ASB / AC
ARRÊT N°
N° RG 20/00699
N° Portalis DBV5-V-B7E-F7IU
[W]
C/
S.A.S. GECAT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 février 2020 rendu par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LA ROCHELLE
APPELANT :
Monsieur [S] [W]
né le 10 Août 1990 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
ayant pour avocat Me Olivia MAITRE-FAURIE de la SELARL OMF AVOCAT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMEE :
S.A.S. GECAT
N° SIRET : 797 405 522 00028
[Adresse 2]
[Localité 4]
ayant pour avocat postulant Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
Ayant pour avocat plaidant Maître Rebecca SHORTHOUSE, membre de la S.C.P. D'AVOCATS BODIN BOUTILLIER DEMAISON GIRET HIDREAU SHORTHOUSE, Avocats au Barreau de LA ROCHELLE - ROCHEFORT,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Madame Valérie COLLET, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Patricia RIVIERE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que la décision serait rendue le 7 juillet 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé la date de ce jour.
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Astrid CATRY, greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
A compter du 9 mars 2017, la société Gecat a embauché M. [S] [W] en qualité de conducteur routier de marchandises, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, prévoyant un temps de service de 39 heures par semaine.
La convention collective applicable est celle des transports routiers et auxiliaires de transport.
En novembre 2018, la société Gecat a licencié M. [W] pour motif personnel.
'
Le 18 février 2019, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle, qui par jugement du 17 février 2020 a :
- débouté M. [W] de sa demande de déclarer irrégulière la procédure de licenciement dont il a fait l'objet ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
- débouté M. [W] de sa demande de déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement dont il a fait l'objet ainsi que de ses demandes d'indemnité compensatrice de congés payés et d'indemnité de licenciement,
- débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brusque, vexatoire et injustifiée,
- débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- condamné M. [W] à payer à la société Gecat la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné M. [W] aux dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe le 11 mars 2020, M. [W] a formé appel à l'encontre de ce jugement, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Gecat la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 12 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la société Gecat tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel, l'a condamnée à payer à M. [W] la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l'incident et à supporter les dépens de l'incident.
M. [W] a communiqué ses dernières conclusions le 9 mars 2022 et la société Gecat le 4 avril 2022.
Par ordonnance du 6 avril 2022, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure au même jour et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 4 mai 2022, tenue en formation collégiale.
Le 29 avril 2022, M. [W] a communiqué de nouvelles conclusions par lesquelles il sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture.
A l'audience du 4 mai 2022, à la demande des parties, la cour a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et une nouvelle clôture à l'audience, avant les plaidoiries.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':
Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 29 avril 2022, M. [W] demande à la cour de':
- condamner la SAS GECAT à remettre à Monsieur [W] les documents de fin de contrat rectifiés, le solde de toute compte, l'attestation pôle emploi, le certificat de travail rectifiés ainsi que le bulletin de salaire du mois de novembre 2018 rectifié, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de l'arrêt à intervenir ;
- condamner la société GECAT à payer à Monsieur [S] [W] les sommes suivantes :
* 2.562 euros brut à titre de préavis, outre 256 euros brut à titre de congés payés afférents ;
* 1.108 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés (sauf à parfaire) ;
* 632.93 euros net au titre de l'indemnité de licenciement (sauf à parfaire).
* 2.531.72 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier.
* 7.595.16 euros net à titre de dommages- intérêts pour rupture brusque, vexatoire et injustifiée.
* 7.595.16 euros net à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
* 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de l'instance d'appel';
- débouter la société GECAT de toutes ses demandes fins et conclusions et notamment de sa demande de condamnation au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- dire et juger que l'intégralité des sommes susvisées sera augmentée des intérêts au taux légal en application des articles 1146 et 1153 du Code Civil, à compter de l'introduction de la demande, et que ces sommes produiront intérêt conformément à l'article 1154 du Code Civil ;
- condamner la société GECAT aux entiers dépens y compris les frais d'exécution dont les sommes dues au titre de l'article 10 du décret n°2001-212 du 08 mars 2001.
'
Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 4 avril 2022, la société Gecat demande à la cour de confirmer le jugement et de':
- débouter M. [W] de ses demandes,
- condamner M. [W] aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
'
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
A titre liminaire, il est relevé que la société Gecat évoque dans le corps de ses conclusions l'irrecevabilité de la saisine du conseil de prud'hommes. Plus précisément, elle fait valoir que le salarié n'a pas sollicité de précisions quant aux motifs de son licenciement dans le délai de 15 jours suivant la notification de celui-ci, de sorte qu'il ne peut solliciter la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et que ses demandes sont irrecevables.
Pour autant, aucune demande d'irrecevabilité ne figure au dispositif.
La cour n'étant saisie que des prétentions formulées au dispositif des conclusions, conformément à l'article 954 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer sur l'irrecevabilité réclamée dans le corps des conclusions.
La cour relève également que M. [W] présente dans le corps de ses conclusions':
- une demande de dommages et intérêts à hauteur de 2.531, 72 euros net pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- une demande de dommages et intérêts à hauteur de 7.595, 16 euros du fait du caractère brusque, vexatoire et injustifié de la rupture du contrat de travail.
Dans le dispositif de ses conclusions, M. [W] ne formule qu'une demande de dommages et intérêts pour rupture brusque, vexatoire et injustifiée, à hauteur de 7.595, 16 euros net.
Cette prétention indemnitaire visant tant les circonstances ' brutales et vexatoires ' de la rupture que le caractère «'injustifié'» de cette rupture, la cour doit en apprécier le bien fondé notamment en qualifiant le licenciement (avec ou sans cause réelle et sérieuse), et, le cas échéant, accorder des dommages et intérêts dans la limite de 7.595, 16 euros pour l'ensemble des préjudices invoqués. En revanche, la cour n'est pas saisie de la demande de dommages et intérêts à hauteur de 2.531, 72 euros net pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages- intérêts pour rupture brusque, vexatoire et injustifiée
1. Sur le fondement de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
Sur le fondement de l'article L. 1235-1 dans sa version en vigueur depuis le 24 septembre 2017, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En vertu de l'article L. 1235-2 al. 1 à 4 du code du travail applicable depuis le 1er janvier 2018, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.
A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3.
En l'espèce, le motif indiqué dans la lettre de licenciement est le suivant': «'comportement incompatible avec les directives concernant le transport des passagers'».
Ce motif, non seulement est imprécis, mais encore et surtout n'est aucunement justifié. Il l'est d'autant moins que M. [W] fait remarquer à juste titre, sans être contredit, qu'il transportait des marchandises et non des personnes.
La cour relève d'ailleurs que l'employeur ne soutient pas dans ses conclusions le caractère fondé du motif énoncé dans la lettre de licenciement.
L'employeur défend la validité du licenciement en indiquant en substance que M. [W], qui souhaitait être licencié et s'était engagé à ne pas contester ce licenciement, adopte un comportement frauduleux.
Certes, il résulte des débats (conclusions des parties et pièces) que c'est M. [W] qui s'est rapproché de son employeur pour solliciter une rupture du contrat de travail, et plus précisément un licenciement (courriel du 12 novembre 2018 de M. [W] à M. [P] [E]': «'suite à notre rendez-vous de ce soir je vous fais parvenir ce mail pour vous demander un licenciement pour motif personnel et me donner le droit aux indemnités chômage et pouvoir accéder à une formation'»'; attestations de ses anciennes collègues Mme [Y] et Mme [I], dont il n'est pas prouvé qu'elles aient été établies sous la contrainte de l'employeur).
Pour autant, le fait d'avoir sollicité un tel licenciement ne saurait constituer en soi une fraude, et l'employeur reste libre de décider de licencier ou non le salarié. La volonté délibérée de M. [W] de se faire licencier ne peut donc suffire à établir la cause réelle et sérieuse du licenciement et ne peut non plus en soi interdire au salarié de contester la validité de celui-ci. La notion de «'licenciement amiable'» retenue par le conseil de prud'hommes est dépourvue de tout fondement.
En outre, il est exact que par son courriel précité du 12 novembre 2018, M. [W] a également indiqué à son employeur': «'Je m'engage et sur parole de ne pas engager de poursuites envers vous auprès du tribunal des prud'hommes si un désaccord s'installerait entre nous'». Ce simple engagement unilatéral ne peut interdire au salarié d'exercer le droit fondamental d'introduire une action en justice, et cela d'autant moins que les conditions, notamment financières, de la rupture n'étaient alors pas connues et qu'aucun litige n'existait.
La société GECAT dénonce la malhonnêteté de M. [W], mais ne vise à cet égard que son comportement (notamment le fait de mentir et de ne pas verser aux débats les éléments démontrant sa malhonnêteté) dans le cadre des instances judiciaires. Même en la supposant avérée, cette malhonnêteté ne peut constituer une exécution de mauvaise foi du contrat de travail. En tout état de cause, les éléments apportés par l'employeur (tels que le non respect de l'engagement du salarié de ne pas contester son licenciement, ou les mensonges dans la présentation des faits et de leur chronologie) ne permettent pas de caractériser un abus de droit, une fraude ou une tentative d'escroquerie au jugement susceptible de faire échouer ses prétentions.
La cour retient donc que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire injustifié.
2.Il ressort des débats que M. [W] a lui-même sollicité son licenciement, et a même pressé son employeur d'accomplir les formalités requises, pour des raisons financières': courriel précité du 12 novembre 2018 et attestations précitées ; échanges de SMS le 1er décembre 2018, tels que': «'ok [X] [compagne de M. [W]] part vers 11h elle me rejoin chez mes parents je peux lui demander de tout récupérer et elle te redépose tout signer lundi aprem'' / Non faut que tu soit la pour signer les docs ' Chez tes parents 28 -''' / oui A CLOYES'! Et au moins le chèque et l'attestation assedic''/ Ben non' faut que tu me signe la procedure...ton solde de tout compte...et tt et tt / Bon Ba jsui dans la mèrde Jpeu pas rentrer ce week end'! Il faut attestation assedic avant le 3 et sans cheque Jpeu pas payer mon Credit Immo bref / Ben oui je comprend mais la je peux rien faire'.il faut que tu signe et c est remise en main propre'!!! - Je peux t envoyer attestation assedic par mail en attendant'!!! / ok pour attestation mais c'est surtout l'acompte qui m'aurait aider aussi:/ / Redonne ton adresse stp / ['] - Merci bien reçu'! Si je te fais une procuration écrite que je t'envoie par mail pour que [X] recupere et signe mon solde de tout compte vous êtes d'accord'' / Tu reviens qd sur la rochelle''' / Ba que le week end du 14'! Sinon faudrait que je vienne demain mais faire l'aller retour au prix du gazole et autoroute avec les fêtes de noël qui arrive au 15 décembre jsui à la rue / Ok pour ta lettre par contre elle signe et paraphe daix'!!!'»).
Il ne peut dès lors sans mauvaise foi se prévaloir du caractère brutal et vexatoire du licenciement, et cela peu important que son dossier disciplinaire soit vide et qu'il n'ait jamais fait l'objet de la moindre sanction.
La cour retient donc que le licenciement n'est pas intervenu dans des circonstances brutales et vexatoires.
3.Compte tenu des développements qui précèdent, la demande indemnitaire de M. [W] peut être valablement fondée sur le caractère injustifié du licenciement, mais non sur son caractère brutal et vexatoire.
Sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et en l'absence de réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau (entre 1 et 2 mois de salaire brut, M. [W] ayant 20 mois d'ancienneté, soit une année complète).
Dès lors, bien qu'il ne justifie, ni même n'allègue, du moindre préjudice résultant de la rupture injustifiée de son contrat de travail, il y a lieu de lui accorder une indemnité à ce titre.
La cour infirme donc le jugement et condamne l'employeur à payer au salarié la somme de 2.531, 72 euros brut.
Cette somme porte intérêt au taux légal à compter de la présente décision.
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier
Sur le fondement de l'article L. 1235-2 précité, en son dernier alinéa, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4 ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
En l'espèce, le licenciement de M. [W] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et ce dernier se voyant accorder à ce titre une indemnité, il ne peut qu'être débouté de sa demande en paiement d'une indemnité supplémentaire au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande en paiement au titre du préavis
En vertu de l'article L. 1234-1 du code du travail, le salarié ayant acquis une ancienneté comprise entre 6 mois et deux ans, comme c'est le cas en l'espèce, et dont le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, a droit à un préavis d'un mois.
En principe, et sur le fondement de l'article L. 1234-3 du code du travail, c'est la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement au salarié qui fixe le point de départ du préavis.
Cette argumentation suppose une notification du licenciement le 27 octobre 2018.
Or la société ne peut valablement se prévaloir d'une telle notification alors que les débats démontrent qu'à cette date le licenciement n'était même pas encore «'convenu'» entre les parties et que la lettre de «'licenciement'» a été remise à la compagne de M. [W] qui l'a signée à sa place le 1er décembre 2018 (cf. le courriel du 12 novembre 2018, les SMS échangés le 1er décembre 2018, ainsi que la lettre de convocation en entretien préalable et la lettre de licenciement qui ne sont à l'évidence pas signées par M. [W] au vu des différences affectant les signatures apposées et la signature du salarié sur le contrat de travail).
La période écoulée entre le 27 octobre et le 27 novembre 2018 ne peut donc en aucune manière être considérée comme une période de délai-congé.
Pour autant, les débats démontrent que le contrat de travail a tout de même pris fin le 27 novembre 2018':
- tant le bulletin de paie de novembre 2018 que les documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, date du solde de tout compte) mentionnent une fin de contrat au 27 novembre 2018 (dernier jour travaillé et payé).
- le chèque afférent au solde de tout compte est quant à lui daté du 1er décembre 2018.
- il ressort des débats que ces documents ont été remis le 1er décembre 2018 à la compagne de M. [W], à qui M. [W] avait remis une procuration datée du même jour et versée aux débats.
- le 28 novembre 2018, M. [W] a adressé à son employeur un SMS en ces termes': «'Salut je part sur [Localité 5] la je prend le train ce midi.. Je me suis inscrit à pôle emploi il me faut l'attestation assedic avant le 3 décembre [...]'».
- dans les échanges de SMS du 1er décembre 2018, M. [W] indique à son employeur qu'il se trouve chez ses parents dans le département 28 (Eure et Loir), et ce jusqu'au 14 décembre.
- l'employeur verse aux débats un contrat de travail à durée déterminée de trois semaines ayant lié M. [W] et la société Transports Robin Distribution à compter du 2 décembre 2018.
Au regard du caractère abusif du licenciement et de l'absence de réalisation d'un préavis, la société GECAT est condamnée à payer à M. [W] une indemnité compensatrice de préavis d'un montant correspondant au salaire brut qu'il aurait touché s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé, soit 2.531, 72 euros brut, outre 253, 17 euros brut au titre des congés payés afférents.
Cette somme porte intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2022, date des conclusions par lesquelles M. [W] a présenté pour la première fois cette demande, pour ce montant, à la partie adverse.
Sur la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés
Le salarié qui, au jour de la rupture du contrat de travail, n'a pas pris tous les congés payés acquis, est en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice.
Le bulletin de paie du mois d'octobre 2018 fait état d'un solde 10 jours de congés payés acquis au cours de la période de référence antérieure, et de 12, 5 jours de congés payés acquis (et non encore pris) au cours de la période de référence en cours.
Le bulletin de paie du mois de novembre 2018 fait certes état de compteurs de congés payés remis à zéro, mais mentionne par ailleurs':
- des congés payés pris du 4 au 6 octobre 2018 (3 jours), les 12-13 octobre 2018 (2 jours) et du 25 au 31 octobre 2018 (6 jours), soit un total de 11 jours';
- le versement d'une indemnité de congés payés correspondant à 11 jours';
- le versement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 1.385, 33 euros brut.
Compte tenu du montant du salaire de M. [W], cette dernière somme couvre le solde de 11, 5 jours de congés payés non pris à la date de rupture du contrat de travail fixée par l'employeur.
M. [W] conteste avoir pris des congés payés en novembre 2018, mais non en octobre 2018.
Il en est déduit que les congés payés acquis ont fait l'objet soit d'un paiement lors de prises de congés en octobre 2018, soit d'une indemnité compensatrice.
M. [W] est donc débouté de sa demande et le jugement infirmé en ce sens.
Sur la demande en paiement de l'indemnité de licenciement
M. [W] réclame paiement d'une indemnité de licenciement de 632, 93 euros net, sauf à parfaire, sans développer aucun moyen à l'appui de sa demande, si ce n'est en faisant valoir que son renoncement par avance à cette indemnité est nulle.
Or le bulletin de paie de novembre 2018 fait état d'une indemnité de licenciement exonérée d'un montant de 1.056, 85 euros net, montant repris sur l'attestation destinée à Pôle Emploi ainsi que sur le solde de tout compte, accompagné de la photocopie du chèque correspondant.
Le salarié, qui a déjà perçu son indemnité de licenciement, est donc débouté de sa demande.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
En vertu de l'article 6 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, applicable à M. [W], la durée de conduite journalière ne dépasse pas neuf heures. Elle peut être prolongée jusqu'à dix heures maximum, mais pas plus de deux fois au cours de la semaine.
Les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatifs à la preuve de l'existence ou du nombre d'heures de travail accomplies ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds s'agissant des durées maximales de travail. La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
M. [W] soutient en l'occurrence que l'employeur a manqué à son obligation de loyauté en ne respectant pas les limites et organisation de la durée du travail, dès lors qu'il était fréquent qu'il conduise plus de dix heures par jour, trois à quatre fois par semaine.
Mais il ne conteste pas la teneur des pièces 28 et 29 produites par la société GECAT récapitulant ' notamment - les temps de conduite journalier de M. [W] sur les années 2017 et 2018, dont il ressort que la durée maximale exceptionnelle de 10 heures n'a été dépassée qu'à deux reprises en 2017 (10 heures et 3 minutes le 7 juillet'; 10 heures et 4 minutes le 18 septembre) et à quatre reprises en 2018 (10 heures et 1 minute le 29 janvier'; 10 heures et 22 minutes le 5 février'; 10 heures et 3 minutes le 6 juin'; 10 heures et 7 minutes le 12 juin).
Ces dépassements tout à fait rares et minimes ne permettent pas de caractériser une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.
Au surplus, M. [W] ne démontre pas l'existence du préjudice allégué, à savoir une atteinte à sa santé.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement ayant débouté M. [W] de sa demande indemnitaire.
Sur la demande de remise du bulletin de paie de novembre 2018 et des documents de fin de contrat
Au vu des développements qui précèdent, qui établissent la rupture du contrat au 27 novembre 2018, M. [W] ne peut sérieusement prétendre voir fixer la fin du contrat le liant à la société GECAT au 3 décembre 2018. Il n'y a donc pas lieu de rectifier la date de rupture du contrat
En revanche, il convient d'ordonner la rectification des documents de fin de contrat en mentionnant l'indemnité de préavis et les congés payés afférents.
Il n'est pas nécessaire d'ordonner une astreinte.
Sur l'indemnité au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile
M. [W] voyant aboutir une partie de ses prétentions, son action en justice n'est pas abusive. Il convient donc d'infirmer le jugement et de débouter la société GECAT de sa demande.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Bien que M. [W] voit aboutir certaines de ses prétentions, sa mauvaise foi conduit la cour à le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Par suite, M. [W] est débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société GECAT est également déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu le 17 février 2020 par le conseil de prud'hommes de La Rochelle en ce qu'il a :
- débouté M. [W] de sa demande de déclarer irrégulière la procédure de licenciement dont il a fait l'objet ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
- débouté M. [W] de ses demandes d'indemnité compensatrice de congés payés et d'indemnité de licenciement,
- débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- condamné M. [W] aux dépens de l'instance,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société GECAT à payer à M. [W] la somme de 2.531, 72 euros net à titre d'indemnité pour la rupture injustifiée de son contrat de travail (mais non pour circonstances brutales et vexatoires), avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne la société GECAT à payer à M. [W] la somme de 2.531, 72 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 253,17 euros brut au titre des congés payés afférents, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2022,
Ordonne la rectification des documents de fin de contrat en mentionnant l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, sans astreinte,
Déboute la société GECAT de sa demande formée au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
Déboute tant M. [W] que la société GECAT de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [W] aux dépens, tant de première instance que d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,