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15/09/2022 | FRANCE | N°20/01061

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 15 septembre 2022, 20/01061


PC/PR





























ARRÊT N°



N° RG 20/01061



N° Portalis DBV5-V-B7E-GAEP













[R]



C/



S.N.C. LA BOULANGERE & CO





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre Sociale



ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022


r>

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mai 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE SUR YON





APPELANT :



Monsieur [N] [R]

né le 19 mars 1966 à [Localité 5] (79)

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Ayant pour avocat postulant Me Emmanuelle BUFFET de la SELARL AD ASTREA, avocat au barreau de POITIERS



Et pour avocat plaidant Me Sam...

PC/PR

ARRÊT N°

N° RG 20/01061

N° Portalis DBV5-V-B7E-GAEP

[R]

C/

S.N.C. LA BOULANGERE & CO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mai 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHE SUR YON

APPELANT :

Monsieur [N] [R]

né le 19 mars 1966 à [Localité 5] (79)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Ayant pour avocat postulant Me Emmanuelle BUFFET de la SELARL AD ASTREA, avocat au barreau de POITIERS

Et pour avocat plaidant Me Samuel de LOGIVIERE de la SELARL SULTAN LUCAS DE LOGIVIERE PINIER POIRIER, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉE :

S.N.C. LA BOULANGERE & CO

N° SIRET : 429 081 565

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas CARABIN de la SELARL CARABIN- STIERLEN AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 2 juin 2022. A cette date le délibéré a été prorogé au 07 juillet 2022 puis à la date de ce jour,

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [N] [R] a été engagé le 3 mai 2017 par la S.A. La Boulangère en qualité de responsable comptable et financier au titre d'un contrat à durée indéterminée dont l'article 5, intitulé 'lieu de travail-mobilité' était ainsi rédigé :

'M. [R] exercera ses fonctions au siège de la société situé aux [Localité 4]. Toutefois, il est bien entendu que pour des raisons touchant à l'organisation et au bon fonctionnement de l'entreprise, nous pouvons être amenés à modifier le lieu de travail du salarié. L'activité du salarié pourra alors être transférée de manière temporaire ou définitive sur un autre secteur. La société La Boulangère s'engage à ne mettre en oeuvre cette clause que pour des motifs dictés par l'intérêt de l'entreprise, avec un délai de prévenance minimum de 2 mois et avec l'accord du salarié. En fonction des nécessités du service, M. [R] pourra être amené à effectuer de nombreux déplacements. M. [R] sera remboursé de ses frais professionnels conformément à l'article 7'.

Le 1er janvier 2014, le contrat de travail de M. [R] a été transféré à la SNC La Boulangère Services, désormais dénommée SNC La Boulangère & Co.

En juillet 2019, le siège social de l'entreprise a été transféré aux [Localité 3], ville située à 16 kms des [Localité 4].

Par courriel du 8 août 2019, M. [R] rappelait à son supérieur hiérarchique les termes de leur entretien de la veille au cours duquel il l'avait informé avoir reçu une promesse d'embauche de la part d'une tierce entreprise et les parties avaient convenu d'une rupture du contrat de travail au 31 octobre 2019.

Par LRAR du 1er octobre 2019, M. [R] notifiait à son employeur sa décision de prendre acte de la rupture de son contrat de travail au 4 octobre 2019 aux motifs d'une modification unilatérale de son contrat de travail (modification unilatérale de son lieu de travail) et d'une dégradation de ses conditions de travail (surcharge de travail imposée).

Par acte du 3 janvier 2020, M. [R] saisissait le conseil de prud'hommes de la Roche sur Yon d'une action en validation de sa prise d'acte et en paiement des indemnités subséquentes ainsi qu'en annulation de la convention de forfait jours stipulée au contrat de travail et paiement de rappels de rémunération consécutifs.

Par jugement du 11 mai 2020, le conseil de prud'hommes de la Roche sur Yon a débouté M. [R] de ses demandes et l'a condamné à payer à la SNC La Boulangère & Co la somme de 12 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du préavis conventionnel.

M. [R] a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 8 juin 2020.

A l'audience du 9 mars 2022, l'ordonnance de clôture du 9 février 2022 a été révoquée, à la demande des parties, et une nouvelle clôture a été prononcée, avant l'ouverture des débats.

Au terme de ses dernières conclusions du 8 février 2022 auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l'exposé détaillé des éléments de droit et de fait, M. [R] demande à la cour, réformant le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la prise d'acte s'analyse en une démission, qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, dit que la SNC La Boulangère & Co n'a commis aucun manquement grave et l'a condamné à lui payer la somme de 12 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de sa période de préavis conventionnel et en ce qu'il a laissé les dépens à la charge de la partie demanderesse et statuant à nouveau :

- de juger que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la S.N.C. La Boulangère & Co à lui payer les sommes de :

$gt; 12 000 € à titre principal sur le préavis et 1 200 € au titre des congés payés y afférents, et subsidiairement, si la cour devait confirmer que la prise d'acte s'analyse en une démission, vu l'accord entre les parties, de limiter les dommages-intérêts au titre du non-respect du préavis conventionnel à la somme de 3 354 € outre les congés y afférents pour 335 €,

$gt; 12 419,39 € à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 60 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour insertion d'une convention de forfait illicite,

$gt; 29 293,20 € à titre de rappel de rémunération sur heures

supplémentaires et 2 929,32 € au titre des congés payés y afférents,

$gt; 8 430 € à titre de rappel de salaires et 843 € au titre des congés payés y afférents,

- d'ordonner à la S.N.C. La Boulangère & Co de produire le contrat de travail des 16 salariés à qui il a été proposé le bénéfice des dispositions de l'article 6 de l'accord de performance collective, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

- de condamner la S.N.C. La Boulangère & Co à lui payer la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du C.P.C.,

d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire et d'une attestation Pôle Emploi conformes au jugement (sic), sous huitaine, à compter du prononcé ; sous astreinte de 50 € par jour de retard,

- de se réserver le droit de liquider l'astreinte,

- de condamner la S.N.C. La Boulangère & Co aux dépens.

Par conclusions du 21 février 2022 auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l'exposé détaillé des éléments de droit et de fait, la S.N.C. La Boulangère & Co demande à la cour :

- à titre principal : de juger qu'elle n'a commis aucune manquement grave à ses obligations conventionnelles et/ou contractuelles au préjudice de M. [R] ; que la prise d'acte de rupture du contrat de travail notifiée le 2 octobre 2019 par M. [R] s'analyse en une démission, de débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, de condamner M. [R] à lui payer la somme de 12 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de sa période de préavis conventionnel, de débouter M. [R] de sa demande de dommages-intérêts pour insertion d'une clause de forfait annuel en jours illicite, de sa demande en rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, de sa demande de rappel de salaire au titre de la violation de l'exécution de bonne foi du contrat de travail, de condamner M. [R] à lui payer la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du C.P.C.,

- subsidiairement, si la cour considérait que la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analyse en une mesure de licenciement, de fixer le salaire de référence à la somme brute de 4 000 €, de limiter les prétentions de M. [R] à l'équivalent de 3 mois de salaire au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L1235-3 du code du travail et de limiter le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires à un montant brut de 22 078,15 € outre 2 207,81 € au titre des congés payés y afférents.

MOTIFS

I - Sur la qualification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et ses conséquences :

Après rappel du droit positif, M. [R] invoque au soutien de sa demande tendant à voir juger que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- la violation par l'employeur des conditions de mise en oeuvre de la clause de mobilité stipulée au contrat de travail,

- la violation de l'accord de performance collective portant mobilité géographique dans l'entreprise par son exclusion arbitraire de celui-ci.

S'agissant du premier grief, M. [R] expose en substance :

- que si la cause de mobilité prévoit expressément l'accord des deux parties pour sa mise en oeuvre, le changement de lieu de travail constitue une modification du contrat de travail et non une simple modification des conditions de travail, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, de sorte qu'il est indifférent que les lieux de travail ([Localité 4], d'une part, Les Essarts, d'autre part) relèvent ou non d'un même bassin d'emploi ou d'un même secteur géographique,

- qu'en considération de la juxtaposition de la mention précise et claire du lieu de travail du salarié ([Localité 4]) et de la nécessité d'avoir à respecter des conditions pour le modifier, il se déduit que sa mention dans le contrat de travail ne revêtait pas une simple valeur informative, à la différence d'un autre contrat de travail versé aux débats (pièce 29),

- qu'il ne peut être fait référence à la notion de 'secteur géographique' qu'à la condition que le contrat de travail ne prévoit pas de clause de mobilité, de sorte qu'en l'espèce, toute modification du lieu de travail nécessitait l'accord du salarié et le respect d'un délai de prévenance de deux mois minimum,

- que par une contradiction flagrante de motifs, les premiers juges ont considéré que le fait pour lui d'aller travailler au nouveau siège social s'analysait comme un transfert dans le même bassin géographique ce qui sous-tend que ce même transfert au profit du transfert d'activité s'opérait à son égard sur le même bassin géographique tout en reconnaissant que ce transfert ne n'analysait pas comme un transfert dans le même bassin géographique,

- qu'il s'est trouvé placé dans une situation où il n'a pu bénéficier ni des délais légaux prévus au sein de l'accord de performance collective ni des délais contractuels prévus par la clause de mobilité de son contrat de travail,

- que la modification du lieu de travail entraînait un allongement des distances et temps de trajet, que les deux sites ne font partie d'un même bassin d'emploi,

- qu'en modifiant unilatéralement et brutalement le contrat de travail, l'employeur a commis un manquement justifiant pleinement la prise d'acte de rupture à ses torts.

En réplique, la S.N.C. La Boulangère & Co soutient :

- que la clause de mobilité n'avait pas à recevoir application dans la mesure où la réaffectation du salarié s'est opérée dans le même secteur géographique, sans modification du lieu de travail,

- que l'indication du lieu d'exercice des fonctions dans le contrat de travail n'avait qu'une valeur informative et qu'il n'est pas stipulé que ce lieu de travail ne peut pas être modifié à l'intérieur du même secteur (sous-entendu géographique) ou du même bassin d'emploi que ceux des [Localité 4],

- qu'ainsi M. [R] n'établit pas qu'une clause contractuelle claire et précise lui garantissant un lieu de travail fixé aux [Localité 4], sans mobilité possible dans le même secteur géographique, de sorte que le transfert du lieu de travail dans le même secteur s'analyse en un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail,

- que l'identité de secteur géographique s'apprécie en considération des implantations respectives de l'ancien et du nouveau lieu de travail, en l'espèce distants de 16 kms, et non par référence à des études statistiques anciennes, basées sur des flux de déplacements, pour la détermination des zones d'emploi dont ils relèvent respectivement,

- que les mesures d'accompagnement prévues dans l'accord de mobilité permettaient à M. [R] d'emprunter l'autoroute de sorte que le temps de déplacement domicile-lieu de travail restait strictement équivalent, et que le fait qu'il a bénéficié d'une indemnisation pour kilomètres supplémentaires établie en considération du trajet qu'il souhaitait emprunter ne modifie en rien le nombre de kilomètres existant entre les [Localité 4] et les Essarts.

Sur ce,

Il doit être considéré :

- que le lieu de travail n'est pas, en principe, un élément essentiel du contrat de travail de sorte que, dès lors qu'il reste circonscrit à l'intérieur du même secteur géographique (espace naturel de mobilité), son changement ne saurait constituer une modification du contrat de travail mais participe de l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur, s'imposant au salarié qui commet une faute en refusant de s'y soumettre,

- que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information, à moins qu'il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu.

En l'espèce, l'article 5 du contrat de travail n'entraîne pas une contractualisation du lieu de travail impliquant sa fixation immuable et intangible, la nécessité, réservée dans le contrat, de recueillir l'accord du salarié pour un transfert sur un autre secteur (devant s'interpréter comme un autre secteur géographique) impliquant a contrario qu'un transfert à l'intérieur du même secteur ne revêt pas le caractère d'une modification du contrat de travail, l'employeur soutenant par ailleurs exactement que l'identité de secteur géographique s'apprécie en considération, non du lieu de résidence du salarié mais des implantations respectives des lieux de travail.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que le grief tiré d'une prétendue violation de la clause de mobilité n'était pas établi.

S'agissant du second grief, tiré d'un prétendu refus d'application de l'accord de performance collective, M. [R] soutient :

- qu'au regard des dispositions de l'article 2 dudit accord, il avait vocation à en bénéficier puisque présent au 31 mai 2019 dans les effectifs habituels de l'entreprise sur le site des [Localité 4],

- que l'employeur a procédé, en termes de garantie contractuelle d'activité en un lieu déterminé, à des distinctions injustifiées, à défaut de production des contrats de travail, entre les salariés pour en déduire qu'il ne se trouvait dans aucune situation lui ouvrant droit au bénéfice des mesures d'accompagnement prévues à l'article 6 de l'accord,

- qu'ainsi, malgré une situation identique à celle de ses seize autres collègues, l'employeur l'a exclu de cet accord et ne lui a pas laissé la possibilité de refuser la modification de son lieu de travail,

- qu'il ne peut être considéré sans contradiction que le fait de travailler au nouveau siège social des Essarts s'analyse pour lui comme un transfert dans un même bassin géographique alors que pour seize autres salariés, il emporte modification du contrat de travail et donc transfert dans un autre bassin géographique.

La S.N.C. La Boulangère & Co expose :

- que M. [R] ne faisait pas partie des salariés affectés à l'établissement de Ste Hermine, se trouvant, compte-tenu de la distance les séparant, dans un autre secteur géographique que celui des Essarts,

- que son contrat de travail ne stipulait aucune garantie contractuelle du lieu de travail, que si l'accord a prévu que le bénéfice des mesures financières d'accompagnement de la moitié était ouvert à tous les salariés réaffectés les seuls salariés dont le contrat de travail se trouvait modifié du fait de la réaffectation devaient se voir proposer une modification de leur contrat de travail et pouvaient la refuser,

- que ce refus devait conduire, en application des articles L1254-2 et suivants du code du travail, à l'engagement d'une procédure de licenciement pour motif personnel,

- que M. [R] a bénéficié des mesures d'accompagnement prévues par l'accord mais ne s'est pas vu proposer de possibilité de refus d'une modification de son contrat de travail dans la mesure où sa réaffectation n'entraînait pas de modification de son contrat de travail,

Sur ce,

L'accord de performance collective portant mobilité géographique dans l'entreprise stipule :

- qu'il a pour objet de déterminer les conditions du déménagement et plus spécifiquement de la mobilité géographique des salariés dans le cadre du projet de transfert sur un site unique (les Essarts) de l'activité jusqu'alors exploitée sur les sites des [Localité 4] et de Ste Hermine (préambule),

- qu'il s'applique à l'ensemble des salariés présents au 31 mai 2019 dont le lieu de travail habituel était les [Localité 4] ou Ste Hermine à l'exception des salariés itinérants (notamment les commerciaux et les chauffeurs) et des salariés du service Supply Chain pour lesquels la plate-forme logistique reste implantée aux [Localité 4] (article 2, champ d'application),

- que sont visés :

$gt; les salariés dont le contrat de travail ne prévoit pas expressément ou ne permet pas une mobilité géographique sur le site des Essarts (le contrat de travail se trouvant modifié par la mise en oeuvre de l'accord) et pour lesquels les stipulations de l'accord se substitueront définitivement et de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail des salariés concernés,

$gt; les salariés dont le contrat de travail prévoit expressément ou permet une mobilité géographique sur le site des Essarts (le contrat de travail ne se trouve pas modifié la mise en oeuvre de l'accord)

$gt; le lieu de travail habituel des salariés visés à l'article 2 est fixé aux Essarts (article 5-1, conséquences de la mie en oeuvre de l'accord)

- que seuls les salariés dont le contrat de travail ne prévoit pas expressément ou ne permet pas une mobilité géographique sur le site des Essarts peuvent refuser la modification de leur contrat de travail résultant de l'application de l'accord, (article 6, situation et accompagnement des salariés refusant l'accord).

Dès lors qu'il a été ci-dessus jugé que le contrat de travail de M. [R] permettait, sans modification requérant son accord, une mobilité géographique sur le site des Essarts, celui-ci ne peut prétendre au bénéfice de l'article 6 de l'accord de performance collective.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que le grief tiré d'une exclusion injustifiée du bénéfice de l'article 6 de l'accord de performance collective n'était pas établi.

Aucun des griefs articulés par M. [R] au soutien de sa décision de prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'étant établi, celle-ci doit s'analyser en une démission.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes en paiement d'indemnités de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant de la demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect du délai conventionnel de préavis de 3 mois formée par la S.N.C. La Boulangère & Co :

La S.N.C. La Boulangère & Co expose que le salarié est tenu le cas échéant d'indemniser l'employeur pour non-respect du préavis en lui versant une somme forfaitaire égale au montant de l'indemnité correspondant au préavis qu'il n'a pas exécuté, peu important que l'employeur ait, ou non, subi un préjudice et qu'en l'espèce, M. [R] s'est injustement dispensé de l'exécution du préavis de trois mois.

M. [R] demande à a cour de limiter de ce chef sa condamnation à la somme de 3 354 € outre les congés payés y afférents correspondant à la période comprise entre le 4 octobre 2019, date d'effet de la prise d'acte de la rupture et le 31 octobre 2019, date à laquelle il avait convenu avec son supérieur hiérarchique de cesser ses fonctions, ainsi qu'établi par un mail du 9 août 2019.

Il convient de considérer la prise d'acte de la rupture du contrat qui n'est pas justifiée produit les effets d'une démission de sorte que le salarié doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'article L. 1237-1 du code du travail ou des dispositions conventionnelles applicables, laquelle présente un caractère forfaitaire, indépendant du préjudice réellement subi.

Par ailleurs, l'acceptation par l'employeur d'une réduction du délai de préavis invoquée par M. [R] sur la base d'un message de son supérieur hiérarchique du 9 août 2019 a été exprimée dans le cadre d'une éventuelle démission volontaire et ne peut être étendue à l'hypothèse d'une prise d'acte de la rupture du contrat.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné M. [R] à payer de ce chef à la S.N.C. La Boulangère & Co la somme de 12 000 € à titre de dommages-intérêts.

II - Sur la contestation de la validité de la convention de forfait en jours et la demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires :

Après rappel du droit positif, M. [R] expose :

- que la convention de forfait en jours stipulée dans son contrat de travail doit être annulée dès lors qu'il était classé dans une catégorie (CA1) inférieure à celle (CA2) à partir de laquelle la convention collective prévoit la possibilité d'une convention de forfait annuel en jours et que la S.N.C. La Boulangère & Co n'a pas mis en oeuvre les mesures de contrôle destinées à garantir la sécurité et la santé (absence d'entretien annuel pour les exercices 2018 et 2019),

- que la convention de forfait étant privée d'effet, il est en droit de prétendre au paiement des heures supplémentaires effectuées, pour la période ayant couru jusqu'à son classement en catégorie CA2 (à compter du 1er juillet 2018), ce qu'ont reconnu les premiers juges,

- qu'il a cependant été débouté de ce chef de demande au motif de l'insuffisance des éléments par lui fournis (tableau de synthèse de ses horaires de travail, corroboré par un mail du 18 septembre 2019) et de l'affirmation de l'employeur selon laquelle les informations relatives au badgeage du temps de travail étaient détruites au bout de trois mois, dont la fausseté s'évince de la production d'un relevé d'heures de l'une de ses collaboratrices récapitulant ses horaires pour la période du 6 avril 2015 au 20 mars 2016, donc sur une période supérieure aux trois mois de conservation invoqués par l'employeur,

- que le montant des heures supplémentaires dues s'élève à 9 764,40 € pour une année, soit 26 284,77 € dans le cadre de la prescription triennale,

- que l'employeur ne peut prétendre voir déduire des heures comptabilisées à ce titre 77 heures représentant 11 jours de RTT annuels auxquels il pouvait prétendre qui relèvent d'une période autre que celle pendant laquelle il a effectué les heures supplémentaires, que s'il a effectué sur 40 semaines des heures supplémentaires quantifiées, c'est sur les 12 semaines restantes qu'il a bénéficié de périodes de prise de jours au titre des RTT.

La S.N.C. La Boulangère & Co conclut au débouté de M. [R] en soutenant :

$gt; s'agissant de la validité de la convention de forfait en jours : que M. [R] ne conteste ni qu'il bénéficiait d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et qu'il relevait d'une catégorie professionnelle pour laquelle le forfait annuel en jours est conventionnellement prévu ni qu'il a travaillé sur la base de 217 jours par année, bénéficiant de ce fait d'un nombre de jours de repos complémentaire d'environ 10 jours s'ajoutant aux repos hebdomadaires, aux congés payés et aux jours fériés chômés, que l'absence de décompte par l'employeur du nombre de jours travaillés et de jours de repos ne prive pas d'effet la convention de forfait, ouvrant seulement droit à une éventuelle rémunération complémentaire pour les jours réalisés en plus de ceux prévus par la convention, que M. [R] a été reçu chaque année en entretien individuel par son responsable hiérarchique,

$gt; s'agissant de la demande de dommages-intérêts pour insertion d'une clause de forfait illicite, que M. [R] ne justifie d'aucun préjudice objectivement indemnisable,

$gt; sur la demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires : que les éléments fournis par M. [R] sont insuffisants dès lors qu'aucune précision n'est donnée quant à la période concernée par la demande, que l'affirmation selon laquelle le salarié a invariablement réalisé la même durée de travail chaque semaine et les mêmes horaires de travail journalier est irréaliste et qu'un décompte uniforme d'heures de travail n'a aucune force probante, que M. [R] ne produit aucun décompte de temps de travail établi par semaine, aucune attestation sur le temps de travail, aucun planning d'activité, qu'en toute hypothèse, la réclamation chiffrée de M. [R] n'est pas justifiée dès lors que le total des heures à rémunérer par année serait de 296,25 heures hors majorations et de 404,375 heures en appliquant les majorations, mais que devraient être déduites les heures correspondant à la prise de jours RTT, soit 11 jours sur la base d'une durée de travail fixée sur 217 jours annuels dégagent un montant maximal de 22 078,15 € brut en principal (selon calcul décrit en pages 25 et 26 des conclusions).

Sur ce,

L'examen des pièces versées aux débats établit :

- que la convention de forfait annuel en jours a été stipulée dans le contrat de travail du 3 mai 2007,

- que M. [R] ne s'est vu attribuer la classification 'cadre CA2' (niveau à partir duquel la convention collective applicable prévoit la possibilité de conclusion d'une convention de forfait annuel en jours) qu'à compter du 1er juillet 2018 (cf. bulletins de salaire, pièce 13 de l'intimée),

- qu'il n'est justifié sur la période litigieuse que de la tenue d'un seul entretien annuel professionnel, en date du 8 décembre 2017.

Il en résulte que ladite convention doit être déclarée inopposable au salarié, en raison tant de son caractère contraire aux dispositions conventionnelles applicables, pour la période antérieure au 1er juillet 2018, que de l'absence de justification de mise en oeuvre des mesures destinées à assurer la sécurité et la santé du salarié, s'agissant de la période postérieur.

M. [R] qui ne justifie de ce chef d'aucun préjudice distinct de celui résultant du non-paiement des heures supplémentaires dont il sollicite par ailleurs rémunération sera débouté de sa demande en dommages-intérêts pour 'insertion d'une convention de forfait illicite'.

S'agissant de la demande en paiement de rappel de rémunération sur heures supplémentaires, il doit être rappelé :

- que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou le cas échéant à un repos compensateur équivalent,

- que sont des heures supplémentaires celles effectuées à la demande de l'employeur, ou à tout le moins avec son accord implicite, au-delà de la durée légale de travail telle qu'elle résulte de l'article L. 3121-27 du code du travail,

- que selon l'article L. 3121-29 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine,

- que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées, l'absence d'autorisation préalable n'excluant pas la réalité de l'accord implicite de l'employeur à la réalisation d'heures supplémentaires,

- qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, en vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

En l'espèce, M. [R] produit au soutien de sa demande un tableau intitulé 'synthèse horaire de travail journalier et hebdomadaire' ainsi établi :

Semaines

courantes

Hor. débuthor. fin Heures % Heures

8 h 45 13 30 4 0,75

14 00 18 15 4 0,25

trav. J. 8 1,00

S (mini) 40 5,00 45

Vs contrat de 39

Ecart horaire par semaine : 6,00

Semaines

hautes (janvier

février

mars

juillet)

Hor. débuthor. fin Heures % Heures

8 h 45 13 30 4 0,75

14 00 19 00 5 0,00

H trav. J. 9 0,75

S (hautes) 45 3,75 48,75

Vs contrat de 39

Ecart horaire par semaine : 9,75

Horaire moyen de débauche car sur certaines périodes, l'horaire de débauche se situait très souvent après 19 heures 30.

Ce tableau constitue un élément suffisamment précis permettant à l'employeur qui assure ou doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, la S.N.C. La Boulangère & Co ne produit aucun élément objectif et vérifiable relatif au temps de travail effectif de M. [R] de nature à contredire l'affirmation de l'exécution par celui-ci d'horaires de travail fixe et régulier, étant par ailleurs considéré que M [R] soutient sans être efficacement contredit qu'il n'y pas lieu de déduire du montant par lui réclamé des heures représentatives des jours de RTT annuels auxquels il pouvait prétendre, lesquels relèvent d'une période autre que celle pendant laquelle il a effectué les heures supplémentaires et que s'il a effectué sur 40 semaines des heures supplémentaires quantifiées, c'est sur les 12 semaines restantes qu'il a bénéficié de périodes de prise de jours au titre des RTT.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la créance alléguée par le salarié est établie par les éléments qu'il verse aux débats, à concurrence de la somme de 26 284,77 € brut outre celle de 2 628,47 € brut au titre des congés payés y afférents;

III - Sur la demande en paiement de rappel de salaires résultant de la violation de l'exécution de bonne foi du contrat de travail:

M. [R] sollicite un rappel de rémunération de 8 430 € brut outre 843 € à titre de congés payés afférents, correspondant aux augmentations de salaire dont il soutient avoir été injustement privé entre le 1er janvier 2017 et le 4 octobre 2019, en exposant :

- qu'une majeure partie des chefs de service a été augmentée au 1er janvier 2017 en suite de la réorganisation de l'entreprise,

- que son supérieur hiérarchique lui a promis le 18 novembre 2016 de passer son salaire de 3 500 € à 4 0000 € au 1er juillet 2018, avec effet rétroactif au 1er janvier 2017,

- que ces engagements n'ont pas été respectés, alors qu'il occupait de facto des fonctions de directeur administratif et financier qui justifiaient une revalorisation de sa rémunération,

- que sa demande n'est pas qu'une simple affirmation mais qu'il produit suffisamment de pièces pour étayer la discrimination salariale dont il a été victime et ses refus de décalage proposés de sa rémunération, qu'il gérait son périmètre fonctionnel en toute autonomie et ne faisait l'objet d'aucune supervision par son supérieur hiérarchique.

La S.N.C. La Boulangère & Co conclut au débouté de M. [R] en exposant :

- qu'il bénéficiait d'une rémunération d'un niveau largement supérieur au minimum conventionnel,

- que M. [R] a bénéficié de substantielles augmentations de salaire au cours des trois dernières années de sa collaboration, sa rémunération brute mensuelle passant de 3 500 € au 1er janvier 2017 à 4 0000 € au 1er janvier 2018,

- que M. [R] ne justifie d'aucune promesse d'augmentation de sa rémunération,

- que l'absence de directeur administratif et financier et les conditions d'exécution de sa mission sont sans incidence.

Sur ce

M. [R] sera débouté de ce chef de demande dès lors qu'il ne produit, à l'exception de documents par lui établis, aucun élément objectif et vérifiable de nature à caractériser tant l'existence d'une promesse de l'employeur d'augmenter sa rémunération à hauteur de 4 000 € à compter du 1er janvier 2017 (absence de tout document émanant de l'employeur caractérisant une telle volonté) que celle de la discrimination salariale dont il prétend avoir été victime (absence de tout élément de comparaison pertinent).

IV - Sur les demandes accessoires :

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du C.P.C. en faveur de l'une quelconque des parties, s'agissant tant des frais irrépétibles exposés en première instance que de ceux exposés en cause d'appel.

M. [R] qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de la Roche sur Yon en date du 11 mai 2020,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions à l'exception de celles afférentes à la demande de paiement de rappel de rémunération sur heures supplémentaires,

Statuant à nouveau de ce chef :

Condamne la S.N.C. La Boulangère & Co à payer à M. [N] [R] les sommes de 26 284,77 € brut à titre de rappel sur heures supplémentaires outre celle de 2 628,47 € brut au titre des congés payés y afférents,

Ajoutant au jugement déféré :

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du C.P.C. en cause d'appel,

Condamne M. [R] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01061
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;20.01061 ?
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