ASB/AC
ARRÊT N°
N° RG 19/04079 - N° Portalis DBV5-V-B7D-F5J2
[B]
C/
S.A. SOCOTEC FRANCE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 novembre 2019 rendu par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LA ROCHE SUR YON
APPELANTE :
Madame [S] [B]
née le 09 Août 1963 à [Localité 6] (85)
[Adresse 5]
[Localité 3]
ayant pour avocat : Me Gilles TESSON de la SELARL GILLES TESSON AVOCAT, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMEE :
SAS SOCOTEC EQUIPEMENTS venant aux droits de SA SOCOTEC FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
ayant pour avocat postulant : Me Pierre LEMAIRE de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant : Me Delphine LIAULT avocate au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Madame Valérie COLLET, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que la décision serait rendue le 30 juin 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé au 7 juillet 2022 puis à la date de ce jour.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Astrid CATRY, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
A compter du 30 novembre 1994, la société Socotec France a embauché Mme [S] [B] en qualité de secrétaire sténo-dactylographe, dans le cadre d'un CDD, puis dans le cadre d'un CDI.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [B] occupait un poste de secrétaire et travaillait 28 heures par semaine (réparties du lundi au jeudi).
Le 25 février 2015, à la suite d'un incident survenu entre elle et M. [W], Mme [B] a quitté son poste de travail, est rentrée chez elle et a été placée en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 6 mars 2015. Cet arrêt a été plusieurs fois prolongé jusqu'au 13 avril 2015.
Mme [B] a de nouveau été placée en arrêt de travail pour maladie du 29 février au 2 mars 2016, du 23 novembre 2016 au 2 décembre 2016, puis à partir du 7 février 2017.
Le 22 décembre 2017, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de La Roche-sur-Yon de demandes indemnitaires relatives à l'exécution de son contrat de travail ainsi que d'une demande de résiliation du contrat de travail et de demandes indemnitaires afférentes.
A l'issue d'une visite de reprise effectuée le 30 juillet 2018, le médecin du travail l'a déclarée inapte définitivement à son poste.
Par lettre datée du 29 octobre 2018, mais postée le 14 novembre 2018, la société SOCOTEC EQUIPEMENTS a proposé à Mme [B] différents postes de reclassement et lui a demandé de lui faire part de son éventuel intérêt pour l'un d'eux avant le 15 novembre 2018.
Par lettre du 18 décembre 2018, la société SOCOTEC EQUIPEMENTS a convoqué Mme [B] à un entretien préalable fixé au 8 janvier 2019.
Par lettre du 15 janvier 2019, l'employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par jugement du 29 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a :
- débouté Mme [B] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la société Socotec Equipements de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [B] aux dépens.
Par déclaration au greffe le 18 décembre 2019, Mme [B] a formé appel nullité à l'encontre de ce jugement.
Par ordonnance du 15 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure au même jour et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 13 octobre 2021, tenue par en formation collégiale.
L'affaire a été renvoyée à l'audience du 13 avril 2022 à la demande d'une partie.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES':
Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 18 août 2020, Mme [B] demande à la cour d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de':
- condamner la société Socotec Equipements à des dommages et intérêts nets de CSG CRDS à hauteur de':
* 7.500 euros net au titre du non respect de l'obligation de prévention des harcèlements moral et sexuel,
* 7.500 euros net au titre du non respect des autres obligations visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs,
* 20.000 euros net au titre des harcèlement sexuel, harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail,
- juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée et qu'elle entraîne les effets, à la date du licenciement intervenu, à titre principal d'un licenciement nul, à titre subsidiaire d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Socotec Equipements à payer 3.932, 18 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois), outre 393, 22 euros brut au titre des congés payés afférents,
- condamner la société Socotec Equipements à lui verser la somme de 60.000 euros net au titre de l'atteinte à la liberté constitutionnelle de travailler, à celle de conserver son emploi dans un environnement sain, au titre des harcèlements subis et de ses préjudices d'espèce'; subsidiairement, si la cour ne retenait pas l'inopposabilité du plafonnement issu du barème de l'article L. 1235-3 du code du travail, condamner la société Socotec Equipements à lui verser la somme de 31.457, 44 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et la somme de 28.542, 56 euros net au titre de ses préjudices spécifiques d'espèce,
- condamner la société Socotec Equipements au remboursement des allocations chômage dans la limite légale des 6 mois,
- dire y avoir lieu aux intérêts de droit à compter du 25 février 2015, ainsi qu'à l'application de l'article 1343-2 du code civil,
- fixer le salaire de référence à la somme de 1.966, 09 euros brut,
- condamner la société Socotec Equipements aux dépens d'appel et, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la somme de 2.500 euros net pour la procédure de première instance, et 2.000 euros net au titre de la procédure d'appel,
- rejeter les demandes de la société Socotec Equipements,
- dire qu'à défaut de règlement spontané par le défendeur des condamnations prononcées et en cas d'exécution par voie extra judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire devront être supportées par la partie défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, remises au greffe le 29 septembre 2020, la société Socotec Equipements demande à la cour de :
$gt; confirmer le jugement en ce qu'il a':
- jugé que Mme [B] n'avait fait l'objet d'aucun harcèlement sexuel,
- jugé que Mme [B] n'avait fait l'objet d'aucun harcèlement moral,
- jugé que la société n'avait pas manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail,
- jugé que la société n'avait pas manqué à ses obligations visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs,
- jugé que le licenciement de Mme [B] était fondé sur une cause réelle et sérieuse,
$gt; infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Socotec Equipements de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
$gt; en conséquence, débouter Mme [B] de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, incluant les frais d'exécution du jugement à venir.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la demande de dommages et intérêts au titre des harcèlement sexuel, harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail
1.En vertu de l'article L. 1153-1 du code du travail dans sa version en vigueur du 8 août 2012 au 31 mars 2022, aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
En outre, sur le fondement de l'article L. 1152-1 en vigueur depuis le 1er mai 2008, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement (version en vigueur jusqu'au 10 août 2016) ou de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement (version en vigueur depuis le 10 août 2016). Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
2.En l'espèce, il ressort des débats que Mme [B], secrétaire au sein de l'agence d'[Localité 4], y travaillait du lundi au jeudi'; que M. [W], chargé d'affaires affecté à l'agence d'[Localité 4], y travaillait deux après-midi par semaine (mardi après-midi et jeudi après-midi)'; qu'ils avaient pour habitude de prendre le café ensemble le matin'; que M. [W] était parfois amené à travailler dans le même bureau que celui de Mme [B], où se trouvait le seul ordinateur lui permettant de réaliser des devis.
S'agissant du harcèlement sexuel allégué, Mme [B] présente dans la partie discussion de ses conclusions les faits suivants':
- altercations / mise en 'uvre par M. [W] en janvier 2015 d'une stratégie de harcèlement sexuel, que celui-ci poursuivra en dépit de la volonté de Mme [B] d'y mettre un terme'; comportement de M. [W] qui raccroche le téléphone alors que Mme [B] tente d'alerter sa hiérarchie et court après cette dernière sur le parking alors qu'elle essaye de s'enfuir, afin de lui faire reprendre son poste de travail :
Les courriels de Mme [B] à son employeur, les compte-rendus d'entretien réalisés en mars 2015 avec Mme [B] et M. [W] distinctement, et l'avertissement infligé à ce dernier le 27 mai 2015, établissent suffisamment que M. [W] a déclaré ses sentiment à Mme [B] à partir du 6 janvier 2015, d'abord lors de la pause café (selon Mme [B]': «'j'ai beaucoup réfléchi pendant ses vacances, tu ne vois pas ce que je veux dire'' / Non, pas du tout. / J'ai des sentiments pour toi. / Ce n'est pas réciproque, ce n'est pas la peine de te mettre ça dans la tête'»), puis de nouveau ce même jour, à l'occasion d'allers-retours dans le bureau occupé par la salariée (selon Mme [B]': «'M. [W] vient à la porte de mon bureau pour me dire que ce sont des sentiments d'amitié, qu'il n'y ait pas de quiproquos'!!!'»). Il a de nouveau exprimé ses sentiments à Mme [B] en février, lui proposant de l'inviter à déjeuner.
En réaction, Mme [B] a dès le départ exprimé clairement son souhait de s'en tenir avec lui à des relations strictement professionnelles. Face à cette réaction, M. [W] lui a proposé de la vouvoyer, le 28 janvier (selon Mme [B]': «'puisqu'on ne s'entend pas, on n'a qu'à se vouvoyer. / Ça fait trois ans que je te tutoie'; je ne vais pas te vouvoyer maintenant, tu fais comme tu veux et tu n'as pas d'ordre à me donner. Si tu continues à m'emmerder pour tout et pour rien'; je vais en parler à quelqu'un qui te mettra les points sur les i. / Moi c'est du passé ce que je t'ai dit, je n'y pense plus, tout le monde peut se tromper' / Toi peut-être mais moi je ne peux pas faire comme si rien ne s'était passé, donc je mets des distances tu peux le comprendre. - Oui'»).
Il résulte également des débats que le 25 février, après avoir pris le café ensemble, M. [W] lui a de nouveau fait part de ses sentiments (selon Mme [B]': «'on discute de la formation à laquelle j'ai assisté ['] il me réponds': «'tu vois on est quand même bien ici, on ne voit pas souvent [D] et moi je suis gentil quand même'». Je réponds à EG qu'on ne parle pas de «'sa personne'» mais du travail en général et que si lui il le prend comme ça'; moi je ne suis pas obligée de penser comme lui'; et je repars dans mon bureau. EG vient une première fois dans mon bureau déposer des documents'; puis EG revient et s'installe au bureau de mon ancienne collègue (face à moi) et allume l'ordinateur. A ce moment-là je commence à sentir son regard sur moi et mon c'ur palpite. EG tente de me parler d'un film qu'il a vu Dimanche dernier au cinéma'; je réponds à peine car je n'ai pas envie de lui parler et je sens son regard insistant. EG me dit': «'on ne peut pas se parler tous les deux'». Moi': «'je lui dis ça ne va pas recommencer'». EG': hier tu m'as parlé et je crois des choses...'». Moi': «'il faut que tu arrêtes de te mettre des trucs en tête': je t'ai parlé comme on parle à un collègue de travail'». EG': «'il n'y a rien entre nous'!'». Moi': (J'explose) «'Je t'ai déjà dit NON et que je ne voulais plus en entendre parler'; que jamais je ne t'ai laissé entendre que j'avais envie qu'il se passe quelque chose entre nous'; STOP CA SUFFIT» ''. «'je vais partir et me faire mettre en arrêt de travail'; ça ne peut plus durer comme ça'». «'M. [Z] est au courant'; si c'est ce que tu veux je peux aussi appeler [D] et [V]'». EG': «'tu veux que je parte'''». Moi': «'Je veux que tu ne m'emmerdes plus quand je suis seule au bureau'; je ne veux plus en entendre parler. Si tu as des problèmes, il faut te faire aider, je ne suis pas ton Psy'»).
Cet échange a conduit Mme [B] à saisir son téléphone pour contacter M. [Z], son manager, afin de le prévenir de son départ, selon Mme [B] elle-même. M. [W] a alors raccroché le téléphone / la ligne téléphonique / appuyé sur le téléphone pour stopper la conversation (selon les comptes-rendu d'entretien avec Mme [B] ou M. [W]). Mme [B] a alors quitté le bureau par l'escalier de service pour se rendre sur le parking. M. [W] l'a suivie en lui disant «'j'ai des enfants'», ce à quoi Mme [B] a répondu «'j'en ai rien à faire'» ou «'c'est pas mon problème'».
Si le départ brutal de Mme [B] est avéré, il n'est cependant pas établi que M. [W] ait couru après elle qui aurait tenté de s'enfuir.
- non respect par M. [W] des limites fixées par l'employeur pour protéger Mme [B], quelques semaines plus tard':
Il n'est pas contesté que M. [W] a déposé le 30 juin 2015 dans le bureau de Mme [B] des documents trouvés sur l'imprimante du couloir, ce qui est au demeurant attesté par les courriels produits (celui envoyé le même jour par la salariée à propos de cet incident ; celui du 13 juillet 2015 adressé à M. [W] par le directeur du pôle Constructions Midi-Pyrénées).
En outre, un courriel du directeur régional Sud-Ouest à Mme [U], autre salariée de l'entreprise, daté du 24 juillet 2015, évoque les mesures prises par l'employeur après quelques «'non respect'» des règles par M. [W] (sans précision), le constat du caractère intenable de la situation pour ce dernier qui s'enferme dans son bureau pour éviter tout contact avec elle et le constat de l'inquiétude persistante de Mme [B] qui se retrouve souvent seule dans les locaux avec lui.
- gestion approximative des congés payés imposant à Mme [B] de travailler seule avec M. [W], cela créant un contexte dangereux et intimidant pour elle':
L'employeur ne conteste pas la teneur du courriel adressé le 30 juin par Mme [B], dans lequel celle-ci évoque l'incident des documents imprimés rapportés par M. [W] et rappelle ensuite qu'elle va se trouver seule au bureau pendant trois semaines en l'absence de M. [Z]. Elle y indique qu'il lui est «'très difficile d'envisager de travailler sereinement si M. [W] ne respecte pas ce qui a été convenu'».
- dégradation de son état de santé':
Les éléments produits par Mme [B] établissent une dégradation de son état de santé':
* elle a été en arrêt de travail du 25 février 2015 au 15 avril 2015 inclus, du 29 février au 2 mars 2016, du 23 novembre au 2 décembre 2016, puis définitivement à compter du 7 février 2017';
* une psychologue clinicienne atteste en décembre 2017 avoir reçu en consultation Mme [B] une première fois en mars 2015 «'suite à un vécu de harcèlement sexuel sur son lieu de travail'» puis à partir d'octobre 2017.
* le Dr [F], psychiatre, a rédigé en janvier 2018 un courrier à l'attention du médecin du travail, lui suggérant de prononcer une inaptitude au regard de l'état de santé de la salariée («'malgré un traitement par Xanax 0.25 et Seroplex 10, et l'éloignement du lieu de conflit depuis un an maintenant, elle est toujours aussi mal et aspire à pouvoir sortir de cette impasse'»).
* le Dr [A], médecin généraliste, a certifié le 20 juillet 2018 que Mme [B] était en arrêt maladie pour syndrôme anxio-dépressif depuis le 7 février 2017.
* l'assurance maladie reconnu le 26 mai 2017 que son état de santé caractérisait une affection longue-durée.
Quand bien même ces praticiens ne feraient que rapporter les propos de Mme [B], la réalisation de consultations médicales et psychologiques et la prise d'un traitement sont des éléments probants suffisants pour établir la dégradation de l'état de santé de Mme [B] concomitamment puis postérieurement aux faits allégués.
Les éléments qui sont ci-dessus établis, pris dans leur ensemble, ne permettent cependant pas de présumer ou de laisser supposer l'existence d'un harcèlement sexuel, dès lors qu'ils mettent en évidence la révélation, certes répétée, des sentiments éprouvés par M. [W] vis-à-vis de Mme [B], mais sans propos ou comportement à connotation sexuelle, sans non plus que les faits dénoncés puissent caractériser une forme de pression grave, a fortiori dans le but d'obtenir un acte de nature sexuelle. Il est considéré, à propos du geste de M. [W] raccrochant le téléphone et suivant Mme [B] sur le parking, que ce geste était une réaction de peur à l'idée que la situation puisse être connue de tiers, mais non une pression grave pour obtenir un acte de nature sexuelle.
Par ailleurs, les développements de Mme [B] sur la personnalité de M. [W] ne permettent pas de suppléer l'absence de faits susceptibles de caractériser un harcèlement sexuel.
Enfin, le fait que l'employeur ait sanctionné en mai 2015 M. [W] pour les «'faits'» survenus depuis le 6 janvier 2015, et qu'il ait rappelé à cette occasion que le harcèlement sexuel était passible de poursuites pénales, sans que cette sanction ait été contestée judiciairement, ne lie pas la cour quant à la qualification des faits que Mme [B] reproche à M. [W].
La cour ne retient donc pas l'allégation de harcèlement sexuel.
3.S'agissant du harcèlement moral allégué, Mme [B] présente dans la partie discussion de ses conclusions les faits suivants':
- absence de diligence de la hiérarchie et de l'entreprise pour l'informer des suites apportées à ses révélations, ce qui a été source d'inquiétude et de souffrance':
Il ressort des pièces et conclusions des parties que Mme [B], qui a prévenu M. [Z] de la situation dès le 22 janvier 2015 puis au début du mois de février 2015, a expressément demandé à ce dernier de ne pas intervenir, pensant que la situation était apaisée'; qu'ayant prévenu M. [Z] de son départ de l'entreprise dès le mercredi 25 février 2015, celui-ci et M. [T] (directeur du pôle Equipements Midi-Pyrénées) l'ont rappelée dans la journée pour s'enquérir de son état, solliciter des précisions et l'informer que des renseignements allaient être pris pour connaître la procédure à suivre'; que l'employeur a organisé des entretiens avec Mme [B] et M. [W] en mars 2015, ce dont Mme [B] a été informée dès le lundi 2 mars 2015 par l'intermédiaire de M. [Z] (qu'elle avait pris l'initiative d'appeler)'; qu'un premier rendez-vous avec elle était prévu dès le 9 mars 2015, avant d'être reporté au 30 mars au regard de son arrêt de travail'; que M. [W] a été reçu en entretien les 12 et 30 mars 2015'; qu'elle a déploré la faiblesse de la réponse apportée par l'entreprise, dans un courrier du 5 mars reçu le 9 par l'employeur, auquel ce dernier a répondu le 10 en confirmant la tenue des entretiens et en l'informant qu'il se tenait à sa disposition pour toute question, de même que l'assistante sociale, informée de la situation.
Mme [B] a rencontré le médecin du travail le 9 mars et le médecin du travail psychologue le 11 mars.
Le 13 avril 2015, M. [X] (chargé de développement ressources humaines) a pris l'initiative de contacter Mme [B] pour l'informer de la délivrance prochaine d'un avertissement à M. [W].
Le lundi 27 avril 2015, une semaine après le retour de Mme [B] à son poste, M. [X] l'a appelée pour échanger avec elle sur les conditions de son retour. Il a informé ses collègues de ce fait en leur indiquant «'après une semaine où M. [W] et [E] [Z] était présents au bureau, le réaménagement des bureaux rend la situation moins conflictuelle. Mme [B] a demandé à [E] [Z] d'avoir accès à l'agenda de M. [W] afin que Mme [B] puisse répondre aux clients qui cherchent à joindre M. [W] quand celui-ci est absent'».
Par ailleurs, Mme [B] a été informée dès le 9 mars 2015 par le médecin du travail des mesures envisagées par l'employeur (avertissement infligé à M. [W], reprise du travail sans contact avec ce dernier, questionnement quant à une mutation de celui-ci). L'employeur a évoqué avec Mme [B] lors de l'entretien du 30 mars ses différentes propositions (changement de bureau pour Mme [B], arrêt du secrétariat pour le CT, aucun contact direct avec M. [W], projet de délocalisation de celui-ci). Mais ce n'est qu'après avoir été sollicité par Mme [B] par courrier du 9 avril 2015 que l'employeur, dans un courrier du 16 avril 2015, lui a annoncée officiellement les mesures décidées, telles que':
- la réorganisation immédiate des locaux de l'agence d'[Localité 4] (déplacement de l'ordinateur utilisé par M. [W] dans un bureau différent, déplacement du bureau de Mme [B] afin qu'elle puisse avoir une visibilité sur la porte d'entrée, déplacement des dossiers du Contrôle Technique dans un autre bureau que le sien)';
- arrêt de sa mission de secrétariat du Contrôle Technique Construction (CTC) exercée jusqu'alors deux demi-journées par semaine';
- M. [W] travaillant pour le CTC, toute demande de sa part passera désormais par la hiérarchie.
Il est rappelé que ces différentes initiatives, à l'exception de la révélation initiale de son malaise à M. [Z], ont été prises pendant la période d'arrêt de travail de Mme [B], entamée le 25 février, renouvelée le 7 mars, le 30 mars et enfin le 11 avril 2015.
Ces éléments démontrent que l'employeur a accompli les diligences appropriées, sans cependant les accomplir de manière suffisamment rapide pour apaiser Mme [B] dont il connaissait le mal-être.
- non respect de l'engagement de lui communiquer la sanction visant M. [W] (ce qui la pousse à croire qu'aucune sanction n'a été prise)':
Mme [B] a été informée le 13 avril 2015 de la délivrance d'un avertissement à M. [W], et ne justifie pas d'un engagement de la société à le lui communiquer. Le fait allégué n'est pas établi.
- légèreté blâmable de l'employeur dans la gestion des congés payés de l'été 2015, puisqu'elle va être laissée sans protection hiérarchique contre M. [W], ce qui la fragilise':
Il n'est pas contesté que pendant trois semaines en juillet 2015, M. [Z] supérieur hiérarchique de Mme [B], était en congés, de sorte que celle-ci était seule à travailler dans les locaux de l'agence d'[Localité 4] à laquelle était rattaché également M. [W], et que les éventuelles demandes de ce dernier à la salariée ne pouvaient manifestement plus transiter par M. [Z] comme cela était convenu (cf. courriel de M. [C] à M. [W] du 13 juillet 2015). De fait, en juillet 2015, M. [W] lui a adressé des courriels pour lui communiquer son agenda. L'employeur ne justifie pas avoir pris de dispositions pour éviter tout contact entre ces deux personnes comme cela avait été décidé, hormis un courriel de rappel des consignes à M. [W], le 13 juillet 2015, dont Mme [B] n'a pas été informée.
Le fait est donc établi.
- absence de «'résultat probant'» en réponse à ses craintes à l'occasion des travaux':
Les débats mettent en évidence que des travaux ont été réalisés entre novembre 2015 et août 2016 dans des bureaux mitoyens de ceux de l'agence, au sein du bâtiment appartenant au Crédit Agricole. L'employeur admet que des salariés et/ou sous-traitants du bailleur pouvaient accéder à l'immeuble. Il avait déjà admis, dans un courriel du 7 avril 2015 faisant suite aux entretiens avec Mme [B] et avec M. [W], la nécessité de gérer les «'entrées intempestives'».
Il est par ailleurs établi que Mme [B] avait signalé ses craintes à M. [Z] par rapport à cette situation, puisque celui-ci a fait installer au cours du second trimestre 2016 un verrou sur la porte d'entrée pour lui permettre de s'enfermer lorsqu'elle était seule.
Mais en l'absence de preuve de la date à laquelle Mme [B] a fait part de ses craintes à son employeur, il ne peut être reproché à celui-ci (qui n'avait pas connaissance de la réalisation des travaux litigieux) d'avoir réagi tardivement.
La pose d'un verrou apparaît en outre adaptée dès lors que Mme [B] travaillait seule dans son bureau.
Le fait allégué n'est pas établi.
- absence de suivi renforcé de la situation et d'évaluation par le médecin du travail, lui donnant l'impression de ne pas être prise en considération':
Il n'est pas contesté par l'employeur que Mme [B] n'a bénéficié d'aucun suivi particulier par la médecine du travail, qui n'a été non plus amenée à procéder à une évaluation de la situation.
Le fait est établi.
- annulation du rendez-vous du 18 janvier 2017 avec le service des ressources humaines, vécue de manière humiliante par Mme [B]':
Mme [B] n'explique pas en quoi l'annulation par le responsable des ressources humaines de ce rendez-vous a été vécue de manière humiliante, étant précisé qu'elle a obtenu un nouveau rendez-vous le 23 janvier 2017.
Le fait n'est pas établi.
- propositions déloyales de mutation à [Localité 8] ou [Localité 7]':
L'employeur admet avoir proposé le 12 décembre 2016 une mutation dans l'agence de [Localité 8] à Mme [B] qui ne se sentait pas bien dans les locaux d'[Localité 4]. Cette proposition ne peut être considérée comme déloyale puisqu'elle vise à répondre de manière pertinente au malaise de la salariée (quand bien même il y aurait eu des plaintes pour RPS à [Localité 8] en 2015).
Par ailleurs, Mme [B] ne justifie pas qu'il lui a été proposé une mutation à l'agence de [Localité 7], à laquelle était rattaché M. [W] depuis le 1er septembre 2015.
Ce fait n'est pas établi.
- «'absence de retour à l'acceptation de la rupture conventionnelle proposée par l'entreprise'»':
Mme [B] justifie avoir fait part à son employeur de son souhait de lancer une procédure de rupture conventionnelle, dans un courriel du 24 janvier 2017. L'employeur ne justifie pas avoir apporté une réponse à ce courriel. A cet égard, les courriels échangés les 3 avril et 5 mai 2017 entre la responsable des relations sociales et juridique de la société SOCOTEC EQUIPEMENTS et l'avocat de Mme [B] ne peuvent venir étayer l'allégation de négociations quant aux modalités de cette rupture, dès lors que leur teneur est totalement imprécise et que la salariée les rattache, quant à elle, à des négociations relatives au plan de départ volontaire.
Le fait est établi.
- ignorance puis refus (après deux relances) de sa proposition de départ dans le cadre du plan de départ volontaire':
Les pièces produites établissent que Mme [B] a formalisé le 26 octobre 2017 une demande de départ volontaire dans le cadre d'un plan de départ volontaire autonome envisagé par l'entreprise à partir du début d'année 2017, proposé officiellement aux salariés éligibles à partir du 1er septembre 2017 et mis en 'uvre par des consultants du cabinet conseil BPI Group.
Le courrier de proposition de départ volontaire prévoyait que la commission paritaire de validation communiquerait ses décisions au plus tard la semaine du 13 novembre 2017. N'ayant pas obtenu de réponse, Mme [B] a relancé son employeur par courriels des 19 puis 21 novembre 2017, avant d'obtenir une réponse négative le 22 novembre au motif que sa candidature ne répondait aux critères d'éligibilité prévus au plan (justifier d'une ouverture des droits à la retraite d'ici le 31 mai 2018 / justifier d'un projet professionnel / à titre exceptionnel et dans les limites strictes présentées dans le plan de départ volontaire autonome, justifier d'un projet personnel).
Le retard de 3 jours affectant la réponse qui lui a été faite et l'absence de réponse immédiate à son premier courriel, adressé le dimanche soir, ne peuvent suffire à caractériser une «'ignorance'» de sa candidature, qui supposerait une intention délibérée de ne pas lui répondre.
En revanche, le rejet de sa candidature est un fait établi.
- dégradation de son état de santé':
Ce fait a déjà été établi dans les développements qui précèdent, relatifs à l'allégation de harcèlement sexuel.
- le médecin du travail considère que la présence de Mme [B] au sein de l'agence est dangereuse pour elle':
Les recommandations et avis du médecin du travail, des 4 et 30 juillet 2018, énoncent que «'l'état de santé du salarié ne permet pas de proposer des tâches ou des postes existants dans l'entreprise que le salarié pourrait exercer'» ou que «'l'état de santé ne permet pas la reprise au poste actuellement occupé et ne permet pas de proposer des tâches ou des postes existants dans l'entreprise que la salariée pourrait exercer inapte définitive au poste'».
Il est ainsi caractérisé une contre-indication médicale au travail de Mme [B] au sein de la société SOCOTEC EQUIPEMENTS, ce qui, de fait, établit le «'danger'» allégué.
- information bouleversante selon laquelle l'employeur ne cotisait plus à la médecine du travail':
Mme [B] a été informée le 13 décembre 2017 par la médecine du travail, qu'elle avait sollicitée pour obtenir un rendez-vous, de ce que son employeur ne payait plus les cotisations dues à cet organisme. Elle a évoqué cette situation auprès de son employeur par courrier du 19 janvier 2018, et demandé une régularisation afin que sa situation «'puisse continuer à être prise en compte par la médecine du travail'». Elle a été informée de la fin de la radiation de l'entreprise par courriel de la médecine du travail du 27 février 2018.
Le fait est établi.
- gestion approximative de sa situation à la suite de l'avis d'inaptitude (nouvelle convocation devant le médecin du travail, ensuite annulée'; délai de cinq jours pour répondre aux propositions de reclassement'; bulletin de salaire négatif en septembre 2018'; envoi le 14 novembre 2018 d'un courrier daté du 29 octobre 2018 l'informant de ce qu'elle a jusqu'au 15 novembre pour répondre à propos de son reclassement'; refus tardif de la présence de son époux à l'entretien préalable, et refus d'aborder son passé douloureux lors de cet entretien)':
Au vu des pièces produites':
* l'avis d'inaptitude a été rendu le 30 juillet 2018. Par courrier du 28 août 2018, la société SOCOTEC EQUIPEMENTS a convoqué Mme [B] à une visite de reprise devant se tenir le 5 septembre 2018. Par courrier du 31 août 2018, l'employeur a informé la salariée de l'annulation de cette convocation, expliquant n'avoir pris connaissance de l'avis d'inaptitude que le jour-même.
* le bulletin de paie de septembre 2018 présentait un solde négatif de 1.344,68 euros.
* l'employeur a adressé à Mme [B] un courrier contenant un questionnaire de mobilité en vue de son reclassement, «'à retourner au plus tard dans les 5 jours suivant réception'».
* il lui a également adressé un courrier daté du 29 octobre 2018, contenant quatre propositions de reclassement, lui demandant de lui faire part de son éventuel intérêt pour l'une d'elles, par écrit, avant le 15 novembre 2018. Ainsi qu'il résulte de la photocopie de l'enveloppe, ce courrier a été posté le 14 novembre 2018.
* par courrier du 18 décembre 2018, la société SOCOTEC EQUIPEMENTS a convoqué Mme [B] à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant se tenir le 8 janvier 2019, en l'informant des modalités d'assistance prévues par les textes. Par courrier du 20 décembre 2018, Mme [B] s'est adressée à son employeur en indiquant souhaiter participer au rendez-vous accompagné de son mari, précisant «'si cela vous posait problème, je vous invite à me l'indiquer par retour'».
L'employeur ne justifie d'aucune réponse apportée à ce courrier, et ne conteste pas avoir opposé son refus au début de l'entretien seulement.
Il ne conteste pas non plus la teneur du courrier de Mme [B] du 9 janvier 2019, dans lequel celle-ci lui reproche «'une nouvelle fois, vous n'avez pas été correcte vis-à-vis de moi'» et ajoute «'je suis étonnée de vous entendre limiter notre entretien uniquement par rapport à la déclaration d'inaptitude et que vous ne seriez pas concernée par le dossier juridique en parallèle' C'est bien embêtant car moi je suis concernée par ce dossier tout comme la société qui est partie à la procédure'! Vous avez ensuite repris l'historique depuis le 30 août dernier, date à laquelle la société a pris connaissance de cet avis d'inaptitude ['] Mais vous avez oublié les éléments précédents avec le médecin du travail antérieurs au 30 Août dernier et les diverses erreurs de l'entreprise à ce sujet' [...]'».
Les faits matériels allégués sont établis.
Ceux des différents éléments ci-dessus évoqués qui sont établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer ou supposer l'existence d'un harcèlement moral. Ils caractérisent en effet une répétition de négligences ou maladresses, voire l'irrespect des obligations légales, qui ont affecté fortement la santé de Mme [B] dont l'employeur connaissait la fragilité à la suite des incidents impliquant M. [W].
Certes, l'employeur justifie d'un motif objectif l'ayant conduit à rejeter la candidature de Mme [B] dans le cadre du plan de départ volontaire': en effet, le document de présentation de ce plan, dont Mme [B] a eu connaissance, définissait':
- le projet professionnel comme un CDI, un CDD ou contrat d'interim d'au moins 6 mois, une promesse d'embauche correspondant à l'un de ces trois contrats, une formation de reconversion avec projet professionnel sérieux et réaliste, un projet de création ou reprise d'entreprise, ou tout autre projet professionnel sérieux, crédible et réaliste, assurant un revenu suffisant et excluant tout recours à l'assurance chômage';
- le projet personnel comme suit': «'à titre exceptionnel, dans les limites décrites ci-après, les projets personnels éligibles au PDVA sont':
* le rapprochement de conjoint dans le cadre d'une mobilité géographique';
* l'accompagnement d'un parent (conjoint, ascendant ou descendant) malade'».
Or Mme [B] a ainsi présenté sa candidature': «'Depuis début 2015 j'ai été victime de harcèlement sexuel par M. [W], mon employeur non seulement ne m'a pas protégée mais a manqué à ses obligations une fois informé. ['] je souffre énormément de cette situation. ['] Pour toute proposition je n'ai reçu que celle d'un départ volontaire car on n'a plus besoin de mon métier': Monsieur [W] lui est un homme, cadre et il va conserver son travail. Dans ces conditions je ne peux que me déclarer volontaire au départ pour me reconstruire personnellement'».
Elle n'a donc justifié ni même présenté aucun projet professionnel ou personnel entrant dans les critères du plan mis en 'uvre, et ne peut donc valablement reprocher à l'employeur son refus.
De même, le solde négatif du bulletin de paie de septembre 2018 s'explique objectivement par le fait que l'employeur a payé un salaire à Mme [B] au mois d'août 2018 alors qu'elle avait été déclarée inapte au travail le 30 juillet précédent ce qui l'empêchait de prétendre à une rémunération.
Le délai de cinq jours laissé à la salariée pour faire état de sa mobilité en vue de son reclassement apparaît adapté au regard du délai d'un mois laissé à l'employeur pour procéder ' le cas échéant ' au licenciement du salarié inapte avant reprise du paiement du salaire.
Il ne peut non plus être reproché à l'employeur d'avoir, lors de l'entretien préalable, cantonné les discussions au constat médical de son inaptitude et aux recherches de reclassement.
En revanche, s'il est exact que l'employeur ne pouvait empêcher M. [Z] de prendre des congés payés au cours de l'été 2015, il lui appartenait néanmoins d'organiser ceux-ci, ceux de M. [W] et de Mme [B] de telle sorte que l'intermédiaire hiérarchique puisse toujours faire son office et que soit assurée la sérénité de Mme [B] alors que M. [W] était toujours rattaché à l'agence d'[Localité 4].
Par ailleurs, la société SOCOTEC EQUIPEMENTS ne justifie pas que c'est Mme [B] qui a abandonné son projet de rupture conventionnelle. En tout état de cause, elle ne justifie pas d'une réponse apportée à la salariée après son courriel de relance.
L'employeur ne peut non plus sérieusement qualifier de «'suspension temporaire'» l'absence de paiement de ses cotisations à la médecine du travail, et justifier cette «'suspension'» en se retranchant derrière le fait que la médecine du travail reportait (et non refusait) la fixation des rendez-vous médicaux à ses salariés. Cette «'suspension temporaire'» constitue de fait une absence de paiement des cotisations, peu important le motif allégué.
Enfin, le fait que l'employeur n'ait pris connaissance de l'avis d'inaptitude de Mme [B] que le 31 août 2018 ne change rien au fait que la salariée a reçu, de manière incompréhensible pour elle, une convocation qui n'avait pas lieu d'être.
Le fait qu'il ait décalé le délai laissé à Mme [B] pour répondre aux propositions de postes de reclassement, à raison de l'envoi tardif du courrier les contenant, n'ôte pas le désagrément et la déconsidération ressentis à la réception du courrier le jour même de l'expiration du délai pour y répondre.
S'il est exact que Mme [B] ne pouvait se faire assister par son époux lors de l'entretien préalable au licenciement, et que les règles d'assistance étaient rappelées dans le courrier de convocation, pour autant l'employeur aurait dû avoir la délicatesse de répondre au courrier de Mme [B]. Il le devait d'autant plus que cette réponse était demandée expressément et qu'il avait admis la présence de son époux lors de l'entretien du 30 mars 2015 relatif aux faits impliquant M. [W].
En conséquence, la cour estime que le harcèlement moral est caractérisé.
4.Mme [B] ne développe pas de moyens de fait spécifiques à l'exécution déloyale du contrat de travail. L'existence d'un harcèlement moral de l'employeur caractérise cependant à lui seul cette déloyauté.
5.Compte tenu des manquements de l'employeur et du préjudice subi par Mme [B], qui a vu son état de santé gravement affecté, il y a lieu d'indemniser Mme [B] à hauteur de 5.000 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du non-respect de l'obligation de prévention des harcèlements moral et sexuel
L'article L. 1152-4 du code du travail impose à l'employeur une obligation de prévention du harcèlement moral, en disposant, en son alinéa 1, que «'l'employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral'».
De même, l'article L. 1153-5 dispose que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel.
Cette obligation de prévention du harcèlement s'inscrit dans l'obligation plus large de prévention des risques professionnels, qui résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail et de l'article L. 4121-2 du même code, qui est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral ou sexuel instituée par les articles L. 1153-1 et L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.
L'obligation de prévention du harcèlement est ainsi une déclinaison de l'obligation de sécurité, résultant pour l'employeur des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Il appartient à l'employeur de prendre des mesures de nature à prévenir puis le cas échéant cesser les agissements causant une souffrance au travail, et en particulier le harcèlement. L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité s'il démontre qu'il a pris toutes les mesures de prévention et toutes les mesures de nature à faire cesser le harcèlement moral, le cas échéant.
En l'espèce, l'employeur conteste la demande indemnitaire afférente à l'obligation de prévention au motif que Mme [B] n'aurait subi aucun fait de harcèlement sexuel ou moral, ce qui est en tout état de cause inopérant puisque l'absence de harcèlement ne serait pas de nature à exclure, en présence d'une souffrance en lien avec le travail, tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. La société SOCOTEC EQUIPEMENTS ne justifie ni même n'allègue avoir pris la moindre mesure pour prévenir le risque lié au harcèlement sexuel ou moral et assurer la sécurité de ses salariés au regard notamment d'un tel harcèlement. Elle ne conteste aucunement les allégations de Mme [B] qui dénonce son inaction à cet égard dès avant 2015 (absence de formation, d'informations, de systèmes de prévention, de modalité d'identification des situations à risque, de l'actualisation du DU, ').
Mme [B] énonce de manière justifiée que si la société SOCOTEC EQUIPEMENTS avait respecté ses obligations, elle n'aurait pas perdu une chance de ne pas se faire harceler sur son lieu de travail et aurait pu éviter une dégradation de son état de santé, ayant des outils pour se protéger.
Il convient d'indemniser ce préjudice, distinct de celui résultant du harcèlement et de la déloyauté, à hauteur de 1.000 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du non-respect des autres obligations visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs
Les moyens développés par Mme [B] à l'appui de cette demande indemnitaire ne sont pas différents de ceux développés à propos du harcèlement moral subi. Elle ne justifie non plus d'aucun préjudice distinct de celui résultant du harcèlement et de la déloyauté.
Elle ne peut qu'être déboutée de sa demande.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et les demandes pécuniaires afférentes
1.En vertu de l'article L 1231-1 du code du travail, «'le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative ['] du salarié ['] dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre'».
Saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, le juge apprécie si l'inexécution par l'employeur de certaines de ses obligations résultant du contrat de travail présente une gravité suffisante pour justifier la résiliation de ce contrat.
La charge de la preuve de l'imputabilité de la rupture incombe au demandeur.
Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation est justifiée. C'est seulement s'il ne l'estime pas fondée qu'il doit statuer sur le licenciement.
Si la demande de résiliation est justifiée, le juge fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
En l'espèce, les faits de harcèlement, déloyauté et manquement à l'obligation de prévention constituent des manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier le prononcé de la résiliation du contrat de travail à ses torts, à effet au 15 janvier 2019, date du licenciement pour inaptitude.
2.La résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul lorsque le salarié est en mesure de se prévaloir de manquements susceptibles d'entraîner la nullité du licenciement.
En l'espèce, au regard du harcèlement moral ci-dessus établi, la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul.
3.En vertu de l'article L. 1235-3-1 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, l'article L. 1235-3 [qui prévoit un barème d'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse] n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité telle que, notamment, des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [B] (1.966, 09 euros brut), de son ancienneté (24 ans) de son âge (55 ans au jour de la rupture du contrat de travail), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 50.000 euros à titre d'indemnité.
Cette somme porte intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
4.La résiliation du contrat de travail produisant en l'espèce les effets d'un licenciement nul, Mme [B] est également en droit de prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, quand bien même elle n'aurait pas été en capacité de l'effectuer au regard de son inaptitude.
Il convient donc à ce titre de condamner l'employeur à lui payer les sommes, non contestées en leur quantum, de 3.932, 18 euros brut outre 393, 21 euros brut au titre des congés payés afférents.
Ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2019, date des débats devant le conseil de prud'hommes et première date certaine à laquelle la société SOCOTEC EQUIPEMENTS a eu connaissance de la demande adverse.
5.Sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu d'ordonner que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent eux-mêmes intérêt.
Sur le salaire de référence
Il convient de fixer le salaire de référence à 1.966, 09 euros brut, somme que les deux parties admettent comme rémunération moyenne mensuelle incluant le salaire de base et diverses primes.
Sur le remboursement des indemnités chômage
L'article L. 1235-4 du code du travail dans ses versions applicables depuis le 10 août 2016, dispose que dans le cas prévu aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3 [licenciement nul à raison du harcèlement moral], le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
La cour, ajoutant à la décision de première instance, fait application de ces dispositions à hauteur de 1 mois.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En qualité de partie succombante pour l'essentiel, la société SOCOTEC EQUIPEMENTS est condamnée aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.
Par suite, la société SOCOTEC EQUIPEMENTS est condamnée à payer à Mme [B] la somme globale de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des procédures de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement rendu le 29 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de La Roche sur Yon, sauf en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts à raison du non respect des obligations visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société SOCOTEC EQUIPEMENTS à payer à Mme [S] [B] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral et de l'exécution déloyale du contrat de travail (mais non à raison du harcèlement sexuel),
Condamne la société SOCOTEC EQUIPEMENTS à payer à Mme [B] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non respect par l'employeur de son obligation de prévention,
Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, à effet au 15 janvier 2019, avec les effets d'un licenciement nul,
Condamne la société SOCOTEC EQUIPEMENTS à payer à Mme [B] la somme de 50.000 euros à titre d'indemnité, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne la société SOCOTEC EQUIPEMENTS à payer à Mme [B] la somme de 3.932, 18 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 393, 21 euros brut au titre des congés payés afférents, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2019,
Ordonne que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent eux-mêmes intérêt au taux légal,
Fixe le salaire de référence à 1.966, 09 euros brut,
Ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, à hauteur de un mois d'indemnités de chômage,
Condamne la société SOCOTEC EQUIPEMENTS à payer à Mme [S] [B] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des procédures de première instance et d'appel,
Condamne la société SOCOTEC EQUIPEMENTS aux dépens, tant de première instance que d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,