ASB / AC
ARRET N°
N° RG 20/00541 -
N° Portalis DBV5-V-B7E-F63I
S.A.S.U. [7]
C/
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE
CARSAT PAYS DE LA LOIRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 février 2020 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de LA ROCHE-SUR-YON
APPELANTE :
S.A.S.U. [7]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON, substituée par Me Amélie GUILLOT de la SELARL LEXAVOUE POITIERS ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEES :
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Mme [F] [U], munie d'un pouvoir
INTERVENANT VOLONTAIRE
CARSAT PAYS DE LA LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Mme [F] [U], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, devant :
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : M. Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, que la décision serait rendue le 21 juillet 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé à la date de ce jour.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, présidente, et par Madame Astrid CATRY, greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [L] [M], salariée de la société la société [7] en qualité d'agent de production, a adressé à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de la Vendée une déclaration de maladie professionnelle datée du 26juillet 2017 ainsi qu'un certificat médical initial du 11 mai 2017 faisant état d'un syndrome du canal carpien bilatéral.
Par deux lettres du 13 novembre 2017, la CPAM a notifié à la société [7] ses décisions de reconnaître l'origine professionnelle des maladies «'syndrome du canal carpien'» droit et gauche, inscrites au tableau 57 des maladies professionnelles.
La société a saisi la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM pour contester ces décisions et demander que les arrêts prescrits ne soient pas imputés sur son compte employeur.
Dans sa séance du 15 février 2018, la CRA a rejeté les demandes de la société [7] et confirmé l'opposabilité à l'employeur de chacune des maladies déclarées.
Par LRAR du 8 mars 2018, la société a saisi d'une contestation le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche-sur-Yon, devenu pôle social du tribunal de grande instance puis du tribunal judiciaire.
Par jugement du 7 février 2020, le tribunal judiciaire, pôle social, de La Roche-sur-Yon, a :
- ordonné la jonction des dossiers n° 21800208 et 21800211,
- débouté la société [7] de ses recours,
- déclaré la prise en charge du syndrome du canal carpien bilatéral déclaré par Mme [L] [M] le 11 mai 2017 opposable à la société,
- déclaré irrecevable la demande d'imputation de la maladie au compte spécial,
- condamné la société [7] aux dépens.
Par déclaration envoyée le 18 février 2020, la société [7] a formé appel contre ce jugement, en en visant chaque disposition (à l'exception de la décision de jonction).
Par courriel du 9 mai 2022, la CARSAT a déclaré intervenir volontairement à l'instance au regard de la demande formée par la société [7] d'inscription des maladies professionnelles au compte spécial.
L'affaire a été appelée à l'audience du 10 mai 2022, à laquelle chacune des trois parties était représentée.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':
Soutenant oralement ses conclusions dirigées contre la CPAM, la société [7] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'inscription sur le compte spécial des maladies professionnelles, et statuant de nouveau':
- d'inscrire les «'syndromes du canal carpien'» gauche et droit contractés par Mme [L] [M] sur le compte spécial des maladies professionnelles,
- de condamner la CPAM aux dépens.
La société [7] soutient que la demande d'inscription d'une maladie sur le compte spécial relève du contentieux général de la sécurité sociale (et non du contentieux de la tarification) tant qu'il n'existe aucune décision de la CARSAT sur le taux de cotisation AT/MP. Elle ajoute qu'il appartient à la CPAM de rapporter la preuve de la notification du taux de cotisation lorsqu'elle conteste la compétence matérielle du pôle social du tribunal judiciaire. Elle fait valoir que la compétence s'apprécie au jour de l'introduction de l'instance et que l'impact sur le compte-employeur ne s'analyse pas comme une décision de la CARSAT. Elle considère que si la CARSAT n'a pris aucune décision sur le taux de cotisation, elle-même ne peut émettre une prétention à son égard, de sorte que sa demande ne pouvait être formée qu'à l'encontre de l'autorité administrative ayant statué sur la prise en charge de la maladie.
Elle indique que Mme [L] [M] n'a travaillé à son service que de façon ponctuelle et discontinue, qu'elle a été exposé au risque successivement dans plusieurs entreprises depuis 1995, qu'il serait donc inéquitable qu'elle assume seule le coût de ces maladies professionnelles.
Soutenant oralement ses conclusions dirigées contre la société [7] , la CPAM de la Vendée demande à la cour de':
- confirmer le jugement,
- déclarer la juridiction incompétente pour statuer sur la demande de la société [7] d'imputer au compte spécial des maladies professionnelles déclarées par Mme [L] [M],
- déclarer irrecevable la demande d'imputation au compte spécial.
La caisse soutient que la demande d'inscription au compte spécial des maladies professionnelles relève du contentieux technique de la sécurité sociale et de la compétence exclusive des CARSAT'; que le caractère antérieur ou postérieur de cette demande par rapport à la notification du taux de cotisation ne modifie pas l'objet du litige'; qu'ainsi, le contentieux de la tarification des entreprises relevait de la CNITAAT jusqu'au 1er janvier 2019 puis de la compétence exclusive de la cour d'appel d'Amiens.
Elle ajoute que la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle ne détermine jamais quel est l'employeur qui doit supporter les dépenses afférentes'; que seule la CARSAT est compétente pour inscrire les maladies de Mme [L] [M] au compte spécial'; qu'il convient de ne pas confondre les notions d'inopposabilité et d'imputabilité. Elle fait valoir que la demande en justice formée contre un adversaire que la loi n'habilite pas à discuter au fond est irrecevable.
Soutenant oralement ses conclusions, la CARSAT demande à la cour de':
- à titre principal, confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de La Roche sur Yon qui s'est reconnu incompétent pour connaître des demandes d'inscription sur le compte spécial de la société [7],
- à titre subsidiaire, dire irrecevables les demandes d'inscription sur le compte spécial.
La CARSAT fait valoir que la décision de prise en charge n'a ni pour objet ni pour effet d'affecter les dépenses de la maladie en vue de la tarification, et que l'affectation des dépenses des maladies professionnelles sur le compte des employeurs est une question de tarification relevant de la compétence exclusive des CARSAT et de leurs prérogatives légales. Elle ajoute que les litiges relatifs à l'affectation des dépenses des maladies professionnelles relèvent de la compétence exclusive de la cour d'appel d'Amiens.
A l'appui de sa demande subsidiaire, elle soutient, d'une part, que la société [7] ne justifie pas de l'existence d'une décision de la CPAM de la Vendée qui lui ferait grief sur l'imputation des dépenses des maladies professionnelles de Mme [L] [M] et, d'autre part, que la société [7] porte son action en justice contre la CPAM de la Vendée qui n'est pas compétente et ne peut légalement discuter le bien fondé des prétentions.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
1.Au vu de la déclaration d'appel, qui vise chacun des chefs de dispositif de la décision attaquée, l'effet dévolutif a joué pour le tout et la cour est donc saisie de l'entier litige.
Pour autant, à l'audience, les demandes de la société [7] ne portent que sur l'inscription des maladies sur le compte spécial.
En l'absence de toute demande d'infirmation du jugement en ce qui concerne l'opposabilité des décisions de prise en charge à l'employeur, et en l'absence de tout moyen critiquant le jugement de ce chef, la cour confirme la décision de première instance ayant déclaré la prise en charge du syndrome du canal carpien bilatéral déclaré par Mme [L] [M] le 11 mai 2017 opposable à la société.
2.L'appréciation de l'affectation des dépenses d'une maladie professionnelle au compte spécial constitue une question relative à la tarification, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale (Soc., 17 juin 1999, pourvoi nº 97-21.861).
Mais si la contestation des décisions des caisses régionales d'assurance maladie, devenues les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), en matière de tarification d'accident du travail, relève de la compétence exclusive des juridictions du contentieux technique, les litiges relatifs à l'inscription au compte spécial sont en revanche de la compétence des juridictions du contentieux général en l'absence de décision de la CARSAT (2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi nº 18-17.049, Publié).
Plus précisément, les litiges relatifs à l'inscription au compte spécial relèvent des juridictions du contentieux général en l'absence de décision de la CARSAT, c'est-à-dire avant la notification de son taux de cotisation à l'employeur (2e civ, 25 novembre 2021, n° 20-16.126).
En l'espèce, il n'est nullement justifié, ni même allégué, de l'existence d'une décision de la CARSAT, a fortiori d'une notification du taux de cotisation à l'employeur. La cour relève même que la CARSAT se prévaut de l'absence de justification par la société [7] de l'existence d'une décision de la CPAM de la Vendée qui lui ferait grief sur l'imputation des dépenses des maladies professionnelles, pour en déduire l'irrecevabilité de sa demande.
En l'absence de décision de la CARSAT, et plus précisément d'une notification de son taux de cotisation à l'employeur, le TASS, devenu pôle social du TGI puis du TJ, et la cour statuant sur leurs décisions frappées d'appel, sont compétents pour connaître de la demande d'inscription des maladies professionnelles au compte spécial.
L'exception d'incompétence est rejetée.
3.En l'absence de décision de la CARSAT, c'est de manière parfaitement recevable que la société [7] présente sa demande à l'encontre de la CPAM de la Vendée, à laquelle elle s'opposait en premier lieu à propos de l'opposabilité des décisions de prise en charge des maladies professionnelles.
4.Sur le fondement de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial.
Sur le fondement de l'article D. 242-6-7 du même code, les maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas imputées au compte de l'employeur mais sont inscrites à un compte spécial.
Selon l'article 2, 4°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 modifié, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées lorsque la victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie.
Ainsi, la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, à moins que l'employeur rapporte la preuve contraire, en établissant que l'affection dont était atteinte la victime devait être imputée aux conditions de travail de celle-ci au sein d'une entreprise précédente (2e civ, 6 janvier 2022, 20-13.690, Publié au bulletin).
Il est précisé à cet égard que l'exposition au risque chez un précédent employeur ne suffit pas, à elle seule, à établir une incertitude quant à l'identité de l'employeur au service duquel la maladie a pu être contractée et à entraîner l'imputation des dépenses au compte spécial. La preuve contraire doit établir que l'affection du salarié résulte des conditions de travail du salarié au sein des entreprises dans lesquelles il avait précédemment travaillé.
En l'espèce, la société [7] invoque le caractère inéquitable à son égard de la charge intégrale du coût des maladies, sans aucunement établir que celles-ci ont été contractées dans une autre entreprise à raison des conditions de travail de Mme [L] [M]. Le fait que la salariée n'ait travaillé que de façon ponctuelle et discontinue au service de la société [7] est inopérant.
Il convient donc de débouter la société [7] de sa demande.
5.La société [7], partie perdante, est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu le 7 février 2020 par le tribunal judiciaire, pôle social, de La Roche-sur-Yon, en ce qu'il a :
- débouté la société [7] de ses recours,
- déclaré la prise en charge du syndrome du canal carpien bilatéral déclaré par Mme [L] [M] le 11 mai 2017 opposable à la société,
- condamné la société [7] aux dépens.
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Rejette l'exception d'incompétence de la présente juridiction,
Déclare recevable la demande d'inscription au compte spécial dirigée contre la CPAM de la Vendée,
Déboute la société [7] de sa demande d'inscription au compte spécial des maladies professionnelles de Mme [L] [M],
Et y ajoutant,
Condamne la société [7] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,