refusé au motif que vous ne vous voyez «'pas proposer des offres aux clients sachant le mauvais positionnement tarifaire de notre compagnie, ...'» indiquant qui plus est «être elle-même totalement hermétique à toutes formes de sollicitations commerciales... »
Par différents moyens, dans le cadre d'entretiens individuels et de réunions hebdomadaires, nous vous avons démontré que vos a priori pouvaient être levés en pratiquant systématiquement une plus fine étude des besoins des assurés, et en utilisant les nombreux dispositifs techniques et commerciaux à notre disposition.
Nous avons alors sollicité deux Inspecteurs de notre compagnie pour procéder à des formations au sein de l'agence qui se sont tenues les 7 et 14 juin 2017 pour le marché des particuliers, et le 21 juin 2017 pour le marché des assurances de personnes.
A l'issue de ces formations, vous nous avez indiqué que « cela ne servait à rien ... »
Nous avons néanmoins renouvelé notre proposition d'objectifs, accompagnée d'une rémunération variable le mardi 04 juillet 2017: vous avez de nouveau refusé d'aller en ce sens ...
Nous vous avons alors proposé le vendredi 21 juillet 2017, de participer à des cessions de formation interne à notre compagnie en présence d'autres collaboratrices pour partager les expériences et échanger sur les bonnes pratiques : vous avez refusé d'y participer.
A cette même période, nous avons demandé à des collègues de la région, de vous intégrer dans des stages en immersion au sein de leurs agences : vous avez une nouvelle fois, refusé.
Le 9 novembre 2017, dans le cadre d'un entretien individuel, nous vous avons remis une note de synthèse de nos différents entretiens et un rappel de vos objectifs, assortie d'une proposition de rémunération variable .... En vain.
Devant ce constat, qui révèle finalement votre refus pure et simple d'exécuter normalement et loyalement vos missions contractuelles, nous avons été amenés à évoquer ensemble le principe d'une rupture conventionnelle. Vous étiez favorable à mettre un terme à notre collaboration, mais vous indiquiez que «je n'aurais certainement pas les moyens »,
Effectivement, vos prétentions, en l'occurrence l'octroi d'une indemnité de 25 000 € alors que vous refusez d'exécuter normalement les missions qui sont les vôtres, étaient totalement démesurées.
Le lundi 5 mars 2018, à la suite d'un bilan d'activité sur la période écoulée depuis la reprise de l'agence, nous vous avons remis contre décharge une lettre de recadrage, avec pour sujet principalement de constater la faiblesse de votre activité et vous rappeler les principales missions liées à votre fonction.
A l'occasion de cet entretien, vous avez évoqué de nouvelles causes à ces résultats insuffisants en indiquant que vous manquiez de temps du fait d'une charge de travail importante en gestion.
Or, et comme vous le savez, la gestion est très faible sur le marché des particuliers; je vous ai donc demandé de transférer si tel était le cas, la gestion aux autres collaborateurs gestionnaires, ce que vous avez, encore, refusé.
Votre comportement et votre attitude perturbent aujourd'hui le bon fonctionnement de notre entreprise, et ont un impact direct sur les résultats de notre agence sur le marché des particuliers, qui sont très en dessous des résultats de nos confrères sur des secteurs géographiques similaires.
Malgré notre accompagnement, notre patience, nos propositions de formation et de suivi de votre activité, notre volonté de vous motiver dans le développement commercial de vos missions et fonctions, vous avez toujours refusé les initiatives mises en 'uvre. Depuis notre courrier de recadrage du 5 mars 2018, aucune amélioration de la situation n'a pu être constatée.
En effet, l'ensemble des indicateurs sur le marche du particulier sont très en dessous des objectifs qui sont les vôtres, et très en dessous des résultats constatés sur les autres agences du secteur (que ce soit en Prévoyance, Santé, MRH ou Auto).
Vous avez reconnu l'ensemble de ces faits lors de votre entretien préalable, nous indiquant purement et simplement que vous ne vouliez pas assumer et assurer le volet commercial de vos fonctions.
Vous comprendrez que nous ne pouvons pas continuer à travailler plus longtemps avec collaborateur qui refuse purement et simplement d'exécuter ses missions contractuelles.
Ce comportement résulte d'une mauvaise volonté délibérée de votre part qui freine le développement de notre agence, et manifeste une infraction à votre obligation de loyauté inhérente à votre contrat de travail.
Conformément aux dispositions légales et conventionnelles, votre préavis d'une durée deux mois prend ra effet à compter de la 1ère présentation de la présente.
Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis, qui vous sera toutefois rémunéré.
A l'issue de votre préavis, vous cesserez de faire partie des effectifs de la société.
A la rupture effective de votre contrat de travail, votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi vous seront envoyés par pli séparé.
Votre contrat de travail initial prévoyait une clause de non concurrence. Nous vous informons par la présente que, conformément aux dispositions de votre contrat de travail, nous avons décidé de vous libérer de l'application de cette clause, de sorte que vous serez libre de tout engagement à notre endroit à l'issue de votre préavis.
[...]'».
C'est donc clairement sur le motif personnel d'insubordination, de refus d'exécution normale et loyale de ses missions contractuelles, que M. [F] a fondé le licenciement, et non sur un motif économique. L'allusion aux résultats et aux indicateurs de l'agence, inférieurs à ceux d'agences comparables, intervient simplement pour insister sur les conséquences pour l'entreprise de l'attitude de Mme [P], pour souligner le déclassement de l'agence par rapport aux autres dans le cadre d'une comparaison permanente entre celles-ci, sans aucunement mettre en avant de difficultés économiques avérées ou en germe.
Il ne peut en conséquence être reproché à M. [F] de ne pas avoir procédé à un licenciement économique.
S'agissant des griefs formulés à l'encontre de Mme [P], la cour relève que les trois faits qu'elle considère comme atteints par la prescription (refus de suivre les formations, de participer au stage en immersion, de transférer la gestion de ses dossiers aux autres collaborateurs gestionnaires) ne sont que des illustrations parmi d'autres de l'attitude générale d'insubordination et de mauvaise volonté délibérée reprochée par l'employeur à la salariée. Or Mme [P] ne nie pas que son refus d'accomplir les tâches demandées a persisté jusqu'au licenciement, et ne soulève notamment pas la prescription du grief fondé sur le non respect des missions contractuelles.
Pour apprécier si le refus de Mme [P] d'assurer «'le volet commercial de ses fonctions'», comme le lui reproche l'employeur, est fautif, il convient de rappeler que l'employeur ne peut, sans l'accord du salarié, modifier son contrat de travail, et de déterminer quel était le poste de Mme [P].
Le contrat de travail du 2 janvier 2007 prévoit que Mme [P]':
- est «'engagée en qualité de collaboratrice d'agence niv. 3 de la convention nationale du personnel des agences générales d'assurances'» (article 1': objet du contrat)
- exercera la fonction de secrétaire sous la directive du personnel d'encadrement et effectuera des taches de secrétariat qualifié'»'; et que «'ces fonctions ont un caractère évolutif tenant d'une part aux impératifs d'adaptation de l'entreprise et à ses besoins, d'autre part aux capacités et à l'approfondissement de la compétence de Madame [P] [G]'» (article 3': Fonctions).
Les débats mettent en évidence que Mme [P] a de fait, jusqu'à l'arrivée de M. [F] à la tête de l'agence, effectué essentiellement des missions de secrétariat et gestion':
- elle était seule en charge d'un portefeuille de plus de 1.000 clients (les particuliers), ce qui suppose un important travail de secrétariat et gestion';
- M. [F] admet lui-même avoir «'constaté une faible activité sur le marché des particuliers au sein de l'agence'» et s'être heurté dès son arrivée au refus de Mme [P] de développer une démarche commerciale';
- il n'est pas contesté que jusqu'au 1er avril 2016, jour de l'arrivée de M. [F] à l'agence, celle-ci employait un commercial (qui a pris sa retraite concomitamment à l'arrivée de M. [F])';
- Mme [E], ancienne collègue de Mme [P] pendant plus de dix ans, indique qu'avant l'arrivée de M. [F], il était demandé aux salariées peu de résultats commerciaux, en précisant que «'le commercial et l'agent en place s'occupaient de la partie commerciale et nous, nous gérions les tâches administratives mais également leurs RDV à la suite de nos échanges avec la clientèle pour d'éventuelles souscriptions nouvelles ou révisions de contrats'»';
- M. [S], ancien salarié engagé en janvier 2018 pour assumer des fonctions commerciales, témoigne de ce qu'à son arrivée Mme [P] ne faisait pas de commercial en phoning ou mailing';
- il n'est pas soutenu que des objectifs commerciaux aient jamais été fixés à Mme [P] avant l'arrivée de M. [F].
Certes, les bulletins de paie démontrent que Mme [P] a bénéficié d'une classification comme «'collaboratrice d'agence, non cadre, niveau IV'» (et non plus niveau III) à partir du mois de juin 2007, ce qui est susceptible de recouvrir des fonctions d'ordre commercial. La convention collective applicable définit en effet sept métiers représentatifs de l'ensemble des emplois rencontrés dans la profession, dont notamment':
- «'collaborateur d'agence à dominante gestionnaire'»': son activité porte principalement sur l'établissement et la gestion des contrats d'assurance,
- «'collaborateur d'agence à dominante commerciale'»': son activité porte principalement sur l'accueil, l'information et l'orientation des clients, la recherche et l'identification de leurs besoins, la présentation et la valorisation des offres de l'agence, l'exploitation du portefeuille client (suivi, relance téléphonique') et toute forme d'assistance à l'agent dans son activité commerciale,
- «'collaborateur généraliste'»': «'le plus souvent dans les agences de très petites tailles dont la structure est constituée d'un agent général et d'un (ou deux) salariés'». L'agence employait en l'occurrence 4 salariés jusqu'à l'arrivée de M. [F], dont un commercial.
Mais en l'espèce, les bulletins de paie ne précisent pas la dominante éventuelle du poste de Mme [P].
Et en tout état de cause, la classification mentionnée sur le bulletin de paie ne permet pas en soi de définir l'emploi contractuellement convenu entre les parties. Ce sont au contraire les fonctions réellement exercées par le salarié qui induisent la classification du salarié parmi les emplois définis dans la convention collective. En outre, le principe de faveur autorise le surclassement.
Il en résulte que la classification de Mme [P] comme collaboratrice d'agence de niveau IV, sur ses bulletins de paie, n'autorisait pas M. [F] à modifier unilatéralement les attributions confiées à Mme [P] et contractuellement convenues.
Or le licenciement repose sur le refus de Mme [P] d'assumer significativement voire principalement des fonctions commerciales, alors que l'aspect commercial de son activité était jusqu'alors minime, ainsi que cela résulte des débats. Le fait que son contrat de travail ait comporté une clause de non concurrence ne suffit pas à établir que Mme [P] occupait des fonctions commerciales, a fortiori de manière importante.
Les nouvelles missions que M. [F] entendaient confier à Mme [P] ne relevaient donc pas d'un simple changement de tâches, mais modifiaient la nature même des attributions confiées à la salariée.
En procédant ainsi, M. [F] a sanctionné Mme [P] pour avoir refusé de remplir de nouvelles attributions, non convenues contractuellement.
Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
2.Sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, en l'absence de réintégration dans l'entreprise du salarié licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l'employeur. Dans la mesure où, en l'espèce, l'entreprise emploie habituellement moins de onze salariés, le montant de cette indemnité est compris entre 2,5 et 10,5 mois de salaire brut selon les tableaux figurant à cet article et compte tenu de l'ancienneté du salarié (11 années complètes).
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [P] (salaire de base de 2.094, 56 euros brut), de son ancienneté, de son âge (49 ans à l'époque du licenciement), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En qualité de partie succombante pour l'essentiel, M. [F] est condamné aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.
Par suite, M. [F] est condamné à payer à Mme [P] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en supplément de la somme allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné M. [E] [F] à payer à Mme [G] [P] née [I] la somme de 12.567, 36 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Statuant à nouveau :
Condamne M. [E] [F] à payer à Mme [G] [P] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Et y ajoutant,
Condamne M. [E] [F] à payer à Mme [G] [P] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,
Condamne M. [E] [F] aux dépens, tant de première instance que d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,