ASB/LD
ARRET N°
N° RG 19/01353
N° Portalis DBV5-V-B7D-FXFD
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE
C/
[H]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 mars 2019 rendu par le tribunal de grande instance de La Roche-Sur-Yon, pôle social
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Mme [V] [L], munie d'un pouvoir
INTIMÉ :
Monsieur [K] [H]
né le 10 août 1978 à [Localité 6] (52)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Anne-Valérie PAPIN, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 10 mai 2022, en audience publique, devant :
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, que l'arrêt serait rendu le 21 juillet 2022. A cette date le délibéré a été prorogé à la date de ce jour.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Fin 2015 et jusqu'en 2016, M. [K] [H], infirmier libéral conventionné, a fait l'objet d'un contrôle de son activité par la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée, visant les actes et soins remboursés par la caisse entre le 1er décembre 2012 et le 31 mars 2016.
Par lettre du 3 août 2016, la caisse a informé M. [H] des anomalies de facturation qu'elle avait relevées.
Par lettre du 14 octobre 2016, la caisse lui a notifié les griefs retenus :
- actes facturés mais non réalisés (faits qualifiés de fraude) : 32.259,38 euros ;
- non respect de la NGAP en matière de facturation (faits qualifiés de faute) : 27.630,86 euros ;
et l'a informé de son droit de formuler des observations et de demander à être de nouveau entendu, dans le délai d'un mois.
Par lettre du 4 novembre 2016, la caisse a notifié à M. [H] un indu de 59.890,24 euros, l'a informé du délai de deux mois dont il disposait pour procéder au paiement de cette somme, présenter des observations ou contester la notification, et l'a informé de la mise en oeuvre d'une procédure aux fins de pénalité financière pour faute et pour fraude.
Par lettre du 17 novembre 2016, la caisse l'a informé de la saisine de la commission des pénalités.
Par lettre du 12 décembre 2016, la directrice de la caisse lui a notifié :
- une pénalité financière pour faute, d'un montant de 7.000 euros,
- une pénalité financière pour fraude, d'un montant de 10.000 euros.
M. [H] a contesté l'indu en saisissant la commission de recours amiable, qui dans sa séance du 21 décembre 2017 a rejeté son recours.
Le 5 février 2018, M. [H] a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche-sur-Yon, devenu pôle social du tribunal de grande instance.
Par jugement du 29 mars 2019, le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, pôle social, a :
- déclaré la procédure de contrôle produite inopposable à M. [H],
- débouté la caisse de sa demande reconventionnelle,
- rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la caisse aux dépens,
Par déclaration du 8 avril 2019, la caisse a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Soutenant oralement à l'audience ses conclusions, la caisse demande à la cour d'infirmer le jugement, et :
$gt; à titre principal :
- constater que les sommes indument versées s'élèvent à 59.890,24 euros,
- constater que la pénalité financière n'a jamais été contestée par M. [H] et qu'elle est donc définitive,
- condamner M. [H] au paiement de la somme de 76.890,24 euros correspondant à la somme de l'indu et de la pénalité financière,
- condamner M. [H] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger que ces sommes seront assorties des intérêts de droit à compter du 'présent jugement',
$gt; à titre subsidiaire :
- constater l'indu afférent à chaque assuré et condamner M. [H] au paiement de ladite somme,
- condamner M. [H] au paiement de la pénalité financière de 17.000 euros,
- condamner M. [H] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger que ces sommes seront assorties des intérêts de droit à compter du 'présent jugement',
$gt; à titre infiniment subsidiaire :
- constater l'indu reconnu par M. [H] concernant les assurés suivants : Mme [J] (indu reconnu à hauteur de 1.237,80 euros), M. [P] [F] (1.910 euros), Mme [A] [F] (1.698 euros), Mme [I] (2.427,56 euros), Mme [G] (10,50 euros),
et condamner M. [H] à payer chacune de ces sommes.
Soutenant oralement à l'audience ses conclusions, M. [H] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la procédure de contrôle produite inopposable à M. [H] et condamné la caisse aux dépens,
- débouter la caisse de ses autres demandes,
- condamner la caisse à payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de nullité et d'inopposabilité
1. La caisse admet dans ses écritures que les premières enquêtes effectuées portaient sur l'activité de Mme [N], avant d'élargir son champ d'investigation à l'activité des trois praticiens du cabinet. Il ne peut être déduit de ce fait que l'enquête n'a pas été menée à l'encontre de M. [H], mais de la seule Mme [N]. Il le peut d'autant moins que M. [H] est désigné dans certains procès-verbaux d'enquête, soit personnellement soit conjointement avec ses deux consoeurs.
Ainsi, le déroulement de l'enquête à partir de l'activité de Mme [N], étendue à l'activité de Mme [M] et de M. [H], ne caractérise pas une violation des principes d'objectivité, de neutralité et d'impartialité prônés par la charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé.
M. [H] a en outre pu faire valoir ses observations.
Enfin, il appartient à la cour d'apprécier la force probante des actes d'enquête produits.
Aucune 'inopposabilité' ou 'nullité' de l'enquête n'est ainsi établie.
2. Par ailleurs, le code de la sécurité sociale organise les modalités d'un 'contrôle médical' tel que défini aux articles L. 315-1 et suivants, contrôle médical qui porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent notamment l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité.
Ces dispositions précisent que le service du contrôle médical constate les abus en matière de soins, de prescription d'arrêt de travail et d'application de la tarification des actes et autres prestations, que ce service procède également à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins.
Ce service médical réalise des examens individuels de patients, il est composé de praticiens-conseils et des personnes placées sous leur autorité.
Le contrôle médical suppose ainsi une analyse médicale des situations, vise à contrôler les éléments médicaux qui conditionnent le bénéfice des prestations sociales.
Ce même article dispose que la procédure d'analyse de l'activité se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret. L'article R. 315-1-1 prévoit ainsi, en application de ce texte, que le service de contrôle médical informe le professionnel avant consultation des dossiers médicaux des patients, audition ou examen de ceux-ci. La Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé rappelle cette obligation d'information préalable dans le cadre d'un contrôle par le service du contrôle médical.
Mais en l'occurrence, le contrôle objet du litige est un contrôle effectué par les seuls services administratifs de la caisse, qui portait sur le respect des règles de tarification posées par la NGAP, du respect de l'adéquation entre les actes effectués et les règles de cotations, sans analyse médicale et notamment sans examen du patient, et visait à déterminer l'existence éventuelle de sommes indument versées au regard des articles L. 133-4, L. 162-1-7, L. 162-9 du code de la sécurité sociale, ou encore 5.2.7. a) de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie, approuvée par arrêté du 18 juillet 2007.
Dès lors, le grief avancé par M. [H], tenant au défaut d'information préalable au contrôle, n'est pas pertinent dans le cadre du présent litige.
Il en est de même des griefs avancés à propos de la notification et de la forme du compte-rendu d'entretien du 16 novembre 2016.
Par ailleurs, la cour retient que M. [H] a pu formuler ses observations auprès de la caisse, notamment lors d'entretien les 20 septembre, avant notification de l'indu du 4 novembre 2016, puis le 16 novembre 2016 dans le cadre des dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. Il ne peut donc en aucune manière se prévaloir d'une atteinte aux droits de la défense.
M. [H] se prévalant également de la Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé, il est rappelé qu'il ne résulte ni de celle-ci, ni des textes applicables en matière de recouvrement de l'indu, qu'un défaut d'application de la charte serait de nature à entraîner l'annulation de la procédure, étant à cet égard observé qu'il n'est prévu aucune sanction en cas de non-respect de la charte, dont le préambule rappelle qu'elle n'a pas vocation à se substituer aux textes législatifs, réglementaires et conventionnels mais qu'elle n'a pour objectif que de contribuer au bon déroulement des opérations de contrôle.
Ainsi, il apparaît que la procédure de contrôle telle que définie par les textes a été respectée.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de nullité de la procédure de vérification.
Sur l'indu
1. En vertu de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale dans ses différentes versions applicables au litige, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :
1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7 [...] ;
2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1 [L. 160-8 à partir du 1er janvier 2016],
l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.
L'article L. 162-1-7 (version en vigueur du 22 décembre 2010 au 28 janvier 2017) précité vise notamment la prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé, dans le cadre d'un exercice libéral [...]. Il subordonne cette prise en charge ou ce remboursement à l'inscription de l'acte ou de la prestation sur une liste établie dans les conditions fixées à cet article.
En outre, en application de l'article L. 162-9 du code de la sécurité sociale, dans ses différentes versions applicables au litige, les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les auxiliaires médicaux sont définis par une convention nationale conclue entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de la profession. Cette convention détermine, notamment, les obligations des caisses primaires d'assurance maladie et celles des auxiliaires médicaux, ainsi que la possibilité de mettre à la charge de l'auxiliaire médical qui ne respecte pas les mesures prévues au 3° du présent article, une partie de la dépense des régimes d'assurance maladie, correspondant aux honoraires perçus au titre des soins dispensés dans des conditions ne respectant pas ces mesures.
L'article 5.2.7. a) de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie, approuvée par arrêté du 18 juillet 2007, prévoit que seuls donnent lieu à un remboursement par l'assurance maladie les actes pour lesquels l'infirmière atteste qu'ils ont été dispensés et rémunérés, conformément à la réglementation en vigueur.
L'erreur ou la négligence du solvens ne font pas obstacle à l'exercice par lui de l'action en répétition.
De même, la bonne foi de l'accipiens ne saurait priver une caisse de son droit au remboursement des sommes indûment versées. Les développements de M. [H] relatifs à des maladresses ou erreurs d'utilisation du logiciel sont donc inopérants au stade de la caractérisation de l'indu.
2.Selon l'article 1315 ancien du code civil, auquel ne déroge pas l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Ainsi, il appartient à la caisse qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation, de justifier de la nature et du montant de cet indu (2e civ., 5 avril 2012, 11-14.385 à 11-14.390), d'établir l'existence du paiement d'une part, son caractère indu d'autre part, étant précisé que cette preuve peut être rapportée par tout moyen (cf. par analogie 2e civ., 27 janvier 2022, 20-18.132, Publié).
Dans le cadre de ce régime probatoire, les procès-verbaux des agents de contrôle établis conformément aux dispositions de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale font foi jusqu'à preuve du contraire.
Lorsque la caisse établit la nature et le montant de l'indu, il appartient au professionnel de santé d'apporter des éléments pour contester l'inobservation des règles de facturation et de tarification retenue par l'organisme de prise en charge au terme du contrôle (cf. 2e civ, 28 novembre 2013, n° 12-26.506 ; 12 mars 2020, n° 19-10.817 ; 3 juin 2021, n° 19-25.055).
En l'espèce, la caisse produit, pour chaque assuré concerné dont l'indu est contesté :
- un tableau présentant, notamment, acte par acte, le montant remboursé par la caisse, le montant de l'indu considéré (« montant anomalie »), le motif de cette anomalie (cotation erronée, .), le grief (« fictif », NGAP, .), et le moyen de preuve (« législation », « enquête », .),
- diverses pièces justificatives.
La cour estime que, ce faisant, la caisse établit la nature et le montant de l'indu, de sorte qu'il appartient à M. [H] d'apporter des éléments contraires.
3.Assurée : Mme [X] (du 21 mai au 2 juin 2015)
La caisse reproche à M. [H] d'avoir facturé des soins de pansements lourds et complexes alors que ceux-ci n'étaient pas prescrits.
A cet égard, il est rappelé que la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP) contient à un titre XVI « Soins infirmiers », qui en son article 3 définit les pansements lourds et complexes comme des « pansements lourds et complexes nécessitant des conditions d'asepsie rigoureuse », tels que les pansements de brûlure étendue ou de plaie chimique ou thermique étendue, sur une surface supérieures à 5 % de la surface corporelle, les pansements d'ulcère étendu ou de greffe cutanée, sur une surface supérieure à 60 cm², les pansements d'amputation nécessitant détersion, épluchage et régularisation, ...
Par ailleurs, l'article 5 de la NGAP énonce que seuls peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d'Assurance Maladie, sous réserve que les personnes qui les exécutent soient en règle vis-à-vis des dispositions législatives, réglementaires et disciplinaires concernant l'exercice de leur profession, les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'une prescription médicale écrite qualitative et quantitative et qu'ils soient de sa compétence.
Or en l'espèce, les deux prescriptions produites par la caisse, datées des 18 mai et 3 juin 2015, font état de pansements sans viser expressément des « pansements lourds et complexes ». L'existence de ces deux prescriptions rend surprenante la production par M. [H] d'un 'duplicata' d'une ordonnance bizone daté par le Dr [B] du 18 mai 2015 et évoquant des 'pansements lourds et complexes'.
La cour relève en outre que M. [H] invoque des plaies 'de grande taille dermatologique' sans plus de précision, ce qui ne correspond pas à la définition précise donnée par la NGAP.
Par ailleurs, la durée de ces pansements (plus de 45 minutes) ne permet pas de caractériser un pansement lourd et complexe au sens de la NGAP.
Enfin, M. [H] ne conteste pas l'allégation de la caisse selon laquelle, à l'occasion de son audition pendant l'enquête, M. [H] a reconnu que les pansements réalisés ne faisaient pas partie des 'pansements lourds et complexes'.
L'indu de 52,02 euros est bien caractérisé.
4.Assurée Mme LB (du 27 décembre 2013 au 22 décembre 2015)
La caisse reproche à M. [H] des actes fictifs, plus précisément d'avoir facturé, pour chaque jour où il est intervenu, des actes infirmiers de soins (AIS3) alors qu'aucun soin n'était dispensé à l'assurée. Elle soutient que l'AMAD intervient quotidiennement auprès de M. [H] depuis le 20 octobre 2015. Elle ajoute qu'avant cette date, soit l'assurée se débrouillait seule, soit la fille de l'assurée passait lever sa mère, et qu'au regard des éléments du dossier la réalisation de soins d'hygiène par des infirmiers n'était pas justifiée.
A cet égard, il est rappelé que selon l'article 11 « Soins infirmiers à domicile » du chapitre 1 « soins de pratique courante » du titre XVI « Soins infirmiers » de la NGAP, la séance de soins infirmiers (cotée AIS3) comprend l'ensemble des actions de soins liées aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne. La cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle.
Il n'est justifié d'aucune formulaire Cerfa « démarche de soins infirmiers - prescription » susceptible de justifier la facturation d'une telle démarche de soins infirmiers.
S'agissant des autres actes facturés, la cour relève qu'il s'agit d'AIS3 (outre les déplacements afférents), de sorte que les développements de M. [H] relatifs à la mise en oeuvre d'un programme d'aide personnalisée (cotation AIS3,1) ou aux actes définissant une 'séance de surveillance clinique infirmière et de prévention (cotation AIS4) sont inopérants.
En outre, les éléments versés aux débats par l'une et l'autre partie établissent que l'AMAD (aides à domicile intervenant depuis le 20 octobre 2015) intervenaient sept jour sur sept matin et soir pour des actions de lever/coucher, accompagnement à la toilette, mise en place du change, ... ; qu'avant cette date sa fille passait la lever, sinon l'assurée se débrouillait seule ; que les infirmiers ('ils'), sans distinction entre eux, ne passaient qu'une fois par jour et pas tous les jours, pour une prise de tension à la demande, une prise de sang une ou deux fois par an, prendre des nouvelles, cela en moins de dix minutes. Il est ainsi établi qu'aucun soin d'hygiène n'était dispensé.
Par ailleurs, la préparation et la surveillance du traitement médicamenteux ne pouvaient être facturées dès lors que l'assurée ne présentait pas de troubles psychiatrique, ce qui est admis.
Les éléments apportés par M. [H] ne concernent pas la période litigieuse.
L'indu est donc bien caractérisé, à hauteur de 7.614,45 euros.
5.Assurée Mme [Y] (du 1er septembre 2013 au 18 août 2014)
La caisse expose que l'assurée, diabétique, a reçu quotidiennement des soins infirmiers tels qu'un test de glycémie et une injection, actes devant être côtés AMI1 + AMI1 et non 1 AIS3 + 1 AMI2 + IFA.
L'absence de pièce versée par la caisse est sans incidence dès lors que la réalité des soins dispensés n'est pas contestée et que seule est débattue leur cotation.
M. [H] ne conteste pas la rectification apportée par la caisse, se contentant d'indiquer avoir procédé sur les conseils de son ancienne associée.
Il ne peut revendiquer la cotation d'un acte (AMA4) qu'il n'indique pas même avoir effectué.
L'indu est donc caractérisé à hauteur de 1.653,60 euros.
6.Assurée Mme [U] (du 31 janvier 2013 au 22 mars 2016)
La caisse reproche à M. [H] d'avoir facturé 2 à 3 AIS3 à l'occasion de ses deux passages quotidiens au domicile de l'assurée, et d'y avoir ajouté des AMI (acte médico-infirmier, tel une injection, une prise de sang).
M. [H] ne peut efficacement soutenir qu'il passait trois fois par jour pendant la période contrôlée, alors que l'assurée, entendue à deux reprises, a évoqué seulement deux passages et précisé en octobre 2016 que les infirmiers désormais passaient trois fois par jour, depuis 2-3 mois, soit postérieurement à la période contrôlée. Les attestations produites par M. [H] ne remettent aucunemenet en cause cette fréquence de deux passages par jour pendant la période contrôlée.
Il est également rappelé qu'une séance de soins infirmiers comprend l'ensemble des actions de soins liées aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne, et que la cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle. Une cotation AIS3 ne peut donc être cumulée avec une cotation AMI.
C'est donc à tort que M. [H] a facturé des AMI.
Par ailleurs, les éléments produits démontrent que la facturation de deux AIS3 pour deux passages par jour au domicile de M. [H] n'est pas remise en cause par la caisse, qui s'oppose en revanche à la facturation de 3AIS sur une même journée au regard de la durée des soins prodigués.
Il est rappelé à cet égard que la cotation AIS 3 est possible « par séance d'une demi-heure, à raison de 4 au maximum par 24 heures ».
Il est également rappelé que pour être valablement facturé, l'acte doit non seulement avoir été prescrit, mais effectivement réalisé.
Or selon l'enquête réalisée, aucune séance ne durait environ 1h pour justifier une cotation de 2 AIS3.
L'indu est donc bien caractérisé, à hauteur de 4.450,13 euros.
7. Assurés : les époux [T] et [Z] (du 27 décembre 2013 au 10 février 2016)
La caisse reproche à M. [H] d'avoir facturé deux passages alors qu'il n'en effectuait qu'un en réalité, d'avoir facturé des soins d'hygiène dispensés à Mme D. alors que celle-ci était autonome pour sa toilette, et d'avoir facturé des indemnités de déplacement pour chacun des deux assurés alors que les soins étaient effectués au cours du même passage au domicile commun.
Le fait que M. [T] n'ait jamais été entendu par l'enquêtrice ne suffit pas en soi à exclure tout indu, dès lors que d'autres éléments sont susceptibles d'être probants.
Il ressort des premières déclarations de Mme [Z] que M. [H] ne passait qu'une fois par jour avant la fin du mois de janvier 2016, et le caractère sibyllin des déclarations faites quelques mois plus tard, en octobre 2016 (« est-il arrivé que les infirmiers passent deux fois par jour avant fin janvier 2016 ' depuis 1 an. ») ne permet pas de contredire les premières déclarations. Cela d'autant moins qu'en février 2016 Mme [Z] avait indiqué qu'il n'y avait pas de soins dispensés le soir, juste une discussion. Les attestations et courriers versés aux débats émanant de Mme [Z], rédigés au présent postérieurement à la période litigieuse, et étant contradictoires entre eux, ne contredisent pas les déclarations.
Aucun élément des débats ne permet de penser que l'agent assermenté de la caisse a influencé les réponses de l'assurée.
S'agissant de Mme [Z], M. [H] ne peut efficacement prétendre à une cotation AIS3 alors qu'aucune DSI n'est versée aux débats pour en préciser la teneur et que l'assurée a déclaré faire sa toilette elle-même.
M. [H] admet la double facturation d'indemnité de déplacement alors que les soins étaient effectués aux deux membres du couple à l'occasion du même passage au domicile.
L'indu est caractérisé à hauteur de 6.979,20 euros concernant M. [T] et à hauteur de 10.394,51 euros concernant Mme [Z].
8.Assuré : M. [C] (du 27 décembre 2013 au 31 janvier 2016)
La caisse reproche à M. [H] d'avoir facturé deux passages par jour alors qu'il ne passait en réalité qu'une seule fois. L'assuré entendu lors de l'enquête a effectivement indiqué en février 2016 que 'le cabinet médical' (tout infirmier du cabinet alternativement) passait chaque jour vers 7h-7h15, et confirmé en octobre 2016 que les infirmiers ne passaient qu'une seule fois par jour, le matin, en 2013, 2014, 2015 ; qu'ils ne passaient 2 fois par jour que depuis 2-3 mois, soit postérieurement à la période contrôlée. L'attestation rédigée par l'assuré en août 2016 à la demande d'un infirmier ne permet pas de contredire ses déclarations à l'agent enquêteur puisqu'il s'exprime au présent et non sur la période litigieuse. L'ordonnance du Dr [O] porte sur des soins en 2012, hors période litigieuse.
Par ailleurs, la DSI établie par Mme [N] ne permet pas d'établir les soins effectivement réalisés.
L'indu est caractérisé à hauteur de 8.380,85 euros.
9. Assurée : Mme [E] (du 27 décembre 2013 au 14 février 2016)
La caisse reproche à M. [H] d'avoir côté de manière inappropriée des pansements d'ulcère qui ne correspondaient pas à des pansements lourds et complexes, ce que M. [H] conteste.
M. [H] ne justifie pas que le(s) pansement(s) réalisé(s) répondaient aux critères d'un pansement lourd et complexe tel que défini à l'article 3 du titre XVI « Soins infirmiers ». L'attestation du Dr [W] est à cet égard imprécise. Les cotations AMI4 et MCI n'étaient donc pas justifiées.
Par ailleurs, l'attestation du fils de l'assurée, qui a fait appel à l'AMAD pour assurer les repas et les toilettes de sa mère, établit suffisamment que l'infirmier passait trois fois par jour pour la préparation et la prise de médicaments, et non pour une séance de soins infirmiers, au demeurant non justifiée.
L'indu est caractérisé à hauteur de 13.239,17 euros.
10. Assurée : Mme MG (du 5 novembre 2013 au 30 janvier 2015)
Les pièces versées aux débats, telles que les déclarations de l'assurée recueillies par l'agent assermenté, établissent que M. [H] ne passait qu'une seule fois au domicile de l'assurée. L'attestation de celle-ci, que produit l'infirmière, a été écrite par la professionnelle de santé avant d'être signée de l'assurée et n'est pas suffisamment précise pour établir l'existence de deux passages. Il est donc considéré que l'indu afférent est établi.
Cet unique passage s'effectuait vers 7h selon l'assurée mais la prescription médicale n'indique nullement la nécessité impérieuse d'un passage de nuit (20h-8h), de sorte que la majoration de nuit n'était pas due.
L'article 23.2 de la NGAP énonce que lorsque l'infirmier(ère) réalise à domicile un pansement lourd et complexe ou des soins inscrits au titre XVI à un patient en soins palliatifs, ces prises en charge donnent lieu à la majoration de coordination infirmier(ère) (MCI) du fait du rôle spécifique de l'infirmier(ère) en matière de coordination, de continuité des soins et de gestion des risques liés à l'environnement. La prise en charge en soins palliatifs est définie comme la prise en charge d'un patient ayant une pathologie grave, évolutive, mettant en jeu le pronostic vital. Elle vise à soulager la douleur et l'ensemble des symptômes digestifs, respiratoires, neurologiques et autres, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.
En l'espèce, les ordonnances produites ne permettent de caractériser ni une prescription de pansement lourd et complexe, ni un patient en soins palliatifs, de sorte que la majoration MCI était indue.
L'indu est donc caractérisé à hauteur de 5.380,86 euros.
11.Assurée : Mme [D] (du 8 décembre 2014 au 13 mai 2015)
L'assurée a indiqué en décembre 2015 que Mme [N] ne passait qu'une fois par jour, le matin vers 8h15, puis confirmé en octobre 2016 que la pratique de chacun des trois infirmiers du cabinet était de ne passer qu'une fois par jour, à partir de 8 heures. Elle précise qu'elle faisait ses piqûres elle-même, ce qui est cohérent avec l'ordonnance initiale du centre hospitalier de [Localité 5], qui a prescrit en décembre 2014 deux passages par jour pendant une semaine puis un seul passage, pour aide à l'adaptation des doses d'insuline.
L'assurée a déclaré que M. [H] passait chez elle après 8h, et M. [H] ne conteste pas avoir indument facturé des majorations de nuit.
L'indu est donc caractérisé à hauteur de 1.512,80 euros.
12.Assurée : Mme [R] (du 7 septembre au 6 octobre 2015)
L'assurée entendue par l'enquêteur assermenté a affirmé que l'infirmier ne passait qu'une fois par jour, dans la matinée (entre 9h30 et 12h30). Le fait que cette assurée ait signé le procès-verbal de l'enquêteur sans relecture, comme elle n'indique dans une attestation, ne permet pas de remettre en cause la sincérité du recueil des déclarations de l'assurée par l'enquêteur.
L'indu est caractérisé à hauteur de 71,33 euros.
13.Assurée : Mme [S] (du 16 février au 28 avril 2015)
M. [H] reconnaît devoir les majorations (MAU) facturées automatiquement par le logiciel.
M. [H] ne conteste pas l'indu relatif à la minoration de la deuxième cotation d'une même séance, indu au demeurant justifié.
Les prescriptions ne mentionnent pas la nécessité impérieuse d'un passage de nuit, de sorte que la majoration afférente ne pouvait être facturée par l'infirmier.
L'assurée ayant déclaré qu'elle n'avait pas eu de soins les 6, 7 et 8 mars 2015 (décès dans sa famille), aucune acte ne pouvait être facturé ces jours-là.
L'indu est donc caractérisé à hauteur de 161,32 euros.
14. Il en résulte que la caisse est bien fondée à réclamer à M. [H] la restitution d'un indu de 59.890, 24 euros.
Le jugement est donc infirmé, et la cour, statuant à nouveau, condamne M. [H] à payer à la caisse ladite somme, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision, conformément à la demande.
Sur les pénalités
Selon l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale jusqu'au 1er janvier 2016, L. 114-17-1 depuis cette date, les professionnels de santé peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ; cette pénalité est due pour toute inobservation des règles du code de la sécurité sociale, du code de la santé publique, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie ; il en va de même lorsque l'inobservation de ces règles a pour effet de faire obstacle aux contrôles ou à la bonne gestion de l'organisme ; le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 50 % de celles-ci lorsqu'elles sont déterminées ou déterminables ; que cependant en cas de fraude établie dans des cas définis par voie réglementaire, ce plafond est porté à 200 % et que la pénalité s'élève au minimum à la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale pour un professionnel de santé.
Selon ce même article, dans sa version applicable, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie qui a saisi la commission des pénalités, décide à réception de l'avis de cette commission, soit de ne pas poursuivre la procédure, soit de notifier à l'intéressé la pénalité qu'il décide de lui infliger, en indiquant le délai dans lequel il doit s'en acquitter ou les modalités selon lesquelles elle sera récupérée sur les prestations à venir. La pénalité est motivée et peut être contestée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.
L'article R. 147-2 énonce que la notification de payer précise la cause, la nature, le montant des sommes réclamées au titre de la pénalité ou de chacune des pénalités prononcées et mentionne l'existence d'un délai de deux mois, à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées, ainsi que les voies et les délais de recours.
Les pénalités financières ont été notifiées à M. [H] par lettre du 12 décembre 2016 reçue au plus tard le 21 décembre 2016 (absence de date de présentation ou de distribution du courrier recommandé, bien que signé ; le 21 décembre 2016 figure sur le cachet de la Poste et atteste de la date de renvoi à expéditeur de l'accusé de réception signé).
M. [H] avait donc jusqu'au 21 février 2017 pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Roche-sur-Yon.
Il était informé de ces voie et délai de recours, qui figuraient au courrier de notification.
Il n'est pas justifié d'une saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale avant cette date relativement aux pénalités. M. [H] est d'ailleurs totalement taisant sur la contestation des pénalités.
Par suite, sa contestation est irrecevable et il y a lieu de le condamner au paiement de ces pénalités financières, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante pour l'essentiel, M. [H] est condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Par suite, M. [H] se trouve condamné à payer à la caisse une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal de grande instance, pôle social, de La Roche-sur-Yon,
Statuant à nouveau de ce chef,
Rejette la demande de nullité et d'inopposabilité de l'enquête et de la procédure de vérification / contrôle,
Condamne M. [K] [H] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée la somme de 76.890,24 euros correspondant à l'indu et à la pénalité financière, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Et y ajoutant,
Condamne M. [H] à payer à la caisse la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [H] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,